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03/05/2018 | FRANCE | N°17-17284

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 03 mai 2018, 17-17284


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 28 janvier 2015, pourvoi n° 14-10.013, Bull. 2014, III, n° 13), que, par acte du 28 avril 1981, le syndicat des copropriétaires du [...]              (le syndicat) a constitué, au bénéfice de la société EDF, aux droits de laquelle vient la société ERDF désormais dénommé

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LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 28 janvier 2015, pourvoi n° 14-10.013, Bull. 2014, III, n° 13), que, par acte du 28 avril 1981, le syndicat des copropriétaires du [...]              (le syndicat) a constitué, au bénéfice de la société EDF, aux droits de laquelle vient la société ERDF désormais dénommée Enedis (la société), un droit d'usage sur un lot composé d'un transformateur de distribution publique d'électricité ; que le syndicat a assigné la société pour faire constater l'expiration de la convention de droit d'usage à la date du 28 avril 2011, voir ordonner son expulsion et obtenir le paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux ;

Attendu que, pour condamner la société au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation à compter du 28 avril 2011 et jusqu'à la libération effective du local litigieux, l'arrêt énonce qu'elle ne conteste pas la compétence de la juridiction judiciaire pour connaître de cette demande ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses dernières conclusions, la société soutenait que la demande principale du syndicat, tendant à son expulsion et à sa condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation jusqu'à la libération effective des lieux, relevait de la compétence de la juridiction administrative, la cour d'appel a dénaturé ces écritures et violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société ERDF, devenue Enedis, à payer au syndicat des copropriétaires du [...]             une indemnité mensuelle de 500 euros pour l'occupation du local constituant le lot n° 4 dépendant de l'ensemble immobilier situé à la même adresse à compter du 28 avril 2011 et jusqu'à la libération effective dudit local, l'arrêt rendu le 23 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen, autrement composée ;

Condamne le syndicat des copropriétaires du [...]             aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Coutard et Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour la société Enedis.

PRIS DE CE QUE l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, prononcé le 23 février 2017 :

- Fixe à 30 ans la durée de la convention du 28 avril 1981 aux termes de laquelle le syndicat des copropriétaires du [...]             à [...] a constitué à la SA ERDF un droit d'usage sur un lot composé d'un transformateur de distribution publique d'électricité conformément aux dispositions de l'article 619 du code civil,

- Constate que ce droit d'usage a pris fin le 28 avril 1981,

..

Ajoutant au jugement rendu le 13 octobre 2009,

- Condamne la SA ERDF à payer au syndicat des copropriétaires du [...]             à [...] une indemnité mensuelle de 500 euros pour l'occupation du local constituant le lot n° 4 dépendant de l'ensemble immobilier situé à la même adresse à compter du 28 avril 2011 et jusqu'à la libération effective dudit local ;

AUX MOTIFS QUE « le syndicat demande ensuite que la société ERDF soit condamnée à lui payer une somme de 500 € à titre d'indemnité d'occupation du local litigieux à compter du 28 avril 2011 jusqu'à la libération effective des lieux ; l'intimée dont l'exception d'incompétence ne vise que la demande d'expulsion et de libération du local formée par le syndicat, ne conteste pas la compétence de la cour pour statuer sur cette demande d'indemnité d'occupation sur laquelle la SA ERDF ne conclut pas ; du fait de son maintien dans les lieux au-delà du terme de la convention lui conférant un droit d'usage, la société ERDF est débitrice envers le syndicat des copropriétaires d'une indemnité d'occupation qu'il convient de fixer à 500 € par mois ; la SA ERDF doit donc être condamnée à payer au syndicat des copropriétaires du [...]             à [...] la somme de 500 € par mois à compter du 28 avril 2011 jusqu'à la libération effective du local abritant le transformateur ».

ALORS QUE, d'UNE PART, dans les motifs de ses conclusions du 17 novembre 2015 visées à l'arrêt attaqué (p. 3), qui en dispositif demandent à la Cour d'appel de CAEN, « sur la demande principale du Syndicat des copropriétaires » tendant à ce que la société ERDF soit condamnée à libérer les lieux sous astreinte et soit condamnée à verser la somme de 500 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation depuis le 28 avril 2011 jusqu'à la libération effective et complète des lieux, « de se déclarer incompétente sur la demande d'expulsion et de libération par ERDF du bien litigieux, au profit du Tribunal administratif de CAEN » -,

la société ERDF a fait valoir que :

« Le transformateur litigieux, directement affecté au service public de la distribution d'électricité dont ERDF est chargée, a donc le caractère d'un ouvrage public.

« Dès lors, les demandes tendant à ce que soit réparé le dommage qui aurait pu être causé par ce transformateur ou que soit ordonné son déplacement ou sa suppression (et donc l'expulsion d'ERDF) relèvent par nature de la compétence du Juge Administratif, sans que puissent y faire obstacle les dispositions de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur la distribution d'énergie.

« Le Tribunal des conflits s'est prononcé en ce sens aux termes d'un jugement du 17 juin 2013 » (voir TC M. BERGOEND – ERDF Annecy Léman, rec. 310 : arrêt qui énonce que la compétence des juridictions judiciaires ne peut être retenue « par exception » qu'en cas de voie de fait (écartée en l'espèce) « pour en ordonner la cessation ou la réparation) »,

qu'en déclarant que ERDF « ne conteste pas la compétence de la cour pour statuer sur cette demande d'indemnité d'occupation sur laquelle (elle) ne conclut pas », la Cour d'appel a manifestement méconnu les conclusions susvisées d'ERDF soutenant que « les demandes tendant à ce que soit réparé le dommage qui aurait pu être causé par le transformateur
relèvent par nature de la compétence du juge administratif », violant en conséquence l'article 4 du Code de procédure civile ;

ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en tout état de cause, il a été jugé dans la décision du Tribunal des conflits du 9 décembre 2013 (M. et Mme A... c/ Cne de Saint-Palais-sur-Mer, rec. 376) : « dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision, et le cas échéant, pour adresser des injonctions à l'administration, l'est également pour connaître des condamnations tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété ; que si l'occupation de la parcelle appartenant à M. et Mme A... par la commune de Saint-Palais-Sur-Mer a porté atteinte au libre exercice de leur droit de propriété sur ce bien, elle n'a pas eu pour effet de les en déposséder définitivement ; qu'il résulte de ce qui précède que le Tribunal administratif, compétent pour se prononcer sur la décision du maire refusant de libérer cette parcelle et pour enjoindre à la commune d'y procéder, l'est également pour statuer sur leurs conclusions tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables de cette occupation irrégulière » ; que l'arrêt attaqué constate lui-même « le maintien sans droit ni titre d'un tel ouvrage sur la propriété du syndicat, qui ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose ERDF et n'aboutit pas, en outre, à l'extinction d'un droit de propriété, ne saurait dès lors être qualifié de voie de fait » ; qu'après avoir ainsi constaté l'absence de voie de fait, la cour d'appel aurait dû se déclarer également incompétente au titre de la demande du syndicat tendant à ce que ERDF soit condamnée à lui payer la somme de 500 euros à titre d'indemnité d'occupation à compter du 28 avril 2011, date à laquelle le droit d'usage a pris fin, alors que son maintien dans les lieux au terme de ce délai n'a effectivement pas eu pour effet d'en déposséder définitivement le syndicat, en sorte que la Cour d'appel a violé le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires posé par la loi du 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.


Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 23 février 2017


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 1re, 03 mai. 2018, pourvoi n°17-17284

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Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 1
Date de la décision : 03/05/2018
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17-17284
Numéro NOR : JURITEXT000036930053 ?
Numéro d'affaire : 17-17284
Numéro de décision : 11800463
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2018-05-03;17.17284 ?
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