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27/06/2018 | FRANCE | N°17-20181

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 juin 2018, 17-20181


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 avril 2017), qu'un arrêt du 11 mai 1992 a prononcé le divorce de M. Y... et de Mme X..., et alloué à celle-ci une prestation compensatoire sous la forme d'une rente viagère mensuelle de 10 000 francs (1524,49 euros) ; que, selon protocole d'accord du 16 octobre 1995, les ex-époux ont partagé la communauté des biens ayant existé entre eux et convenu d'une diminution de la rente à 5 000 francs (762,24 euros) ; que, le 4 mai 2015, M. Y..., invoquant l'avan

tage manifestement excessif procuré à la créancière, a sollicité la...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 19 avril 2017), qu'un arrêt du 11 mai 1992 a prononcé le divorce de M. Y... et de Mme X..., et alloué à celle-ci une prestation compensatoire sous la forme d'une rente viagère mensuelle de 10 000 francs (1524,49 euros) ; que, selon protocole d'accord du 16 octobre 1995, les ex-époux ont partagé la communauté des biens ayant existé entre eux et convenu d'une diminution de la rente à 5 000 francs (762,24 euros) ; que, le 4 mai 2015, M. Y..., invoquant l'avantage manifestement excessif procuré à la créancière, a sollicité la suppression de la rente ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de supprimer la rente mensuelle viagère mise à la charge de M. Y... à son profit, alors, selon le moyen, que l'article 33 VI de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, applicable en la cause, prévoit que le débiteur peut solliciter la révision d'un rente viagère fixée par jugement ou convention avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000, s'il démontre, soit un changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties, soit que le maintien en l'état de la rente procurerait au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères posés par l'article 276 du code civil ; que, pour faire droit à la demande de M. Y... en suppression de la rente viagère, la cour d'appel a relevé « que, surtout, il apparaît que la location de tout ou partie du bien immobilier sis à [...] dès lors qu'elle a choisi de ne pas y résider serait de nature à alléger voire compenser totalement ses charges et accroître ainsi son revenu disponible dans de notables proportions » et « qu'en conséquence, au regard de cet élément, il convient de considérer que la prestation compensatoire qu'elle perçoit sous forme de rente viagère à hauteur de 986 euros lui procure un avantage manifestement excessif » ; qu'en retenant ainsi, pour supprimer la rente viagère, les éventuels revenus qui pourraient être tirés d'un bien s'il en était fait une autre utilisation par le créancier de la prestation compensatoire, la cour d'appel, qui ne s'est pas fondée sur les critères posés par l'article 266 (sic) du code civil, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 33 VI de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a examiné l'évolution de la situation financière des parties et pris en considération à juste titre les revenus que pourrait procurer à Mme X... une gestion utile de son patrimoine, en a souverainement déduit que le maintien de la rente en l'état lui procurerait un avantage manifestement excessif au regard des critères de l'article 276 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les autres branches du moyen, ci-après annexé :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir supprimé la rente mensuelle viagère mise à la charge de Monsieur Y... au profit de Madame X... ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur Y... soutient que la prestation compensatoire procure à Madame X... bénéficie d'un avantage manifestement excessif dû à cette rente, conformément aux dispositions de l'article 276-3 du Code civil ; que la rente litigieuse ayant été fixée avant le 1er juillet 2000, elle peut être révisée en raison d'un changement important dans les ressources ou les besoins des parties ; qu'elle peut en outre être révisée, indépendamment des ressources et besoins des parties à la demande du débiteur ou de ses héritiers « lorsque son maintien en l'état procurerait au créancier un avantage manifestement excessif » ; que c'est à compter de l'année 1995, date du protocole d'accord entre les époux, qu'il convient d'apprécier l'évolution de la situation des parties, étant constaté que le montant actuel de la rente s'élève, avec les effets de l'indexation à la somme de 986 € ;
- Sur l'évolution de la situation financière de Monsieur Y... :
Qu'il ressort de l'avis d'imposition 2016 versé aux débats par l'appelant que son revenu mensuel tiré de sa retraite s'élève à la somme de 4.973 € et ses revenus fonciers à la somme annuelle de 39.553 €, soit une moyenne mensuelle globale de 8.269 € ; que Madame X... ne démontre pas que Monsieur Y... dissimule tout ou partie de ses revenus professionnels et fonciers et en l'absence de preuve contraire, les déclarations de l'appelant doivent être présumées sincères ; qu'il justifie que la SARL ELYNE ne produit aucun bénéfice, cette société ayant été dissoute le 30 juin 2015 ; que les parts sociales des époux dans la SARL TECHNIC OFFSET ont été partagées, soit 150 parts pour chacun des époux ce qui a été pris en compte dans le protocole d'accord du 16 octobre 1995 ; que Monsieur Y..., âgé de 76 ans, justifie par ailleurs de sérieuses difficultés de santé puisqu'après une intervention chirurgicale liée à un cancer du côlon, il a dû subir une arthroscopie du genou en juin 2016 et éprouve des difficultés à se déplacer ; qu'il est chargé de famille, étant père de deux enfants âgés respectivement de 19 et 10 ans ; que l'aîné effectue des études supérieures dont le coût annuel s'élève à la somme de 5.315 € ; qu'il justifie de charges fixes et incompressibles (il n'apparaît pas de charges professionnelles, Monsieur Y... étant à la retraite) à hauteur d'une somme mensuelle 3.736 €, ce qui lui laisse un disponible pour quatre personnes de 4.533 € en assumant les frais d'entretien et d'éducation de deux enfants à charge, l'appelant justifiant que si son épouse a commencé une activité, celle-ci ne génère actuellement aucun revenu comme le montre l'avis d'imposition 2016 ; que les frais de carte bleue, soit 2.135 € par mois ne présentent pas un caractère excessif et un niveau de vie dispendieux pour quatre personnes ; qu'il n'est pas établi notamment que Monsieur Y... ait un train de vie luxueux (véhicule Porsche qui a été vendu en 1995, existence d'une résidence à Bangkok non démontrée) comme le prétend Madame X... qui verse aux débats une attestation émanant de sa fille dont il n'est pas contesté qu'elle n'entretient aucun lien avec son père, à supposer cette attestation recevable ;
- Sur l'évolution de la situation financière de Madame X... :
Qu'il convient de relever que, depuis l'arrêt du 11 mai 1992, est intervenue la liquidation du régime matrimonial des époux le 27 novembre 1995 ; que, pour tenir compte de l'enrichissement du patrimoine de chacun des époux, Madame X... a accepté de réduire le montant de la rente mensuelle à la somme de 5.000 francs ; que l'épouse, âgée de 73 ans, s'est vue en effet attribuer une maison d'habitation de 350 mètres carrés sur la commune de [...] en ARIEGE constituée d'un ancien moulin avec canal et parc privé de plus de 2 hectares, l'ensemble évalué en juin 1995 à la somme de 800.000 francs et qui aurait actuellement une valeur de 350.000 €, hors dépendances ; que Monsieur Y... s'est vu attribuer la maison d'habitation située sur la commune de SAINT GEORGES D'ORQUES qui constitue sa résidence principale ; que, s'il est vrai comme le soutient l'intimée que la prestation compensatoire a été fixée en fonction du patrimoine de chacun des époux, il appartient au juge saisi d'une demande de révision de rechercher si elle ne constitue pas désormais un avantage manifestement excessif ; que Madame X... n'occupe pas le bien immobilier situé [...], qui n'est pas davantage loué, privant ainsi l'intimée d'une source de revenus et donnant lieu au contraire à une charge manifestement excessive pour un bien qu'elle n'occupe pas de manière constante, soit une dépense annuelle d'entretien de 13.000 € par an ; que l'explication donnée par cette dernière quant à ses difficultés de santé la contraignant à consulter une fois par mois un médecin spécialiste en médecine chinoise sur MONTPELLIER n'est pas convaincante ; qu'en effet, outre le fait qu'elle n'établit pas le caractère grave de ses problèmes de santé, elle se dit fatiguée pour faire des aller-retour entre MONTPELLIER et l'ARIEGE mais indique en même temps qu'elle loue un appartement à TARASCON à proximité du domicile [...] au mois une fois par mois imputés par l'intimée sur des charges fixes ; qu'elle justifie percevoir la somme de 1.630 € au titre de sa retraite et la somme de 2.420 € au titre de revenus fonciers, soit une somme mensuelle globale de 4.050 € hors prestation compensatoire ; que les revenus qu'elle déclare seront présumés sincères dès lors que l'appelant ne rapporta pas la preuve d'une quelconque dissimulation ; que, compte tenu des charges fixes et incompressibles dont elle justifie, soit une somme mensuelle de 3.040 € il lui reste un disponible de 1.010 €, étant observé que ses dépenses par carte bancaire s'élèvent mensuellement pour elle seule à la somme de 1.100 € ; que, surtout, il apparaît que la location de toute ou partie du bien immobilier sis à [...] dès lors qu'elle a choisi de ne pas y résider serait de nature à alléger voire compenser totalement ses charges et accroître ainsi son revenu disponible dans de notables proportions ; qu'en conséquence, au regard de cet élément, il convient de considérer que la prestation compensatoire qu'elle perçoit sous forme de rente viagère à hauteur de 986 € lui procure un avantage manifestement excessif ; qu'en conséquence, Monsieur Y... apparaît bien fondé en sa demande de suppression de la rente viagère mise à sa charge et le jugement déféré sera réformé en ce sens ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'article 33 VI de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, applicable en la cause, prévoit que le débiteur peut solliciter la révision d'un rente viagère fixée par jugement ou convention avant l'entrée en vigueur de la loi du 30 juin 2000, s'il démontre, soit un changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties, soit que le maintien en l'état de la rente procurerait au créancier un avantage manifestement excessif au regard des critères posés par l'article 276 du Code civil ; que, pour faire droit à la demande de Monsieur Y... en suppression de la rente viagère, la Cour d'appel a relevé « que, surtout, il apparaît que la location de toute ou partie du bien immobilier sis à [...] dès lors qu'elle a choisi de ne pas y résider serait de nature à alléger voire compenser totalement ses charges et accroître ainsi son revenu disponible dans de notables proportions » et « qu'en conséquence, au regard de cet élément, il convient de considérer que la prestation compensatoire qu'elle perçoit sous forme de rente viagère à hauteur de 986 € lui procure un avantage manifestement excessif » ; qu'en retenant ainsi, pour supprimer la rente viagère, les éventuels revenus qui pourraient être tirés d'un bien s'il en était fait une autre utilisation par le créancier de la prestation compensatoire, la Cour d'appel qui ne s'est pas fondée sur le critères posés par l'article 266 du Code civil, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 33 VI de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la Cour d'appel, après avoir constaté que lors de la liquidation du régime matrimonial des époux en 1995, Madame X... avait accepté de réduire de moitié le montant de la rente mensuelle, « pour tenir compte de l'enrichissement du patrimoine de chacun des époux », Madame X... s'étant vue attribuer une maison d'habitation sur la commune de [...], s'est néanmoins fondée, pour supprimer la rente viagère, sur le fait que « la location de toute ou partie du bien immobilier sis à [...] dès lors qu'elle a choisi de ne pas y résider serait de nature à alléger voire compenser totalement ses charges et accroître ainsi son revenu disponible dans de notables proportions » ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations desquelles il résultait que l'attribution à Madame X... du bien situé à BELLESTA avait déjà été prise en compte lors de la révision conventionnelle de la prestation compensatoire en 1995, a violé les dispositions de l'article 33 VI de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 ;

ALORS, ENFIN, QUE, dans ses conclusions d'appel (p. 5), Madame Y... avait fait valoir que Monsieur Y... « n'indique pas qu'il détient des parts sociales de la SCI SAINT MICHEL, société familiale avec sa fille Karine Y... », « que la SCI SAINT MICHEL procure des revenus deux fois plus élevés depuis 2006, date à laquelle le crédit a été soldé. En effet, les revenus fonciers de cette société sont passés de 7.287 euros en 2003 à 16.282 en 2014 (pièce n° 33 à 37) » et qu'en conséquence, « les revenus fonciers de Monsieur Y... ont donc augmenté depuis 1995 » ; qu'en se bornant à énoncer que les revenus fonciers de Monsieur Y... s'élevaient « à la somme annuelle de 39.553 €, soit une moyenne mensuelle globale de 8.269 € » et « que Madame X... ne démontre pas que Monsieur Y... dissimule tout ou partie de ses revenus professionnels et fonciers et en l'absence de preuve contraire, les déclarations de l'appelant doivent être présumées sincères », sans répondre au moyen soulevé dans les conclusions d'appel de l'exposante et portant sur les revenus fonciers générés par la SCI SAINT MICHEL, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-20181
Date de la décision : 27/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

DIVORCE, SEPARATION DE CORPS - Règles spécifiques au divorce - Prestation compensatoire - Versement - Rente - Rente viagère - Révision - Conditions - Avantage manifestement excessif - Appréciation - Eléments à considérer - Ressources du créancier - Gestion utile de son patrimoine

Pour l'appréciation de l'avantage manifestement excessif au regard des critères posés à l'article 276 du code civil que procurerait au créancier le maintien de la rente viagère fixée par jugement ou convention avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000 relative à la prestation compensatoire en matière de divorce, permettant au débiteur, sur le fondement de l'article 33, VI, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, d'en solliciter la révision, une cour d'appel prend en considération à juste titre les revenus que pourrait lui procurer une gestion utile de son patrimoine


Références :

article 33, VI, de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004.

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 19 avril 2017

Sur la prise en considération des revenus que le créancier pourrait tirer d'une gestion utile de son patrimoine, pour l'appréciation de l'avantage manifestement excessif que lui procurerait le maintien de la rente viagère fixée avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000, à rapprocher : 1re Civ., 27 octobre 1992, pourvoi n° 91-12793, Bull. 1992, I, n° 266 (cassation), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 jui. 2018, pourvoi n°17-20181, Bull. civ.Bull. 2018, I, n° 112
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, I, n° 112

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.20181
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