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17/05/2018 | FRANCE | N°16-25917

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 mai 2018, 16-25917


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (1re Civ. 15 janvier 2015, pourvoi n° 13-25.424), que la société Caisse de crédit mutuel de l'étang de Berre Est (la banque) ayant consenti un prêt notarié à Mme X..., celle-ci l'a assignée par acte du 14 septembre 2010 devant un tribunal de grande instance afin que soit ordonnée la déchéance du droit aux intérêts conventionnels dus au prêteur ; que par procès-verbal du 22 juillet 2011, la banque a fait pratiquer sur le fondement

de l'acte de prêt notarié une saisie-attribution au préjudice de Mme X...,...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (1re Civ. 15 janvier 2015, pourvoi n° 13-25.424), que la société Caisse de crédit mutuel de l'étang de Berre Est (la banque) ayant consenti un prêt notarié à Mme X..., celle-ci l'a assignée par acte du 14 septembre 2010 devant un tribunal de grande instance afin que soit ordonnée la déchéance du droit aux intérêts conventionnels dus au prêteur ; que par procès-verbal du 22 juillet 2011, la banque a fait pratiquer sur le fondement de l'acte de prêt notarié une saisie-attribution au préjudice de Mme X..., qui l'a contestée devant un juge de l'exécution ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les première et deuxième branches du moyen unique annexé qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire ;

Attendu, selon ce texte, que le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

Attendu que, pour cantonner la saisie-attribution au capital restant dû à la date de déchéance du terme, majoré de l'indemnité de résiliation, l'arrêt retient qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution de statuer sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée tendant à recouvrer lesdits intérêts dès lors que le juge du fond a été préalablement saisi de ce litige ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, devait, pour se prononcer sur la demande de cantonnement de la saisie-attribution au seul capital restant dû, trancher la contestation portant sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels qui lui était soumise, dont dépendait l'étendue de la saisie, peu important qu'un tribunal de grande instance ait été saisi d'une demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels avant l'engagement de la mesure d'exécution et la saisine du juge de l'exécution, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

Met hors de cause, sur leur demande, M. Y... et la B... ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fait droit partiellement à la demande subsidiaire de cantonnement de Mme X..., cantonne la saisie-attribution à exécution successive pratiquée le 22 juillet 2011 à la somme de 53 061,30 euros et ordonne sa mainlevée pour le surplus, l'arrêt rendu le 15 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... et de la B... ; condamne Mme X... à payer à la société Caisse de crédit mutuel de l'étang de Berre Est la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Caisse de crédit mutuel de l'étang de Berre Est.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir cantonné la saisie-attribution à exécution successive pratiquée par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE L'ETANG DE BERRE EST le 22 juillet 2011 à l'encontre de Madame X... entre les mains de la société PARKS AND SUITES ETUDES à la somme de 53.061,30 euros et d'en avoir ordonné la mainlevée pour le surplus ;

Aux motifs qu'au soutien de sa demande subsidiaire aux fins de cantonnement de la saisie au seul capital du prêt qu'elle n'avait pas formée en première instance, Mme X... invoque, pour se prémunir contre toute critique fondée sur l'article 564 du code de procédure civile, les informations apportées par huit ans d'instruction sur les infractions pénales poursuivies, en arguant de la révélation de faits qui justifieraient sa demande dont la recevabilité est dans le débat et doit donc être tranchée, cette demande reposant sur des moyens nouveaux tenant à l'application des articles L 313-1, L 312-7, L 312-10 et L 312-33 du code de la consommation.

La demande de cantonnement n'est pas une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

La demande subsidiaire de cantonnement de la saisie fondée sur la non conformité du contrat de prêt aux dispositions précitées du code de la consommation, formée en cause d'appel, n'est pas une demande nouvelle prohibée par l'article 564 du code de procédure civile mais une demande qui n'est que l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes soumises au premier juge, admise comme telle par l'article 566 du même code.

Il sera observé que le Crédit Mutuel ne soutient pas l'irrecevabilité de cette demande.

Mme X... invoque la déchéance du droit aux intérêts conventionnels en revendiquant le bénéfice de la loi Scrivener

Mais ainsi qu'elle le mentionne dans ses écritures et qu'elle en justifie, cette circonstance n'étant pas contestée, antérieurement à la saisie-attribution pratiquée en date du 25 juillet 2011, Mme X... a saisi le tribunal de grande instance de Marseille selon assignation délivrée par acte d'huissier du 14 septembre 2010 à 25 défendeurs dont le Crédit Mutuel (Caisse de Crédit Mutuel de l'Etang de Berre Est) pour voir notamment « dire et juger que les intérêts ayant couru et à courir sur les prêts litigieux [dont le prêt CM Etang de Berre n° [...] de 186 856 euros, [...] de 75 000 euros] seront dus au taux d'intérêt légal et non au taux conventionnel à compter de la date de mise à disposition desdits prêts sur leur totalité et sur toute la durée du remboursement ».

Il n'appartient pas au juge de l'exécution de statuer sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée tendant à recouvrer lesdits intérêts dès lors que le juge du fond a été préalablement saisi de ce litige et le Crédit Mutuel n'est pas fondé, dans l'attente de la décision du juge du fond, à recouvrer les intérêts conventionnels litigieux par voie de saisie-attribution.

En conséquence, la saisie, pratiquée pour un montant de 69 577, 30 euros en principal doit être cantonnée au capital restant dû à la date de la déchéance du terme le 10 mars 2011 soit, selon le tableau d'amortissement produit, la somme de 59 298,17 euros, à majorer du montant de l'indemnité de résiliation de 4 455,40 euros, dont le caractère excessif n'est pas démontré, Mme X... se bornant à invoquer à cet égard, mais sans en justifier, l'absence de préjudice du prêteur, le tout sous déduction de la somme de 10 612,27 euros que le Crédit Mutuel mentionne dans ses décomptes comme sommes encaissées ce qui conduit à un total de 53 061,30 euros, les frais devant être recalculés en conséquence, sans qu'il y ait lieu à d'autres déductions non justifiées, et il doit être donné mainlevée pour le surplus ;

Alors, d'une part, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant, d'office, et sans provoquer préalablement les explications des parties à cet égard, qu'« ainsi qu'elle le mentionne dans ses écritures et qu'elle en justifie, cette circonstance n'étant pas contestée, antérieurement à la saisie-attribution pratiquée en date du 25 juillet 2011, Mme X... a saisi le tribunal de grande instance de Marseille selon assignation délivrée par acte d'huissier du 14 septembre 2010 à 25 défendeurs dont le Crédit Mutuel (Caisse de Crédit Mutuel de l'Etang de Berre Est) pour voir notamment « dire et juger que les intérêts ayant couru et à courir sur les prêts litigieux [dont le prêt CM Etang de Berre n° [...] de 186 856 euros, [...] de 75 000 euros] seront dus au taux d'intérêt légal et non au taux conventionnel à compter de la date de mise à disposition desdits prêts sur leur totalité et sur toute la durée du remboursement », qu'« il n'appartient pas au juge de l'exécution de statuer sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée tendant à recouvrer lesdits intérêts dès lors que le juge du fond a été préalablement saisi de ce litige et le Crédit Mutuel n'est pas fondé, dans l'attente de la décision du juge du fond, à recouvrer les intérêts conventionnels litigieux par voie de saisie-attribution » et qu'« en conséquence, la saisie, pratiquée pour un montant de 69 577, 30 euros en principal doit être cantonnée au capital restant dû à la date de la déchéance du terme le 10 mars 2011 », la Cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction, violant ainsi l'article 16 du code de procédure civile ;

Alors, d'autre part, qu'en se bornant à relever, à l'appui de sa décision, qu'« il n'appartient pas au juge de l'exécution de statuer sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée tendant à recouvrer lesdits intérêts dès lors que le juge du fond a été préalablement saisi de ce litige et le Crédit Mutuel n'est pas fondé, dans l'attente de la décision du juge du fond, à recouvrer les intérêts conventionnels litigieux par voie de saisie-attribution » et qu'« en conséquence, la saisie, pratiquée pour un montant de 69 577, 30 euros en principal doit être cantonnée au capital restant dû à la date de la déchéance du terme le 10 mars 2011 », la Cour d'appel s'est déterminée à partir de motifs qui laissent incertain le fondement juridique de sa décision, méconnaissant les exigences des articles 12 et 455 du code de procédure civile, qu'elle a ainsi violés ;

Alors, de troisième part, que selon l'article L 121-1 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution, « le juge de l'exécution connaît de l'application des dispositions du présent code dans les conditions prévues par L 213-6 du code de l'organisation judiciaire » ; que l'article L 213-6 alinéa 1er du code de l'organisation judiciaire dispose, à cet égard, que « le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire » ; que l'article R 121-1 alinéa 1er du code des procédures civiles d'exécution ajoute qu'« en matière de compétence d'attribution, tout juge autre que le juge de l'exécution doit relever d'office son incompétence » ; qu'en retenant que Madame X... ayant saisi le Tribunal de grande instance de MARSEILLE, selon assignation délivrée par acte d'huissier du 14 septembre 2010, aux fins notamment de voir juger que les intérêts afférents au prêt étaient dus au taux d'intérêt légal et non au taux conventionnel à compter de la date de mise à disposition desdits prêts sur leur totalité et sur toute la durée du remboursement, « il n'appartient pas au juge de l'exécution de statuer sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée tendant à recouvrer lesdits intérêts dès lors que le juge du fond a été préalablement saisi de ce litige », quand, saisie d'une contestation portant sur la déchéance du doit aux intérêts conventionnels élevée à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée, il lui incombait de la trancher, la Cour d'appel a violé les textes précités ;

Alors, de quatrième part, qu'aucune disposition légale ne confère au juge le pouvoir d'ordonner le cantonnement au capital de la dette d'une saisie-attribution pratiquée sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible lorsqu'il ne décide pas préalablement que les intérêts ne sont pas dus ; qu'en ordonnant un tel cantonnement, sans statuer sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, la Cour d'appel a violé les articles L 111-7 et L 211-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

Et alors, enfin, qu'ayant considéré qu'« il n'appartient pas au juge de l'exécution de statuer sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée tendant à recouvrer lesdits intérêts dès lors que le juge du fond a été préalablement saisi de ce litige et le Crédit Mutuel n'est pas fondé, dans l'attente de la décision du juge du fond, à recouvrer les intérêts conventionnels litigieux par voie de saisie-attribution », il revenait, en tout état de cause, à la Cour d'appel non pas d'exclure les intérêts conventionnels de la saisie-attribution mais de surseoir à statuer sur la demande de cantonnement dans l'attente de la décision à intervenir du juge du fond ; qu'en se prononçant de la sorte, elle a violé les articles 49 et 378 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 16-25917
Date de la décision : 17/05/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

JUGE DE L'EXECUTION - Compétence - Difficultés relatives aux titres exécutoires - Déchéance du droit aux intérêts conventionnels - Saisine préalable du juge du fond sur la même question - Absence d'influence

JUGE DE L'EXECUTION - Compétence - Compétence d'attribution - Etendue - Détermination PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures d'exécution forcée - Saisie-attribution - Contestations et demandes incidentes - Recevabilité - Conditions - Moment - Juge du fond saisi préalablement à la mesure d'exécution et à la saisine du juge de l'exécution - Portée

Aux termes des dispositions de l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. En conséquence, c'est à tort qu'une cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, a cantonné une saisie-attribution au capital restant dû à la date de déchéance du terme en retenant qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution de statuer sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée tendant à recouvrer lesdits intérêts dès lors que le juge du fond a été préalablement saisi de ce litige, alors que pour cantonner la saisie, elle devait trancher la contestation qui lui était soumise, peu important qu'un tribunal de grande instance ait été saisi d'une demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels avant l'engagement de la mesure d'exécution et la saisine du juge de l'exécution


Références :

article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 17 mai. 2018, pourvoi n°16-25917, Bull. civ.Bull. 2018, II, n° 101
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, II, n° 101

Composition du Tribunal
Président : Mme Flise
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.25917
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