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05/04/2018 | FRANCE | N°17-27423

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 avril 2018, 17-27423


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Vu l'article 15 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, et les articles 5, 6 et 12 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;

Attendu que le juge de l'élection, saisi d'un recours en annulation, contrôle la régularité et la sincérité du scrutin ; qu'à cet effet, il vérifie les mentions du procès-verbal des opérations de vo

te au moyen du matériel et des documents électoraux qui doivent être conservés par ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Vu l'article 15 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, et les articles 5, 6 et 12 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ;

Attendu que le juge de l'élection, saisi d'un recours en annulation, contrôle la régularité et la sincérité du scrutin ; qu'à cet effet, il vérifie les mentions du procès-verbal des opérations de vote au moyen du matériel et des documents électoraux qui doivent être conservés par l'autorité responsable du bon déroulement du scrutin ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme B... et MM. Z..., Y... et X..., avocats au barreau de Nice, ont formé un recours en annulation des opérations électorales, organisées le 6 avril 2017, qui ont abouti à l'élection, au deuxième tour du scrutin, de M. A... et Mme F..., en qualité respective de bâtonnier et vice-bâtonnier de l'ordre des avocats audit barreau, par quatre cent cinquante-neuf voix contre quatre cent quarante et un sur un total de neuf cents suffrages exprimés, pour un nombre de votants de neuf cent douze, douze bulletins ayant été déclarés blancs ou nuls ;

Attendu que, pour rejeter ce recours, après avoir constaté que le bâtonnier en exercice avait détruit le matériel et les documents électoraux à l'appui du procès-verbal des opérations de vote avant l'expiration du délai de recours ouvert au procureur général, l'arrêt retient que le bâtonnier n'a commis aucune faute, dès lors qu'aucune disposition n'interdit la destruction de ces pièces ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une telle destruction faisait obstacle au contrôle du juge de l'élection, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 octobre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne l'ordre des avocats au barreau de Nice, Mme F... et M. A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour MM. X..., Y... et Z...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté MM. Z..., Y... et X... de leur recours en annulation de l'élection, le 6 avril 2017, de M. A... en tant que bâtonnier et de Mme F... en tant que vice-bâtonnière de l'ordre des avocats du barreau de Nice,

AUX MOTIFS QUE la cour d'appel d'Aix-en-Provence, saisie du recours formé contre les élections du 6 avril 2017, a compétence pour statuer sur la régularité et la sincérité des élections qui lui sont soumises ; que toutefois, aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à celui qui se prévaut d'un fait d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, il appartient à Mme B..., M. Z..., M. Y... et M. X..., puisqu'ils sollicitent l'annulation des élections du 6 avril 2017, d'apporter la preuve d'une atteinte à la sincérité ou à la régularité du vote ; qu'à l'appui de leur recours, les intéressés font état du fait que de très nombreuses procurations ont été utilisées lors des élections du 6 avril 2017 et que sur les procurations, ont été constatées des écritures et des encres différentes, ce qui démontrerait l'existence de subdélégations ne permettant pas de vérifier que le mandataire initial à qui a été remise la procuration disposait de la capacité d'électeur ; qu'ils ajoutent au surplus que « le nombre de procurations soumises à discussion excède non seulement la différence de voix mais également le seuil raisonnable en deçà duquel la sincérité du vote apparaît compromis » ; qu'or, ils ne versent à l'appui de leurs affirmations aucune pièce qui permettrait à la cour d'appel tout d'abord de connaître le nombre précis de procurations utilisées puis, ce nombre même élevé ne constituant pas à lui seul un motif d'irrégularité, d'exercer son office quant au contrôle de la régularité des procurations en cause ; qu'il sera d'ailleurs constaté que les intéressés ne précisent et n'établissent pas avoir sollicité préalablement au dépôt de leur recours auprès du Bâtonnier en exercice de Nice des informations sur les procurations (nombre, utilisation, vérification des listes d'émargement..), la seule demande de leur part faite à ce sujet étant postérieure au recours, puisque faite par lettre du 20 avril 2017 ; que les demandeurs font mention dans leurs écritures du fait que, deux mois avant le scrutin, l'accès aux listes électorales avait été refusé à deux candidats par une délibération en date du 6 février 2017 du Conseil de l'Ordre du barreau de Nice ; que les demandeurs ne reprennent toutefois pas ce fait dans le recours par eux déposé ; qu'en tant que de besoin, il sera précisé que la cour d'appel n'a pas été saisie de cette délibération et qu'au surplus, les deux avocats concernés par le refus d'accès aux listes électorales, Me G... et C..., ne sont pas demandeurs au recours examiné dans la présente procédure ; que les demandeurs au recours ne peuvent reprocher à faute au Bâtonnier en exercice d'avoir détruit le matériel et les documents électoraux dans le délai de 10 jours, ainsi que précisé par Me E... par courrier adressé à la cour d'appel daté du 2 juin 2017, alors que d'une part, il leur appartient de prouver une atteinte à la sincérité et à la régularité du vote, et qu'au surplus, aucun texte n'interdisait la destruction sus-dite dans les 10 jours du vote, le seul constat que cette destruction a eu lieu alors que le délai du recours du parquet général était toujours en cours ne suffisant pas à établir ni l'absence de sincérité du vote ni son irrégularité ;

1°) ALORS QUE la destruction de l'ensemble des documents électoraux fait obstacle au contrôle par le juge de l'élection de la sincérité des opérations électorales et doit entraîner l'annulation de l'élection ; qu'en rejetant le recours en annulation de l'élection du bâtonnier et du vice-bâtonnier élus avec seulement dix-huit voix d'avance sur 900 votes exprimés quand il ressort de ses constatations que le contrôle de la sincérité des opérations électorales contestée par des membres du barreau était impossible en raison de la destruction de la totalité des documents électoraux, la cour d'appel a violé les articles 15 de la loi du 31 décembre 1971, 5, 6 et 12 du décret du 27 novembre 1991 ;

2°) ALORS QUE le matériel et les documents électoraux relatifs à l'élection du Bâtonnier doivent être conservés jusqu'à l'épuisement des délais de recours contentieux afin que le juge de l'élection soit en mesure, le cas échéant, de contrôler la régularité des opérations électorales et la sincérité du scrutin ; qu'en affirmant que le Bâtonnier en exercice n'avait commis aucune faute en détruisant les documents électoraux dans le délai de 10 jours du vote quand il résultait de ses propres constatations que cette destruction était intervenue avant l'expiration des délais de recours contentieux et rendait impossible le contrôle de la régularité du scrutin, la cour d'appel a violé les articles 15 de la loi du 31 décembre 1971, 5, 6 et 12 du décret du 27 novembre 1991 ;

3°) ALORS QU'en affirmant que le bâtonnier en exercice n'était pas fautif d'avoir détruit l'ensemble des documents électoraux dans le délai de dix jours suivant l'élection sans rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si à la date alléguée de cette destruction, le bâtonnier en exercice n'était pas déjà informé du recours en annulation dont il a reçu une copie le 18 janvier 2017 par lettre AR et par la signification, le même jour, d'une ordonnance sur requête autorisant un huissier de justice à consulter et prendre copie des listes d'émargements et des procurations, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 15 de la loi du 31 décembre 1971, 5, 6 et 12 du décret du 27 novembre 1991 ;

4°) ALORS QUE s'il appartient au demandeur à l'annulation de l'élection du bâtonnier d'établir une atteinte à la sincérité ou à la régularité du scrutin, il incombe au bâtonnier en exercice de communiquer à la cour d'appel, saisie du recours, les documents électoraux nécessaires à son contrôle ; qu'en reprochant aux demandeurs au recours de ne verser à l'appui de leurs affirmations aucune pièce lui permettant d'exercer son office quant au contrôle de la régularité des procurations quand il ressort de ses constatations que ces documents, détruits par l'Ordre des avocats, ne pouvaient être produits, la cour d'appel a violé les articles 9 du code de procédure civile et 1315 devenu 1353 du code civil ;

5°) ALORS QUE les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction, sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus ; qu'en l'espèce, ayant ordonné le dépôt au greffe des listes d'émargement et des procurations utilisées pour voter et la justification de la date et des conditions d'une éventuelle destruction ; qu'en tirant les conséquences du défaut d'exécution de l'ordonnance du 20 juin 2017, la cour d'appel a violé l'article 11 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-27423
Date de la décision : 05/04/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

AVOCAT - Bâtonnier - Election - Annulation - Recours en annulation - Procédure - Office du juge - Obstacle - Cas

AVOCAT - Bâtonnier - Election - Annulation - Recours en annulation - Procédure - Office du juge - Contrôle des opérations de vote - Moyens - Matériel et documents électoraux - Cas

Le juge de l'élection, saisi d'un recours en annulation, contrôle la régularité et la sincérité du scrutin. A cet effet, il vérifie les mentions du procès-verbal des opérations de vote au moyen du matériel et des documents électoraux qui doivent être conservés par l'autorité responsable du bon déroulement du scrutin. Dès lors, doit être cassé l'arrêt qui rejette la demande d'annulation des opérations électorales ayant abouti à la désignation d'un bâtonnier et d'un vice-bâtonnier, alors que la destruction du matériel et des documents électoraux à l'appui du procès-verbal des opérations de vote avant l'expiration du délai de recours ouvert au procureur général, fait obstacle au contrôle du juge de l'élection


Références :

article 15 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971

articles 5, 6 et 12 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 31 octobre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 avr. 2018, pourvoi n°17-27423, Bull. civ.Bull. 2018, I, n° 63
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, I, n° 63

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.27423
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