LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, réunis :
Vu les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, 5 et 12 du code de procédure civile ;
Attendu que si elle n'est valablement saisie qu'après rejet explicite ou implicite de la réclamation préalable prévue par le premier de ces textes, il appartient à la juridiction du contentieux général de se prononcer sur le fond du litige, les moyens soulevés devant elle et tirés d'une irrégularité de la décision de la commission de recours amiable étant inopérants ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la commission de recours amiable de l'URSSAF de Paris et région parisienne, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF), ayant, par décision du 12 septembre 2011, rejeté la réclamation formée par la société Lilly France (la société) contre une décision de redressement consécutive à un contrôle, celle-ci a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que, pour annuler la décision de la commission de recours amiable et ordonner à l'URSSAF de rembourser à la société les sommes versées par celle-ci en exécution de la mise en demeure, l'arrêt retient qu'il résulte de la décision du Conseil d'Etat du 4 novembre 2016 que l'article 6 de l'arrêté du 19 juin 1969 relatif à la désignation des membres des commissions de recours gracieux des organismes de sécurité sociale et des assesseurs des commissions de première instance du contentieux de la sécurité sociale ainsi qu'au fonctionnement des commissions de recours gracieux est illégal et, qu'en conséquence, la composition de la commission de recours amiable ayant statué, le 12 septembre 2011, sur le recours formé par la société, est nécessairement irrégulière ; que la société ne peut contester, devant la juridiction de sécurité sociale, la mise en demeure qui lui a été délivrée sans saisir préalablement la commission de recours amiable, mais que cette saisine est inopérante puisque cette dernière étant irrégulièrement composée, la décision qu'elle rendra sera nécessairement irrégulière ; que les autorités législatives et réglementaires ont choisi d'organiser un processus en deux étapes, l'une devant nécessairement précéder l'autre, et que rien n'autorise le juge à priver l'une des parties de la chance de voir le litige tranché par une commission ; que, bien que cette situation n'affecte pas la validité de la mise en demeure, l'URSSAF n'est pas fondée à conserver par devers elle des sommes qui ne lui ont été versées qu'en exécution de celle-ci, que la société se trouve dans l'impossibilité de contester pour des raisons qui échappent en totalité à son contrôle ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la société avait formé, au préalable, une réclamation auprès de la commission de recours amiable de l'URSSAF, qui l'avait rejetée, de sorte qu'elle était saisie du fond du litige, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Lilly France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Lilly France et la condamne à payer à l'URSSAFd'Ile-de-France la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour l'URSSAF d'Ile-de-France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 15 juillet 2014, annulé la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf en date du 12 septembre 2011 et d'AVOIR en conséquence ordonné le remboursement par l'Urssaf Ile-de-France de la somme de 8.650.901 euros, outre les majorations de retard y afférents, à la société Lilly France, ordonné que ces sommes portent intérêt au taux légal à compter du 18 octobre 2011, ordonné la capitalisation des intérêts au sens de l'article 1154 du code civil et d'AVOIR condamné l'Urssaf Ile-de-France à payer à la société Lilly France la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE sur la décision de la commission de recours amiable du 12 septembre 2011; qu'il résulte de l'arrêt du Conseil d'Etat du 4 novembre 2016, précité, que l'article 6 de l'arrêté, relatif à la désignation des membres des commissions de recours gracieux des organismes de sécurité sociale, est illégal ; qu'il en résulte que la composition de la commission de recours amiable de l'Urssaf qui a statué, le 12 septembre 2011, sur le recours formé par la société Lilly France à l'encontre de la décision de cet organisme de maintenir en totalité le redressement opéré à la suite du contrôle effectué en 2009, est nécessairement irrégulière ; que partant, la décision prise par la CRA, le 12 septembre 2011, est elle-même irrégulière et doit être annulée ; Sur les conséquences de l'annulation de la décision de la CRA du 12 septembre 2011; que la cour ne peut que relever, avec l'Urssaf, que la Société s'empare de cette annulation pour affirmer être confrontée à une impossibilité d'agir juridiquement qui doit avoir pour conséquence la restitution de la somme de 160.558 euros (sic !), augmentée des intérêts de retard, avec capitalisation, qu'elle a versée à la suite du redressement décidé par l'Urssaf, mais ne conteste pas en soi le bien-fondé ce de redressement ; que pour séduisants qu'ils soient, les arguments développés par l'Urssaf pour conduire la cour à statuer au fond doivent être écartés ; qu'il est exact, comme le soutient l'Urssaf, qu'une entreprise puisse saisir une juridiction de sécurité sociale dans plusieurs hypothèses où une CRA n'aurait pas statué ; mais que, ce faisant, l'Urssaf déplace le débat ; que ces possibilités sont expressément prévues par les textes, qu'il s'agisse de l'opposition formée à une contrainte (laquelle suppose, d'ailleurs, la délivrance préalable d'une mise en demeure) ou le recours formé dans le silence de la commission de recours amiable ; que dans cette dernière hypothèse, spécialement, la saisine directe, si l'on ose écrire, du tribunal des affaires de sécurité sociale n'est possible que parce que la CRA est réputée avoir rendu une décision, implicite, de rejet ; qu'il doit d'ailleurs être argumenté que, dès lors que la composition de la CRA est irrégulière, une décision même implicite est également irrégulière ; que la situation procédurale est donc la suivante: la Société ne peut contester devant la juridiction de sécurité sociale la mise en demeure qui lui a été délivrée sans saisir préalablement la commission de recours amiable; qu'or, cette saisine est inopérante puisque, la CRA étant irrégulièrement composée, la décision qu'elle rendra, que ce soit implicitement ou explicitement, sera nécessairement irrégulière ; qu'il pourrait en être déduit que le juge judiciaire (à toutes fins, la cour précise que la CRA n'est pas une juridiction au sens de la CEDH) peut en tout état de cause être saisi et, dès lors, statuer au fond ; que cette solution ne peut toutefois être retenue ; qu'en effet, les autorités législatives et réglementaires ont choisi d'organiser un processus en deux étapes, l'une devant nécessairement précéder l'autre lorsqu'il s'agit d'une mise en demeure ; que ce processus est destiné à permettre, d'abord, le règlement du conflit entre deux personnes de droit privé, quand bien même l'une (l'Urssaf) est investie d'une mission de service public ; que rien n'autorise le juge judiciaire à priver l'une des parties de la chance de voir le litige tranché par une commission ; que l'Urssaf pourrait d'ailleurs, dans une situation inverse, être fondée à contester avoir été privé de faire valoir ses arguments dans le cadre de la procédure devant la commission ; que l'effet dévolutif de l'appel, invoqué par la société en toute fin de ses conclusions, ne saurait avoir pour effet d'obliger la cour à ne pas respecter l'ordre processuel déterminé par les autorités compétentes ; qu'il importe peu, à cet égard, que la cour ne puisse que s'étonner que, bien que l'irrégularité de la composition des CRA soit désormais connue depuis longtemps, rien n'ait été entrepris pour y remédier, au risque d'une multiplication inutile des contentieux et, bien plus, d'une diminution importante des montants collectés par les Urssaf ; que quoi qu'il en soit, la situation est donc celle d'une impasse juridique, qu'il n'appartient pas à la cour de trancher ; que cette situation n'a pas pour effet de priver la Société du recours au « juge » puisqu'il suffirait que la commission de recours amiable soit régulièrement composée pour que le recours soit effectif, la condition de saisine préalable de la CRA pouvant dès lors être remplie ; que de plus, cette situation n'a aucunement pour effet d'invalider la mise en demeure qui a été délivrée à la Société le 30 novembre 2009 ; que la Société a volontairement payé la somme de 8.650.901 euros correspondant aux montants des cotisations redressées par l'Urssaf (à toutes fins, la cour rappelle que le paiement intégral des montants de cotisations objets du redressement est seul de nature à interrompre le cours des majorations de retard) ; que pour les raisons indiquées plus haut, la cour de céans se trouve empêchée de statuer sur la validité de la mise en demeure ; qu'il en résulte que, quelle que soit cette validité, l'Urssaf n'est pas fondée à conserver par devers elle une somme qui ne pourrait lui rester acquise qu'en raison d'une mise en demeure valable, mise en demeure qu'il est, en droit, loisible au cotisant de contester, dans son principe comme dans son montant mais que la Société, pour les raisons ci-dessus exposées, se trouve, en pratique, dans l'impossibilité de contester pour des raisons qui échappent en totalité à son contrôle ; que dès lors, il est juste d'ordonner la restitution à la société Lilly France des sommes payées, soit la somme de 8.650.901 euros ; que s'agissant des intérêts de retard sur ces sommes, il est légitime que l'Urssaf doivent les payer et d'en ordonner la capitalisation, comme demandé par la Société ; Sur les conséquences de la présente décision ; que l'Urssaf sollicite de la cour que, pour des motifs impérieux d'intérêt général, le présent arrêt soit considéré comme n'ayant pas d'effet rétroactif et soit modulé quant à ses effets dans le temps ; que la cour souligne qu'elle ne dispose certainement pas du pouvoir de prendre une décision qui s'imposerait à tous et en tout lieu, quand bien même de nombreux dossiers peuvent présenter des traits communs avec le présent dossier, et qu'elle n'entend en aucune manière, par le présent arrêt, préjuger en quelque manière que ce soit des solutions qui seraient apportées à ces autres dossiers relevant de sa compétence, sauf naturellement à apporter, toutes choses égales par ailleurs, la même réponse à une situation identique à laquelle elle serait confrontée, comme cela pourrait être le cas dans les deux dossiers évoqués plus hauts par la cour ; Sur l'article 700 du code de procédure civile ; que compte tenu des circonstances ci -dessus décrites, il est juste de condamner l'Urssaf à payer à la Société une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
1) ALORS QUE le seul fait que l'article 6 de l'arrêté interministériel du 19 juin 1969 relatif à la désignation des membres des commissions de recours gracieux des organismes des sécurité social ait été déclaré illégal par décision du Conseil d'Etat du 4 novembre 2016 ne permet pas de déduire que la composition de la commission de recours amiable de l'Urssaf ayant statué en 2011 est « nécessairement irrégulière » ; qu'en affirmant le contraire sans s'être prononcée préalablement, comme elle était invitée par les parties et par la décision du 24 avril 2017 du tribunal des Conflits , sur la légalité de la délibération du 21 décembre 2010 par laquelle le conseil d'administration de l'Urssaf Ile-de-France a désigné les membres de la commission de recours amiable pour l'année 2011, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 213- 2, R. 142-1, R. 142-2 et D. 213-3 du code de la sécurité sociale.
2) ALORS en tout état de cause QU' il n'y a pas de nullité sans texte ; qu'aucun texte ne prévoit que l'irrégularité de la composition de la commission de recours amiable, qui n'est pas une juridiction mais une émanation du conseil d'administration de l'organisme de sécurité sociale seulement chargée de se prononcer sur des recours gracieux, est sanctionnée par la nullité de ses décisions ; qu'en jugeant que l'irrégularité de la composition de la commission de recours amiable de l'Urssaf devait entraîner l'annulation sa décision prise le 12 septembre 2011, la cour d'appel a violé les articles R. 142-1, R. 142-2 du code de la sécurité sociale, l'article 430 du code de procédure civile, ensemble le principe pas de nullité sans texte.
3) ALORS en tout état de cause QU'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n'est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; que la décision de la commission de recours amiable ne constitue pas un acte de procédure au sens de l'article 114 du code de procédure civile, susceptible d'être annulé pour vice de forme ; qu'en jugeant que l'irrégularité de la composition de la commission de recours amiable de l'Urssaf devait entraîner l'annulation de sa décision prise le 12 septembre 2011, la cour d'appel a violé l'article 114 du code de procédure civile.
4) ALORS en tout état de cause QU'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n'est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; que les règles relatives à la composition de la commission de recours amiable ne sont pas prescrites à peine de nullité ; qu'en jugeant que l'irrégularité de la composition de la commission de recours amiable de l'Urssaf devait entraîner l'annulation de sa décision prise le 12 septembre 2011, sans préciser en quoi l'absence de respect des règles relatives à la composition de la commission de recours amiable, non prévues à peine de nullité, constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 114 du code de procédure civile.
5) ALORS en tout état de cause QUE la nullité d'un acte de procédure pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; qu'en jugeant que l'irrégularité de la composition de la commission de recours amiable de l'Urssaf devait entraîner l'annulation de sa décision du 12 septembre 2011 sans constater l'existence d'un grief causé par cette irrégularité à la société Lilly France, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 114 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, infirmant le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 15 juillet 2014, annulé la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf en date du 12 septembre 2011et d'AVOIR ordonné le remboursement par l'Urssaf Ile-de-France de la somme de 8.650.901 euros, outre les majorations de retard y afférents, à la société Lilly France, ordonné que ces sommes portent intérêt au taux légal à compter du 18 octobre 2011, ordonné la capitalisation des intérêts au sens de l'article 1154 du code civil et d'AVOIR condamné l'Urssaf Ile-de-France à payer à la société Lilly France la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE sur la décision de la commission de recours amiable du 12 septembre 2011; qu'il résulte de l'arrêt du Conseil d'Etat du 4 novembre 2016, précité, que l'article 6 de l'arrêté, relatif à la désignation des membres des commissions de recours gracieux des organismes de sécurité sociale, est illégal ; qu'il en résulte que la composition de la commission de recours amiable de l'Urssaf qui a statué, le 12 septembre 2011, sur le recours formé par la société Lilly France à l'encontre de la décision de cet organisme de maintenir en totalité le redressement opéré à la suite du contrôle effectué en 2009, est nécessairement irrégulière ; que partant, la décision prise par la CRA, le 12 septembre 2011, est elle-même irrégulière et doit être annulée ; Sur les conséquences de l'annulation de la décision de la CRA du 12 septembre 2011; que la cour ne peut que relever, avec l'Urssaf, que la Société s'empare de cette annulation pour affirmer être confrontée à une impossibilité d'agir juridiquement qui doit avoir pour conséquence la restitution de la somme de 160.558 euros (sic !), augmentée des intérêts de retard, avec capitalisation, qu'elle a versée à la suite du redressement décidé par l'Urssaf, mais ne conteste pas en soi le bien-fondé ce de redressement ; que pour séduisants qu'ils soient, les arguments développés par l'Urssaf pour conduire la cour à statuer au fond doivent être écartés ; qu'il est exact, comme le soutient l'Urssaf, qu'une entreprise puisse saisir une juridiction de sécurité sociale dans plusieurs hypothèses où une CRA n'aurait pas statué ; mais que, ce faisant, l'Urssaf déplace le débat ; que ces possibilités sont expressément prévues par les textes, qu'il s'agisse de l'opposition formée à une contrainte (laquelle suppose, d'ailleurs, la délivrance préalable d'une mise en demeure) ou le recours formé dans le silence de la commission de recours amiable ; que dans cette dernière hypothèse, spécialement, la saisine directe, si l'on ose écrire, du tribunal des affaires de sécurité sociale n'est possible que parce que la CRA est réputée avoir rendu une décision, implicite, de rejet ; qu'il doit d'ailleurs être argumenté que, dès lors que la composition de la CRA est irrégulière, une décision même implicite est également irrégulière ; que la situation procédurale est donc la suivante: la Société ne peut contester devant la juridiction de sécurité sociale la mise en demeure qui lui a été délivrée sans saisir préalablement la commission de recours amiable; qu'or, cette saisine est inopérante puisque, la CRA étant irrégulièrement composée, la décision qu'elle rendra, que ce soit implicitement ou explicitement, sera nécessairement irrégulière ; qu'il pourrait en être déduit que le juge judiciaire (à toutes fins, la cour précise que la CRA n'est pas une juridiction au sens de la CEDH) peut en tout état de cause être saisi et, dès lors, statuer au fond ; que cette solution ne peut toutefois être retenue ; qu'en effet, les autorités législatives et réglementaires ont choisi d'organiser un processus en deux étapes, l'une devant nécessairement précéder l'autre lorsqu'il s'agit d'une mise en demeure ; que ce processus est destiné à permettre, d'abord, le règlement du conflit entre deux personnes de droit privé, quand bien même l'une (l'Urssaf) est investie d'une mission de service public ; que rien n'autorise le juge judiciaire à priver l'une des parties de la chance de voir le litige tranché par une commission ; que l'Urssaf pourrait d'ailleurs, dans une situation inverse, être fondée à contester avoir été privé de faire valoir ses arguments dans le cadre de la procédure devant la commission ; que l'effet dévolutif de l'appel, invoqué par la société en toute fin de ses conclusions, ne saurait avoir pour effet d'obliger la cour à ne pas respecter l'ordre processuel déterminé par les autorités compétentes ; qu'il importe peu, à cet égard, que la cour ne puisse que s'étonner que, bien que l'irrégularité de la composition des CRA soit désormais connue depuis longtemps, rien n'ait été entrepris pour y remédier, au risque d'une multiplication inutile des contentieux et, bien plus, d'une diminution importante des montants collectés par les Urssaf ; que quoi qu'il en soit, la situation est donc celle d'une impasse juridique, qu'il n'appartient pas à la cour de trancher ; que cette situation n'a pas pour effet de priver la Société du recours au « juge » puisqu'il suffirait que la commission de recours amiable soit régulièrement composée pour que le recours soit effectif, la condition de saisine préalable de la CRA pouvant dès lors être remplie ; que de plus, cette situation n'a aucunement pour effet d'invalider la mise en demeure qui a été délivrée à la Société le 30 novembre 2009 ; que la Société a volontairement payé la somme de 8.650.901 euros correspondant aux montants des cotisations redressées par l'Urssaf (à toutes fins, la cour rappelle que le paiement intégral des montants de cotisations objets du redressement est seul de nature à interrompre le cours des majorations de retard) ; que pour les raisons indiquées plus haut, la cour de céans se trouve empêchée de statuer sur la validité de la mise en demeure ; qu'il en résulte que, quelle que soit cette validité, l'Urssaf n'est pas fondée à conserver par devers elle une somme qui ne pourrait lui rester acquise qu'en raison d'une mise en demeure valable, mise en demeure qu'il est, en droit, loisible au cotisant de contester, dans son principe comme dans son montant mais que la Société, pour les raisons ci-dessus exposées, se trouve, en pratique, dans l'impossibilité de contester pour des raisons qui échappent en totalité à son contrôle ; que dès lors, il est juste d'ordonner la restitution à la société Lilly France des sommes payées, soit la somme de 8.650.901 euros ; que s'agissant des intérêts de retard sur ces sommes, il est légitime que l'Urssaf doivent les payer et d'en ordonner la capitalisation, comme demandé par la Société ; Sur les conséquences de la présente décision ; que l'Urssaf sollicite de la cour que, pour des motifs impérieux d'intérêt général, le présent arrêt soit considéré comme n'ayant pas d'effet rétroactif et soit modulé quant à ses effets dans le temps ; que la cour souligne qu'elle ne dispose certainement pas du pouvoir de prendre une décision qui s'imposerait à tous et en tout lieu, quand bien même de nombreux dossiers peuvent présenter des traits communs avec le présent dossier, et qu'elle n'entend en aucune manière, par le présent arrêt, préjuger en quelque manière que ce soit des solutions qui seraient apportées à ces autres dossiers relevant de sa compétence, sauf naturellement à apporter, toutes choses égales par ailleurs, la même réponse à une situation identique à laquelle elle serait confrontée, comme cela pourrait être le cas dans les deux dossiers évoqués plus hauts par la cour ; Sur l'article 700 du code de procédure civile ; que compte tenu des circonstances ci -dessus décrites, il est juste de condamner l'Urssaf à payer à la Société une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
1) ALORS QUE si la cour d'appel peut constater la nullité de la décision de la commission de recours amiable de l'Urssaf à raison de son irrégularité, elle doit néanmoins trancher le litige au fond, cette nullité n'affectant pas le redressement notifié par l'organisme social ; qu'en jugeant, après avoir annulé la décision de la commission de recours amiable du 12 septembre 2011, qu'elle ne pouvait statuer sur le fond du litige car elle était dans une impasse juridique et se trouvait empêchée de statuer sur la validité de la mise en demeure, de sorte que l'Urssaf devait rembourser les sommes issues du redressement, la cour d'appel a violé les articles 5 et12 du code de procédure civile et les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale.
2) ALORS QUE la société cotisante n'est pas dans l'impossibilité de contester le redressement dont elle a fait l'objet si elle a saisi la commission de recours amiable pour contester son redressement et qu'elle a ensuite formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, puis devant la cour d'appel, laquelle doit trancher le litige au fond en dépit de la nullité de la décision de la commission de recours amiable ; qu'en jugeant que la société Lilly France se trouvait, en pratique, dans l'impossibilité de contester sa mise en demeure de sorte que l'Urssaf devait lui rembourser les sommes payées en exécution de celle-ci, lorsqu'il résultait des faits et de la procédure que la société Lilly France avait saisi la commission de recours amiable pour contester son redressement, puis le tribunal des affaires de sécurité sociale qui avait confirmé la décision de la commission de recours amiable par jugement du 15 juillet 2014, puis régulièrement interjeté appel de cette décision, ce dont il résultait qu'elle avait parfaitement pu contester le redressement litigieux et qu'il appartenait à la cour d'appel de statuer sur le bien-fondé dudit redressement, la cour d'appel a violé les articles 5 et12 du code de procédure civile, les articles R. 142-1 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 6§1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3) ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et ne peut fonder sa décision sur l'équité ; qu'en considérant qu'il était « juste » d'ordonner la restitution par l'Urssaf à la société Lilly France des sommes payées en exécution de la mise en demeure, après avoir pourtant refusé de statuer sur la validité de cette mise en demeure et sur le bien fondé du redressement, la cour d'appel qui n'a pas précisé le fondement juridique de sa décision, a statué en équité en violation de l'article 12 du code de procédure civile.