LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa neuvième branche :
Vu l'article L. 112-4 du code des assurances ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCI L'Estaque (la SCI) a confié à la société Sud ingenierie (la société) qui avait souscrit auprès de la société Acte IARD (l'assureur) une assurance « responsabilité civile bâtiment et génie civil », la conception et la réalisation d'un bâtiment à usage industriel ; que la réception des travaux, réalisés en sous-traitance, est intervenue avec des réserves ; que la société, qui a été condamnée à payer à la SCI une certaine somme au titre des travaux de reprise, a demandé à bénéficier de l'extension de la garantie prévue à l'article 1.111 de la convention spéciale « Code 2 sous-traitants », aux termes duquel « se trouvent garanties les conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par l'assuré du fait des travaux donnés en sous-traitance » ; que l'assureur le lui ayant refusé en se prévalant de l'article 7.111 des conditions générales de la police excluant de la garantie « les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché de l'assuré », la société l'a assigné en exécution du contrat ;
Attendu que pour débouter la société de ses demandes, l'arrêt énonce que l'exclusion de garantie prévue à l'article 7.111, applicable en l'espèce, est formelle et limitée en ce qu'elle précise clairement les conditions de la non-garantie, soit toutes les dépenses afférentes à l'exécution du marché conclu par l'assuré ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la clause litigieuse figurait en caractères très apparents de manière à attirer spécialement l'attention de l'assuré sur l'exclusion qu'elle édictait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que la prescription biennale n'est pas opposable à la société Sud ingenierie et déclaré recevable l'action de cette société, l'arrêt rendu le 12 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sauf sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Acte IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Sud ingenierie la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur et Ghnassia, avocat aux Conseils, pour la société Sud ingenierie.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Sud Ingenierie de l'ensemble de ses demandes
AUX MOTIFS QUE « la SARL Sud Ingenierie, liée à la SCI l'Estaque par un contrat d'entreprise générale et responsable, à l'égard du maître de l'ouvrage, des désordres imputés à ses sous-traitants, a été condamnée au paiement de la somme de 77 869 euros au titre des travaux de reprise. La SARL Sud Ingenierie sollicite l'application de l'article 1-111 de la "convention spéciale-Code 2-sous traitants" signée le 11 janvier 1999 qui prévoit : ''se trouvent garanties les conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par l'assuré du fait des travaux donnés en sous-traitance" faisant valoir que sa responsabilité a été engagée sur la base des travaux exécutés par son sous-traitant et affectés de désordres. Cette convention spéciale, qui a pour objet de "déroger partiellement et/ou compléter les conditions générales mentionne dans son article 1-11 :"par application de la présente extension de garantie les articles 3-221 et 3-222 des conditions générales sont remplacés par le point 1-111 de la présente convention". Les articles 3-221 et 3-222 des conditions générales concernent la garantie relative aux "conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par l'assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés du fait des travaux donnés en sous-traitance" cette garantie ne s'appliquant qu'en cas "d'absence ou d'insuffisance d'assurance et d'insolvabilité du sous-traitant dans des conditions identiques à celles prévues, lorsqu'il (l'assuré) exécute lui-même les travaux". La convention spéciale -Code 2-sous traitants précise, in fine : "il n'est pas autrement dérogé aux clauses, conventions et exclusions des conditions générales". Ainsi, comme le souligne à juste titre le premier Juge, les exclusions de garantie prévues aux conditions générales et notamment à l'article 7-111 qui prévoit que : "sont exclues, les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché" ce qui est le cas en l'espèce, la SARL Sud Ingenierie ayant été condamnée à exécuter les travaux, exempts de désordres ou vices, tels que prévus dans le contrat signé le 9 août 2002, reste applicable, cette clause étant, au surplus, formelle et limitée en ce qu'elle précise clairement les conditions de la non garantie soit toutes dépenses afférentes à l'exécution du marché conclu par l'assuré. La garantie de la convention spéciale-Code 2-sous traitants n'étant pas acquise, il n'y a pas lieu de recevoir la demande de la SARL Sud lngenierie au titre d'un manquement par la SA Acte lard à une obligation de conseil. La décision du premier Juge sur ces points sera également confirmée. »
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « sur la garantie de responsabilité civile : en application de l'article 1315 du Code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. En l'espèce, le contrat d'assurance souscrit en date du 11 janvier 1999 par la société Sud Ingenierie a pour objet de garantir les risques liés à sa responsabilité civile. Dans les conditions générales dont l'assuré reconnaît avoir reçu un exemplaire, comme cela figure en page 6 des conditions particulières, l'article 3.1 stipule que le contrat garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité que peut encourir l'Assuré en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers dans l'exercice de ses activités professionnelles d'entrepreneur du bâtiment. L'article 3.112 précise que cette garantie ainsi énoncée s'applique à tous les risques sans aucune condition ou limite autres que celles précisées au chapitre 3.2 et aux titres 7 et 8 des conditions générales. L'article 3.212 mentionne que sont exclues de cette garantie les dépenses correspondant aux prestations, objet du marché de l'assuré, sur les biens confiés. L'article 7 précise qu'à titre absolu sont exclues des garanties accordées par les titres 3 et 4 : « 7.1 Objet des engagements contractuels de l'Assuré, 7.111 les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché de l'Assuré ». Cet article exclue donc les travaux de toute nature permettant la réalisation de l'objet du marché de travaux contracté avec la SCI L'Estaque. Le fait que les travaux ayant nécessité des reprises dues à des malfaçons aient été confiés à un sous-traitant n'a pas d'influence sur leur nature et demeurent des travaux rentrant dans l'objet des engagements contractuels de l'assuré. Ainsi, ils sont exclus des garanties de la police d'assurance responsabilité civile. La convention spéciale Code 2 Sous-traitants par son article 1.11 précise que les articles 3.221 et 3.222 sont remplacés par l'article 1.111. Aucun autre article des conditions générales n'est concerné. Ainsi, le contrat de responsabilité civile garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité encourue par l'assuré du fait des travaux donnés en sous-traitance sous réserve des exclusions dont celles de l'article 7 soit « Objet des engagements contractuels de l'Assuré » et 7.111 « Les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché de l'Assuré ». Aucun autre article de la convention spéciale Code 2 Sous-traitants n'exclut les autres clauses des conditions générales. Or la demande de garantie de la société Sud Ingenierie porte sur l'objet du contrat de travaux souscrit. En effet, l'arrêt du 3 novembre 2011 a confirmé la condamnation de cette société à la somme de 77 869 euros au titre des travaux de reprises suite à des malfaçons des travaux objet du contrat. Par conséquent, la demande de garantie de la société Sud Ingenierie n'est pas comprise dans la garantie souscrite. Sur la rédaction de la clause d'exclusion : Aux termes de l'article L113-1 du code des assurances, les clauses d'exclusion doivent être formelles et limitées de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie. En l'espèce, la rédaction de l'article 7 des conditions générales en ce qu'elle exclut de sa garantie de responsabilité civile « l'objet des engagements contractuels de l'assuré » est suffisamment formelle et limitée pour permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie et dénuée d'ambiguïté. Il n'est donc pas utile de procéder à une interprétation pour déterminer la nature des risques que les parties ont entendu écarter. »
1°) ALORS QUE, pour décider qu'était applicable la clause, prévue à l'article 7,111 des conditions générales, excluant de la garantie « les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché de l'Assuré », la cour d'appel a énoncé que tel était « le cas en l'espèce, la SARL Sud Ingenierie ayant été condamnée à exécuter les travaux, exempts de désordres ou vices, tels que prévus dans le contrat signé le 9 août 2002 » ; que cependant, la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'a pas, dans son arrêt du 3 novembre 2011, prononcé une telle condamnation à exécuter des travaux mais a confirmé le jugement qui avait condamné la société Sud Ingenierie à payer à la SCI L'Estaque la somme de 77.869 euros au titre des travaux de reprise ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dénaturé l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 3 novembre 2011, violant le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
2°) ALORS QUE, pour décider qu'était applicable la clause, prévue à l'article 7,111 des conditions générales, excluant de la garantie « les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché de l'Assuré », la cour d'appel a énoncé que tel était « le cas en l'espèce, la SARL Sud Ingenierie ayant été condamnée à exécuter les travaux, exempts de désordres ou vices, tels que prévus dans le contrat signé le 9 août 2002 » ; qu'elle avait cependant précédemment relevé que « la SARL Sud Ingenierie [
] a été condamnée au paiement de la somme de 77 869 euros au titre des travaux de reprise » ; qu'en statuant par des motifs contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE, pour décider que la garantie n'était pas due, le tribunal s'est appuyé sur l'exclusion « de l'article 7 soit « Objet des engagements contractuels de l'Assuré » » ; que cependant, cette disposition ne constituait pas une clause d'exclusion mais seulement le titre d'une partie contenant plusieurs clauses d'exclusion énumérées de 7,111 à 7,114 ; qu'à supposer que la cour d'appel ait adopté ce motif du jugement, elle aurait alors dénaturé l'article 7 des conditions générales du contrat d'assurance, violant le principe de l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
4°) ALORS QUE, subsidiairement, une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée ; qu'est ambigüe la clause d'exclusion de garantie, prévue à l'article 7,111 des conditions générales du contrat d'assurance, selon laquelle « sont exclus des garanties accordées par les titres 3 et 4 [
] les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché de l'Assuré » ; que cette clause peut notamment être interprétée comme visant exclusivement les sommes directement engagées par l'assuré pour réaliser ou finir la construction et non les indemnités que l'assuré peut être condamné à verser en réparation de travaux mal exécutés ; qu'en retenant cependant que la clause 7,111 des conditions générales du contrat d'assurance était formelle et limitée, la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances ;
5°) ALORS QU'une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée ; qu'est ambigüe la clause d'exclusion de garantie, prévue à l'article 7,111 des conditions générales du contrat d'assurance, selon laquelle « sont exclus des garanties accordées par les titres 3 et 4 [
] les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché de l'Assuré » ; que cette clause peut notamment être interprétée comme s'appliquant exclusivement aux dépenses engagées pour les travaux réalisés par l'assuré lui-même et non par ses sous-traitants ; qu'en retenant cependant que la clause 7,111 des conditions générales du contrat d'assurance était formelle et limitée, la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances ;
6°) ALORS QU'une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée ; qu'est ambigüe la clause d'exclusion de garantie, prévue à l'article 7,111 des conditions générales du contrat d'assurance, selon laquelle « sont exclus des garanties accordées par les titres 3 et 4 [
] les dépenses engagées pour la réalisation ou la finition de l'objet du marché de l'Assuré » ; que cette clause peut notamment être interprétée comme excluant uniquement les garanties accordées par les titres 3 et 4 des conditions générales et non celles prévues par une extension de garantie, relative aux sous-traitants, annexée au contrat d'assurance ; qu'en retenant cependant que la clause 7,111 des conditions générales du contrat d'assurance était formelle et limitée, la cour d'appel a violé l'article L.113-1 du code des assurances ;
7°) ALORS QU'une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée ; qu'est ambigüe une clause excluant de la garantie l' « Objet des engagements contractuels de l'Assuré » ; que, dans l'hypothèse où la cour d'appel aurait adopté les motifs par lesquels le tribunal a retenu que l'article 7 des conditions générales du contrat d'assurance excluait de la garantie « l'objet des engagements contractuels de l'assuré » et que cette clause était « formelle et limitée », elle aurait alors violé l'article L.113-1 du code des assurances ;
8°) ALORS QUE, subsidiairement, la société Sud Ingenierie faisait valoir que, dans l'hypothèse où il serait retenu que la clause d'exclusion de garantie était claire et devait « être interprétée dans le sens de l'exclusion de garantie pour toute faute qu'il s'agisse de non-exécution ou de mauvaise exécution », cela reviendrait « à vider la garantie de sa substance », l'entrepreneur n'ayant aucun intérêt à « souscrire à une garantie supplémentaire sous-traitant si ce n'est pour se garantir des travaux effectués par le sous-traitant » (conclusions de la société Sud Ingenierie, p.11) ; que la cour d'appel a retenu que la clause d'exclusion de garantie était « formelle et limitée en ce qu'elle précise clairement les conditions de la non garantie soit toutes dépenses afférentes à l'exécution du marché conclu par l'assuré » ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'extension de garantie souscrite ne se trouvait pas vidée de sa substance par la clause d'exclusion et sans préciser l'étendue de la garantie subsistant après application de la clause litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.113-1 du code des assurances ;
9°) ALORS QUE les clauses des polices édictant des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents ; que la société Sud Ingenierie faisait valoir que la clause d'exclusion de garantie n'était pas « rédigée en termes très apparents dès lors qu'elle [devait] faire l'objet de renvois à d'autres articles contenus non pas à la convention spéciale mais aux conditions générales du contrat », qu'elle n'était pas de nature à « attirer l'attention de l'assuré », lequel n'avait pas été en mesure de connaître « l'étendue des non-garanties sous-traitant » (conclusions de la société Sud Ingenierie, p.11) ; que la cour d'appel a retenu que la clause d'exclusion de garantie était applicable au litige et était « formelle et limitée en ce qu'elle précise clairement les conditions de la non garantie soit toutes dépenses afférentes à l'exécution du marché conclu par l'assuré » ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme il lui était demandé, si la clause litigieuse était rédigée en termes très apparents de manière à attirer spécialement l'attention de l'assuré sur l'exclusion de garantie qu'elle édictait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.112-4 du code des assurances.