LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 1er décembre 2016), que la société Polyclinique Bois Bernard, devenue la société Hôpital privé Bois-Bernard (l'hôpital privé), et le centre hospitalier de Lens (le centre hospitalier) ont créé le Groupement de coopération sanitaire de cardiologie interventionnelle de l'Artois qui réalise et gère pour leur compte des équipements d'intérêt commun, au nombre desquels figure le plateau technique nécessaire aux activités de chirurgie cardiaque et interventionnelle, implanté dans les locaux du centre hospitalier ; qu'à la suite d'une coronarographie ayant mis en évidence une valvulopathie, une sténose ostiale et une sténose coronarienne, Michel X... (le patient) a consulté M. Y..., médecin cardiologue, exerçant son activité à titre libéral au sein de l'hôpital privé ; que, le 19 juin 2008, celui-ci a procédé, dans les locaux du centre hospitalier de Lens, à une intervention dite de Bentall, au décours de laquelle le patient a présenté une infection, dont l'origine nosocomiale a été mise en évidence par une expertise réalisée au cours de la procédure de règlement amiable et par une expertise judiciaire ; que le patient a assigné l'hôpital privé en responsabilité et indemnisation et mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (la caisse) qui a sollicité le remboursement de ses débours ; qu'après le décès du patient, ses ayants droit ont repris l'instance ;
Attendu que la caisse fait grief à l'arrêt de rejeter tant ses demandes que celles des ayants droit du patient, alors, selon le moyen :
1°/ qu'aux termes de l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique, les établissements de santé dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; qu'à ce titre, un établissement de santé est responsable des dommages résultant d'une infection nosocomiale contractée par un patient, avec lequel il a conclu un contrat d'hospitalisation et de soins, lors d'une intervention pratiquée au sein de locaux mis à sa disposition par un autre établissement de santé dans le cadre d'un groupement de coopération sanitaire ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique ;
2°/ qu'en écartant la responsabilité de l'hôpital privé, sans rechercher si, aux termes de la convention constitutive du groupement de coopération sanitaire, l'unité de cardiologie interventionnelle de l'Artois, où l'intervention de Michel X... a eu lieu, ne devait pas être considérée, bien que située au sein des locaux du centre hospitalier de Lens, comme le service de chirurgie cardiaque de l'hôpital privé et si, par conséquent, les soins dispensés ne devaient pas être regardés comme l'ayant été au sein de ce dernier établissement, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique ;
3°/ que vainement objecterait-on que la pratique d'une intervention hors les locaux de l'hôpital privé suffisait à caractériser l'existence d'une cause étrangère ; qu'en effet, il ne s'agit pas d'une circonstance extérieure à l'activité de l'établissement de santé dont la responsabilité est recherchée ; qu'à cet égard encore, l'arrêt doit être censuré pour violation de l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique ;
Mais attendu que, selon l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; qu'il en résulte que, même lorsqu'un groupement de coopération sanitaire a été conclu entre deux établissements de santé, seul celui dans lequel les soins ont été réalisés peut être responsable de plein droit de tels dommages ; qu'après avoir relevé que l'intervention chirurgicale, au décours de laquelle le patient avait contracté une infection nosocomiale, avait été pratiquée dans les locaux du centre hospitalier, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la responsabilité de l'hôpital privé n'était pas engagée ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait, et comme tel irrecevable en sa deuxième branche, et rendu inopérant en sa troisième branche, par suite du rejet des deux premières, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU' il a, infirmant le jugement, débouté les consorts X... et la Caisse de leurs demandes à l'encontre de l'Hôpital Privé du Bois Bernard ;
AUX MOTIFS QU' « Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de sein sont responsables des dommages résultants d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. En l'espèce, M. X... a conclu un contrat d'hospitalisation et de soin avec la polyclinique Bois Bernard pour une intervention de chirurgie cardiaque prévue le 19 juin 2008. La Polyclinique Bois Bernard a mis en place avec le centre hospitalier de Lens un groupement de coopération sanitaire dénommé "groupement de coopération sanitaire de cardiologie interventionnelle de l'Artois". La convention constitutive de ce groupement indique en son article 3-1 que celui-ci "a pour objet de réaliser et de gérer pour le compte de ses membres des équipements d'intérêts communs, en particulier des plateaux techniques tels des blocs opératoires, notamment ceux nécessaires aux activités de chirurgie cardiaque et de cardiologie interventionnelle" et précise à. l'article 3-2 que le plateau technique est implanté dans les locaux du centre hospitalier de Lens. En son article 3-2, la convention rappelle que "les patients relèvent des établissements de santé, membres du groupement, auxquels ils se sont initialement adressés". Il résulte du rapport d'expertise des docteurs Z... et A..., désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation que M. X... a subi une infection nosocomiale grave au décours de l'intervention chirurgicale du 19 juin 2008. I1 résulte également de l'expertise judiciaire ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Béthune, et réalisée par les docteurs B... et C... que M. D... a contracté une infection nosocomiale au décours de l'intervention chirurgicale du 19 juin 2008. Il est constant que cette intervention chirurgicale a été pratiquée au centre hospitalier de Lens, par un médecin exerçant en libéral. Il résulte cependant de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique que c'est l'établissement dans lequel l'acte de soin a été pratiqué qui est responsable dos dommages résultant de l'infection nosocomiale. En l'espèce, après les expertises démontrant que les préjudices dont il est demandé réparation sont la conséquence de la seule infection nosocomiale, il n'est aucunement envisagé d'imposer au patient de diviser son recours puisque seule la responsabilité du centre hospitalier peut être recherchée. Dès lors, peu importe que M. X... ait conclu un contrat de soin avec la polyclinique et soit étranger à la convention constitutive du groupement liant la clinique au centre hospitalier, la responsabilité de la clinique étant nécessairement écartée s'agissant d'une infection nosocomiale contractée au sein du centre hospitalier. La responsabilité de la polyclinique Bois Bernard ne pouvant être recherchée en 1 espèce, il convient d'infirmer le jugement déféré et de débouter les consorts X... de leurs demandes à l'encontre de la société Polyclinique Bois Bernard. » ;
AUX MOTIFS ENCORE QUE « Les consorts X... étant déboutés de leurs demandes, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois doit également, pour les mêmes motifs, être déboutée de ses demandes à l'encontre de la société Polyclinique Bois Bernard. » ;
ALORS QUE, premièrement, aux termes de l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique, les établissements de santé dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; qu'à ce titre, un établissement de santé est responsable des dommages résultant d'une infection nosocomiale contractée par un patient, avec lequel il a conclu un contrat d'hospitalisation et de soins, lors d'une intervention pratiquée au sein de locaux mis à sa disposition par un autre établissement de santé dans le cadre d'un groupement de coopération sanitaire ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique ;
ALORS QUE, deuxièmement, en écartant la responsabilité de l'Hôpital Privé du Bois Bernard, sans rechercher si, aux termes de la convention constitutive du groupement de coopération sanitaire, l'unité de cardiologie interventionnelle de l'Artois, où l'intervention de Monsieur X... a eu lieu, ne devait pas être considérée, bien que située au sein des locaux du Centre Hospitalier de Lens, comme le service de chirurgie cardiaque de l'Hôpital Privé du Bois Bernard et si, par conséquent, les soins dispensés ne devaient pas être regardés comme l'ayant été au sein de ce dernier établissement, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique ;
ALORS QUE, troisièmement, vainement objecterait-on que la pratique d'une intervention hors les locaux de l'Hôpital Privé du Bois Bernard suffisait à caractériser l'existence d'une cause étrangère ; qu'en effet, il ne s'agit pas d'une circonstance extérieure à l'activité de l'établissement de santé dont la responsabilité est recherchée ; qu'à cet égard encore, l'arrêt doit être censuré pour violation de l'article L. 1142-1, I, du code de la santé publique.