LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 455 et 563 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 mars 2017), que l'Etablissement Hauts-de-Seine habitat-OPH (l'OPH), propriétaire d'un appartement donné à bail d'habitation à M. X..., l'a assigné en résiliation du bail en raison de nuisances sonores ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient qu'il apparaît que, pas plus en appel qu'en première instance, l'OPH, qui ne produit aucun élément nouveau, ne démontre la violation par M. X... de son obligation légale et contractuelle de jouir paisiblement des lieux loués et que les éléments de preuve de l'OPH sont insuffisants ou contredits par les arguments pertinents de M. X... ;
Qu'en statuant ainsi, sans examiner, même succinctement, une lettre établie le 8 février 2016 par Mme Z... et produite par l'OPH pour la première fois en appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mars 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... à payer la somme de 3 000 euros à l'Etablissement Hauts-de-Seine habitat-OPH ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour l'Etablissement Hauts-de-Seine habitat-OPH
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté l'établissement Hauts de Seine Habitat de l'ensemble de ses demandes tendant à la résiliation judiciaire du bail et à l'expulsion de M. X... ;
AUX MOTIFS QUE « Aux termes de l'article 1728 du Code civil, le preneur est tenu d'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention.
Aux termes de l'article 1729 du Code civil, si le preneur n'use pas ainsi de la chose louée, le bailleur peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail.
Aux termes de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé d'user paisiblement des locaux suivant la destination qui leur a été donnée par le bail.
Le bail liant les parties contient une clause prévoyant que le locataire devra jouir des lieux suivant la destination qui leur a été donnée par le bail.
Il appartient au bailleur d'apporter la preuve de la violation de cette obligation et à la justice d'apprécier la pertinence des griefs ainsi que l'actualité et la gravité du manquement reproché, la résiliation éventuellement prononcée devant lui (sic !) devant être proportionnée.
Le tribunal a relevé que seuls deux voisins avaient rapporté des comportements jugés anormaux de M. X..., alors que certains agissements, notamment en rapport avec l'utilisation abusive de la moto, étaient susceptibles d'occasionner des nuisances à l'ensemble de l'immeuble.
Le tribunal a également constaté que Mme A... ne faisait état de manière précise et circonstanciée que d'un incident survenu au cours de l'été 2013, insuffisant à justifier la résiliation du bail. Par ailleurs, aucun autre voisin immédiat de l'appartement de M. X... n'était venu confirmer les affirmations de la seule Mme Z... quant aux troubles relatés, alors pourtant que les parties admettaient que les appartements étaient particulièrement mal insonorisés. Le bailleur ne produisait en outre aucune pièce qui confirmerait ces affirmations, notamment un procès-verbal dressé par un huissier de justice ou les services de police constatant, même partiellement, les comportements reprochés à M. X... ou aux occupants de son chef, le procès-verbal de l'huissier ne faisant état sur ce point d'aucun élément qu'il aurait personnellement constaté. Il n'était de même pas produit de procès-verbaux des services de police qui confirmeraient avoir dû intervenir suite à un appel des voisins immédiats de M. X....
En conséquence, le tribunal a retenu que la preuve de troubles anormaux du voisinage imputable[s] à M. X... et qui constituerai[en]t un manquement actuel, grave et caractérisé à ses obligations de locataire n'était pas suffisamment rapportée.
Hauts-de-Seine Habitat-OPH demande l'infirmation du jugement en totalité.
Il fait été de plusieurs lettres de Mme Z.... Les griefs tiennent au bruit occasionné par la moto de Monsieur Rémy X..., à d'autres nuisances sonores telles que l'usage intempestif d'un home cinéma et à la persistance de ces agissements.
Hauts-de-Seine Habitat-OPH produit également un procès-verbal recueillant les témoignages de Mme A... et de Mme Z.... Il rappelle que Monsieur Rémy X... a reconnu les faits aux termes de l'accord signé entre les parties en présence d'un conciliateur.
Aussi, il demande la résiliation judiciaire du bail consenti à M. X... ainsi que son expulsion.
Monsieur X... sollicite le rejet des demandes de l'appelant et la confirmation totale du jugement de première instance. Il soutient qu'Hauts-de-Seine Habitat-OPH ne rapporte pas la preuve des faits nécessaires au succès de sa prétention. Il indique que les pièces produites ne font pas la démonstration des troubles allégués et que les déclarations de Mme Z... ne sont corroborées par aucun élément. Monsieur Rémy X... assure ne pas avoir de système home cinéma et ne plus posséder de moto.
Il maintient qu'aucun autre voisin ne se plaint des agissements rapportés et que la seule sensibilité de Mme Z... est en cause. L'intimé souligne enfin l'absence de tout rapport d'émissions sonores, de plainte pour nuisances diurnes ou nocturnes ou de demande d'expertise judiciaire.
Il apparaît que, pas plus en appel qu'en première instance, Hauts-de-Seine Habitat-OPH, qui ne produit aucun élément nouveau, ne démontre la violation par Monsieur Rémy X... de son obligation légale de jouir paisiblement des lieux loués. La cour, adoptant entièrement les motifs du jugement, constate que les éléments de preuve de l'appelant sont tout à fait insuffisants ou sont contredits par les arguments pertinents de M. X....
Le jugement sera donc entièrement confirmé et Hauts-de-Seine Habitat-
OPH débouté de ses différentes demandes » (arrêt attaqué, p.4 § 2 à p. 6 § 1) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Le bail liant les parties contient une clause prévoyant que le locataire devra jouir des lieux loués en bon père de famille, sans rien faire qui puisse nuire à la tranquillité des autres locataires et à la bonne tenue de l'immeuble.
Aux termes de l'article 1728 du Code civil, le preneur est tenu, notamment d'user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail.
Aux termes de l'article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé d'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le bail.
A défaut, en application de l'article 1184 du Code civil, le contrat peut être résilié en justice pour non-respect de ses obligations principales de locataire.
En l'espèce, le bailleur produit au soutien de ses demandes :
- une lettre du 15 janvier 2014 de Mme A..., vivant dans l'immeuble sis [...] , dans laquelle elle se plaint du bruit occasionné sous sa fenêtre par la moto de M. X..., qu'il démarre à toute heure du jour et de la nuit,
- une lettre de Mme Z... du 20 janvier 2014, voisine du dessous de M. X..., dans laquelle elle fait état du fait que celui-ci connaît le problème d'insonorité des appartements mais ne semble pas s'en préoccuper, montant le son de sa télévision ou de sa chaîne hifi, [quelle que] soit l'heure, jour et nuit, ce qui fait caisse de résonance dans le salon. Elle se plaint également du bruit de la moto dont il fait chauffer le moteur également [quelle que] soit l'heure du jour et de la nuit,
- une sommation d'avoir à mettre fin aux troubles de jouissance dans l'immeuble adressée le 24 février 2014 à M. X...
- un procès-verbal de constat dressé par un huissier le 29 avril 2014 reprenant :
- les déclarations de Mme A... qui ne fait été de manière précise que d'une soirée de « beuverie » chez M. C..., un autre voisin, en août 2013, en présence des enfants de M. X..., notamment de la petite fille de 3 ans, qui s'est mise à hurler à deux heures du matin, sans intervention de son père, est sortie dans les parties communes et a regagné l'appartement de M. C... à l'arrivée de la police. Elle fait état du fait que M. X... allume sa moto plein gaz juste sous ses fenêtres le matin de bonne heure et fait du bruit lorsqu'ils descendent. Elle indique ne pas souffrir d'autre trouble de voisinage, étant éloignée de son appartement dans l'immeuble.
- les déclarations d'une autre personne témoignant par écrit, dont la qualité de locataire a été confirmée, et qui, sous couvert d'anonymat, a indiqué que M. X... ne prête aucune attention aux bruits qu'il peuvent faire, alors qu'il est possible de faire attention bien que les appartements soient très mal insonorisés. Elle fait état de :
- bruits divers et variés, débordements et excès en tout genre, [quelle que]
soit l'heure
- musique forte, surtout des basses, téléphones avec haut-parleur, piétinement, chahut, on court dans l'appartement, des cris, des pleurs, on fait rouler des objets, ça tombe
- plus précisément dans la nuit du mercredi 23 avril au jeudi 24 avril 2014 :
musique en sourdine mais on entend les basses tard le soir, puis une conversation au téléphone avec le haut-parleur puis à voix haute de forte avec un tiers que M. X... est allé chercher en moto vers 2 heures 10/2heures 20 et ce jusqu'à 3 heures/3 heures 30 du matin,
- dans la nuit du vendredi 25 avril au samedi 26 avril 2014 : musique forte avec conversation et autres bruits divers toute la soirée et ce jusqu'à 3 heures/3 heures 30 du matin. Un voisin est descendu pour faire cesser le tapage et la police municipale est intervenue, mais trop tard.
Depuis la conciliation au cours de laquelle M. X... s'est engagé à ne pas causer de troubles anormaux du voisinage, le seul élément produit est un nouveau courrier de la seule Mme Z..., dans lequel elle se plaint à nouveau du comportement de M. X..., de la présence sonore des enfants de celui-ci, de vibrations et de meubles tirés, de la télévision ou de la musique « home video » résonant à toute heure du jour et de la nuit.
L'huissier, qui a recontacté les plaignantes avant l'audience, a transmis par mail au bailleur les informations selon lesquelles Mme Z... lui a indiqué que les troubles avaient cessé depuis le départ en congé de M. X... et que Mme A... était hospitalisée.
Il ressort de ces éléments que seuls deux voisins ont rapporté des comportements jugés anormaux et M. X..., alors que certains agissements, notamment en rapport avec l'usage abusif de la moto, sont susceptibles d'occasionner des nuisances à l'ensemble de l'immeuble.
Mme A... ne fait état de manière précise et circonstanciée que d'un incident survenu au cours de l'été 2013, insuffisant à justifier la résiliation du bail.
Par ailleurs, aucun autre voisin immédiat de l'appartement de M. X... n'est venu confirmer les affirmations de la seule Mme Z... quant aux troubles relatés, alors pourtant que les parties admettent que les appartements sont particulièrement mal insonorisés. Le bailleur ne produit en outre aucune pièce qui confirmerait ces affirmations, notamment un procès-verbal dressé par un huissier de justice ou les services de police constatant, même partiellement, les comportements reprochés à M. X... ou aux occupants de son chef, le procès-verbal de l'huissier ne faisant état sur ce point d'aucun élément qu'il aurait personnellement constaté. Il n'est de même pas produit de procès-verbaux des services de police qui confirmeraient avoir dû intervenir suite à un appel des voisins immédiats de M. X....
En conséquence, la preuve de troubles anormaux du voisinage imputable[s]
à M. X... et qui constituerai[en]t un manquement actuel, grave et caractérisé à ses obligations de locataire n'est pas suffisamment rapportée et Hauts de Seine Habitat-OPH sera débouté de l'ensemble de ses demandes » (jugement p. 3 § 4 à p. 4 § 7) ;
1°) ALORS QU'en affirmant que l'établissement Hauts-de-Seine Habitat-OPH ne produisait aucun élément nouveau en cause d'appel par rapport à la première instance (arrêt attaqué, p. 5 dernier §), quand il ressortait des conclusions d'appel de l'office que cet établissement produisait en cause d'appel une lettre d'un locataire postérieure à la décision de première instance dénonçant des nuisances sonores insupportables qu'elle continuait de subir de la part de Monsieur X... ou d'occupants de son chef depuis le logement de ce dernier et alors même que la procédure d'appel était en cours (conclusions d'appel, p. 7), la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile;
2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en énonçant que l'établissement Hauts de Seine Habitat-OPH ne produisait aucun élément nouveau qui établisse la réalité du trouble anormal de voisinage pour se borner à adopter les motifs du jugement, sans examiner les éléments de preuve nouveaux qui lui étaient soumis, en particulier cette lettre circonstanciée d'une locataire postérieure au jugement (conclusions d'appel, p. 7 ; pièce n° 16), la Cour d'appel a violé les articles 455 du Code de procédure civile et 1353 du Code civil, dans sa version applicable à l'espèce, ensemble l'article 563 du nouveau Code de procédure civile.