LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 10 février 2017), que la SCI Au Dépôt des fabriques (la SCI), dont le gérant, M. X..., est artisan peintre, a entrepris de surélever d'un étage un bâtiment à usage de commerce et d'habitation ; que les travaux de charpente ont été confiés à la société 2C Bois ; qu'un différend est survenu entre l'entreprise, qui s'est plainte de n'avoir pas été payée du solde des travaux, et le maître d'ouvrage qui a invoqué des malfaçons et un manquement, par la société 2C Bois, à son obligation de conseil relativement aux normes parasismiques applicables sur la commune ;
Attendu que la SCI et M. X... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes additionnelles ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la SCI et M. X... avaient eu connaissance, par le permis de construire, du classement de la commune en zone présentant un risque sismique, qu'ils n'avaient, en dépit de cet élément, pas souhaité faire appel à un maître d'oeuvre ni faire procéder à une étude de la structure ou de l'ossature du bâtiment et que la SCI s'était réservée l'intégralité du lot couverture, ce qui démontrait qu'elle n'est pas un profane en matière de construction, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que le maître d'ouvrage avait, en parfaite connaissance de cause, accepté de procéder à des travaux non conformes aux règles parasismiques et qu'il ne pouvait reprocher à l'entreprise de charpente un manquement à une obligation de conseil alors que la non-conformité des travaux touchait principalement le gros oeuvre étranger aux ouvrages réalisés par celle-ci, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Au Dépôt des fabriques et M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Au Dépôt des fabriques et de M. X... et les condamne à payer à la société 2C Bois la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Balat , avocat aux Conseils, pour M. Pierre X..., la société Au Dépôt des fabriques
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué, dont une première copie délivrée par le greffe aux parties portant le numéro « 16/698 » mentionne qu'il a été rendu le « 9 décembre 2016 » et une seconde copie ensuite délivrée par le greffe portant quant à elle le numéro « 17/698 » mentionne qu'il a été rendu le « 10 février 2017 », d'avoir été ainsi rendu à une date indéterminée ;
ALORS QUE tout jugement doit contenir l'indication de sa date, laquelle constitue une formalité substantielle de la décision ; qu'en rendant exactement la même décision successivement sous le numéro 16/698 puis sous le numéro 17/698 d'abord le 9 décembre 2016 puis le 10 février 2017, la cour d'appel de Pau, qui n'a pas donné date certaine à sa décision, a violé les articles 453 et 454 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI Au Dépôt des Fabriques de ses demandes additionnelles à l'encontre de la société 2C Bois ;
AUX MOTIFS QU' il est constant que l'obligation de conseil ne s'applique pas aux faits qui sont de la connaissance de tous et qu'elle est limitée, d'une part, à l'opération envisagée et, d'autre part, à la sphère de compétence du débiteur de l'obligation ; que le maître d'ouvrage a obtenu du maire de la commune d'Oloron-Sainte-Marie, le 21 décembre 2015, le permis de construire 64 422 05H 1093 puis, la demande de modification du permis de construire 64 422 05H 1093 A ; que ces documents comportent le visa du décret n° 91-461 du 14 mai 1991 plaçant la commune d'Oloron-Sainte-Marie en zone sismique 1B de sorte que la SCI Au Dépôt des Fabriques et son gérant, M. X... avaient nécessairement connaissance de l'existence du risque parasismique ; que bien qu'ayant connaissance de la situation de l'immeuble dans une commune classée en zone de sismicité et alors que l'ensemble immobilier est à usage de commerces au rez-de-chaussée et d'appartements à l'étage, la SCI au Dépôt des Fabriques ne conteste pas n'avoir pas souhaité faire appel à un maître d'oeuvre ni, dans le cadre de cette rénovation consistant en la création d'un étage complémentaire, faire procéder à une étude de la structure et de l'ossature du bâtiment ; qu'en outre, elle s'est réservée tout le poste de couverture démontrant par là même qu'elle n'est pas un profane étant observé que son gérant, M. Pierre X..., est artisan peintre en bâtiment, immatriculé à ce titre au répertoire des métiers ; que ce faisant, la SCI Au Dépôt des Fabriques, qui savait que son immeuble est en zone parasismique et dont le gérant est notoirement compétent, a, délibérément accepté de prendre des risques ; que l'arrêt avant dire droit avait rappelé que l'intervention de la société 2C Bois était circonscrite au remplacement de la charpente existante par une charpente en lamellé-collé devant servir de support à des panneaux triplâtre M0 sur lesquels devaient être mis en place une couverture en feuilles de zinc, le maître de l'ouvrage s'était réservé la partie couverture ; qu'il résulte des conclusions de l'expert que la quasi totalité des travaux de renforcement consécutive au non-respect des normes parasismiques, concerne le gros-oeuvre auquel est étranger la société 2C Bois et que les travaux de confortement ne nécessitent pas la dépose de la charpente mise en oeuvre par la société 2C Bois ; qu'en conséquence, aucun défaut d'information n'est établi de ce chef, à l'encontre de la société 2C Bois et la SCI Au Dépôt des Fabriques sera déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE l'obligation d'information et de conseil de l'entrepreneur envers son client existe tant à l'égard du profane qu'à l'égard du professionnel, dans la mesure, pour ce dernier, où sa compétence ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques litigieuses ; que cette obligation se double de l'obligation de s'informer des besoins exacts du client ; que l'exécution de cette obligation, inhérente à la qualité de professionnel de l'entrepreneur est due, même si elle n'a pas été expressément sollicitée par son client ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pas constaté que le maître de l'ouvrage, dont les compétences étaient limitées à l'activité de peintre en bâtiment (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 8), était à même d'apprécier de manière exacte la conformité aux normes parasismiques de la construction sur laquelle est intervenue la société 2C Bois pour y effectuer des travaux de structure ; que dans ces conditions, cette dernière se devait, soit de vérifier spontanément la conformité de la construction aux normes parasismiques, soit, à tout le moins, d'attirer l'attention de son client sur la nécessité de faire procéder à une vérification sur ce point ; qu'en écartant toute responsabilité de la société 2C Bois au titre de la conformité de la construction aux normes parasismiques, au motif que la SCI Au Dépôt des Fabriques et son gérant, peintre en bâtiment, et dès lors « notoirement compétent », auraient accepté de prendre le risque d'une non conformité sur ce point (arrêt attaqué, p. 6, in fine), la cour d'appel, qui n'a caractérisé ni la compétence notoire du maître de l'ouvrage dans le domaine considéré, ni son acceptation en pleine connaissance de cause des risques de non-conformité, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
ALORS, EN DEUXIÈME LIEU, QUE l'immixtion n'exonère le constructeur de sa responsabilité que si elle émane d'un maître de l'ouvrage notoirement compétent dans le domaine d'intervention du constructeur où sont apparus les désordres ; qu'en se bornant à relever que le gérant de la SCI Au Dépôt des Fabriques n'était pas un profane puisqu'il exerçait l'activité de peintre en bâtiment (arrêt attaqué, p. 6, alinéas 8 et 9), sans rechercher si cette qualité lui donnait compétence en matière de conformité des bâtiments aux normes parasismiques, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016;
ALORS, EN TROISIÈME LIEU, QUE le maître de l'ouvrage qui a accepté des risques de désordres ne peut supporter seul la charge des dommages qu'il a subis qu'à la condition d'avoir accepté ces risques en toute connaissance de cause ; qu'en considérant que la SCI Au Dépôt des Fabriques avait « délibérément accepté de prendre des risques » (arrêt attaqué, p. 6, in fine), de sorte qu'elle ne pouvait agir à l'encontre de la société 2C Bois au titre d'un manquement de celle-ci à son obligation de conseil, sans avoir constaté que le gérant de la SCI était notoirement compétent en matière de normes parasismiques, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le fait que le maître de l'ouvrage aurait accepté en toute connaissance de cause les risques d'une non-conformité de la construction aux normes parasismiques, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QU' en exonérant finalement la société 2C Bois de tout manquement à son obligation de conseil et d'information, au motif que « la quasi-totalité des travaux de renforcement consécutive au non-respect des normes parasismiques concerne le gros-oeuvre auquel est étranger la SARL 2C Bois » (arrêt attaqué, p. 7, alinéa 1er), ce dont il se déduit a contrario qu'une partie au moins des travaux confiés à la société 2C Bois se trouvait concernée par les normes parasismiques, de sorte que cette société se trouvait débitrice d'une obligation de conseil et d'information sur ce point envers le maître de l'ouvrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause, antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.