LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte au Syndicat mixte d'aménagement rural de la Drôme (le SMARD) du désistement de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre la société Cabinet d'études pour la réalisation d'équipements collectifs (la société CEREC) et M. Y..., en sa qualité de mandataire ad hoc de la société CEREC ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par jugement du 24 octobre 2003, notifié le 30 octobre 2003, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la société CEREC à payer au SMARD des dommages-intérêts ; qu'à la suite de la cession, en 1996, de son fonds de commerce à la société Beture Cerec, devenue la société Pöyry, aux droits de laquelle vient la société Naldeo, la société CEREC a été dissoute et mise en liquidation amiable, MM. X... et A... étant désignés liquidateurs amiables ; que la clôture de la liquidation est intervenue le 30 novembre 2002 ; qu'à la demande du SMARD, M. Y... a été désigné mandataire ad'hoc pour reprendre les opérations de liquidation pour le compte de la société CEREC et exécuter le jugement du tribunal administratif ; qu'une ordonnance du 7 mai 2010 a enjoint à M. X... de communiquer à M. Y... des documents nécessaires à l'appréciation de la situation de la société CEREC, relatifs à l'année 2002 ; que, par actes des 28 janvier et 7 février 2011, le SMARD a assigné M. X... et la société Naldeo en responsabilité, afin d'obtenir la condamnation de M. X... à réparer le préjudice subi du fait de l'absence de provision de la créance du SMARD lors des opérations de liquidation de la société CEREC, et d'obtenir la communication de pièces complémentaires ; que M. X... et la société lui ont opposé la prescription de l'action en responsabilité du liquidateur amiable ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer prescrite l'action en responsabilité engagée par le SMARD à l'encontre de M. X..., l'arrêt retient qu'il a acquis la certitude de son dommage dès l'expiration du délai d'appel contre la décision du tribunal administratif de Grenoble, soit le 30 décembre 2003 ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du SMARD qui faisait valoir que la notification du jugement du tribunal administratif de Grenoble était irrégulière au motif qu'elle avait été faite à une date à laquelle la société CEREC n'avait plus d'existence légale et avait été adressée à M. A..., liquidateur ayant achevé sa mission, et qu'elle n'avait donc pu faire courir le délai de prescription de trois ans prévu par l'article L. 225-254 du code de commerce, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer prescrite l'action en responsabilité engagée par le SMARD à l'encontre de M. X..., l'arrêt retient encore que, dans son mémoire du 4 juin 2003 déposé devant la juridiction administrative, le SMARD faisait état sans équivoque de sa connaissance de la clôture des opérations de liquidation amiable de la société CEREC et en déduit qu'il a ainsi eu connaissance du fait dommageable qu'il dénonce ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du SMARD qui soutenait que le délai de prescription de trois ans n'avait pas commencé à courir puisque le contenu des comptes de liquidation avait été dissimulé et que la publication de la clôture de la liquidation était irrégulière, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation de l'arrêt en ce qu'il déclare le SMARD irrecevable comme prescrit en ses demandes en paiement dirigées contre M. X... entraîne l'annulation, par voie de conséquence, des dispositions de l'arrêt rejetant la demande de communication forcée de pièces dirigée contre ce dernier ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le Syndicat mixte d'aménagement rural de la Drôme irrecevable comme prescrit en toutes ses demandes en paiement dirigées contre M. X..., rejette sa demande de communication forcée de pièces dirigées contre M. X..., et statue sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 25 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne M. X... et la société Naldeo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer au Syndicat mixte d'aménagement rural de la Drôme la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour le syndicat Mixte d'aménagement rural de la Drôme
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'énoncer que la cour était composée « lors des débats et du délibéré », de « Jean-Luc TOURNIER, président, Hélène HOMS, conseiller, Pierre BARDOUX, conseiller, assistés lors des débats de Jocelyne PITIOT, greffier, en présence de Michel ROGER Juge consulaire au Tribunal de commerce de BOURG-EN-BRESSE » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE sauf disposition particulière, les juges statuent en nombre impair ; que sont nuls les arrêts qui ne respectent pas cette prescription ; qu'en l'état des énonciations précitées, révélées postérieurement aux débats et qui ne permettent pas à la Cour de cassation de s'assurer que M. Roger n'a pas participé au délibéré, la cour d'appel a violé l'article L. 121-2 du code de l'organisation judiciaire ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'il résulte des dispositions des articles L. 312-2 et L. 312-3 du code de l'organisation judiciaire que la cour d'appel est, sauf dispositions légales contraires et hors l'hypothèse prévue par le premier alinéa du second texte, composée d'un président et de conseillers, magistrats professionnels ; qu'en ne précisant pas à quel titre M. Roger, juge consulaire, avait pu être admis à faire partie de la composition de la juridiction, même sans participer au délibéré, la cour d'appel a violé les textes précités.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le SMARD irrecevable comme prescrit en toutes ses demandes en paiement dirigées contre M. X... ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 237-12 du code de commerce, seul invoqué par l'appelant « le liquidateur est responsable, à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions. L'action en responsabilité contre les liquidateurs se prescrit dans les conditions prévues à l'article L. 225-254 » ; que ce dernier texte prévoit que cette action « se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation » ; que les parties discutent sur le point de départ de ce délai de prescription, s'agissant de déterminer à quel moment est intervenu le fait dommageable et éventuellement s'il a été dissimulé ; que le SMARD reproche à Claude X..., liquidateur amiable, d'avoir clôturé en fraude la liquidation judiciaire de la société CEREC, l'absence de toute provision comme de tout dépôt de compte de liquidation ; que dans son mémoire du 4 juin 2003 déposé devant la juridiction administrative, il fait état sans équivoque de sa connaissance de la clôture des opérations de liquidation amiable de la société CEREC (sa pièce 33) ; qu'il a ainsi eu connaissance du fait dommageable qu'il dénonce, peu important que son préjudice ait été ultérieurement fixé et que la décision rendue ait ou non connu son caractère définitif postérieurement, ces éléments n'étant à prendre en compte que sur le quantum et la certitude du préjudice ; qu'il a, en tout état de cause, acquis la certitude de son dommage dès l'expiration du délai d'appel contre la décision du tribunal administratif de Grenoble, soit le 30 décembre 2003, comme le préconise à bon droit Claude X... dans ses écritures au visa de dispositions du code de justice administrative qu'il vise ; qu'il convient en conséquence de déclarer le SMARD irrecevable comme prescrit en son action lancée les 28 janvier et 7 février 2011, soit au-delà du délai triennal visé par le texte visé plus haut ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le délai de la prescription de l'action en responsabilité engagée par un créancier à l'encontre d'un liquidateur amiable d'une société au titre des fautes commises dans l'exercice de ses fonctions commence à courir le jour où les droits du créancier ont été reconnus par une décision de justice passée en force de chose jugée ; que le SMARD soutenait, à titre principal, dans ses conclusions d'appel (p. 21 et 22), que le délai de prescription de trois ans n'avait commencé à courir qu'à compter du 24 novembre 2009, à l'issue du délai d'appel de deux mois à compter de la signification à Me Y... du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 octobre 2003, et non à compter de la notification initiale de ce jugement, dès lors que celle-ci était irrégulière au double motif qu'elle avait été faite à une date à laquelle la société CEREC n'avait plus d'existence légale et qu'elle avait été adressée à M. A..., liquidateur ayant achevé sa mission ; qu'en se bornant à relever que le SMARD avait acquis la certitude de son dommage dès l'expiration du délai d'appel contre la décision du tribunal administratif de Grenoble, soit le 30 décembre 2003, sans répondre au moyen qui soutenait que la notification du jugement du tribunal administratif de Grenoble n'avait pu faire courir le délai de prescription de trois ans prévu par l'article L. 225-254 du code de commerce, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité contre le liquidateur, exercée sur le fondement des dispositions des articles L. 237-12 et L. 225-254 du code de commerce, ne peut courir à compter de la publication de la clôture de la liquidation qu'à condition que cette dernière permette la révélation aux tiers du fait dommageable ; qu'en se bornant à affirmer que la connaissance du fait dommageable résultait de la seule connaissance de la clôture des opérations de liquidation amiable de la société CEREC sans répondre au moyen qui soutenait, à titre subsidiaire, (conclusions d'appel du SMARD, p. 22 et 23) que le délai de prescription de trois ans n'avait pas commencé à courir puisque le contenu des comptes de liquidation avait été dissimulé et que la publication de la clôture de la liquidation était irrégulière, la cour d'appel a encore violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le SMARD de sa demande de communication forcée de pièces dirigée contre M. X... et de condamnation à des dommages et intérêts pour défaut de production de ces pièces ;
AUX MOTIFS QUE cette prétention, d'ailleurs déjà soumise au juge des référés du tribunal de commerce d'Aubenas, qui a statué par son ordonnance du 7 mai 2010, ne peut prospérer contre Claude X... en l'état de la prescription qui vient d'être retenue, alors que le mandataire ad hoc a effectivement obtenu résultats de cette décision favorable à son profit, sans pour autant qu'il ait estimé nécessaire de poursuivre plus avant cette démarche contre ce liquidateur amiable ; que cette prétention ne peut qu'être rejetée alors surtout que toute tentative de recouvrement contre la société CEREC serait vouée à l'échec, comme se heurtant, ainsi que le mettent en avant les intimés, à la prescription des articles L. 111-3 et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution ; que la demande indemnitaire à hauteur de 50 000 euros est pour sa part irrecevable pour les mêmes raisons, s'agissant uniquement d'invoquer la responsabilité du liquidateur amiable ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation à intervenir sur la base du deuxième moyen de cassation entraînera, par voie de conséquence et en application des articles 624 et 625 du code de procédure civile, celle des chefs présentement contestés qui reposent sur le constat de la prescription des demandes du SMARD à l'égard de M. X... ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE selon l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, constituent des titres exécutoires, les décisions des juridictions de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire ; que l'article L. 111-4 du même code prévoit que l'exécution d'un tel titre « ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long », ce délai de prescription de 10 ans étant issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; que toutefois, lorsque l'exécution est poursuivie sur le fondement d'une condamnation à payer prononcée par jugement antérieurement régie par la prescription trentenaire, réduite à dix ans par la loi du 17 juin 2008, qui n'était pas acquise au jour de l'entrée en vigueur de cette loi, la nouvelle prescription extinctive, plus courte, commence à courir à compter de cette date, en application des dispositions transitoires énoncées au II de son article 26, sans pouvoir excéder le délai de trente ans prévu par la loi antérieure ; qu'en l'espèce, la prescription trentenaire applicable à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 octobre 2003 étant en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, un nouveau délai de prescription de 10 ans a donc couru à compter du 19 juin 2008, en application de l'article 26-II de la loi du 17 juin 2008 ; qu'en jugeant néanmoins que toute tentative de recouvrement contre la société CEREC serait vouée à l'échec, comme se heurtant à la prescription des articles L. 111-3 et L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel a violé les articles susvisés, ensemble l'article 2262 du code civil et l'article 26-II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile.