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06/06/2018 | FRANCE | N°17-10103

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 juin 2018, 17-10103


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest (la banque) a consenti à la société Climatech une ouverture de crédit en compte courant, garantie par le cautionnement solidaire de M. X... ; que la société débitrice principale ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné la caution en exécution de son engagement ; que la caution lui a opposé la déchéance du droit aux intérêts échus, pour manquement à son obligat

ion d'information annuelle ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest (la banque) a consenti à la société Climatech une ouverture de crédit en compte courant, garantie par le cautionnement solidaire de M. X... ; que la société débitrice principale ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné la caution en exécution de son engagement ; que la caution lui a opposé la déchéance du droit aux intérêts échus, pour manquement à son obligation d'information annuelle ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu les articles 64 et 71 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;

Attendu que pour déclarer prescrite la déchéance des intérêts échus avant le 1er janvier 2009, l'arrêt retient que l'obligation d'information annuelle devant être satisfaite au 31 mars de chaque année, il convient de considérer que la réclamation au titre de la déchéance du droit aux intérêts est prescrite pour les années antérieures au 1er avril 2009, soit jusqu'en 2008 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la prétention de M. X... fondée sur le défaut d'information annuelle de la caution, laquelle tendait seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par la banque à son encontre, constituait un moyen de défense au fond, sur lequel la prescription est sans incidence, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare prescrite la demande de déchéance des intérêts échus avant le 1er janvier 2009 et en ce qu'il dit que M. X... est tenu au profit du Crédit agricole du solde débiteur du compte n° [...] ouvert par la société Climatech arrêté en décembre 2012 à la somme de 76 523,47 euros, l'arrêt rendu le 15 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;

Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Centre Ouest aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par Me A... , avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué

D'AVOIR dit que M. Cyril X... est tenu, en qualité de caution, au paiement au profit du Crédit Agricole du solde débiteur du compte n° [...] ouvert par la SARL CLIMATECH, absorbée par la SARL X... , devenue SARL Climatech.fr, solde débiteur arrêté en décembre 2012 à la somme de 76.523,47 euros outre cotisations d'assurance postérieures pour 326,40 €, soit au total 76.849,87 euros, sous réserve des effets de la déchéance des intérêts échus.

AUX MOTIFS QUE « le contrat d'ouverture de crédit en compte courant du 3 février 2004 comprend l'engagement de caution solidaire de M. X... pour 80.000 € avec intérêts au taux variable de 7,10 % frais et accessoires ; qu'il s'agit d'un cautionnement à durée indéterminée ; que s'il dispose à l'article 312 sur la "déchéance du terme-exigibilité du prêt", que le prêt deviendra de plein droit immédiatement exigible dans divers cas dont la fusion, scission ou dissolution de l'entreprise, il est aussi prévu à la fin de cet article qu'en cas de survenance d'un des cas de déchéance du terme, le prêteur se prévaudra de l'exigibilité immédiate de sa créance par lettre recommandée avec AR adressée à l'emprunteur ; que cela laissait à la banque la faculté de se prévaloir ou non de la clause de déchéance de terme ; qu'il n'est pas allégué ni en tout cas justifié que le Crédit Agricole s'est prévalu de cette exigibilité immédiate suite aux opérations de dissolution de la SARL Climatech et fusion absorption du 21/11/2011 et a adressé alors une LRAR à la SARL Climatech ou à la SARL Climatech.FR pour dénoncer le compte courant et l'ouverture de crédit ; que le solde débiteur du compte n'est donc pas devenu exigible à cette époque de ce chef ; qu'au contraire d'ailleurs, le compte a continué à fonctionner ; que les relevés produits commencent au 2/11/2011 et se terminent en décembre 2012 ; que ces relevés - et donc notamment le premier- mentionnent le même N° de compte : [...] ; que jusqu'en juin 2012, ils sont au nom de la SARL CLIMATECH, à partir de juillet 2012, ils passent au nom de la SARL CLIMATECH.FR (avec donc le même numéro) ; que le solde intermédiaire mentionné au 21/11/2011 est de - 82.548,57 € ; qu'il n'y a pas alors de mouvements soldant ce débit ; qu'il est rappelé qu'en raison de la notion d'indivisibilité du compte courant, les opérations sur celui-ci forment un tout indivisible insusceptible de décomposition pendant le cours de son fonctionnement de telle sorte notamment que les règles légales d'imputation des paiements ne s'appliquent pas et que seule la balance finale à la clôture du compte détermine le solde exigible ; qu'il n'y a pas eu clôture du compte à l'époque de la dissolution de la SARL Climatech mais continuation de celui-ci avec la SARL Climatech.Fr, ni nouvelle OCCC avec celle-ci mais continuation aussi de cette ouverture de crédit dans le cadre de ce compte ; qu'ensuite, il est considéré qu'en cas de dissolution de la société débitrice par voie de fusion avec une autre société, la garantie de la caution subsiste pour les dettes nées antérieurement même si elles ne sont exigibles que postérieurement à cette opération (en ce sens : Cour de Cassation, chambre commerciale, arrêts des 19/11/2002, 21/01/2003, 8/11/2005) ; qu'en l'occurrence, l'OCCC et l'engagement de caution sont antérieurs, il existait un solde débiteur au 21/11/2011 et la créance au titre du solde débiteur du compte courant n'est devenue exigible qu'ultérieurement avec la clôture du compte à laquelle il apparaît que le Crédit Agricole a procédé à l'occasion de la procédure collective, en décembre 2012 ; que M. X... n'a pas lui-même dénoncé son engagement de caution à durée indéterminée lors des opérations de dissolution, fusion-absorption aboutissant à la substitution de la SARL Climatech.FR à la SARL Climatech, étant rappelé qu'il dirigeait l'une comme l'autre, ce dont il peut être déduit qu'il avait le même intuitu personae à l'égard de l'une comme de l'autre ; qu'il peut être rappelé aussi que les opérations de fusion-absorption emportent transmission universelle du patrimoine de la société absorbée dans la société absorbante et qu'il est considéré que cette substitution n'emporte pas novation (vu d'ailleurs en ce sens article L. 236-14 du Code de Commerce ou L. 236-23 pour les SARL) ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que le principe de l'obligation de M. X... subsiste, nonobstant la dissolution de la SARL Climatech et son absorption par la Y... devenue SARL CLIMATECH.FR. »

ET AUX MOTIFS, sur le montant de la créance, QU'« il est produit les relevés de compte jusqu'en décembre 2012 avec un décompte pour 76.849,87 euros, base de la demande du crédit agricole ».

ALORS, D'UNE PART, QUE le cautionnement d'une ouverture de crédit en compte courant souscrit au profit d'une société ultérieurement absorbée prend fin à la date de l'opération de fusion absorption, de sorte que le garant n'est tenu que des sommes représentant les tirages antérieurs à l'extinction de son engagement et non payés par des remises postérieures, à l'exclusion de la dette résultant des tirages postérieurs inscrits au débit du compte courant après l'extinction de sa garantie ; que pour décider que le cautionnement avait perduré et retenir que l'obligation de couverture de M. X... portait sur le montant du solde débiteur du compte courant à la date de sa clôture, intervenue en décembre 2012, l'arrêt énonce que la garantie de la caution subsiste pour les dettes nées antérieurement à l'opération de fusion absorption, même si elles ne sont exigibles que postérieurement à cette opération ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 2292 du code civil, ensemble l'article L. 236-1 du code de commerce.

ALORS, D'AUTRE PART, QUE toute remise au crédit d'un compte courant s'impute sur le montant de l'engagement de la caution, fût-elle postérieure à la date d'expiration de l'engagement de celle-ci ; que pour affirmer que le principe de l'obligation de M. X... subsistait nonobstant la dissolution de la société cautionnée, l'arrêt se fonde sur la notion d'indivisibilité du compte courant et retient que le solde débiteur n'est devenu exigible qu'en suite de la clôture du compte courant intervenue à la date du prononcé de la liquidation judiciaire de la société absorbante ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a, de nouveau violé l'article 2292 du code civil, ensemble l'article L. 236-1 du code de commerce.

ALORS ENFIN, ET EN TOUTE HYPOTHESE, QUE la fusion résultant de l'absorption d'une société par une autre entraîne la dissolution de la première, de sorte qu'à défaut de manifestation expresse de volonté de la part d'une caution de s'engager envers la société absorbante, le cautionnement souscrit au profit de la société absorbée ne peut, pour les dettes nées postérieurement à la fusion, être étendu au profit de la société absorbante ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que M. X... s'est porté caution le 3 février 2004 du crédit en compte courant consenti par la Caisse à la société Climatech ; que pour affirmer que l'obligation de la caution subsistait nonobstant la dissolution de la société Climatech et son absorption le 21 novembre 2011 par la société Holding X..., devenue la société Climatech.fr, l'arrêt retient successivement que M. X... n'avait pas révoqué l'engagement qu'il avait souscrit au profit de la société Climatech, qu'il avait le même intuitu personae à l'égard de la société absorbée et de la société absorbante et enfin que cette substitution de personnes morales n'emporte pas novation ; qu'en statuant par ces motifs impropres à établir l'existence d'une manifestation expresse de volonté de M. X... de s'engager envers la société absorbante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 2292 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué

D'AVOIR déclaré prescrite la déchéance des intérêts échus avant le 1er janvier 2009.

AUX MOTIFS, sur le montant de la créance et la déchéance du droit aux intérêts QU'« il est produit les relevés de compte jusqu'en décembre 2012 avec un décompte pour 76.849,87 €, base de la demande du Crédit Agricole ; que par rapport à la déchéance du droit aux intérêts contractuels, la banque soulève la prescription de cinq ans (sans observations particulières de l'appelant à ce sujet) ; que d'abord, il est considéré que la règle selon laquelle l'exception survit à l'action ne s'applique pas à la sanction de la déchéance (en ce sens pour la déchéance du droit aux intérêts : Cour de Cassation, 1ère chambre civile, arrêts des 4 mai 1999, 16 octobre 2001) ; qu'ensuite, et vu maintenant les dispositions de l'article 2224 du Code Civil ou L. 110-4 du code de commerce, le délai de prescription en la matière est de cinq ans ; qu'il n'est pas précisé la date à laquelle M. X... a soulevé cette déchéance ; que son dossier comme celui du Tribunal de Commerce ne contiennent pas ses conclusions de première instance ; que ce dossier du Tribunal de Commerce contient les conclusions du Crédit Agricole, les premières portent un cachet du 25 novembre 2014 avec une réplique sur cet aspect ; qu'il sera retenu que cette déchéance avait été soulevée au moins à cette date ; que l'obligation d'information annuelle devant être satisfaite au 31 mars de chaque année, il convient donc de considérer que la réclamation au titre de cette déchéance est prescrite pour les années antérieures au 1er avril 2009, soit jusqu'en 2008 ».

ALORS QUE le délai de prescription de la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels du préteur pour manquement à son devoir d'information annuelle à l'égard de la caution ne court qu'à compter du jour où celle-ci a su par la mise en demeure qui lui était adressée, que l'obligation résultant de son engagement allait être mise à exécution du fait de la défaillance du débiteur principal ; que pour déclarer prescrite la déchéance des intérêts échus avant le 1er janvier 2009, l'arrêt fixe le point départ de la prescription à la date à laquelle l'information annuelle aurait dû être délivrée pour la première fois à M. X... ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article L. 110-4 du code de commerce, ensemble l'article 2292 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-10103
Date de la décision : 06/06/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CAUTIONNEMENT - Caution - Information annuelle - Défaut - Effets - Déchéance des intérêts - Procédure - Défense au fond tirée du défaut d'information annuelle de la caution - Prescription - Absence d'influence

PRESCRIPTION CIVILE - Interruption - Acte interruptif - Demande en justice - Exclusion - Cas - Défense au fond tirée du défaut d'information annuelle de la caution

La prétention fondée, en application de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, sur le défaut d'information annuelle de la caution, qui tend seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts au taux contractuel formée par la banque, constitue un moyen de défense au fond, sur lequel la prescription est sans incidence


Références :

articles 64 et 71 du code de procédure civile

aricle L. 313-22 du code monétaire et financier.

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 15 septembre 2016

Sur l'absence d'incidence de la prescription sur la défense au fond tirée de la disproportion de l'engagement de la caution, à rapprocher : 1re Civ., 31 janvier 2018, pourvoi n° 16-24092, Bull. 2018, I, n° 13 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 jui. 2018, pourvoi n°17-10103, Bull. civ.Bull. 2018, IV, n° 67
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, IV, n° 67

Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.10103
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