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13/06/2018 | FRANCE | N°16-26323

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 juin 2018, 16-26323


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 novembre 2016), que la société par actions simplifiée Koch media, présidée par M. X... jusqu'au 26 mai 2010, a découvert en septembre 2011 que Mme Y..., comptable de la société, recrutée par ce dernier en 2003, avait procédé à des détournements de fonds de 2006 à 2011 ; que, reprochant à M. X... d'avoir embauché et maintenu Mme Y... à son poste de comptable et d'avoir manqué à son obligation de surveillance, alors qu'il savait

dès l'origine qu'elle avait déjà été condamnée pour abus de confiance commis au d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 novembre 2016), que la société par actions simplifiée Koch media, présidée par M. X... jusqu'au 26 mai 2010, a découvert en septembre 2011 que Mme Y..., comptable de la société, recrutée par ce dernier en 2003, avait procédé à des détournements de fonds de 2006 à 2011 ; que, reprochant à M. X... d'avoir embauché et maintenu Mme Y... à son poste de comptable et d'avoir manqué à son obligation de surveillance, alors qu'il savait dès l'origine qu'elle avait déjà été condamnée pour abus de confiance commis au détriment de son précédent employeur, la société Koch media l'a assigné le 13 février 2013, en réparation du préjudice résultant de ses fautes de gestion ;

Attendu que la société Koch media fait grief à l'arrêt de dire prescrite l'action en responsabilité à l'encontre de M. X... alors, selon le moyen :

1°/ que l'action en responsabilité contre le dirigeant d'une société par actions simplifiée se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; que la volonté d'un dirigeant de dissimuler un fait dommageable peut résulter de l'absence de communication d'une information qui aurait dû être divulguée spontanément ; qu'en l'espèce, pour écarter toute dissimulation de la part de M. X..., la cour d'appel a retenu que la société Koch media pouvait connaître l'absence de compétence et les antécédents judiciaires de Mme Y... ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée, si, compte tenu de la nature des faits en question, leur absence de divulgation spontanée par M. X... n'était pas constitutive d'une dissimulation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-254 et L. 227-8 du code de commerce ;

2°/ que la faute de gestion qui était imputée à M. X... consiste à avoir embauché, puis maintenu sans la surveiller, Mme Y..., qu'il connaissait de longue date, au poste de « responsable administratif et administration des ventes », tout en ayant conscience que, compte tenu des antécédents judiciaires de cette personne et de son absence de compétence, il faisait délibérément courir un risque à la société Koch media en la recrutant à un tel poste ; que pour écarter toute dissimulation, la cour d'appel a retenu la société Koch media pouvait découvrir par elle-même les compétences professionnelles de Mme Y... et la condamnation pénale dont elle avait fait l'objet ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à écarter une dissimulation, non pas du défaut de compétence et des antécédents judiciaires de Mme Y..., mais de la connaissance qu'avait M. X... de ces faits et des risques qu'il faisait courir à la société Koch media en recrutant Mme Y... dans ces circonstances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-254 et L. 227-8 du code de commerce ;

3°/ que la prescription de l'action en responsabilité contre le dirigeant d'une société par actions simplifiée ne peut commencer à courir avant que la société ait été en mesure d'agir ; qu'il en résulte que lorsque le dirigeant fautif est le seul organe pouvant agir au nom de la société, le point de départ de la prescription ne peut être antérieur au remplacement de ce dirigeant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X... avait été président de la société Koch media jusqu'au 26 mai 2010 ; qu'en retenant cependant, pour déclarer prescrite l'action introduite par son successeur le 13 février 2013, que les faits sur lesquels elle portait étaient antérieurs au 13 février 2010 et n'avaient pas été dissimulés, la cour d'appel a violé les articles L. 225-254 et L. 227-8 du code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir rappelé que l'action en responsabilité fondée sur l'article L. 225-251 du code de commerce se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation, l'arrêt retient que les faits reprochés à M. X... sont antérieurs au 13 février 2010 et dès lors prescrits, sauf à établir qu'ils ont été volontairement dissimulés ; qu'ayant relevé que la société Koch media soutenait que le caractère fautif des agissements de M. X... ne lui était apparu que lorsqu'elle avait appris que ce dernier connaissait les antécédents judiciaires et l'absence de compétence de Mme Y... lorsqu'il l'avait recrutée, l'arrêt retient que ni l'absence de compétence de Mme Y... ni son passé n'ont été volontairement dissimulés à la société Koch media ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations souveraines, dont il résulte que M. X... n'avait pas intentionnellement dissimulé la connaissance qu'il avait de ces faits, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche rendue inopérante invoquée à la première branche, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions d'appel que la société Koch media ait soutenu que M. X... étant le seul organe pouvant agir au nom de la société, le point de départ de la prescription ne pouvait être antérieur à son remplacement ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Koch media aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent , avocat aux Conseils, pour la société Koch media

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit l'action en responsabilité à l'encontre de M. Christian X... prescrite ;

AUX MOTIFS QU' « aux termes des dispositions de l'article L. 225-251 du code de commerce "les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion" ;
qu'il résulte de l'article L. 225-254 du même code que "l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation" ;
que la dissimulation doit être volontaire ;
que la cour relève que Mme Y... a été recrutée en 2003 et que l'action à l'encontre de M. X... a été introduite le 13 février 2013 ; que l'action est donc prescrite pour les faits antérieurs au 13 février 2010 sauf s'ils ont été dissimulés ;
qu'en l'espèce la cour relève que les fautes qui sont reprochés à M. X... sont le recrutement de Mme Y... et son maintien à son poste alors qu'il connaissait son casier judiciaire et le défaut de surveillance et de contrôle interne alors aussi qu'il savait qu'elle avait été condamnée pour des faits d'abus de confiance à l'égard de son ancien employeur et qu'elle n'avait pas les qualifications nécessaires pour occuper le poste qui lui avait été confié ;
que tous ces événements sont antérieurs au 13 février 2010 et sauf à établir qu'ils ont été volontairement dissimulés, ils sont couverts par la prescription ;
que pour ce qui est du recrutement en toute connaissance de cause de Mme Y... et son insuffisance professionnelle, la cour note d'une part que le recrutement d'une personne ayant un casier judiciaire ne peut constituer une faute de gestion et d'autre part que la société Koch Media disposait des moyens de connaître chacun des quelques employés de la société, leur parcours professionnel et leur formation ; que la cour note qu'au moment de l'acquisition de la société SG Diffusion en 2005 il aurait été possible pour les acquéreurs de vérifier les compétences du personnel de la société et il n'est d'ailleurs pas plaidé qu'ils n'auraient pas pu disposer d'informations demandées ; qu'il n'y a donc pas eu de dissimulation volontaire du passé et de l'absence de compétences de Mme Y... ;
que la cour considère au surplus que la société Koch Media aurait pu s'interroger sur les prélèvements opérés sur le bulletin de salaire de Mme Y... en remboursement du préjudice subi par sa précédente victime ;
que pour ce qui est de l'absence de contrôle et du défaut de surveillance alors que M. X... aurait dû être particulièrement vigilant compte tenu du passé judiciaire de Mme Y... et son absence de compétence, la cour relève que la société mère de Koch Media avait mis en place un reporting mensuel avec l'aide de la société Acticipe à destination de la société mère s'ajoutant à l'audit légal réalisé par le cabinet Grant Thornton ;
qu'ainsi des contrôles étaient effectués régulièrement sur la comptabilité et par la société Koch Media Sas et par la société Koch Media Gmbh et la cour considère avec les premiers juges que l'insuffisance de surveillance aurait dû être décelée par la société Koch Media bien avant le 13 février 2010 ;
qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré prescrite l'action en responsabilité de la société Koch Media à l'encontre de M. X... » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « selon l'article L. 225-251 du code de commerce : "les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion" ;
que selon l'article L. 225-254 du code de commerce : "l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation" ;
que la présente instance a été introduite le 13 février 2013 ; qu'en conséquence, les faits dommageables commis avant le 13 février 2010 sont prescrits ;
qu'en outre, en cas de dissimulation, la date de prescription court à compter de la date de révélation des faits dommageables ou bien de la date à laquelle ces faits auraient pu être décelés ;
que Koch Media retient deux faits dommageables à l'encontre de M. X... :
1- Le recrutement et le maintien de Mme Y... aux fonctions de comptable alors qu'elle disposait d'un casier judiciaire ;
2- Le défaut de surveillance et de contrôle interne de M. X... envers Mme Y... ;
que ces évènements sont antérieurs au 13 février 2010 et n'ont pas été dissimulés par M. X... ;
que suite au rachat de la société détenue par M. X... par Koch Media Gmbh en octobre 2005, de même qu'après le départ de M. X... de ses fonctions de président de la société, en mai 2010, Mme Y... a été maintenue dans ses fonctions ;
que la société Koch Media disposait d'un expert-comptable qui établissait les comptes de la société et d'un commissaire aux comptes chargé de contrôler les comptes annuels ;
qu'il ressort des pièces et des débats que Koch Media a fait l'objet d'un audit complet de ses comptes et de son activité lors de son rachat en octobre 2005 ; qu'une liste du personnel ainsi que les dossiers des salariés ont été communiqués à Koch Media Gmbh ; qu'enfin chaque année depuis le rachat de Koch Media, un audit de la société était réalisé par la société mère, Koch Media Gmbh, en plus de l'audit du commissaire aux comptes ce qui aurait pu permettre à Koch Media de déceler des dysfonctionnements quant au défaut de surveillance de M. X... ;
qu'il résulte de ce qui précède et des débats que le recrutement de Mme Y... ainsi que l'organigramme et les procédures de contrôle mis en place au sein de la société étaient connus de Koch Media ;
que d'une part, les faits dommageables relevés par Koch Media au titre de l'action en responsabilité contre M. X... sont antérieurs au 13 février 2010 ;
que d'autre part, ces faits n'ont pas été dissimulés par M. X... ou bien auraient pu être décelés par Koch Media avant le 13 février 2010 ;
que par conséquent, le tribunal dira l'action en responsabilité à l'encontre de M. X... prescrite » ;

1°/ ALORS QUE l'action en responsabilité contre le dirigeant d'une société par actions simplifiée se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation ; que la volonté d'un dirigeant de dissimuler un fait dommageable peut résulter de l'absence de communication d'une information qui aurait dû être divulguée spontanément ; qu'en l'espèce, pour écarter toute dissimulation de la part de M. X..., la cour d'appel a retenu que la société Koch Media pouvait connaître l'absence de compétence et les antécédents judiciaires de Mme Y... ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était pourtant invitée, si, compte tenu de la nature des faits en question, leur absence de divulgation spontanée par M. X... n'était pas constitutive d'une dissimulation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-254 et L. 227-8 du code de commerce ;

2°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la faute de gestion qui était imputée à M. X... consiste à avoir embauché, puis maintenu sans la surveiller, Mme Y..., qu'il connaissait de longue date, au poste de « responsable administratif et administration des ventes », tout en ayant conscience que, compte tenu des antécédents judiciaires de cette personne et de son absence de compétence, il faisait délibérément courir un risque à la société Koch Media en la recrutant à un tel poste ; que pour écarter toute dissimulation, la cour d'appel a retenu la société Koch Media pouvait découvrir par elle-même les compétences professionnelles de Mme Y... et la condamnation pénale dont elle avait fait l'objet ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à écarter une dissimulation, non pas du défaut de compétence et des antécédents judiciaires de Mme Y..., mais de la connaissance qu'avait M. X... de ces faits et des risques qu'il faisait courir à la société Koch Media en recrutant Mme Y... dans ces circonstances, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 225-254 et L. 227-8 du code de commerce ;

3°/ ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE la prescription de l'action en responsabilité contre le dirigeant d'une société par actions simplifiée ne peut commencer à courir avant que la société ait été en mesure d'agir ; qu'il en résulte que lorsque le dirigeant fautif est le seul organe pouvant agir au nom de la société, le point de départ de la prescription ne peut être antérieur au remplacement de ce dirigeant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. X... avait été président de la société Koch Media jusqu'au 26 mai 2010 ; qu'en retenant cependant, pour déclarer prescrite l'action introduite par son successeur le 13 février 2013, que les faits sur lesquels elle portait étaient antérieurs au 13 février 2010 et n'avaient pas été dissimulés, la cour d'appel a violé les articles L. 225-254 et L. 227-8 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-26323
Date de la décision : 13/06/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 13 jui. 2018, pourvoi n°16-26323


Composition du Tribunal
Président : Mme Riffault-Silk (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.26323
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