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20/06/2018 | FRANCE | N°16-25505

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 juin 2018, 16-25505


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 septembre 2016), que M. Y..., engagé par la société Picon électricité le 25 janvier 2001 en qualité d'ouvrier d'exécution, exerçant en dernier lieu les fonctions de maître ouvrier et candidat aux élections professionnelles, a été convoqué le 7 octobre 2013, à un entretien préalable, fixé au 16 octobre 2013, en vue de son licenciement, l'employeur lui notifiant une mise à pied conservatoire ; que le salarié ayant, le 16 oct

obre 2013, pris acte de la rupture de son contrat de travail, a saisi, le 21 oct...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 septembre 2016), que M. Y..., engagé par la société Picon électricité le 25 janvier 2001 en qualité d'ouvrier d'exécution, exerçant en dernier lieu les fonctions de maître ouvrier et candidat aux élections professionnelles, a été convoqué le 7 octobre 2013, à un entretien préalable, fixé au 16 octobre 2013, en vue de son licenciement, l'employeur lui notifiant une mise à pied conservatoire ; que le salarié ayant, le 16 octobre 2013, pris acte de la rupture de son contrat de travail, a saisi, le 21 octobre 2013, la juridiction prud'homale pour voir dire que sa prise d'acte produisait les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul et de la condamner à payer au salarié diverses sommes alors, selon le moyen :

1°/ que ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile, la cour d'appel qui statue par des motifs contradictoires et par voie d'affirmation, sans même viser ni analyser les pièces sur lesquelles elle fonde sa décision ; qu'en l'espèce, après avoir elle-même constaté que la mise à pied avait été prononcée par lettre du 7 octobre 2013, à effet du 9 octobre 2013, la cour d'appel ne pouvait ensuite dire que la mise à pied conservatoire avait été notifiée le 16 septembre 2013 car en statuant comme elle l'a fait, par des motifs contradictoires et par voie d'affirmation sans même viser les pièces sur lesquelles elle se fondait, elle n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il résulte tant des lettres de l'inspecteur du travail du 25 octobre 2013, adressées à la société Picon électricité, que de celles du 21 novembre 2014, adressées au salarié, que l'employeur a demandé l'autorisation de licenciement pour faute grave par lettre du 19 octobre 2013, reçue le 21 octobre 2013, comme l'avait reconnu le salarié dans ses conclusions d'appel ; qu'en affirmant dès lors que « l'inspecteur du travail n'avait été saisi d'une demande d'autorisation de licencier que par lettre du 18 novembre 2013, reçue le 21 novembre 2013 », la cour d'appel a dénaturé les termes du débat et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ que le dépassement des délais prévus par l'article R. 2421-14 du code du travail n'est pas prescrit à peine de nullité et n'est de nature ni à vicier la procédure ni à constituer une violation du statut protecteur ; qu'en l'espèce, il résulte tant de la lettre de l'inspection du travail que la demande d'autorisation de licenciement date du 19 octobre 2013 que de l'arrêt, que la mise à pied a été prononcée par lettre du 7 octobre 2013 et des conclusions du salarié qu'elle était à effet du 9 octobre 2013 ; qu'en jugeant qu'il y avait là violation par l'employeur du statut protecteur, faute de saisine de l'inspection du travail dans le délai de huit jours, ce qui constituait un premier manquement de l'employeur suffisamment grave pour justifier la prise d'acte de la rupture par le salarié, quand la saisine a eu lieu dix jours seulement après la mise à pied, la cour d'appel a violé ensemble les articles L. 1231-1, L. 2421-14, et R. 2421-14 du code du travail ;

4°/ que la prise d'acte, par un salarié protégé, de la rupture de son contrat de travail n'est justifiée que lorsque le juge constate l'existence d'un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait retenir que la prise d'acte de la rupture du contrat dès le 16 octobre 2013 était justifiée au prétexte de l'absence de saisine de l'inspection du travail dans les 8 jours suivant la mise à pied quand la prise d'acte de la rupture du 16 octobre 2013, adressée par le salarié à son employeur, emportait rupture immédiate du contrat, de sorte que l'inspecteur du travail n'était plus compétent pour statuer sur une demande d'autorisation de licenciement ultérieure et qu'ainsi, elle ne pouvait retenir l'existence d'un manquement grave de l'employeur justifiant la prise d'acte ; qu'en jugeant le contraire, la cour a violé les articles L. 1231-1, L. 2421-14, et R. 2421-14 du code du travail ;
5°/ qu'il appartient au juge de caractériser en quoi le fait de restreindre l'usage du véhicule de service mis à la disposition du salarié protégé constitue un manquement grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail; qu'en l'espèce, M. Y... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en se prétendant victime de représailles depuis sa désignation comme candidat aux élections professionnelles et en dénonçant, notamment, le retrait de l'usage du véhicule de service mis à sa disposition depuis douze ans ; que la société Picon électricité faisant valoir que la décision de restreindre l'usage des véhicules de service aux seuls déplacements professionnels avait été prise en accord avec les institutions représentatives du personnel depuis le 26 mars 2012 et s'appliquait à l'ensemble des salariés, en cet état, la cour d'appel ne pouvait reprocher à l'employeur, de manière inopérante et erronée, d'avoir attendu l'annonce de la candidature de M. Y... aux élections pour mettre à exécution la menace de sanction, faite plus d'un an auparavant, de restreindre l'usage de son véhicule de service, sans rechercher s'il était justifié d'un accord avec les institutions représentatives et sans caractériser en quoi cette décision constituerait un manquement de l'employeur qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'ainsi, l'arrêt est privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail ;

6°/ que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par un salarié n'est justifiée que lorsque le juge constate l'existence d'un manquement suffisamment grave de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait dire que la prise d'acte était justifiée en ce que l'employeur avait notifié le 7 octobre 2013 une mise à pied conservatoire injustifiée au regard du comportement de M. Y... à l'égard de M. A..., sur le chantier [...] le 13 septembre 2013, sans viser ni même analyser les autres reproches formulés par l'employeur dans la lettre de convocation à l'entretien préalable qui se référait également au fait que trois chefs d'équipe ne voulaient pas de ce salarié sur leur chantier à cause de son comportement ou encore qu'un nouvel incident avait eu lieu le 4 octobre 2013 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail ;

7°/ que la bonne foi est toujours présumée ; qu'en affirmant que la mise à pied notifiée par l'employeur, établissait l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail, au prétexte que les témoignages produits devaient être écartés et que les termes utilisés par M. A..., auraient dû conduire l'employeur à agir avec prudence et objectivité, la cour d'appel n'a pas caractérisé la mauvaise foi de l'employeur et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail et des articles 1103, 1104 et 2274 du code civil ;

8°/ qu'en toute hypothèse, il appartient au juge de constater que les manquements imputés à l'employeur sont d'une gravité telle qu'ils empêchaient la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, si la cour d'appel a affirmé que les manquements de la société Picon pris ensemble ou séparément étaient suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture laquelle avait produit les effets d'un licenciement nul, elle n'a pas pour autant établi ni relevé que ceux-ci étaient d'une gravité telle qu'ils empêchaient la poursuite du contrat de travail ; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a relevé que l'employeur avait pris des décisions de retrait du véhicule de service du salarié ayant douze ans d'ancienneté du fait de l'annonce de sa candidature aux élections professionnelles et que la mise à pied conservatoire était injustifiée, a fait ressortir que ces manquements de l'employeur rendaient impossible la poursuite du contrat de travail ; que le moyen inopérant en ses quatre premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Picon électricité aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Picon électricité.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que la prise d'acte a produit les effets d'un licenciement nul et D'AVOIR, en conséquence, condamné la Sarl Picon Electricité à payer à M. Eric Y... diverses sommes au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul, de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, de l'indemnité de licenciement, du rappel de salaire pendant la mise à pied et congés payés y afférents, de l'indemnité pour violation du statut protecteur, de l'article 700 du code procédure civile et débouté la société Picon Electricité de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE « La lettre de la prise d'acte de la rupture du 16 octobre 2013 est ainsi rédigée :"Je prends acte de la rupture de contrat à vos torts. Depuis ma candidature aux élections professionnelles vous multipliez les représailles contre moi. Vous avez notamment décidé de me retirer le téléphone professionnel dont je bénéficie depuis un an ainsi que le véhicule de fonction qui été mis à ma disposition depuis 12 ans.Vous avez pris les mêmes mesures discriminatoires à l'encontre de Monsieur B... qui a également présenté sa candidature aux élections professionnelles. De plus, vous engagez à mon encontre une procédure disciplinaire et vous m'avez mis à pied elfe doute que vous ayez demandé l'autorisation préalable à l'inspection du travail. J'ai personnellement contacté le secrétariat de l'inspectrice qui à ce jour n'a aucune demande de votre part. Je me suis rendu ce jour à l'entretien préalable qui a duré dix minutes ce qui démontre que vous n'aviez aucune envie d'entendre mes explications et que vous avez déjà pris votre décision de vous débarrasser de moi. Compte tenu de votre volonté de me faire payer mon acte de candidature aux élections professionnelles et que je vis depuis plusieurs mois dans le stress avec des répercussions importantes sur mon état de santé je ne compte pas retravailler pour vous. Merci de bien vouloir me transmettre les documents de fin de contrat en précisant bien sur l'attestation destinée à pôle emploi que le motif de la rupture est une prise d'acte. Je saisis le conseil des prud'hommes pour faire valoir mes droits." Pour faire juger que sa prise d'acte de la rupture avait produit les effets d'un licenciement nul, l'appelant fait valoir qu'il y avait eu violation par l'employeur du statut protecteur par la saisine de l'inspecteur du travail hors le délai de 8 jours, que l'employeur avait modifié unilatéralement et abusivement des conditions de travail en lui retirant le téléphone portable et le véhicule automobile, que l'employeur avait manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail en lui adressant des reproches injustifiés et en allant jusqu'à engager une procédure de licenciement, que l'employeur avait également manqué à son obligation de sécurité en ce qu'il lui avait fait subir, pendant de longs mois, des pressions qui avaient eu pour effet de dégrader ses conditions de travail et d'altérer sa santé. Pour faire juger que la prise d'acte avait produit les effets d'une démission, la société Picon Electricité soutient que le non respect du délai de huit jours n'avait pas été visé dans la lettre de prise d'acte, qu'au demeurant, l'article R2421-14 du code du travail n'était pas applicable, que le dépassement de ce délai ne rendait pas la procédure illégale, que le véhicule automobile n'avait pas été supprimé mais son utilisation restreinte au seul trajet entre le siège de la société et les chantiers sur lesquels le salarié devait se rendre, que le téléphone portable ne lui avait été remis que pour un seul chantier et lui avait été retiré à la fin du chantier, que les reproches faits au salarié, à la suite d'un incident ayant eu lieu avec un architecte, étaient fondés et que les pièces produites ne démontraient aucun manquement à l'obligation de sécurité. Il est établi, en premier lieu, que le 4 septembre 2013, le syndicat CGT avait demandé à l'employeur d'organiser les élections des représentants du personnel et l'avait informé de ce que Monsieur Y... était candidat aux dites élections en sorte que celui-ci avait le statut de salarié protégé. Or, en l'absence de comité d'entreprise, l'article R2421-14 du code du travail, qui ne distingue pas entre les candidats aux élections des représentants du personnel et les représentants élus, faisait obligation à l'employeur de saisir l'inspection du travail, dans un délai de huit jours à compter de la mise à pied, d'une demande d'autorisation de licencier le salarié protégé. En l'espèce, la mise à pied conservatoire avait été notifiée le 16 septembre 2013 et l'inspection du travail n'avait été saisie d'une demande d'autorisation de licencier que par lettre du 18 novembre 2013 reçue le 21 novembre 2013. Ce premier manquement de l'employeur est donc avéré étant précisé que la lettre de prise d'acte évoque l'absence de saisine de l'inspection du travail par l'employeur.
En second lieu, il est constant que Monsieur Y... avait bénéficié de la part de son employeur d'une mise à disposition d'un véhicule de service pour effectuer les trajets entre son domicile et son lieu de travail et que cette mise à disposition lui avait été consentie pendant plusieurs années ininterrompues. Alors que le salarié soutient que le retrait ou les restrictions de l'usage de ce véhicule par l'employeur avaient eu lieu après l'annonce de sa candidature aux élections, l'employeur réplique avoir retiré le bénéfice de ce véhicule à Monsieur Y... plus d'un an auparavant comme le montrerait, selon lui, une lettre qu'il avait adressée au salarié, le 26 mars 2012. Or, cette lettre est motivée de la manière suivante: "cette sanction ne in 'enchante pas mais je suis fatigué du comportement de certains d'entre vous sur le laxisme, le non-respect des horaires et la non reconnaissance de cet avantage. De ce fait, cette décision rentrera en vigueur à partir du 1er juin 2012, si aucune amélioration rapide et probante n'est constatée dans les deux mois qui suivent et cela sans autre préavis. Cela veut dire que vous conservez votre véhicule pour vous rendre sur le chantier mais vous devez le rapporter tous les soirs au siège de l'entreprise pour le reprendre le lendemain matin pour travailler. Je vous invite à vous rapprocher de votre délégué du personnel qui vous confirmera mes droits sur cette sanction ". Ainsi, cette lettre, sans mettre en cause directement le salarié, se limitait seulement à le menacer d'une "sanction "applicable à compter du 1er juin 2012 si le comportement de certains salariés ne s'améliorait pas. Toutefois, par lettre du 11 octobre 2013 adressée à son employeur, soit cinq jours avant la prise d'acte de la rupture, le salarié s'était plaint de ce que l'employeur lui avait retiré après sa candidature l'usage du véhicule et, par lettre du 23 octobre 2013, l'employeur avait expressément reconnu que le retrait du véhicule ne datait pas de plusieurs mois mais était "récent", Ainsi, il résulte de ces correspondances ci-dessus que l'employeur avait effectivement restreint l'usage du véhicule non pas en juin 2012 mais uniquement après l'annonce de la candidature du salarié aux élections des représentants du personnel et que ce retrait était de nature disciplinaire comme l'avait énoncé l'employeur dès le mois de mars 2012. Or, l'employeur ne justifie pas des motifs objectifs pour lesquels il avait soudainement et très curieusement attendu l'annonce de la candidature de Monsieur Y... aux élections pour mettre à exécution la menace, faite plus d'un an auparavant, d'une sanction. Au surplus, aucune des pièces de l'employeur ne vient démontrer la réalité des reproches faits dans la lettre du 26 mars 2012. En dernier lieu, il est constant, comme l'énonce très clairement la lettre du 7 octobre 2013 notifiant la mise à pied conservatoire, que pour justifier cette mesure, l'employeur s'était fondé sur le refus opposé par le salarié, le 13 septembre 2013, à Monsieur A... de poser une simple prise. Or, si l'employeur produit aux débats la lettre du 16 septembre 2013 que Monsieur A..., architecte, lui avait adressée en relatant que Monsieur Y... avait refusé, le 13 septembre 2013, malgré l'urgence qui lui était signalée, de poser une simple prise dans un mur, il reste que cette lettre avait aussi énoncé que le refus du salarié n'avait pas été absolu , que celui-ci avait seulement répliqué qu'il ferait le travail sur les instructions de son employeur et que Monsieur A..., qui n'avait pas admis cette position, avait refusé de téléphoner à l'employeur. Les divers témoignages produits par la société intimée ne visent pas les faits ci-dessus ou n'émanent pas de témoins directs de ces faits. Dès lors, les circonstances dans lesquelles les faits avaient été commis rendaient la mise à pied conservatoire totalement injustifiée alors de surcroît que le salarié n'avait jamais reçu le moindre avertissement en dix ans d'ancienneté. En outre, la teneur particulièrement partiale des termes utilisés par Monsieur A... qui énonçait dans sa lettre, en visant Monsieur Y..., "ce genre de personne propage la gangrène parmi les autres" aurait dû conduire l'employeur à agir avec prudence et objectivité. En notifiant une mise à pied dans ces conditions l'employeur avait exécuté de mauvaise foi le contrat de travail. Il s'ensuit que les faits cidessus, pris ensemble ou séparément, avaient constitué des manquements suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture laquelle, compte tenu du lien existant entre ces faits et la déclaration de candidature aux élections de Monsieur Y..., avait produit les effets d'un licenciement nul. Le salarié, qui avait une ancienneté de plus de deux ans dans une entreprise de plus de dix salariés, percevait un salaire de 2257,27€. Il est né [...] . Il justifie ne pas avoir été indemnisé par pôle-emploi mais ne justifie pas de ses recherches d'emploi. Ces éléments amènent la cour à condamner la société intimée à lui payer la somme de 14000€ au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul à laquelle s'ajoutent celles de 4514,54€ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 451,45€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, de 6259,44€ au titre de l'indemnité de licenciement, de 922, 32€ au titre du rappel de salaire pendant la mise à pied, de 92,23€ au titre des congés payés s'y rapportant et celle de 10232,95£ au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur. Il y a lieu également d'ordonner la remise des documents sociaux dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt mais sans qu'une mesure d'astreinte ne soit nécessaire. L'équité commande d'allouer la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code procédure civile » (arrêt, p.3 à 5) ;

1./ ALORS QUE ne satisfait pas aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile, la cour d'appel qui statue par des motifs contradictoires et par voie d'affirmation, sans même viser ni analyser les pièces sur lesquelles elle fonde sa décision ; qu'en l'espèce, après avoir elle-même constaté que la mise à pied avait été prononcée par lettre du 7 octobre 2013, à effet du 9 octobre 2013 (p. 3, al. 3 et p. 5, al.2), la cour d'appel ne pouvait ensuite dire que la mise à pied conservatoire avait été notifiée le 16 septembre 2013 (arrêt p. 4 § 4) car en statuant comme elle l'a fait, par des motifs contradictoires et par voie d'affirmation sans même viser les pièces sur lesquelles elle se fondait, elle n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

2./ ALORS QU' il résulte tant des lettres de l'inspecteur du travail du 25 octobre 2013, adressées à la société PICON ELECTRICITE, que de celles du 21 novembre 2014, adressées au salarié, que l'employeur a demandé l'autorisation de licenciement pour faute grave par lettre du 19 octobre 2013, reçue le 21 octobre 2013, comme l'avait reconnu le salarié dans ses conclusions d'appel, p. 9/21) ; qu'en affirmant dès lors que « l'inspecteur du travail n'avait été saisi d'une demande d'autorisation de licencier que par lettre du 18 novembre 2013, reçue le 21 novembre 2013 », la cour d'appel a dénaturé les termes du débat et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3./ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le dépassement des délais prévus par l'article R 2421-14 du code du travail n'est pas prescrit à peine de nullité et n'est de nature ni à vicier la procédure ni à constituer une violation du statut protecteur ; qu'en l'espèce, il résulte tant de la lettre de l'inspection du travail que la demande d'autorisation de licenciement date du 19 octobre 2013 que de l'arrêt, que la mise à pied a été prononcée par lettre du 7 octobre 2013 (arrêt p. 3 § 3 et p. 5 § 2) et des conclusions du salarié qu'elle était à effet du 9 octobre 2013 (conclusions p. 9/21) ; qu'en jugeant qu'il y avait là violation par l'employeur du statut protecteur, faute de saisine de l'inspection du travail dans le délai de huit jours, ce qui constituait un premier manquement de l'employeur, suffisamment grave pour justifier la prise d'acte de la rupture par le salarié, quand la saisine a eu lieu 10 jours seulement après la mise à pied, la cour d'appel a violé ensemble les articles L 1231-1, L 2421-14, et R 2421-14 du code du travail ;

4./ ALORS QUE la prise d'acte, par un salarié protégé, de la rupture de son contrat de travail n'est justifiée que lorsque le juge constate l'existence d'un manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait retenir que la prise d'acte de la rupture du contrat dès le 16 octobre 2013 était justifiée au prétexte de l'absence de saisine de l'inspection du travail dans les 8 jours suivant la mise à pied quand la prise d'acte de la rupture du 16 octobre 2013, adressée par le salarié à son employeur, emportait rupture immédiate du contrat, de sorte que l'inspecteur du travail n'était plus compétent pour statuer sur une demande d'autorisation de licenciement ultérieure et qu'ainsi, elle ne pouvait retenir l'existence d'un manquement grave de l'employeur justifiant la prise d'acte ; qu'en jugeant le contraire, la cour a violé les articles L 1231-1, L 2421-14, et R 2421-14 du code du travail ;

5./ ALORS QU'il appartient au juge de caractériser en quoi le fait de restreindre l'usage du véhicule de service mis à la disposition du salarié protégé constitue un manquement grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail; qu'en l'espèce, M. Y... a pris acte de la rupture de son contrat de travail en se prétendant victime de représailles depuis sa désignation comme candidat aux élections professionnelles et en dénonçant, notamment, le retrait de l'usage du véhicule de service mis à sa disposition depuis 12 ans ; que la société Picon Electricité faisant valoir (conclusions p.8) que la décision de restreindre l'usage des véhicules de service aux seuls déplacements professionnels avait été prise en accord avec les institutions représentatives du personnel depuis le 26 mars 2012 et s'appliquait à l'ensemble des salariés, en cet état, la cour d'appel ne pouvait reprocher à l'employeur, de manière inopérante et erronée, d'avoir attendu l'annonce de la candidature de M. Y... aux élections pour mettre à exécution la menace de sanction, faite plus d'un an auparavant, de restreindre l'usage de son véhicule de service, sans rechercher s'il était justifié d'un accord avec les institutions représentatives et sans caractériser en quoi cette décision constituerait un manquement de l'employeur qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail ; qu'ainsi, l'arrêt est privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail ;

6./ ALORS QUE la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par un salarié n'est justifiée que lorsque le juge constate l'existence d'un manquement suffisamment grave de l'employeur pour empêcher la poursuite du contrat ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait dire que la prise d'acte était justifiée en ce que l'employeur avait notifié le 7 octobre 2013 une mise à pied conservatoire injustifiée au regard du comportement de M. Y... à l'égard de M. A..., sur le chantier [...] le 13 septembre 2013, sans viser ni même analyser les autres reproches formulés par l'employeur dans la lettre de convocation à l'entretien préalable qui se référait également au fait que trois chefs d'équipe ne voulaient pas de ce salarié sur leur chantier à cause de son comportement ou encore qu'un nouvel incident avait eu lieu le 4 octobre 2013 ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article L 1231-1 du code du travail ;

7./ ALORS QUE la bonne foi est toujours présumée ; qu'en affirmant que la mise à pied notifiée par l'employeur, établissait l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail, au prétexte que les témoignages produits devaient être écartés et que les termes utilisés par M. A..., auraient dû conduire l'employeur à agir avec prudence et objectivité, la cour d'appel n'a pas caractérisé la mauvaise foi de l'employeur et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 1231-1 du code du travail et des articles 1103, 1104 et 2274 du code civil ;

8./ ALORS ENFIN ET SUBSIDIAIREMENT QU'en toute hypothèse, il appartient au juge de constater que les manquements imputés à l'employeur sont d'une gravité telle qu'ils empêchaient la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, si la cour d'appel a affirmé que les manquements de la société Picon pris ensemble ou séparément étaient suffisamment graves pour justifier la prise d'acte de la rupture laquelle avait produit les effets d'un licenciement nul, elle n'a pas pour autant établi ni relevé que ceux-ci étaient d'une gravité telle qu'ils empêchaient la poursuite du contrat de travail ; que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-25505
Date de la décision : 20/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 08 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 jui. 2018, pourvoi n°16-25505


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.25505
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