LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1315, devenu 1353, du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, soutenant être créancière du montant de factures impayées adressées à la société EGB-Entreprise générale du bâtiment A... Y... (le débiteur cédé), que la Société rhodanienne des enduits et des colles (le cédant) lui avait cédées suivant deux actes des 29 novembre et 6 décembre 2007, la société Crédit du Nord (le cessionnaire) a assigné le débiteur cédé en paiement ; que celui-ci s'y est opposé au motif que, les factures versées au débat ne correspondant à aucune livraison de marchandises et constituant de fausses factures, le cessionnaire avait été victime d'une escroquerie de la part du cédant ;
Attendu que pour condamner le débiteur cédé à payer une certaine somme au cessionnaire, l'arrêt retient qu'il ne prouve nullement l'existence d'une escroquerie; qu'il retient encore qu'à l'inverse, les factures démontrent que le débiteur cédé et le cédant avaient des relations commerciales habituelles et portent l'identité d'un représentant, des numéros et des dates de bons de livraison, le détail de matériaux vendus, le coût du transport en Corse, l'identification et la localisation des chantiers, tous éléments aisément vérifiables par le débiteur cédé ; qu'il retient enfin que si ce dernier a la faculté d'opposer des exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant, il lui incombe d'en apporter la preuve, mais que ses allégations ne sont pas fondées et sont insuffisantes à prouver l'existence de fausses factures, qui d'ailleurs n'ont donné lieu à aucun recours contre le cédant ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, sauf acceptation de la cession par le prétendu débiteur, il incombe à celui qui invoque contre lui la créance, dont seule l'existence est contestée, de la prouver, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juillet 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société Crédit du Nord aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société A... Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Entreprise générale du bâtiment A... Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société EGB à verser à la société Crédit du Nord la somme de 26.803,27 € avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2008,
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'appelante ne prouve nullement l'existence d'une escroquerie dont elle aurait été victime de la part de la Société Rhodanienne des Enduits et des Colles ; qu'à l'inverse, les factures démontrent que ces deux entreprises avaient des relations commerciales habituelles ; qu'elles portent l'identité d'un représentant, des numéros et des dates de bons de livraison, le détail de matériaux vendus, le coût du transport en Corse, l'identification et la localisation des chantiers, tous éléments aisément vérifiables par le débiteur cédé ; que ce dernier a la faculté d'opposer des exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant, il lui incombe d'en apporter la preuve ; qu'or, ses allégations ne sont pas fondées et sont insuffisantes à prouver l'existence de fausses factures, qui d'ailleurs n'ont donne lieu à aucun recours contre le cédant ; que le jugement doit en conséquence être confirme et l'Entreprise Générale du Bâtiment A... Y..., doit être déboutée de ses demandes ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société Entreprise générale du bâtiment A... Y... ne démontre pas qu'il puisse s'agir de fausses factures et ce d'autant qu'elle n'a pas, suite à la communication de ces cessions, émi(s) des réserves ou des contestations sérieuses ;
ALORS QUE si l'existence même de la créance cédée et non acceptée est contestée, c'est à celui qui l'invoque de la prouver ; qu'en l'espèce, la société EGB contestait l'existence des créances cédées par la société Rhodanienne des enduits et des colles à la société Crédit du Nord, telles qu'invoquées par cette dernière au soutien de sa demande tendant à la voir condamner à lui verser une somme de 26.803,27 € ; qu'en retenant, pour faire droit à cette demande, que la société EGB – dont elle ne constatait nullement qu'elle aurait accepté les créances cédées – échouait à démontrer que les factures les matérialisant étaient fausses, la cour d'appel qui a ainsi fait peser sur cette dernière la charge de prouver leur inexistence, a inversé la charge de la preuve en violation de l'article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.