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24/05/2018 | FRANCE | N°17-21056

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 mai 2018, 17-21056


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 4 novembre 2016, le représentant de l'Etat dans le département a pris, à l'égard de M. X..., une décision de réadmission en soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, en application des dispositions de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique ; que le patient, qui avait fugué de l'établissement le même jour, l'a réintégré le 8 novemb

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel, et les pièces de la procédure, que, le 4 novembre 2016, le représentant de l'Etat dans le département a pris, à l'égard de M. X..., une décision de réadmission en soins sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète, en application des dispositions de l'article L. 3212-3 du code de la santé publique ; que le patient, qui avait fugué de l'établissement le même jour, l'a réintégré le 8 novembre ; que, le 14 novembre, le préfet a saisi le juge des libertés et de la détention d'une demande de prolongation de la mesure ;

Sur la recevabilité du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'hôpital Sainte-Marie de Privas, relevée d'office après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique ;

Attendu que le pourvoi formé contre l'hôpital Sainte-Marie de Privas, présent à l'audience pour avoir été avisé conformément aux textes précités, mais qui n'était pas partie à l'instance, n'est pas recevable ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique ;

Attendu qu'il résulte du I de ce texte que le juge des libertés et de la détention est saisi dans un délai de huit jours à compter de la décision prononçant l'admission ou la réadmission du patient en hospitalisation complète, et de son IV que, s'il est saisi après l'expiration de ce délai, le juge constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense ;

Attendu que, pour déclarer la saisine régulière, après avoir constaté la fugue de M. X..., l'ordonnance retient que le juge était en mesure de statuer dans le délai de douze jours à compter de la décision de réadmission, et que le délai de huit jours pour le saisir a pour seul objet de permettre l'organisation de l'audience ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il constatait que le juge des libertés et de la détention avait été saisi plus de huit jours après la décision d'admission du patient en hospitalisation complète, le premier président, qui n'a pas relevé l'existence d'une circonstance exceptionnelle, a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'hôpital Sainte-Marie de Privas ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 16 novembre 2016, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Nîmes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. X... et l'UDAF de la Loire.

Il est fait grief à l'ordonnance infirmative attaquée d'avoir dit que les conditions légales de l'hospitalisation sans consentement de M. X... sont remplies depuis son admission et demeurent remplies à ce jour, et dit n'y avoir lieu à ordonner la mainlevée de cette mesure.

AUX MOTIFS QUE

L'article L3211-12-1 du Code de la Santé Publique dispose:" l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le Juge des Libertés et de la Détention
préalablement saisi par le représentant de l'Etat dans le département
ait statué sur cette mesure : avant l'expiration d'un délai de 12 jours à compter de l'admission prononcée
Le Juge des Libertés et de la Détention est alors saisi dans un délai de 8 jours à compter de cette admission."
En l'espèce M. X... a fait l'objet d'une décision de réadmission en hospitalisation complète du Préfet de l'Ardèche en date du 4/11/2016 après l'interruption de son traitement et la découverte d'un couteau introduit par lui-même sur son lieu de soins.
Le patient qui avait fugué de l'établissement n'y a été réintégré que le 8 novembre 2016.
Par ordonnance du 14 novembre 2016 le Juge des Libertés et de la Détention de[...] a ordonné qu'il soit mis fin à la mesure d'hospitalisation complète sous contrainte les délais prévus par la Loi n'ayant pas été respecté ce qui porte nécessairement atteinte aux droits de la personne qui fait l'objet des soins.
Toutefois en prévoyant ces deux délais le législateur a entendu que nul patient ne puisse être privé de sa liberté plus de 12 jours sans que le Juge des Libertés et de la Détention, garant des libertés individuelles, ne se prononce sur le bien-fondé de cette privation.
En l'espèce le juge saisit le 14/11/16 était en mesure de statuer dans le délai 12 jours soit à compter du 4/11/16 date de la décision de réadmission, soit à l'intérieur du délai de 12 jours à compter du 8 novembre date de la réadmission, et donc date à laquelle M. X... a été privé de sa liberté.
Le délai de 8 jours pour saisir le Juge des Libertés et de la Détention n'ayant pour seul objet que de permettre l'organisation de l'audience qui était possible le 14/11/16.
Il convient donc d'infirmer l'ordonnance déférée et, évoquant de constater que l'ensemble des certificats médicaux produits justifient le maintien en hospitalisation complète sans consentement de M. X...

ALORS QUE le juge des libertés et de la détention doit être saisi dans un délai de 8 jours à compter de la décision d'hospitalisation complète ou de la décision modifiant la forme de la prise en charge ; qu'en l'espèce un arrêté de réadmission a été pris le 4 novembre 2016 et le juge n'a été saisi que le 14 novembre 2016 ; qu'en ne prononçant pas la mainlevée de l'hospitalisation, le premier président a violé l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique ;

ALORS QUE le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public, les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'admission en soins nécessaire ; que le premier président s'est borné à constater que l'ensemble des certificats médicaux produits justifient le maintien en hospitalisation complète sans consentement ; qu'en statuant comme il l'a fait, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-21056
Date de la décision : 24/05/2018
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité et cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Décision d'admission du patient en hospitalisation complète - Saisine du juge des libertés et de la détention - Saisine tardive - Sanction - Mainlevée de l'hospitalisation complète - Exceptions - Circonstances exceptionnelles

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Décision d'admission du patient en hospitalisation complète - Saisine du juge des libertés et de la détention - Patient en fugue - Saisine tardive - Existence de circonstances exceptionnelles non relevées - Sanction - Mainlevée de l'hospitalisation complète

Il résulte du I de l'article L. 3211-12-1 du code de la santé publique que le juge des libertés et de la détention est saisi dans un délai de huit jours à compter de la décision prononçant l'admission ou la réadmission du patient en hospitalisation complète et de son IV que, s'il est saisi après l'expiration de ce délai, le juge constate sans débat que la mainlevée de l'hospitalisation complète est acquise, à moins qu'il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l'origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense. Viole ces dispositions l'ordonnance qui retient que la saisine plus de huit jours après la décision d'admission du patient en hospitalisation complète est régulière au motif que le juge était en mesure de statuer dans le délai de douze jours à compter de la décision de réadmission du patient en fugue, sans relever l'existence d'une circonstance exceptionnelle à l'origine de la saisine tardive


Références :

Sur le numéro 1 : articles R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique.
Sur le numéro 2 : article L. 3211-12-1 du code de la santé publique

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 16 novembre 2016

N1 Dans le même sens que :1re Civ., 11 mai 2018, pourvoi n° 18-10724, Bull. 2018, I, n° 82 (1) (irrecevabilité et rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 24 mai. 2018, pourvoi n°17-21056, Bull. civ.Bull. 2018, I, n° 95
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, I, n° 95

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 13/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.21056
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