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27/06/2018 | FRANCE | N°17-13390

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 27 juin 2018, 17-13390


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, sur le fondement d'une marque verbale « BE », la société RMP a fait opposition à l'enregistrement en tant que marque, à la demande de la société Planet'Mod'Exploitation, du signe verbal « Beshopping.fr », pour désigner des produits, en partie, identiques ou similaires ; que le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a partiellement reçu cette opposition ;

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Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une déci...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, sur le fondement d'une marque verbale « BE », la société RMP a fait opposition à l'enregistrement en tant que marque, à la demande de la société Planet'Mod'Exploitation, du signe verbal « Beshopping.fr », pour désigner des produits, en partie, identiques ou similaires ; que le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a partiellement reçu cette opposition ;

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que pour annuler cette décision, l'arrêt retient que, visuellement, si les deux signes ont en commun le terme « Be », ils se distinguent nettement par leur présentation, ce terme de deux lettres étant présenté seul, en majuscules, dans la marque antérieure, tandis qu'il est associé, sans espace, aux termes « shopping.fr » dans la marque contestée, seule sa première lettre étant en majuscules, que, phonétiquement, les signes n'ont en commun que leur sonorité d'attaque « bi », selon la prononciation usuelle à l'anglaise, qui constitue la sonorité, rythmée sur un temps, de la marque antérieure, tandis que la marque contestée, rythmée sur huit temps, présente une sonorité finale très différente, que, conceptuellement, le terme « Be » constitue l'impératif du verbe « to be », « être » en anglais, qu'isolé, dans la marque antérieure, il ne sera pas nécessairement traduit et s'il l'est, sera compris comme une pure injonction existentielle, sans autre évocation, tandis qu'accompagnée de façon inhabituelle du verbe « shopping » dans la marque contestée, l'expression sera perçue comme une invitation au shopping, à la manière d'une attitude à adopter, les termes « be » et « shopping » étant d'égale importance et tirant leur pouvoir distinctif de leur association ; qu'il ajoute que la définition du terme « shopping » dans le dictionnaire, Le Petit Larousse, auquel se réfère le directeur général de l'INPI, ne se limite pas à « faire des achats » et comprend l'« action d'aller dans les magasins pour regarder les étalages et faire des achats », qu'ainsi, pris isolément, il n'est pas dépourvu de tout arbitraire à l'égard des produits et services visés à l'enregistrement, et, enfin, que la terminaison par l'extension de nom de domaine « .fr » renvoie implicitement à un service en ligne ; qu'il en déduit que l'impression d'ensemble diffère sur tous les plans, de sorte que le signe contesté ne saurait constituer l'imitation de la marque antérieure ni laisser penser au consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, même pour des produits et services identiques ou similaires, qu'il pourrait en être une déclinaison ou que les produits et services pourraient avoir une origine commune ou provenir d'entreprises économiquement liées ;

Qu'en se déterminant ainsi, au vu des seules différences relevées entre les signes, sans rechercher si les ressemblances existantes n'étaient pas de nature à créer un risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément sous les yeux les deux marques, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Planet'Mod'Exploitation aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société RMP la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société RMP.

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a annulé la décision du Directeur général de l'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE du 26 novembre 2016 qui a reconnu partiellement justifiée l'opposition 15-2378 ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la marque contestée n'étant pas la reproduction à l'identique de la marque invoquée, faute de la reproduire sans modification ni ajout en tous les éléments la composant, il convient de rechercher s'il existe entre les signes en présence un risque de confusion, incluant le risque d'association, qui doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci ; Considérant que, visuellement, si les deux signes ont en commun le terme "BE", ils se distinguent nettement par leur présentation, ce terme de deux lettres étant présenté seul, en majuscules, dans la marque antérieure, alors qu'il est associé, sans espace, aux termes "shopping.fr" dans la marque contestée, seule sa première lettre étant en majuscules, les onze autres lettres du signe étant en minuscules ; Que, phonétiquement, les signes n'ont en commun que leur sonorité d'attaque "Bi" ("BE" se prononçant usuellement à l'anglaise), qui constitue la seule sonorité de la marque antérieure, rythmée sur un temps, alors que la marque contestée, rythmée sur huit temps (bi/sho/ping/point/f/r), présente une sonorité finale très différente. Que, conceptuellement, le terme "BE" constitue l'impératif du verbe "to be" ("être" en anglais) ; qu'isolé, dans la marque antérieure, il ne sera pas nécessairement traduit et s'il l'est, il sera compris comme une pure injonction existentielle, sans autre évocation, qu'accompagné de façon inhabituelle du verbe en -ing "shopping", dans la marque contestée, l'expression sera perçue comme une invitation au shopping, à la manière d'une attitude à adopter les termes "be" et "shopping" étant d'égale importance et tirant leur pouvoir distinctif de leur association ; qu'à cet égard, il doit être relevé que la définition du terme "shopping" dans le dictionnaire Le Petit Larousse, auquel se réfère le directeur général de l'INPI ne se limite pas à "faire des achats" et comprend l'"action d'aller dans les magasins pour regarder les étalages et faire des achats" ; que, pris isolément, il n'est donc pas dépourvu de tout arbitraire à l'égard des produits et services visés à l'enregistrement ; que la terminaison par l'extension de nom de domaine ",fr", renvoie ici implicitement à un service en ligne ; Que si l'identité ou la similarité des services en cause peut compenser la faible similitude entre les signes, encore faut-il que cette similitude soit suffisante, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, où l'impression d'ensemble diffère sur tous les plans. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le signe contesté ne saurait constituer l'imitation de la marque antérieure ni laisser penser au consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, même pour des produits et services identiques ou similaires, qu'elle pourrait en être une déclinaison ou que les produits et services pourraient avoir une origine commune ou provenir d'entreprises économiquement liées ; Qu'en l'absence de risque de confusion, le recours en annulation doit en conséquence, être accueilli et la décision attaquée sera annulée » ;

ALORS QUE, PREMIEREMENT, l'existence d'un risque de confusion doit être appréciée en fonction du degré de similitude existant entre les signes en présence, en se fondant sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci sur le consommateur d'attention moyenne et en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; qu'il s'agit ainsi d'apprécier les ressemblances et non de constater des différences ; qu'en se déterminant au cas d'espèce, au vu des seules différences relevées entre les deux signes, sans rechercher si les ressemblances existantes entre les marques « BE » et « Beshopping.fr » ne créaient pas un risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément les deux signes sous les yeux, la Cour d'appel a violé les articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, un faible degré de similitude entre les signes peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ou services couverts ; qu'en se bornant au cas d'espèce à considérer que « l'impression d'ensemble diffère sur tous les plans » sans rechercher si, en l'état de la similitude des produits et services en cause, qu'elle a, a par ailleurs constatée, les ressemblances existant entre les signes en présence n'étaient pas de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur d'attention moyenne n'ayant pas simultanément les deux signes sous les yeux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

ALORS QUE, TROISIEMEMENT, la notoriété de la marque antérieure est un facteur pertinent de l'appréciation du risque de confusion, en ce qu'elle confère à cette marque un caractère distinctif particulier ; qu'au cas d'espèce, la société RMP soutenait, dans son opposition à l'enregistrement de la marque « Beshopping.fr » que le risque de confusion était aggravé par le caractère distinctif élevé de la marque communautaire « BE », qu'elle jouissait « d'une importante notoriété, notamment en relation avec un magazine et un site Internet (
) et en particulier pour présenter des tendances en matière de mode, de beauté
et des coups de coeur "shopping" » et que « la marque BE est utilisée et bien connue dans le domaine de la mode, de l'habillement et des vêtements, à travers notamment un site de vente de produits y afférent www.be.com et ce depuis plusieurs années » (exposé des moyens tirés de la comparaison de signes, annexe de l'opposition du 27 mai 2015, p. 1, §7 et p. 2, dernier §) ; que ce moyen était accompagné de pièces destinées à démontrer la notoriété de la marque ; qu'en s'abstenant de rechercher l'incidence de cette notoriété sur le risque de confusion, la Cour d'appel a violé les articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, tels qu'ils doivent s'interpréter à la lumière de l'article 4 de la directive 2008/ 95/ CE du 22 octobre 2008 ;

ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, lorsque la dénomination de la marque antérieure est composée d'un seul terme mais que ce terme est repris, accompagné d'un autre terme, par une autre marque, un risque de confusion peut résulter d'un risque d'association, le public étant porté à croire à l'existence d'un lien entre les marques en cause ; que dans cette hypothèse, il appartient aux juges d'appel de s'interroger sur les caractères distinctifs de chacun des termes en cause, sans pouvoir se fonder sur le seul caractère distinctif de la combinaison des deux termes ; qu'en s'abstenant de procéder à une telle recherche, qui lui était expressément demandée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;

ET ALORS QUE, QUATRIEMEMENT, le caractère distinctif d'un signe n'exclut pas l'existence d'un risque de confusion avec une marque antérieure ; qu'en décidant dès lors, que la circonstance que le signe contesté présente un caractère distinctif exclurait tout risque de confusion avec le signe antérieur, la Cour d'appel a violé les articles L. 711-4 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-13390
Date de la décision : 27/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 22 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 27 jui. 2018, pourvoi n°17-13390


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Monod, Colin et Stoclet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.13390
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