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05/04/2018 | FRANCE | N°16-19186;16-19274

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 05 avril 2018, 16-19186 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° K 16-19.186 et n° F 16-19.274, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 2016), que la société Bouygues télécom (la société Bouygues) a saisi le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence (l'Autorité), de pratiques d'abus de position dominante mises en oeuvre par la société Orange France et la Société française du radiotéléphone (la société SFR) sur le marché de la téléphonie mobile, en leur reprochant d'avoir

généralisé, dans leurs forfaits respectifs, des offres d'appels « on net illimité » ;...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° K 16-19.186 et n° F 16-19.274, qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 2016), que la société Bouygues télécom (la société Bouygues) a saisi le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence (l'Autorité), de pratiques d'abus de position dominante mises en oeuvre par la société Orange France et la Société française du radiotéléphone (la société SFR) sur le marché de la téléphonie mobile, en leur reprochant d'avoir généralisé, dans leurs forfaits respectifs, des offres d'appels « on net illimité » ; que par une décision n° 12-D-24 du 13 décembre 2012, l'Autorité a dit établi que la société Orange France, en tant qu'auteur des pratiques, et la société France télécom, en sa qualité de société mère, d'une part, et la société SFR, d'autre part, avaient enfreint les dispositions de l'article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et de l'article L. 420-2 du code de commerce en mettant en oeuvre, depuis 2005, une différenciation tarifaire abusive entre les appels « on net » vers leurs propres réseaux et les appels « off net » à destination des réseaux concurrents et leur a infligé des sanctions pécuniaires ; que, les sociétés Orange France et France télécom, devenues la société Orange, et la société SFR ayant formé un recours en annulation et en réformation de cette décision, la cour d'appel, après avoir, par un premier arrêt, rejeté les moyens d'annulation et, sur le fond, saisi la Commission européenne d'une demande d'avis, a, par l'arrêt attaqué, réformé la décision de l'Autorité mais seulement quant au montant des sanctions infligées ;

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi n° K 16-19.186 :

Attendu que la société SFR fait grief à l'arrêt de ne réformer la décision que sur le montant des sanctions infligées alors, selon le moyen :

1°/ que le juge qui statue sur un abus de position dominante, ne peut pas refuser d'appliquer les critères et les tests économiques antérieurement admis par la doctrine économique et utilisés par les instances européennes ; qu'en décidant au contraire que l'Autorité avait pu valablement s'affranchir en l'espèce du test du ciseau tarifaire après avoir admis que « la pratique en cause pouvait, ainsi que l'ont fait les rapporteurs à la suite de la plainte, être examinée au regard du test de ciseau tarifaire, qui consiste à déterminer si l'opérateur qui se dit victime d'une pratique abusive est en mesure de produire une offre au moins aussi attractive que celle de l'opérateur dominant, compte tenu des coûts que représente l'accès au produit ou au service fourni par ce dernier », la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 102 TFUE et L 420-2 du code de commerce ;

2°/ que le juge de la concurrence ne peut appliquer que les critères et tests antérieurement admis par la doctrine économique et la jurisprudence ; qu'en décidant au contraire que l'Autorité avait pu valablement apprécier la pratique en cause en fonction d'un test économique spécialement élaboré par celle-ci pour le présent litige ; la cour d'appel qui a méconnu le principe de sécurité juridique, a violé les articles 102 TFUE et L. 420-2 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant constaté que les pratiques dénoncées consistaient dans la commercialisation d'offres, dites d'abondance, sur les appels « on net », qui étaient différentes, tant dans leur expression que dans leurs effets potentiels, de celles ayant donné lieu à la jurisprudence invoquée par les sociétés SFR et Orange et plus complexes que celles jusque là examinées par la Cour de justice de l'Union européenne, l'arrêt retient que le test de ciseau tarifaire n'est pas un test adapté à l'espèce dès lors qu'il ne permettrait pas d'appréhender la totalité des répercussions que les pratiques de différenciation abusive en cause sont susceptibles d'entraîner sur le marché et, notamment, l'effet de regroupement des clients ainsi que les effets statistiques ; qu'ayant relevé que la méthode mise en oeuvre par l'Autorité, qui visait à traduire en termes monétaires la différence entre le prix des communications « on net » et « off net », du fait de la présence d'avantages qui n'étaient pas, eux, définis en ces termes, était construite sur des hypothèses qui permettaient une comparaison objective des prix, qu'elle reposait sur des éléments objectifs et sur une analyse logique clairement exposée et permettait de faire ressortir une quantification des éléments de l'offre, il retient que cette méthode était, dès lors, appropriée pour analyser la construction tarifaire en cause et justifiée d'un point de vue économique ; qu'en cet état, c'est sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations ni le principe de sécurité juridique que la cour d'appel en a déduit que l'Autorité avait pu utiliser un test économique, autre que celui utilisé dans les précédents, permettant d'appréhender l'ensemble des effets anticoncurrentiels des pratiques ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen, pris en ses septième, huitième et neuvième branches, du même pourvoi :

Attendu que la société SFR fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que l'application des articles 102 TFUE et L. 420-2 du code de commerce présuppose l'existence d'un lien entre la position dominante et le comportement prétendument abusif, qui n'est normalement pas présent lorsqu'un comportement sur un marché distinct du marché dominé produit des effets sur ce même marché ; qu'il n'en va autrement qu'à titre exceptionnel, lorsque les marchés distincts sont connexes, et que des circonstances particulières peuvent justifier une application de ces textes à un comportement constaté sur le marché connexe, non dominé, et produisant des effets sur ce même marché ; qu'en considérant, pour dire que la société SFR occupe une position dominante sur le marché de gros de la terminaison d'appel tandis que l'abus qui lui est reproché consiste en des écarts de prix excessifs entre les offres dites « on net » et celles dites « off net » sur le marché de détail de la téléphonie mobile, que le lien de causalité entre la position dominante détenue et l'abus allégué a été clairement caractérisé en relevant que les pratiques de différenciation tarifaire avaient été mises en oeuvre « en raison » de la position dominante détenue par Orange et SFR sur le marché de la terminaison d'appel, cette position dominante leur ayant permis de pratiquer des prix de terminaison d'appel « supra concurrentiels », tout en admettant que cette situation ne correspondait pas aux critères jurisprudentiels habituellement retenus pour caractériser l'existence de « circonstances particulières » permettant de sanctionner à titre exceptionnel au titre de l'abus de position dominante une pratique abusive commise sur un marché distinct de celui sur lequel son auteur occupe une position dominante, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 102 TFUE et L 420-2 du code de commerce ;

2°/ que l'application des articles 102 TFUE et L. 420-2 du code de commerce implique l'existence d'un lien entre la position dominante et le comportement prétendument abusif, qui n'est normalement pas présent lorsqu'un comportement sur un marché distinct du marché dominé produit des effets sur ce même marché ; qu'il n'en va autrement qu'à titre exceptionnel, lorsque les marchés distincts sont connexes, et que des circonstances particulières peuvent justifier une application de ces textes à un comportement constaté sur le marché connexe, non dominé, et produisant des effets sur ce même marché ; qu'en considérant, pour retenir que l'Autorité avait caractérisé à suffisance de droit les circonstances particulières justifiant déroger au principe selon lequel un abus de position dominante est commis sur un marché unique que l'ensemble des constatations tenant en particulier au lien unissant la position dominante détenue sur les marchés amont et les pratiques abusives mises en oeuvre sur le marché aval de détail, constituent, au vu de la spécificité de ces marchés, des circonstances particulières propres à justifier l'application des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à caractériser les circonstances particulières indispensables pour condamner, de manière dérogatoire, au titre de l'abus de position dominante, un abus commis sur un marché distinct du marché dominé, a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 TFUE et L. 420-2 du code de commerce ;

3°/ qu'il n'est dérogé au principe selon lequel l'abus est en principe commis sur le marché dominé que si les principaux concurrents de l'entreprise dominante sont présents sur l'ensemble des marchés en cause ; qu'en décidant de déroger aux règles traditionnelles définissant l'abus de position dominante, après avoir constaté que chaque opérateur disposait d'un monopole sur le marché amont de la terminaison appel, ce dont il résultait que les principaux concurrents de l'entreprise dominante sont présents sur l'ensemble des marchés en cause, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 102 TFUE et L. 420-2 du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 TFUE sont susceptibles de s'appliquer alors même que l'abus est constaté sur un marché autre que celui sur lequel l'entreprise en cause détient une position dominante, dès lors que sont réunies deux conditions tenant à l'existence, d'une part, de liens étroits entre ces marchés et, d'autre part, de circonstances particulières justifiant cette application, l'arrêt relève que l'existence de liens étroits entre les marchés amont de la terminaison d'appel vers leur propre réseau, sur lesquels les sociétés Orange et SFR sont en position dominante, et le marché aval de détail de la téléphonie mobile, sur lequel les pratiques abusives ont été mises en oeuvre, résulte de ce que la terminaison d'appel constitue une prestation technique intermédiaire, nécessaire à la réalisation d'un appel depuis le réseau de l'appelant vers le réseau de l'appelé ; qu'il relève, s'agissant de l'exigence de circonstances particulières, qu'ainsi que l'a constaté l'Autorité, la position dominante détenue par les sociétés Orange et SFR sur les marchés de leurs terminaisons d'appel respectives leur avait permis de facturer cette prestation à leurs concurrents à des prix supra-concurrentiels en s'alignant sur les tarifs maximums fixés par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui étaient, au cours de la période en cause, significativement supérieurs aux coûts réels supportés par elles, ce dont il était résulté une élévation sensible des coûts des concurrents et un effet d'éviction sur le marché de détail ; qu'il ajoute que, à l'inverse, si les opérateurs s'étaient trouvés en position de concurrence sur le marché de la terminaison d'appel vers leur réseau, les prix de ces prestations auraient convergé vers les coûts, de sorte que les opérateurs de petite taille auraient pu commercialiser des offres d'abondance cross-net, tandis que les offres d'abondance on net auraient été moins attractives ; qu'il en déduit que, ainsi que l'a relevé l'Autorité, du fait de la position dominante détenue par les sociétés Orange et SFR sur le marché de la terminaison d'appel, combinée à leurs parts de marché significatives sur le marché de détail de la téléphonie mobile, les pratiques de différenciation tarifaire mises en oeuvre par ces opérateurs étaient de nature à affaiblir la concurrence sur le marché de détail en évinçant ou en affaiblissant les concurrents au moins aussi efficaces sur ce marché ; qu'en cet état, la cour d'appel a exactement retenu que ces circonstances, tenant en particulier au lien unissant la position dominante détenue sur les marchés amont et les pratiques abusives mises en oeuvre sur le marché aval de détail, constituaient, au vu de la spécificité de ces marchés, des circonstances particulières propres à justifier l'application des articles 102 TFUE et L. 420-2 du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche, de ce pourvoi et le premier moyen, pris en sa vingt-sixième branche, du pourvoi n° F 16-19.274, réunis :

Attendu que les sociétés SFR et Orange font grief à l'arrêt de leur infliger une sanction pécuniaire alors, selon le moyen :

1°/ qu'à défaut d'une interprétation jurisprudentielle accessible et antérieure au comportement dénoncé, lui conférant un caractère infractionnel, un tel comportement ne peut pas être sanctionné dans la mesure où il était difficile voire impossible pour son auteur de savoir, au moment des faits, qu'il pourrait entraîner une sanction ; qu'ainsi une pratique qui ne peut pas être raisonnablement considérée comme anticoncurrentielle au moment où elle a été commise, ne peut pas être sanctionnée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ensemble l'article 464-2 du code de commerce ;

2°/ qu'en se bornant à diminuer le montant de la sanction pour sanctionner des pratiques dont elle reconnaissait le caractère inédit, la cour d'appel a violé l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, l'article 49 § 1 de la Charte européenne des droits fondamentaux et l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Mais attendu qu'après avoir constaté que l'application au cas d'espèce d'un grief de différenciation tarifaire se distinguait des précédents connus jusqu'alors en jurisprudence et dans la pratique décisionnelle des autorités de concurrence et relevé le caractère, à certains égards, inédit de l'application de la qualification d'abus de position dominante aux faits de la cause, l'arrêt retient que cette circonstance ne fait pas disparaître ni même n'atténue la contrariété au droit de la concurrence des pratiques reprochées aux sociétés Orange et SFR, avec les conséquences qui s'y attachent en ce qui concerne la responsabilité de ces opérateurs ; qu'ayant ainsi fait ressortir qu'il était raisonnablement prévisible, au moment où les pratiques ont été commises, que la qualification d'abus de position dominante leur était applicable, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la proportionnalité de la sanction et sans méconnaître les principes invoqués par les première et troisième branches que la cour d'appel a retenu qu'il n'y avait pas lieu de ramener à un montant symbolique les sanctions pécuniaires prononcées, ainsi que le demandaient les sociétés, mais qu'il convenait d'en diminuer le montant dans la proportion qu'elle a appréciée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi n° F 16-19.274 :

Attendu que la société Orange fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de renvoi de neuf questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne, en invoquant un défaut de base légale au regard de l'article 267 TFUE ;

Mais attendu qu'en vertu de l'article 267 TFUE, une juridiction dont les décisions sont susceptibles d'un recours de droit interne n'est pas tenue, lorsqu'une question d'interprétation du traité est soulevée devant elle, de demander à la Cour de justice de l'Union européenne de statuer sur cette question ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen, pris en ses première, quatrième, cinquième, sixième, dixième, onzième et douzième branches, et le second moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi n° K 16-19.186, et sur le premier moyen, pris en ses première à vingt-cinquième branches, du pourvoi n° F 16-19.274 :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Et sur les demandes de transmission de questions préjudicielles :

Attendu que la société Orange demande que la Cour de justice de l'Union européenne soit saisie des questions préjudicielles suivantes :

1- Aux fins d'application de l'article 102 TFUE, l'existence d'une simple « connexité » entre marchés est-elle suffisante pour démontrer le lien de causalité indispensable à la qualification d'un abus entre le marché amont de gros de la terminaison d'appel voix mobile sur lequel est détenue la position et la pratique constatée sur le marché aval de la téléphonie mobile à destination des clients résidentiels ?

2- L'article 102 TFUE peut-il s'appliquer lorsqu'il n'existe aucune exploitation économique des ressources du marché amont sur lequel est détenue la position dominante au bénéfice du marché aval sur lequel la pratique est constatée ?

3- L'article 102 TFUE trouve-t-il à s'appliquer lorsque la régulation sectorielle ex ante a mis en place une tarification asymétrique sur le marché amont — niveau de terminaison d'appels plus élevé au bénéfice de l'opérateur dernier entrant et doté du plus petit parc clients — destinée à annihiler l'effet d'offres intégrant une composante d'illimité on-net sur le marché aval ?

4- L'article 102 TFUE peut-il interdire à un opérateur A de mettre en oeuvre des offres commerciales visant à limiter ses sorties de trésorerie, dans le cas précis où les appels sortant vers le réseau d'un autre opérateur B donnent lieu au paiement à cet opérateur d'une terminaison d'appel asymétrique, c'est-à-dire supérieure à celle que perçoit l'opérateur A pour les terminaisons d 'appel sur son réseau ?

5- Aux fins de la mise en oeuvre de l'article 102 TFUE, et plus particulièrement de la qualification d'une pratique de discrimination, les communications on-net et les communications off-net peuvent-elles être considérées comme des prestations « équivalentes » ou « similaires » ?

6- Une pratique de discrimination tarifaire abusive entre appels on net et appels off net peut-être elle caractérisée au titre de l'article 102 TFUE lorsqu'elle repose sur une méthode qui constate une différenciation quelque soit la pratique tarifaire sur le marché (forfait avec une composante illimitée cross-net et forfait avec une composante illimitée on-net) ?

7- Aux fins de l'application de l'article 102 du TFUE, une pratique de différentiation tarifaire abusive sur le marché aval peut-elle être identifiée lorsque les tarifs des prestations ne sont pas différenciés et sont intégrés dans un forfait unique pour le consommateur ?

8- Aux fins de l'application de l'article 102 TFUE, la caractérisation d'une pratique de différenciation tarifaire abusive nécessite-t-elle de prendre en compte pour les appels on-net sur le réseau d'un opérateur les coûts réellement supportés par cet opérateur ou les tarifs de terminaison d'appel qu'il applique aux autres opérateurs pour terminer leurs appels off-net sur son réseau ?

9- L'article 102 TFUE peut-il s'appliquer alors qu'il est démontré que les offres illimitées on-net sur le marché aval étaient reproductibles par des concurrents ?

10- L'article 102 TFUE trouve-t-il à s'appliquer dans l'hypothèse où la méthode retenue par l'Autorité de la concurrence pour parvenir à un constat de différenciation abusive ne s'appuie sur aucun précédent topique de nature à rendre prévisible les manquements prétendument constatés ?

11- Aux fins d'application de l'article 102 TFUE, dès lors que la nouveauté de la méthode employée a été reconnue, l'absence de prévisibilité peut-elle conduire à une exonération seulement partielle des sanctions retenues ?

Mais attendu qu'en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de l'article 102 TFUE et son application aux faits de l'espèce, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles posées par la société Orange ;

PAR CES MOTIFS :

Dit n'y avoir lieu à saisine à titre préjudiciel de la Cour de justice de l'Union européenne ;

REJETTE les pourvois ;

Condamne la Société française du radiotéléphone et la société Orange aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme de 5 000 euros chacune au président de l'Autorité de la concurrence et rejette leurs demandes ;
Vu l'article R. 490-5 du code de commerce, dit que sur les diligences du directeur de greffe de la Cour de cassation, le présent arrêt sera notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception, à la Commission européenne, à l'Autorité de la concurrence et au ministre chargé de l'économie ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi n° K 16-19.186 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la Société française du radiotéléphone.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir réformé la décision de l'Autorité de la concurrence, relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la téléphonie mobile à destination de la clientèle résidentielle en France métropolitaine que sur le montant des sanctions pécuniaires infligées aux sociétés Orange et SFR et d'avoir en conséquence fixé le montant de la sanction de la société SFR à la somme de 52 566 400 euros.

AUX MOTIFS QUE (
) la société SFR soutient d'abord que la licéité des offres litigieuses devait s'apprécier au moyen d'un test de réplicabilité sous la forme d'un test de ciseau tarifaire, et non, comme l'a fait l'Autorité en commettant ainsi une « erreur fondamentale », par le biais d'un test de différenciation tarifaire conçu selon une méthode contestable et dont les résultats sont, selon elle, « aberrants » ; qu'elle rappelle que le test de réplicabilité avait d'ailleurs été spontanément choisi par les services de l'Autorité qui, dans la première notification de griefs comme dans le premier rapport, avaient écarté la possibilité d'identifier une différenciation tarifaire ;
qu'elle considère qu'en revanche, le test mis en oeuvre dans la décision est « complexe et mathématiquement aberrant », qu'il aboutit à la construction artificielle d'une différence de prix entre les appels on net et les appels off net, lesquels ne constituent pas des prestations équivalentes ; que SFR met ensuite en cause l'allégation de l'Autorité selon laquelle Bouygues ne pouvait pas répliquer aux offres litigieuses par des offres on net illimité et soutient qu'elle repose sur des éléments discutables et contredits par d'autres données du dossier ; qu'elle fait valoir qu'en tout état de cause, aucun lien de causalité n'est établi entre la position dominante qu'elle détient et les pratiques de différenciation tarifaire alléguées ; que s'agissant des effets anticoncurrentiels, SFR affirme qu'ils ne sont pas démontrés en ce qui concerne la prétendue rétention de trafic off net, pas plus qu'en ce qui concerne le verrouillage des « tribus » de proches ; que SFR, enfin, entend démontrer que les pratiques qui lui sont reprochées étaient objectivement justifiées, compte tenu des gains d'efficacité qu'elles ont procurés, sans que la concurrence en ait été diminuée ; qu'en conséquence, SFR demande à titre principal l'annulation de la décision de l'Autorité. Que subsidiairement, elle fait valoir que la Commission européenne n'a pas répondu aux questions que la cour lui avait posées par son arrêt avant dire droit, et qu'il y a donc lieu de transmettre à la Cour de Justice des questions préjudicielles relatives, en particulier, à l'équivalence des bonus on net et des autres appels, au test de réplicabilité et à la possibilité de ne retenir que des effets potentiels pour fonder une infraction au droit de la concurrence ; qu'à titre infiniment subsidiaire, SFR soutient que la sanction prononcée contre elle ne devrait être que symbolique ; qu'elle souligne le caractère à ses yeux inédit et imprévisible du caractère infractionnel des offres litigieuses et l'impact de la régulation sectorielle qui auraient dû conduire à ne pas prononcer de sanction.

QUE sur les marchés pertinents, l'Autorité a rappelé que dans le secteur des communications électroniques, la Commission européenne opérait une distinction entre, d'une part, les marchés de détail correspondant à des services fournis aux utilisateurs finals et, d'autre part, les marchés de gros des prestations permettant l'accès des opérateurs aux installations nécessaires à la fourniture des services et produits à ces utilisateurs, parmi lesquelles la prestation de terminaison d'appel, cette distinction ayant été explicitée dans sa recommandation du 17 décembre 2007 concernant les marchés pertinents de produits et services dans le secteur des communications électroniques susceptibles d'être soumis à une réglementation ex ante ; que sur cette base, elle a identifié les marchés en l'espèce pertinents, en distinguant, conformément à sa pratique décisionnelle constante et à celle de l'Arcep, le marché de détail des services fournis aux consommateurs et le marché des prestations de la terminaison d'appel vocale mobile offertes aux opérateurs de réseau ; que s'agissant du marché de gros de la terminaison d'appel vocale mobile, l'Autorité a considéré que les trois marchés amont de terminaison d'appel, correspondant aux trois réseaux de téléphonie mobile opérationnels à l'époque des faits en cause, constituaient des marchés pertinents. Les éléments sur lesquels elle s'est appuyée confirment cette analyse, d'ailleurs non contestée par les parties ; que c'est ainsi qu'il n'existe pas de prestations substituables à la terminaison d'appel, du point de vue ni du demandeur, c'est-à-dire de l'opérateur de l'appelant, ni de l'offreur, c'est-à-dire de l'opérateur de l'appelé, puisque l'opérateur de terminaison est le seul acteur susceptible de localiser la personne appelée et de terminer l'appel vers son numéro mobile, aucun autre opérateur ou nouvel entrant n'étant en mesure d'offrir ce service ; que s'agissant de la dimension géographique de ces marchés pertinents, l'Autorité a rappelé que selon les lignes directrices publiées par la Commission européenne en 2002, elle était déterminée par référence au territoire couvert par les réseaux concernés et par l'existence d'instruments juridiques, en l'occurrence les autorisations nécessaires à l'utilisation de fréquences mobiles : qu'elle en a conclu que les marchés géographiques pertinents correspondaient à la France métropolitaine ; que s'agissant du marché de détail des services de téléphonie mobile, l'Autorité a considéré que le marché pertinent était celui du marché de détail de la téléphonie mobile, accessible à une clientèle résidentielle en France métropolitaine. Elle a relevé, en effet, que ce marché se distinguait du marché de la téléphonie fixe et qu'en dépit du fait que certaines offres étaient commercialisées auprès de la clientèle professionnelle et résidentielle, le caractère très limité de la substituabilité conduisait à en limiter les frontières à cette dernière clientèle.

QUE sur les positions dominantes, l'Autorité a considéré que chaque opérateur réseau était en position dominante sur le marché de gros de sa propre terminaison d'appel puisque, comme elle l'avait relevé dans de précédents avis et décisions, chacun d'entre eux dispose « d'un monopole sur son propre réseau et qu'aucun contre-pouvoir d'acheteur ne vient contrebalancer ce pouvoir de marché » ; que cette analyse, qui n'est pas contestée par les parties, est conforme à celle que l'Arcep a développée dans l'avis qu'elle a rendu à l'Autorité et selon laquelle la terminaison d'appel constitue « un goulot d'étranglement, passage obligé pour tout opérateur tiers souhaitant acheminer des appels à destination des clients de l'opérateur concerné », de sorte que cet opérateur étant « en monopole sur sa boucle locale (
), qu'aucune concurrence ne peut se développer sur le marché de la terminaison d'appel sur le réseau d'un opérateur et qu'il y a aujourd'hui une impossibilité technique à rompre le monopole des opérateurs mobiles sur les marchés respectifs. de leur terminaison d'appel vocal et ni les acheteurs de terminaison d'appel ni les consommateurs sur le marché de détail n'exercent de contre-pouvoir d'acheteur suffisant pour contrebalancer cette position » (Avis p. 7) ; que l'Autorité en a, dès lors, conclu qu'Orange et SFR étaient en position dominante sur le marché de la terminaison d'appel vers leur propre réseau ; que s'agissant en revanche du marché aval de détail, l'Autorité a jugé qu'aucun des trois opérateurs de réseau ne pouvait être considéré comme y détenant seul une position dominante ; que ces opérateurs, en effet, ont détenu d'une façon stable sur la période en cause, soit de 2005 à 2009, des parts de marché à hauteur d'environ 45 % pour Orange, 35 % pour SFR et 17 % pour Bouygues.

QUE sur le grief de différenciation tarifaire, les sociétés Orange et SFR ont été sanctionnées par l'Autorité pour avoir abusé, sur le marché de détail de la téléphonie mobile, de leur position dominante en mettant en oeuvre une différenciation tarifaire entre appels on net et appels off net au travers de la commercialisation de leurs offres d'abondance à partir de mars 2005, lesquelles étaient toujours en cours à la date de notification de griefs le 5 août 2011 ; que les pratiques de différenciation tarifaire consistent à appliquer à des produits ou services identiques ou comparables des tarifs différents ; qu'elles ne sont pas, en elles-mêmes, anticoncurrentielles, mais peuvent le devenir, en particulier si la différence de tarif ne correspond pas, au moins dans une mesure raisonnable, à la différence des coûts en cause ; que l'Autorité a rappelé que dans le domaine de la téléphonie, les pratiques de différenciation tarifaire entre appels on net et appels off net avaient, depuis 2002, donné lieu de sa part, et avant elle de la part du Conseil de la concurrence, à plusieurs décisions mettant en cause des opérateurs et que ses analyses avaient été confirmées par la cour d'appel de Paris ; qu'en l'espèce, l'Autorité a d'abord considéré que les appels on net et les appels off net constituaient des prestations comparables, de sorte qu'il convenait de s'assurer de l'existence d'une différenciation tarifaire ; qu'elle a constaté qu'une telle différenciation était établie et résultait de ce que l'avantage d'abondance des offres commerciales d'Orange et SFR était réservé aux appels on net, à l'exclusion des appels off net, qui étaient toujours décomptés du forfait, et elle en a conclu « en moyenne et toutes communications confondues, que le prix des appels on net est moins élevé que celui des appels off net » et que « ce constat suffit donc à caractériser l'existence d'une différence de prix objective entre les deux types d'appel » ;que pour mesurer l'importance de cette différenciation, l'Autorité a quantifié, d'une part, le prix unitaire d'une minute appartenant au godet d'heures, représentant le prix d'une minute off net, et, d'autre part, le prix moyen d'une minute on net, déterminé à partir du prix unitaire précédemment calculé et du prix unitaire d'une minute appartenant au créneau d'abondance, pondéré par les trafics d'appels de ces deux créneaux d'appels. La comparaison entre le prix moyen de la minute on net ainsi obtenu et le prix moyen de la minute off net, précédemment calculé, a fait apparaître des différences de prix systématiques, le prix de la minute de communication off net étant toujours plus élevé que le prix de la minute de communication on net, dans les offres d'Orange comme dans celles de SFR (v. tableaux figurant aux § 117, 123, 127, 131, 136, 138, 143, 146, 148, 156, 159, 168, 172, 176, 180 et 183 de la décision) ; que ceci posé, l'Autorité a mis en rapport ces différenciations tarifaires avec les coûts afférents aux appels on net et aux appels off net ; qu'elle a relevé que la différence de coût entre un appel on net et un appel off net correspondait à la différence entre les terminaisons d'appel des deux opérateurs concernés, dans la mesure où les coûts de départ d'un appel on net et d'un appel off net étaient les mêmes ou, en tout cas, que les éventuelles différences étaient minimes ; que sur cette base, elle a constaté que les écarts de prix entre les appels on net et les appels off net excédaient plus de six fois les écarts de coût, s'agissant des offres d'Orange comme celles de SFR (v. tableaux figurant au § 190 de la décision) ; que dans son arrêt avant dire droit du 19 juin 2014, la cour a constaté que les offres incriminées présentaient une « une structure différente de celles examinées à l'occasion de litiges antérieurs » et dans sa demande d'avis à la Commission européenne, elle a spécialement interrogé celle-ci sur « l'existence de la différenciation tarifaire entre les appels on net et off net et la méthode employée pour apprécier les écarts de prix et les écarts de coûts entre ces deux types d'appels » ; que la Commission a, dans son avis, préalablement rappelé que les discriminations étaient contraires aux principes fondamentaux du droit de l'Union, qui exige que des situations comparables ne soient pas assujetties à un traitement différencié, sauf justification objective, et qu'elles pouvaient plus spécifiquement tomber sous le coup de l'article 102 du TFUE ; qu'au cas d'espèce, elle a observé, en premier lieu, que l'application de ces principes supposait que les appels on net et les appels off net soient « comparables » ; qu'en second lieu, la Commission a considéré qu'il était possible d'identifier une différenciation tarifaire, alors même qu'aucune différence de prix par minute entre les appels on net et les appels off net ne figurait sur la facture ; qu'elle a ensuite observé que « le fait que les avantages tarifaires de l'abondance ne s'appliquent qu'aux appels on net a pour conséquence que ce type d'appel revient globalement moins cher pour les clients des opérateurs concernés, que les appels off net » ; que s'agissant de la méthode utilisée par l'Autorité pour mesurer l'importance de la différenciation tarifaire, la Commission a fait valoir que cette méthode « vis[ait] correctement à traduire en termes monétaires la différence entre le prix des communications on net et off net, du fait de la présence d'avantages qui ne sont pas, eux, définis en termes monétaires (appels illimités, dans un contexte où les offres sont forfaitaires et couvrent tous les types d'appels » ; qu'enfin, s'agissant de la question de savoir si les écarts de coût étaient susceptibles de justifier les écarts de prix, elle a indiqué que « s'il [était] démontré à suffisance de droit que dans le cas d'espèce les écarts de prix entre les appels on net et ceux off net excèdent plus de six fois les écarts de coût, ils sont en soi suffisamment importants pour fonder la conclusion de l'existence d'un traitement différencié non objectivement justifié au sens de l'article 102 TFUE » ; que les sociétés Orange et SFR critiquent ces conclusions, dont elles estiment « l'utilité très limitée », et elles considèrent que la Commission a, en réalité, refusé de prendre position sur la question qui lui était posée ; qu'en ce qui concerne la décision qu'elles ont déférée à la cour, elles récusent les analyses de l'Autorité et elles contestent l'existence même de la différenciation tarifaire qui leur est reprochée ; que c'est ainsi qu'elles soutiennent qu'il convenait de procéder, non au test mis en oeuvre par l'Autorité, mais à un test de ciseau tarifaire, que les appels on net et les appels off net ne constituent pas des prestations comparables et, enfin, que le test appliqué par l'Autorité manque de pertinence en ce qui concerne l'évaluation des prix et des coûts.

QUE sur la nécessité de procéder à un test d'effet de ciseau tarifaire, les parties contestent le test utilisé en l'espèce par l'Autorité de la concurrence pour caractériser les pratiques en cause ; qu'elles le dénoncent comme s'inscrivant en rupture avec la pratique jurisprudentielle suivie jusqu'à présent et comme présentant, par ailleurs, un caractère déloyal ; qu'elles soutiennent que seul un test de ciseau tarifaire, qui aurait permis d'éprouver la réplicabilité de leurs offres, était approprié en l'espèce et elles soulignent que cette démarche avait été d'emblée adoptée par les rapporteurs, lesquels avaient écarté la possibilité d'identifier une différenciation tarifaire ; qu'elles ajoutent que la Cour de justice a clairement énoncé dans l'arrêt Post Danmark que le test à mettre en oeuvre pour une discrimination tarifaire est celui de la réplicabilité financière, qui a d'ailleurs été employé dans toutes les affaires relatives aux industries de réseau, notamment les affaires Deutsche Telekom, Telefonica et Telia Sonera (
) ; que la pratique dénoncée à l'Autorité de la concurrence consistait dans la commercialisation par Orange et SFR d'offres dites d'abondance sur les appels on net de leurs abonnés ; que de telles offres sont différentes, tant dans leur expression que dans leurs effets potentiels, de celle examinée par la Cour de Justice dans l'arrêt Post Danmark du 27 mars 2012 (C-209/10) et qui consistait à proposer des prix bas à certains clients d'un concurrent ; que cette pratique pouvait, ainsi que l'ont fait les rapporteurs à la suite de la plainte, être examinée au regard du test de ciseau tarifaire, qui consiste à déterminer si l'opérateur qui se dit victime d'une pratique abusive est en mesure de produire une offre au moins aussi attractive que celle de l'opérateur dominant, compte tenu des coûts que représente l'accès au produit ou au service fourni par ce dernier ; que cependant, une telle approche ne permettait pas d'appréhender la totalité des répercussions que la pratique en cause était susceptible d'entraîner avoir sur le marché et, notamment, l'effet de regroupement des clients, désigné sous le terme d'« effet de tribu », ainsi que les effets statistiques ; que c'est donc à juste titre et sans déloyauté à l'égard des parties, que l'Autorité de la concurrence a examiné les effets de la différenciation tarifaire ; que sur ce point, le fait que les rapporteurs aient, dans un premier temps, seulement notifié un grief de ciseau tarifaire ne saurait empêcher l'Autorité d'examiner la pratique en cause sous une autre qualification et au regard d'autres effets potentiels que ceux auxquels les rapporteurs s'étaient arrêtés ; que dans ce contexte, et s'agissant d'une pratique plus complexe que celle examinée par la Cour de Justice dans l'affaire Post Danmark précité ou dans les affaires Deutsche Telekom (14 octobre 2010, C-280/08) et Telia Sonera (11 février 2011 C-52/09), il ne peut être reproché à l'Autorité d'avoir mis en oeuvre un autre test que le test de réplicabilité utilisé dans ces précédents jurisprudentiels ; que l'Autorité n'était pas plus tenue, après avoir qualifié la pratique en cause au titre de la différenciation tarifaire, ce qui lui avait permis de statuer sur l'ensemble des effets anticoncurrentiels susceptibles de résulter de cette différenciation, de rechercher si le grief de ciseau tarifaire était ou non fondé, sans qu'il y ait dans cette démarche la démonstration d'un parti pris contre les mises en cause. Il est donc sans portée d'affirmer, comme le fait la société Orange, que si ce dernier test avait été effectué, il aurait révélé qu'elle aurait pu se facturer la terminaison d'appel qu'elle faisait payer à ses concurrents, tout en dégageant néanmoins une marge significative ; qu'à ce sujet la cour relève encore que le test auquel il a été procédé permet d'appréhender l'effet potentiel d'étiolement de la concurrence, qui est une forme de pratique d'éviction, sans que l'opérateur concerné pratique des prix inférieurs à ses coûts, et qu'il était donc approprié à la pratique en cause ; que le fait que ce test soit plus complexe à mettre en oeuvre que celui de la réplicabilité ou du ciseau tarifaire n'en fait pas pour autant un test hétérodoxe ou moins adapté à la situation précise et particulière pour laquelle il a été élaboré par l'Autorité de la concurrence ;

QUE sur le caractère comparable des offres on net et off net, les requérantes soutiennent que la condition de comparabilité ou d'équivalence des prestations, nécessaire à l'appréciation d'une éventuelle différenciation tarifaire, fait défaut en l'espèce ; que la société Orange prétend qu'elle-même et la société SFR ont été présumées fautives de différenciation excessive et abusive, sur la base du seul constat d'une option on net illimité au sein de leurs offres, alors que les appels on net et off net, qui sont deux composantes d'une seule offre, ne sont pas comparables et qu'il est impossible, comme l'ont constaté les premiers rapporteurs, de calculer ex post une différenciation tarifaire entre les appels on net et off net ; que la société SFR, pour sa part, soutient que les services on net et off net ne sont pas équivalents et que leurs tarifs ne peuvent en conséquence être comparés ; que la condition de comparabilité ne requiert pas que les offres soient identiques, mais seulement qu'elles soient établies sur des éléments qui puissent être mesurés les uns par rapport aux autres ; qu'ainsi que le soutient à juste titre l'Autorité, l'appel d'un correspondant est pour le consommateur, auquel les offres de prix sont destinées, un service identique quel que soit le réseau auquel ce correspondant est abonné, que par ailleurs, du côté de l'offre, l'appel on net et l'appel off net se distinguent matériellement en ce que le premier est acheminé sur un seul réseau, tandis que le second est acheminé sur un premier réseau et s'achève par une prestation de terminaison d'appel sur un autre réseau ; que l'appel on net implique aussi une prestation de terminaison d'appel, laquelle est alors autofacturée par l'opérateur unique. En tout état de cause, la différence tenant à la terminaison d'appel ne rend pas les deux prestations non comparables, puisque tous les éléments matériels et techniques qui composent cette prestation sont identiques et comparables et que la charge que constitue la terminaison est mesurable en termes de coûts ; qu'il est donc indifférent de constater, comme le fait la société SFR, qu'il ne peut être équivalent pour un client d'appeler en illimité un proche on net et un proche off net puisque le client ne peut appeler en illimité que trois proches on net et jamais un proche off net ; que la société SFR n'est pas non plus fondée à soutenir que les deux prestations on net et off net ne sont pas comparables pour un consommateur au motif qu'elles sont facturées de façon différente, puisque la question en jeu dans la présente affaire est de savoir si cette différence de facturation est justifiée ; qu'elle ne peut non plus se prévaloir de l'expertise du professeur Paul Z... qui, répondant à une question relative à la discrimination tarifaire ou la différenciation, analyse la décision au seul regard de la discrimination tarifaire, sans remettre en question le caractère comparable des appels on net et off net ; qu'il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que les appels on net et off net sont composés d'éléments comparables et peuvent donner lieu à une analyse de comparaison; qu'il est, dès lors, sans objet de saisir la Cour de Justice, comme le demandent SFR et Orange, d'une question préjudicielle tendant à déterminer si, aux fins de l'application de l'article 102 du TFUE, « les bonus on net et les autres appels » sont des prestations comparables ou si « les communications on net et les communications off net peuvent être considérées comme des prestations équivalentes ou similaires » (
) ;

QUE sur l'impossibilité pour la société Bouygues Télécom de riposter aux offres d'abondance on net d'Orange et SFR, l'Autorité de la concurrence a considéré dans la décision attaquée que les pratiques en cause avaient eu pour effet d'affaiblir la concurrence émanant des plus petits opérateurs, notamment en renforçant l'effet de club au bénéfice des sociétés Orange et SFR, puisque ces opérateurs n'étaient pas en mesure de répliquer efficacement par le lancement de leurs propres offres d'abondance on net, ce qui rendait nécessaire pour eux le lancement d'offres comportant une composante cross-net, laquelle avait pour conséquence une élévation des coûts de nature à affaiblir la concurrence ; que la société SFR critique la décision en soutenant que l'Autorité s'est dispensée de toute analyse économique de l'attractivité d'une réponse on net par la société Bouygues Télécom alors qu'« il s'agit pourtant du coeur du dossier » ; qu'elle oppose à ce titre que les études sur lesquelles s'appuie l'Autorité pour soutenir que Bouygues n'était pas en mesure de répliquer avec sa propre offre d'abondance on net sont biaisées, l'une parce qu'elle ne teste pas des produits identiques à ceux de SFR et Orange, et l'autre parce qu'elle a été effectuée après le lancement de l'offre cross-net de la société Bouygues, intitulée Néo, rendant les offres d'abondance on net de SFR et d'Orange « indiscutablement moins attractives » et, enfin, parce qu'aucune des études « ne mentionne le prix concernant les concepts testés », alors que « le prix d'une offre fait pourtant partie intégrante de son attractivité » ; qu'il convient toutefois de relever que, contrairement à ce que soutient la société SFR, l'Autorité de la concurrence a, aux paragraphes 512 à 520 de sa décision, examiné la possibilité pour les plus petits opérateurs, et la société Bouygues, de répliquer efficacement par le lancement de leurs propres offres d'abondance on net ; que dans ce cadre, l'Autorité s'est appuyée sur une étude économique réalisée à partir des données du marché mobile français en 2003, publiée sur le site de l'Arcep le 4 juin 2012, dont les parties ne contestent pas la validité. ; que selon cette étude « des baisses tarifaires on net simultanément pratiquées par tous les opérateurs font subir au plus petit d'entre eux (en termes de parc d'abonnés) une perte de profit par abonnés significativement supérieure aux pertes supportées par les plus gros opérateurs. Le plus petit opérateur est ainsi exposé à une éviction du marché » ; qu'elle en tire, à juste titre, la conclusion qu'il était sans pertinence pour le plus petit opérateur de répliquer à l'identique par une offre on net, ce qui est, selon elle, démontré par la situation de la société Bouygues ; que sur ce point, l'étude Kalee pour 2006, sur laquelle s'est appuyée l'Autorité dans ses développements, comporte des questions concernant des contenus d'offres et non des offres chiffrées, ce qui permet justement d'observer l'attractivité du réseau de la société Bouygues Télécom au regard des réseaux des sociétés SFR et Orange et de constater que lorsqu'il est dévoilé aux consommateurs que le contenu de l'offre qu'ils ont estimée attrayante serait une offre de la société Bouygues, ceux-ci reviennent sur cette première appréciation en considérant que le réseau de cette société comporte un nombre trop restreint d'abonnés ; qu'il importait peu à ce sujet que l'étude ait été réalisée après le lancement de l'offre cross-net par la société Bouygues ; qu'il était, au regard de l'ensemble de ce qui précède, sans intérêt de procéder une étude du prix des offres, celle-ci n'entrant pas encore en ligne de compte à ce stade de l'analyse des comportements des consommateurs. C'est, en outre, à juste titre compte tenu de l'importance que revêt l'étendue du réseau dans le succès d'une offre bonus on net, que l'Autorité de la concurrence a considéré comme étant sans portée les causes invoquées par la société SFR pour expliquer les échecs de telles offres lancées avant 2005 par la société Bouygues, comme le déficit de promotion ou les contraintes qu'elles comportaient ; qu'enfin l'analyse de l'impossibilité pour la société Bouygues de présenter elle aussi une offre on net attractive est confirmé par l'Arcep dans son avis du 15 mars 2007 relatif à ce dossier ; que celle-ci a en effet précisé que la notion d'attractivité d'une offre d'abondance était « directement fonction de la probabilité d'avoir des correspondants principaux sur le réseau en cause, cette dernière étant en rapport avec la part de marché de cet opérateur. Ainsi, toute chose égale par ailleurs, le consommateur souscrira dans les faits une telle offre auprès de l'acteur ayant la part de marché la plus forte (...)» ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société SFR ne saurait non plus se prévaloir de ce qu'elle a réussi à présenter une offre on net attractive, alors que son portefeuille d'abonnés était moindre que celui de la société Orange, ou que l'offre en cause n'ait concerné que 20 % de son parc d'abonnés ; qu'en effet, dans la mesure où sa part de marché des services de téléphonie mobile était, selon les données de la décision, proche de 35 % tandis que celle de la société Orange était proche de 45 %, la société Bouygues Telecom ne détenant qu'une part d'environ 17 %, c'est à juste titre que l'Autorité a estimé que la proximité des parts des sociétés SFR et Orange rendait cet argument inopérant ; que la requérante n'est pas non plus fondée à soutenir que la décision appliquerait les raisonnements tenus dans l'affaire Orange Caraïbe pour inférer l'impossibilité pour la société Bouygues d'imiter l'offre on net de ses concurrents, dès lors que la décision s'est appuyée, ainsi qu'il vient d'être relevé, sur des éléments propres au dossier de l'espèce pour démontrer de façon crédible le caractère inopérant pour la société Bouygues Telecom de présenter une offre On net ; que par ailleurs, la société SFR s'appuyant sur une étude du cabinet CRA, affirme que l'attractivité d'une offre d'abondance vers trois numéros on net illimité dépend directement de l'importance des interlocuteurs pouvant être appelés de façon illimitée, et doit être mesurée en proportion du volume d'appels passés en moyenne par un abonné vers ses premiers interlocuteurs ; qu'elle soutient, en se basant sur les données figurant dans l'étude TERA, produite en appel par la société Bouygues, que si celle-ci avait procédé à une offre on net sur trois numéros, ses abonnés auraient alors réalisé une économie de 24,7 % et cette économie aurait été de 27 % si l'offre avait concerné les 5 numéros les plus appelés on net ; que cependant, ce calcul d'économies possibles pour les abonnés ne permet pas de remettre en cause le constat selon lequel l'attractivité de l'offre on net dépend de la probabilité d'avoir des correspondants principaux sur le réseau en cause, ni le constat que les clients de Bouygues n'avaient, le plus souvent, pas de deuxième « proche » et, a fortiori, pas de troisième « proche », résultant de l'étude Kalee pour 2006 ; que il convient à ce sujet d'observer que rien ne permet de constater que les numéros on net les plus appelés correspondaient aux interlocuteurs les plus appelés par les abonnés ; qu'enfin, la cour rappelle que l'analyse faite par l'Autorité de l'impossibilité pour la société Bouygues de réagir efficacement en proposant elle aussi une offre on net en illimité s'inscrit dans le cadre de l'examen des effets de la pratique ; que cet examen conduit à considérer que compte tenu du défaut d'efficacité d'une offre on net en illimité pour la société Bouygues Télécom, celle-ci était contrainte d'offrir une offre cross-net plus coûteuse que l'offre on net ; que pour cette analyse, la possibilité économique de la réplicabilité à laquelle il aurait fallu procéder dans le cadre de l'examen d'un effet de ciseau tarifaire n'était pas utile et il ne saurait une nouvelle fois être reproché à l'Autorité de ne pas avoir effectué cette analyse, ainsi que cela a été précisé dans les développements qui précèdent.

QUE sur le lien entre la position dominante et l'abus, l'Autorité a d'abord rappelé que, d'une façon générale, les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE étaient susceptibles de s'appliquer alors même que l'abus serait constaté sur un autre marché que celui sur lequel l'entreprise en cause détient une position dominante, dès lors qu'étaient réunies deux conditions tenant à l'existence, d'une part, de « liens étroits » entre ces marchés et, d'autre part, de « circonstances particulières » justifiant cette application ; que comme la Commission européenne l'a relevé dans l'avis du 1er décembre 2014 qu'elle a rendu à la cour dans la présente affaire, ce principe est admis de longue date et a été consacré, en particulier, par la Cour de Justice dans l'affaire Tetra Pak II ayant donné lieu à son arrêt du 14 novembre 1996 ; que l'Autorité a considéré que le cas d'espèce - dans le cadre duquel l'abus de différenciation tarifaire sur le marché aval de détail de la téléphonie mobile est reproché à des entreprises en position dominante sur les marchés amont de terminaison d'appel vers leur propre réseau - répondait à ces deux conditions ; que c'est ainsi que s'agissant de l'existence de « liens étroits », l'Autorité a observé que les marchés amont de la terminaison d'appel et aval de la téléphonie mobile étaient connexes, cette connexité résultant de ce que la terminaison d'appel constitue une prestation technique intermédiaire, nécessaire à la réalisation d'un appel depuis le réseau de l'appelant vers le réseau de l'appelé ; que s'agissant de l'existence de « circonstances particulières », l'Autorité, après avoir rappelé que Orange et SFR étaient verticalement intégrées et présentes sur les marchés amont et aval, a relevé que le monopole qu'elles exerçaient sur les marchés de leurs terminaisons d'appel respectives leur avait permis de facturer cette prestation à leurs concurrents à des prix « significativement supérieurs » aux coûts supportés, puisque ces prix étaient systématiquement alignés sur les tarifs maximums fixés par l'Arcep ;
que de ces prix « supra-concurrentiels », il est résulté, selon l'Autorité, une élévation significative des coûts des concurrents et un effet d'éviction sur le marché de détail ; qu'elle a observé qu'à l'inverse, si les opérateurs s'étaient trouvés en situation de concurrence sur le marché de la terminaison d'appel vers leur réseau - dans le cas où existeraient des prestations comparables-, leurs prix de terminaison d'appel convergeraient vers les coûts, de sorte que les opérateurs de petite taille pourraient commercialiser des offres d'abondance cross-net et que les offres d'abondance on net seraient alors moins attractives ; que l'Autorité en a conclu que « c'est donc en raison de la position dominante détenue par Orange et SFR sur le marché de la terminaison d'appel, combinée à leurs parts de marché significatives sur le marché de détail de la téléphonie mobile, que les pratiques de différenciation tarifaire mises en oeuvre par ces opérateurs sont susceptibles d'affaiblir la concurrence sur le marché de détail en évinçant ou en affaiblissant les concurrents au moins aussi efficaces sur ce marché » ; que l'existence d'un lien de connexité unissant les marchés amont de la terminaison d'appel et le marché aval de détail de la téléphonie mobile n'est pas explicitement discutée par les parties ; (
) qu'en ce qui concerne les « circonstances particulières » propres à justifier l'application des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, alors même que le marché dominé n'est pas celui sur lequel l'abus est allégué, la société Orange fait valoir que la Cour de cassation en a défini le sens et la teneur dans son arrêt du 17 mars 2009 rendu dans l'affaire GlaxoSmithKline, en s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour de Justice, et que les faits en cause dans la présente affaire ne répondent pas à cette définition. ; qu'elle souligne en effet, que la Cour de cassation s'est référée aux arrêts des 3 juillet 1991, Akzo Chemie BV et 14 novembre 1996, Tetra Pak International, dans lesquels la Cour de Justice a relevé des circonstances, dans le premier arrêt, « établissant que c'est pour renforcer sa position dominante sur un marché qu'une entreprise a mis en oeuvre une pratique abusive sur un marché distinct qu'elle ne domine pas" et, dans le second, "démontrant que des marchés présentent des liens de connexité si étroits qu'une entreprise se trouve dans une situation assimilable à la détention d'une position dominante sur l'ensemble des marchés en cause » et elle observe qu'aucune de ces circonstances n'est démontrée en l'espèce ; qu'il est de fait que les pratiques reprochées à Orange et SFR ne font pas apparaître de circonstances analogues à celles décrites dans cet arrêt : qu'en effet, il n'est nullement allégué par l'Autorité que ces opérateurs auraient mis en oeuvre des pratiques abusives sur le marché aval en vue de renforcer leur position dominante sur le marché amont, ni que leur situation pourrait être « assimilée » à la détention d'une position dominante sur « l'ensemble » de ces marchés, compte tenu de l'étroitesse des liens les unissant ; que force est de constater, cependant, que les requérants en tirent une conclusion erronée en prétendant que, dès lors, la condition tenant à l'existence de « circonstances particulières », posée par la Cour de cassation dans son arrêt, n'est pas remplie ; que ce faisant, ils donnent à cet arrêt une portée qu'il n'a pas : qu'il résulte en effet des termes mêmes de sa décision que la Cour de cassation n'a nullement limité la notion de « circonstances particulières » à celles qu'elle a relevées, à titre seulement illustratif et non limitatif, puisqu'elle a jugé que les textes réprimant l'abus de position dominante pouvaient s'appliquer à des pratiques mises en oeuvre sur un marché distinct du marché dominé, « notamment » lorsque l'autorité de concurrence démontre l'existence de circonstances particulières, telles celles relevées par la Cour de Justice dans les arrêts Akzo Chemie 13V et Tetra Pak international ; qu'au cas d'espèce, l'ensemble des constatations faites cidessus, tenant en particulier au lien unissant la position dominante détenue sur les marchés amont et les pratiques abusives mises en oeuvre sur le marché aval de détail, constituent, au vu de la spécificité de ces marchés, des circonstances particulières propres à justifier l'application des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE ; qu'il en résulte, par ailleurs, qu'il n'y a pas lieu de saisir la Cour de Justice, comme le demande Orange, d'une question préjudicielle portant sur la suffisance d'une « simple connexité entre marchés » pour démontrer un lien de causalité entre le marché de gros amont et le marché de détail aval ;

QUE sur la prise en compte de la régulation sectorielle, les prestations de terminaison d'appel vocal mobile en cause dans la présente affaire ont fait l'objet, à partir de 2004, d'une régulation sectorielle ex ante, sur la base des articles L. 37-1 et suivants du code des postes et communications électroniques (CPCE) et dans le cadre de la transposition en droit interne des directives européennes de 2002 dites du « paquet télécom » ; que cette régulation a pris la forme de décisions, adoptées successivement par l'ART puis par l'Arcep, à l'issue d'analyses des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal vers les numéros mobiles, que ces décisions ont, d'abord, déclaré « pertinent », au sens des dispositions du CPCE, le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de chacun des trois opérateurs, - Orange, SFR et Bouygues à destination de leurs clients en métropole et ont considéré que ces opérateurs y exerçaient une « influence significative » ;
qu'elles ont, ensuite, régulé les prestations de terminaison d'appel, d'une part, en imposant aux opérateurs le respect de certaines obligations en matière d'accès et d'interconnexion, telle l'obligation de répondre à toute demande raisonnable d'accès dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires et, d'autre part, en soumettant ces prestations à un encadrement tarifaire ; que c'est ainsi, sur ce dernier point, que le régulateur sectoriel, après avoir posé le principe selon lequel les opérateurs devaient orienter leurs tarifs vers leurs coûts, a imposé à chacun d'entre eux un prix plafond de leur prestation de terminaison d'appel, en appliquant une asymétrie tarifaire au profit de la société Bouygues, à laquelle il a accordé la possibilité de pratiquer des tarifs plus élevés que ceux pratiqués par les sociétés Orange et SFR ; que cette asymétrie tarifaire a pris fin au 1er juillet 2011, date à partir de laquelle le régulateur a fixé un prix plafond de la terminaison d'appel identique pour les trois opérateurs (
) ; que la cour d'appel de Paris, devant laquelle les sociétés Orange et SFR avaient dénoncé « le refus de prendre en compte, dans l'analyse des pratiques incriminées, les conséquences de la régulation sectorielle s'imposant aux acteurs du marché », a, par son arrêt du 19 juin 2014, fait expressément figurer « la prise en compte de la régulation sectorielle » dans la demande d'avis qu'elle a transmise à la Commission européenne ; que dans son avis, la Commission européenne a conclu, sur ce point, que « si la prise en compte de la régulation sectorielle peut être pertinente aux fins de l'appréciation du comportement des opérateurs sur le marché en vertu de l'article 102 TFUE, il n'en demeure pas moins que la régulation sectorielle dans un cas comme le présent n'exclut pas l'application de l'article 102 TFUE » ; que cette conclusion n'est pas, en tant que telle, contestée par les requérants, qui conviennent que la mise en oeuvre d'une régulation sectorielle n'a pas pour effet d'écarter, par principe, l'application de l'article 102 du TFUE ; qu'en revanche, ils soutiennent que l'Autorité n'a pas suffisamment et correctement pris en compte cette régulation sectorielle qui selon eux, d'une part, a intégralement compensé les effets de leurs offres d'abondance et, d'autre part, conduisait nécessairement au développement de telles offres.

QUE sur le caractère total ou partiel de la compensation tarifaire, l'Autorité a considéré que l'asymétrie tarifaire appliquée par l'Arcep n'avait compensé que partiellement et tardivement, à partir du 1er janvier 2008, la détérioration du solde d'interconnexion de la société Bouygues et l'effet d'élévation des coûts auquel celle-ci avait dû faire face du fait de la commercialisation des offres d'abondance des sociétés Orange et SFR ; que les requérants contestent cette analyse et soutiennent que l'asymétrie tarifaire a compensé intégralement et dès l'origine les effets de leurs offres d'abondance, les exonérant ainsi de toute responsabilité ; que sur ce point, il convient au préalable d'observer que jusqu'au 1er janvier 2008, l'asymétrie tarifaire mise en place a eu pour objet, non de compenser le déséquilibre du solde d'interconnexion constaté au détriment de la société Bouygues, mais - en reflétant les différences de coûts, supérieurs chez cet opérateur - de garantir le principe d'orientation vers les coûts prôné par le régulateur sectoriel ; qu'en effet, l'encadrement tarifaire des prestations de terminaison d'appel ayant été instauré pour réduire l'écart constaté entre les prix pratiqués par les opérateurs et les coûts de ces prestations, le régulateur a fixé les prix plafonds de cellesci, au vu des coûts supportés ; qu'il en est résulté l'asymétrie tarifaire dont la société Bouygues a bénéficié, puisqu'elle supportait des coûts supérieurs à ceux de ses concurrents ; que le régulateur sectoriel, au demeurant, a explicitement et clairement indiqué que cette asymétrie tarifaire procédait de la différence constatée dans les coûts de terminaison d'appel pesant sur les opérateurs, par exemple dans sa décision fixant les tarifs du 1er janvier 2007 au 8 décembre 2007, où elle justifie ainsi l'asymétrie : « La décision de l'Autorité consiste à maintenir pour Bouygues Télécom l'écart de terminaison d'appel qui existe aujourd'hui avec Orange France et SFR. L'Autorité estime que cet écart tarifaire est justifié par les différences de coûts, qui sont supérieurs (cf annexe D). L'Autorité rappelle que Bouygues Télécom est entré plus tardivement que ses concurrents sur le marché et, compte tenu de sa part de marché plus faible, qu'il bénéficie d'effets d'échelle moindres qui sont reflétés par les différences de coûts observées » (Décision n° 2006-0779 du 14 septembre 2006 portant sur l'encadrement tarifaire des tarifs de terminaison d'appel vocal « directe »
pour l'année 2007 de la société Orange France, de la Société française du radiotéléphone et de la société Bouygues Telecom en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif) ; que ce n'est qu'à compter du 1er janvier 2008 que l'asymétrie tarifaire a été expressément corrélée par l'Arcep non seulement aux coûts de la terminaison d'appel supportés par les opérateurs, mais aussi au « déséquilibre de trafic entrant-sortant que le plus petit opérateur subit » (décision n° 2007-810 du 4 octobre 2007, p. 90) ; qu'aussi est-ce à juste titre que l'Autorité souligne dans ses observations que la régulation sectorielle n'a compensé « dans un premier temps, que les asymétries de coûts entre les opérateurs, et non les asymétries de trafic » ; que s'agissant de l'importance et de la portée de la compensation résultant de l'asymétrie tarifaire dont a bénéficié la société Bouygues, la société Orange soutient qu'elle a été intégrale et même excessive en 2008, « puisqu'elle a couvert non seulement la part prétendument imputable aux offres d'abondance on net d'Orange et de SFR, mais aussi celle qui relevait du choix de politique commerciale de Bouygues Télécom », dont l'offre d'abondance cross-net « Néo » avait détérioré le solde d'interconnexion ; qu'à l'appui de cette allégation, elle observe que l'écart entre les tarifs de terminaison d'appel qui lui ont été imposés ainsi qu'à SFR, et le tarif imposé à Bouygues s'est accru, en 2008 et 2009, dans les proportions suivantes (
) ; que cependant, force est de constater que cette mesure de l'asymétrie tarifaire ne démontre pas, par elle-même, que la compensation en résultant a été intégrale, comme le prétendent les requérants, puisqu'elle n'est mise en relation ni avec les coûts, ni avec les soldes d'interconnexion ; qu'elle est par ailleurs, contredite par les analyses au vu desquelles l'Arcep a mis en place une régulation asymétrique des tarifs de terminaison d'appel ; que c'est ainsi que dans sa décision du 2 décembre 2008 fixant les tarifs de terminaison d'appel pour la période allant du ler juillet 2009 au 31 décembre 2010, elle a indiqué qu'elle entendait ne pas prendre « intégralement » en compte les déséquilibres de trafic on net et off net, afin de « permettre à SFR et Orange sur la période couverte par l'encadrement tarifaire envisagé dans le présent document de proposer également davantage d 'offres d'abondance off net, qui auront pour effet de limiter les effets de déséquilibres de trafic » (décision n° 08-1176 du 2 décembre 2008 portant définition de l'encadrement tarifaire des prestations de terminaison d'appel vocal mobile des opérateurs Orange France, SFR et Bouygues Telecom pour la période du ler juillet 2009 au 31 décembre 2010, p. 45) ;que le caractère seulement partiel de la régulation tarifaire asymétrique a, enfin, été consacré par le Conseil d'Etat qui, statuant par son arrêt du 24 juillet 2009 sur la décision de l'Arcep fixant les tarifs de terminaison d'appel du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, a rappelé que l'asymétrie tarifaire consentie à Bouygues avait pour objet non de faire disparaître le déséquilibre du solde d'interconnexion, mais de « l'atténuer » par une « compensation partielle et transitoire » ; que faisant application de ces principes, et ayant constaté que l'asymétrie prévue pour la période courant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010 aurait eu pour effet « de compenser intégralement le déficit qu'elle a pour objet d'atténuer, voire, dans la plupart des hypothèses, de faire bénéficier cette société [la société Bouygues] d'un transfert financier supérieur à ce déficit », le Conseil d'Etat en a prononcé l'annulation, en jugeant que la différenciation tarifaire résultant de cette asymétrie était « manifestement disproportionnée au regard de l'objectif qui lui est assigné » ; que dans ces conditions, les requérants ne sauraient prétendre que la régulation ex ante de l'Arcep aurait intégralement compensé les effets de leurs offres d'abondance on net et c'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré qu'elle ne constituait pas une « circonstance exonératoire » de leur responsabilité (
).

QUE sur l'incitation au développement d'offres d'abondance on net résultant de la régulation ex ante, les requérantes soutiennent que l'asymétrie tarifaire imposée par l'Arcep au bénéfice de Bouygues les a conduites « nécessairement » à commercialiser des offres d'abondance on net ; que c'est ainsi, en particulier, qu'Orange fait valoir que cette asymétrie a accru l'écart entre les coûts et le prix de terminaison d'appel de Bouygues et, ce faisant, qu'elle a, d'une part, augmenté rationnellement les incitations d'Orange et SFR à proposer des offres d'abondance on net et, d'autre part, les a dissuadées de lancer des offres d'abondance cross-net, car celles-ci auraient entrainé des sorties de trésorerie importantes et, corrélativement, une rémunération excessive pour Bouygues ; qu'il n'est pas contestable que l'asymétrie tarifaire a pu inciter les opérateurs qui n'en bénéficiaient pas à diminuer leurs charges financières de terminaison d'appel et lançant des offres d'abondance poussant leurs clients à pratiquer des appels on net ; que cet effet incitatif, au demeurant, a été souligné par l'Arcep qui, dans ses décisions de 2007 et 2008, a indiqué dans les mêmes termes que la différenciation tarifaire mise en place transitoirement au profit de Bouygues, autrement dit l'asymétrie tarifaire, ne prenait pas intégralement en compte les déséquilibres de trafic, afin de « permettre à SFR et Orange sur la période couverte par l'encadrement tarifaire envisagé dans le présent document de proposer également des offres d'abondance off net » ; que cependant, le constat de cet effet incitatif ne suffit pas, à lui seul, à écarter l'application des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE ; qu'en effet, en présence d'une régulation sectorielle, la question est alors de savoir si le comportement anticoncurrentiel reproché aux entreprises en cause leur était imposé par cette régulation, celle-ci fixant alors un cadre juridique éliminant toute possibilité de comportement concurrentiel ; qu'au vu des éléments du dossier, la réponse est en l'espèce clairement négative ; qu'en premier lieu, en effet, la régulation sectorielle en cause ne portait que sur les marchés amont de gros, mais pas sur les marchés aval de détail sur lesquels portait la différenciation tarifaire reprochée aux entreprises en cause ; qu'en second lieu, la régulation sectorielle des marchés amont consistait dans le plafonnement du prix de gros des terminaisons d'appel et elle laissait donc aux opérateurs une « large marge de manoeuvre » pour fixer leurs prix de détail, comme l'Arcep l'a souligné dans sa décision du 4 octobre 2007 fixant les tarifs de terminaison d'appel pour la période 2008-2010 ; que le régulateur a, en effet, expressément rappelé que sa décision fixait des « plafonds tarifaires qui doivent s'entendre comme des limites supérieures laissant la liberté aux opérateurs de mettre leurs tarifs sous ces plafonds, au niveau qu'il juge pertinent », de sorte « qu'il est de la seule responsabilité de l'opérateur de vérifier que ses structures tarifaires sont cohérentes entre les marchés de gros et les marchés de détail et qu'elles ne l'exposent pas au risque de se voir sanctionner au titre du droit commun de la concurrence pour abus sur un marché de détail connexe au marché de gros sur lequel il détient une position dominante » (Décision 2007-0810 du 4 octobre 2007 portant sur la détermination des marchés pertinents relatifs à la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles français en métropole, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre pour la période 2008-2010, p. 50) (
).

ET ENFIN QUE sur le surplus du consommateur et sur les justifications des pratiques (
), au titre des effets pro-concurrentiels qu'elle allègue, SFR fait valoir que ses clients ayant souscrit aux offres d'abondance on net ont bénéficié d'une baisse de leur facture, dans des proportions ci-dessus rappelées ; que l'Autorité considère qu'à supposer cette baisse avérée, elle ne peut être prise en considération car elle correspondrait à une « descente en gamme » résultant de ce que les consommateurs, compte tenu de la possibilité d'appeler « en illimité » certains correspondants, choisiraient alors un forfait offrant un temps de communication plus bref et donc moins coûteux ; que s'il est permis de douter de la réalité d'un tel phénomène de « descente en gamme », - dont SFR soutient qu'il est « contre-intuitif » ; qu'il convient de rappeler qu'en toute hypothèse, et comme l'Autorité le soutient dans ses observations, toute pratique tarifaire visant à diminuer les prix ne peut être considérée, en tant que telle, et dans tous les cas de figure, comme un gain d'efficience ; qu'au demeurant, la Commission européenne a, dans l'avis qu'elle a rendu à la cour, rappelé que la prohibition des abus de position dominante « ne vise pas seulement les pratiques susceptibles de causer un préjudice immédiat aux consommateurs, mais également et surtout celles qui leur causent un préjudice en portant atteinte à une structure de concurrence effective » ; que tel est bien le cas en l'espèce, puisqu'il a été précédemment constaté une dégradation des conditions de la concurrence, résultant en particulier d'une atteinte à la fluidité du marché et d'une élévation des barrières à l'entrée.

1°) ALORS QUE l'existence d'une position dominante correspond à une situation de puissance économique qui donne à l'entreprise qui la détient le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause, en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable à l'égard de ses concurrents et de ses clients ; qu'en considérant que deux opérateurs concurrents Orange et SFR occupent chacun une position dominante distincte sur le marché de la terminaison d'appel, la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L 420-2 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE le juge qui statue sur un abus de position dominante, ne peut pas refuser d'appliquer les critères et les tests économiques antérieurement admis par la doctrine économique et utilisés par les instances européennes ; qu'en décidant au contraire que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement s'affranchir en l'espèce du test du ciseau tarifaire après avoir admis que « la pratique en cause pouvait, ainsi que l'ont fait les rapporteurs à la suite de la plainte, être examinée au regard du test de ciseau tarifaire, qui consiste à déterminer si l'opérateur qui se dit victime d'une pratique abusive est en mesure de produire une offre au moins aussi attractive que celle de l'opérateur dominant, compte tenu des coûts que représente l'accès au produit ou au service fourni par ce dernier », la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 102 du TFUE et L 420-2 du code de commerce ;

3°) ALORS QUE le juge de la concurrence ne peut appliquer que les critères et tests antérieurement admis par la doctrine économique et la jurisprudence ; qu'en décidant au contraire que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement apprécier la pratique en cause en fonction d'un test économique spécialement élaboré par celle-ci pour le présent litige ; la cour d'appel qui a méconnu le principe de sécurité juridique, a violé les articles 102 du TFUE et L 420-2 du code de commerce ;

4°) ALORS QUE la société SFR a expressément fait valoir que si la Cour de cassation a décidé que le prix des appels on-net et les appels offnet peuvent être comparés, dans le cas d'offres généralisées, l'Autorité de la concurrence n'a pas procédé à la bonne comparaison en l'espèce en comparant tous les appels on net à tous les appels off net, quand les trois numéros bonus on net seuls concernés par l'offre d'appel illimité devaient être comparés à tous les autres numéros on net et off net ; qu'en affirmant au contraire que la société SFR n'est pas fondée à soutenir que les offres on net et off net ne sont pas comparables, la cour d'appel qui a dénaturé les conclusions dont elle était saisie a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QU'en considérant que la société Bouygues Télécom ne pouvait pas répliquer aux offres « on net » illimitées de SFR et Orange, tout en admettant qu'une telle offre était beaucoup moins attractive, voire inopérante, pour Bouygues compte tenu du nombre beaucoup plus faible de clients, ce qui attestait non pas d'une impossibilité de répliquer mais d'une inefficacité à répliquer de la société Bouygues, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 102 du TFUE et L 420-2 du code de commerce ;

6°) ALORS QUE même lorsqu'elle occupe une position dominante, une entreprise peut toujours adopter toutes mesures «nécessaires et proportionnées» afin de préserver ses intérêts commerciaux lorsqu'ils sont menacés ; qu'en considérant que la société SFR avait abusé de sa position dominante en proposant une offre « on net » illimitée tout en constatant que son concurrent direct Orange, premier du marché, proposait une offre comparable, ce dont il résultait que la société SFR avait cherché à préserver ses intérêts commerciaux, face à l'opérateur historique orange par des mesures nécessaires et proportionnées, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 102 du TFUE et L 420-2 du code de commerce ;

7°) ALORS QUE l'application des articles 102 TFUE et L 420-2 du Code de commerce présuppose l'existence d'un lien entre la position dominante et le comportement prétendument abusif, qui n'est normalement pas présent lorsqu'un comportement sur un marché distinct du marché dominé produit des effets sur ce même marché ; qu'il n'en va autrement qu'à titre exceptionnel, lorsque les marchés distincts sont connexes, et que des circonstances particulières peuvent justifier une application de ces textes à un comportement constaté sur le marché connexe, non dominé, et produisant des effets sur ce même marché ; qu'en considérant, pour dire que la société SFR occupe une position dominante sur le marché de gros de la terminaison d'appel tandis que l'abus qui lui est reproché consiste en des écarts de prix excessifs entre les offres dites « on net » et celles dites « off net » sur le marché de détail de la téléphonie mobile. que le lien de causalité entre la position dominante détenue et l'abus allégué a été clairement caractérisé en relevant que les pratiques de différenciation tarifaire avaient été mises en oeuvre "en raison" de la position dominante détenue par Orange et SFR sur le marché de la terminaison d'appel, cette position dominante leur ayant permis de pratiquer des prix de terminaison d'appel "supra-concurrentiels », tout en admettant que cette situation ne correspondait pas aux critères jurisprudentiels habituellement retenus pour caractériser l'existence de « circonstances particulières » permettant de sanctionner à titre exceptionnel au titre de l'abus de position dominante une pratique abusive commise sur un marché distinct de celui sur lequel son auteur occupe une position dominante ; la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les articles 102 du TFUE et L 420-2 du code de commerce ;

8°) ALORS QUE l'application des articles 102 TFUE et L 420-2 du code de commerce implique l'existence d'un lien entre la position dominante et le comportement prétendument abusif, qui n'est normalement pas présent lorsqu'un comportement sur un marché distinct du marché dominé produit des effets sur ce même marché ; qu'il n'en va autrement qu'à titre exceptionnel, lorsque les marchés distincts sont connexes, et que des circonstances particulières peuvent justifier une application de ces textes à un comportement constaté sur le marché connexe, non dominé, et produisant des effets sur ce même marché ; qu'en considérant, pour retenir que l'Autorité de la concurrence avait caractérisé à suffisance de droit les circonstances particulières justifiant déroger au principe selon lequel un abus de position dominante est commis sur un marché unique que l'ensemble des constatations tenant en particulier au lien unissant la position dominante détenue sur les marchés amont et les pratiques abusives mises en oeuvre sur le marché aval de détail, constituent, au vu de la spécificité de ces marchés, des circonstances particulières propres à justifier l'application des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à caractériser les circonstances particulières indispensables pour condamner, de manière dérogatoire, au titre de l'abus de position dominante, un abus commis sur un marché distinct du marché dominé, a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du TFUE et L 420-2 du code de commerce ;

9°) ALORS QU''il n'est dérogé au principe selon lequel l'abus est en principe commis sur le marché dominé que si les principaux concurrents de l'entreprise dominante sont présents sur l'ensemble des marchés en cause ; qu'en décidant de déroger aux règles traditionnelles définissant l'abus de position dominante, après avoir constaté que chaque opérateur disposait d'un monopole sur le marché amont de la terminaison appel, ce dont il résultait que les principaux concurrents de l'entreprise dominante sont présents sur l'ensemble des marchés en cause, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 102 du TFUE et L 420-2 du code de commerce ;

10°) ALORS QU'en décidant que l'effet incitatif de l'asymétrie tarifaire imposée par l'Arcep au profit de Bouygues sur le marché amont de gros de la terminaison d'appel ne suffit pas à écarter la prohibition des abus de position dominante, dans la mesure où l'abus avait été commis sur le marché de détail non régulé, après avoir admis à tort ou à raison que le marché amont régulé par l'Arcep et celui de la téléphonie mobile étaient non seulement distincts mais connexes, mais qu'il existait des liens particulièrement étroits entre ces deux marchés, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 102 du TFUE et L 420-2 du code de commerce ;

11°) ALORS QU'en décidant que l'effet incitatif de l'asymétrie tarifaire imposée par l'Arcep au profit de Bouygues sur le marché amont de gros de la terminaison d'appel ne suffit pas à écarter la prohibition des abus de position dominante, tout en admettant qu'il « n'est pas contestable que cette asymétrie tarifaire a pu inciter les opérateurs qui n'en bénéficiaient pas à diminuer leurs charges financières de terminaison d'appel en lançant des offres d'abondance poussant leurs clients à pratiquer des appels on net », ce qui valait nécessairement autorisation de la pratique en cause par l'autorité de régulation sectorielle et faisait ainsi disparaître son caractère éventuellement prohibé, la cour d'appel a violé de plus fort les articles 102 du TFUE et L 420-2 du code de commerce ;

12°) ALORS QUE les communications, avis ou observations présentés par la Commission européenne en application de l'article 15 du règlement n° 1/2003 sont dépourvues de toute valeur contraignante ; qu'en se fondant exclusivement sur un avis de la Commission pour exclure tout effet pro concurrentiel de la pratique en cause pour le consommateur, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le montant de la sanction de la société SFR à la somme de 52 566 400 euros ;

AUX MOTIFS QUE (
) sur le montant des sanctions pécuniaires, pour déterminer le montant des sanctions pécuniaires infligées à Orange et SFR, l'Autorité a fait application des principes et de la méthode définis et présentés dans son communiqué du 16 mai 2011 ; que c'est ainsi qu'au titre de l'assiette de ces sanctions, elle a retenu la moyenne de la valeur des ventes d'offres d'abondance on net réalisées par Orange et SFR auprès de la clientèle des particuliers, au cours des années 2006 et 2007, celles-ci correspondant aux exercices comptables complets de la période de commission des pratiques pendant laquelle ces offres constituaient le standard du marché. ; que cette valeur s'établit à [...]        euros pour Orange et I 194 700 000 euros pour SFR ; que l'Autorité a ensuite, au vu de la gravité des faits et du dommage à l'économie, retenu une proportion de 5 % de la valeur de ces ventes et elle a appliqué un coefficient multiplicateur de 2, compte tenu de la durée de l'infraction, de sorte que le montant de base des sanctions s'est établi à 142 326 000 euros pour Orange et 119 470 000 euros pour SFR ; qu'elle a, enfin, examiné les circonstances propres à chaque entreprise en tenant compte de leur puissance économique, au titre de laquelle elle a augmenté de 10 % le montant de base, de la réitération d'infractions par France Télécom et d'une circonstance atténuante tirée de la fin du bill etamp; Keep, qui l'a conduite à diminuer le montant de base de 50%, de sorte que le montant des sanctions prononcées s'est élevé à 117 419 000 euros pour Orange et France Télécom et 65 708 000 euros pour SFR ; qu'à titre infiniment subsidiaire, les requérants font valoir que le montant des sanctions pécuniaires prononcées contre eux ne saurait être que symbolique, voire diminuée de 100 %, et ils développent en ce sens plusieurs moyens relatifs à la gravité des pratiques en cause, au dommage à l'économie, à la réitération et aux circonstances atténuantes ;

QUE sur la gravité des pratiques, l'Autorité a fondé son appréciation de la gravité des faits en cause sur la nature des infractions, en relevant qu'elles étaient "de nature à limiter la fluidité du marché de détail de la téléphonie mobile et à élever les coûts des concurrents, affaiblissant ainsi la concurrence émanant des opérateurs de plus petite taille et renforçant les barrières à l'entrée sur le marché ; qu'elles étaient susceptibles d'exposer, à terme, les plus petits opérateurs à une éviction du marché" ; qu'elles a également pris en compte la nature des produits concernés, dont elle a noté qu'ils étaient des "produits d'usage courant" et elle a rappelé que les dépenses de téléphonie mobile constituaient une "dépense quasi contrainte dans le budget des ménages", cette circonstance étant "de nature à renforcer la gravité concrète des infractions commises" ; que l'Autorité en a conclu que les pratiques en cause revêtaient "un caractère certain de gravité, même si elles sont moins graves que des pratiques conduisant à l'exclusion mécanique des concurrents du marché", lesquelles relèvent de la qualification de "graves", voire "très graves" (
) ;

QUE sur l'importance du dommage causé à l'économie, l'Autorité a d'abord rappelé qu'il était de jurisprudence constante qu'elle n'était pas tenue de chiffrer avec précision le dommage à l'économie, mais qu'il lui appartenait d'en apprécier l'existence et l'importance en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier, et en "recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause" ; qu'elle a procédé à cette appréciation au vu de l'ampleur des pratiques en cause, de leurs conséquences conjoncturelles et structurelles et des caractéristiques économiques du secteur ; qu'elle en a conclu que le dommage causé à l'économie était certain, mais que son importance était "tempérée" par le constat que les parts de marché des concurrents d'Orange et SFR, à savoir les M'A... et Bouygues, n'avaient pas baissé et qu'en particulier celui-ci s'était maintenu sur le marché de détail des services de téléphonie mobile "grâce à ses propres mérites" ; que les requérantes contestent cette analyse et demandent à la cour de constater que les pratiques litigieuses n'ont, en réalité, causé aucun dommage à l'économie ; qu'en premier lieu, Orange soutient que l'Autorité s'est bornée à "présumer" le dommage à l'économie, en en "postulant" purement et simplement l'existence ; que cette allégation est démentie par les termes de la décision, d'où il ressort que l'Autorité s'est attachée à rechercher si les pratiques en cause avait engendré une "perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie" afin d'apprécier l'existence et l'importance du dommage en résultant ; qu'elle a mené cet examen sur la base de critères tirés de l'ampleur des pratiques, des caractéristiques économiques du secteur et des conséquences conjoncturelles et structurelles de ces pratiques, et au vu des données concrètes du dossier ; que c'est ainsi que l'Autorité a pris en compte, en particulier, le chiffre d'affaires du secteur et celui des offres litigieuses, les parts de marché des opérateurs, les différentes études figurant au dossier et permettant d'observer le comportement des consommateurs, qu'elle s'est référée aux rapports annuels de la Commission européenne sur le marché unique européen des services de communications électroniques, notamment pour identifier les caractéristiques du secteur et que, par une motivation que la cour adopte, elle s'est appuyée sur les constatations, que la cour a précédemment examinées, relatives à l'atteinte portée à la fluidité du marché, au regroupement des proches, au verrouillage des tribus, aux impacts de la différenciation tarifaire sur la capacité des autres opérateurs à animer la concurrence et aux distorsions de flux ; qu'en deuxième lieu, Orange reproche à l'Autorité d'avoir procédé à cette appréciation en prenant en compte les positions de marché cumulées d'Orange et SFR, lesquelles s'élevaient en moyenne, entre 2005 et 2008, à respectivement 45 % et 35 %
en volume et 41 % et 38 % en valeur ; que cette méthode est critiquée par Orange qui fait valoir qu'il lui est reproché non pas d'avoir participé avec SFR à une même entente ou à un même abus, mais d'avoir commis un abus de position dominante distinct de celui reproché à SFR, et que dès lors il n'était pas possible de cumuler les positions de marché respectives ; qu'il est de fait que l'Autorité n'a pas apprécié distinctement le dommage résultant des pratiques reprochées à Orange et de celles reprochées à SFR ; qu'elle a, cependant, relevé à juste titre que l'importance du dommage causé à l'économie par les pratiques de l'un et de l'autre de ces opérateurs était "principalement fonction" de la différence entre leur part de marché ; que cette part de marché étant prise en compte dans le calcul de la valeur des ventes retenue comme assiette de leur sanction respective, il en résulte que la méthode employée par l'Autorité n'a en rien porté atteinte au principe d'individualisation des sanctions ; qu'en troisième lieu, Orange reproche à l'Autorité d'avoir, à tort, écarté dans son appréciation les effets, qu'elle juge bénéfiques aux consommateurs, des pratiques qui lui sont reprochées ; qu'elle fait valoir à cet égard que les offres on net en cause ont augmenté le surplus des consommateurs et qu'elles ont permis une transition vers le modèle de l'offre cross-net qui s'est finalement généralisé ; que sur ce point, la cour ne peut qu'observer, d'une part, que l'argument tiré de la généralisation des offres cross-net doit être relativisé : comme l'Autorité l'a relevé, les premières offres cross-net d'Orange et SFR n'ont été lancées qu'au milieu de l'année 2008, soit plus de deux ans après le lancement de l'offre Néo par laquelle Bouygues a répliqué aux offres d'abondance on net ; que d'autre part, elle rappelle que l'existence d'un surplus du consommateur, à la supposer avérée, ne peut être considérée comme annihilant les effets négatifs, constatés plus haut, sur la fluidité du marché et l'élévation de barrières à l'entrée ; qu'enfin et en quatrième lieu, Orange soutient que l'Autorité fonde son appréciation du dommage à l'économie sur des affirmations "purement péremptoires", contredites par les éléments du dossier ; que c'est ainsi qu'elle souligne que les parts des marchés de ses concurrents, et de ceux de SFR, c'est-à-dire Bouygues et les MN/N0s, loin de diminuer du fait des pratiques qui lui sont reprochées, ont augmenté durant la période en cause, alors que la sienne propre a baissé, passant en volume et en valeur de 49,8 % à 46,6 % et de 45,7 % à 42,8 %, tandis que celle de Bouygues est passée de 17,6 % à 19,6 %. ; qu'il a déjà été répondu plus haut à cet argument, la cour ayant rappelé, d'une part, que l'absence d'éviction des concurrents ne pouvait être considérée comme signifiant que les conditions de la concurrence n'auraient pas été affectées par les pratiques en cause et, d'autre part, que l'Autorité a expressément relevé dans son analyse la circonstance que ces pratiques n'avaient pas conduit "à l'exclusion mécanique des concurrents du marché ; que dès lors, il ne ressort d'aucun des arguments ci-dessus examinés que c'est à tort que, compte tenu des appréciations qu'elle a portées sur la gravité des pratiques et sur l'importance du dommage à l'économie, l'Autorité a retenu, pour fixer le montant de base des sanctions, une proportion de 5 % de la valeur des ventes liées à la commercialisation des offres d'abondance on net des mises en cause (
) ;

QUE sur l'imprévisibilité alléguée du caractère infractionnel des pratiques en cause, la société SFR soutient que les pratiques qui lui sont reprochées sont différentes de celles qui avaient jusqu'alors donné lieu à des sanctions prononcées sur le terrain de la différenciation tarifaire et qu'elle ne pouvait, en conséquence, prévoir qu'elles seraient considérées comme contraires au droit de la concurrence. ; qu'elle fait valoir que dès lors, le caractère inédit de la décision dont elle est l'objet et le doute légitime qu'elle pouvait avoir sur la nature infractionnelle des pratiques en cause doivent conduire à ne prononcer contre elle qu'une sanction symbolique, conformément tant à la jurisprudence et à la pratique décisionnelle des autorités de concurrence qu'aux dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de la Convention européenne des droits de l'Homme et de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen ; que la société SFR invoque, à cet égard, deux décisions dans lesquelles le tribunal de première instance des Communautés européennes a conclu qu'il était justifié de ne pas imposer d'amendes dès lors que le traitement juridique des pratiques en cause "ne présentait pas un caractère d'évidence et soulevait, notamment, des questions complexes tant de nature économique que juridique" (TPICE 28 février 2002, Conférences Maritimes) et que les parties avaient "pu légitimement ignorer "que leurs pratiques, qui ne pouvaient être assimilées à celles ayant déjà été sanctionnées, étaient susceptibles d'être qualifiées d'abus (TPICE 30 septembre 2003, Atlantic Container) ; que la société Orange souligne elle aussi que le test de différenciation tarifaire mis en oeuvre par l'Autorité est, à ses yeux, totalement inédit et que les précédentes décisions rendues en la matière concernaient des situations complètement différentes ; que pas plus dans sa décision que dans ses observations devant le cour, l'Autorité ne conteste, dans son principe même, l'argument développé par les requérantes ; qu'elle soutient, en revanche, qu'il manque en fait puisque la présente affaire n'est pas sans précédent et qu'en conséquence Orange et SFR "sont mal fondées à invoquer l'imprévisibilité du caractère anticoncurrentiel des pratiques en cause, alors que des pratiques de différenciation tarifaire abusives de même nature, mises en oeuvre dans le secteur de la téléphonie mobile, avaient déjà été sanctionnées à plusieurs reprises." ; que c'est ainsi qu'elle fait valoir qu'il résulte de plusieurs décisions rendues depuis 2002 qu'une pratique de différenciation tarifaire entre appels on net et appels off net est susceptible de constituer un abus de position dominante et elle cite les décisions du Conseil de la concurrence n° 02-D69 du 26 novembre 2002 (relative aux saisines et aux demandes de mesures conservatoires présentées par la société Bouygues Télécom, l'Union fédérale des consommateurs Que Choisir et la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie) et n° 04-MC-02 du 9 décembre 2004 (relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Bouygues Télécom Caraïbe à l'encontre de pratiques mises en oeuvre par les sociétés Orange Caraïbe et France Télécom), cette dernière décision ayant été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 28 janvier 2005 ; que la cour observe, cependant que ces précédentes décisions portaient sur des pratiques consistant en des différenciations tarifaires faciales et explicites entre appels on net et off net, et que tel n'est pas le cas dans la présente affaire ; que les offres commercialisées par Orange et SFR, en effet, se présentaient toutes sous la forme d'un forfait unique et global, sans valorisation individuelle de leurs diverses composantes ni affichage d'un prix, et sans emporter, hors plages d'abondance, de différence entre les appels on net et les appels off net, qui tous s'imputaient également et dans les mêmes conditions sur le forfait ; que ce point a été expressément noté par l'Autorité qui a relevé l'absence de différence de prix par minute entre les appels on net et les appels off net, puisqu'en dehors des plages d'abondance, une minute de communication était décomptée du forfait de la même manière qu'une minute de communication off net et qu'au-delà du forfait, en cas de dépassement par le client, le prix de la minute était le même pour les appels on net et les appels off net ; qu'aussi la différenciation tarifaire a-t-elle été mise à jour par l'Autorité au vu de la "structure" des offres d'abondance et mesurée selon une méthodologie décrite aux points 111 à 114 et appliquée aux points 115 à 184 de sa décision et que la cour a examinée plus haut ; que ce particularisme, au demeurant, a été souligné par l'Arcep qui, dans l'avis qu'elle a rendu à l'Autorité dans le cadre de cette procédure, a relevé que celle-ci portait "sur une pratique distincte de celle dont elle avait eu à connaître dans ses précédents avis, dans la mesure où elle consiste non pas dans une sur-tarification des appels off net mais en l'inclusion dans une gamme de forfaits d'une prestation d'abondance vers des numéros on net, c'est-à-dire de communications pour lesquelles la terminaison d'appel fait l'objet d'une autofourniture" (Avis de l'Arcep p. 12) ; qu'il a enfin été expressément reconnu par le précédent arrêt avant dire droit de la cour du 19 juin 2014, qui en a fait le motif de sa demande d'avis à la Commission européenne dans les termes suivants : "Considérant qu'il convient en l'espèce de relever que les offres incriminées ont une structure différente de celles examinées à l'occasion de litiges antérieurs; que les questions d'ordre factuel, économique et juridique qu'elles soulèvent au regard de l'application des règles de concurrence européennes, justifient le recours à l'avis de la Commission (..)" ; que l'examen au fond de la présente affaire a confirmé cette appréciation précédemment portée par la cour en montrant, notamment, que l'application au cas d'espèce d'un grief de différenciation tarifaire se distinguait des précédents connus jusqu'alors en jurisprudence et dans la pratique décisionnelle des autorités de concurrence ; que ce constat ne saurait cependant conduire, comme Orange et SFR invitent la cour à la faire à ramener à un montant symbolique les sanctions pécuniaires prononcées ; qu'en effet, la complexité du test de différenciation tarifaire mis en oeuvre, pas plus que le caractère à certains égards inédit de l'application de la qualification d'abus de position dominante aux faits en cause, ne font disparaître en aucune manière, ni même n'atténuent, la contrariété au droit de la concurrence des pratiques reprochées à Orange et SFR, avec les conséquences qui s'y attachent en ce qui concerne la responsabilité de ces opérateurs ; qu'en revanche, la cour juge qu'il y a lieu de considérer ces circonstances, et leurs effets en termes de prévisibilité pour les opérateurs, comme étant, au cas d'espèce, de nature à diminuer le montant des sanctions pécuniaires prononcées, dans une proportion qu'elle fixe à 20%. ; que ce montant sera donc ramené à 93 935 200 euros pour la société Orange, venue aux droits des sociétés France Télécom et Orange France, et à 52 566 400 euros pour la société SFR (
) ;

1°) ALORS QU'à défaut d'une interprétation jurisprudentielle accessible et antérieure au comportement dénoncé, lui conférant un caractère infractionnel, un tel comportement ne peut pas être sanctionné dans la mesure où il était difficile voire impossible pour son auteur de savoir, au moment des faits, qu'il pourrait entraîner une sanction ; qu'ainsi une pratique qui ne peut pas être raisonnablement considérée comme anticoncurrentielle au moment où elle a été commise, ne peut pas être sanctionnée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 49 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ensemble l'article 464-2 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE le dommage causé à l'économie ne se présume plus ; que pour sanctionner des infractions distinctes, le juge de la concurrence doit évaluer le dommage causé à l'économie par chaque pratique anticoncurrentielle relevée ; qu'en décidant que l'Autorité de la concurrence avait valablement apprécié le dommage causé à l'économie, après avoir constaté « qu'il est de fait que l'Autorité n'a pas apprécié distinctement le dommage résultant des pratiques reprochées à Orange et de celles reprochées à SFR », la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L 464-2 du code de commerce. Moyens produits au pourvoi n° F 16-19.274 par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Orange.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

(SUR LA CARACTERISATION DES INFRACTIONS PRETENDUES ET LES SANCTIONS INFLIGEES AUX EXPOSANTES)

Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR maintenu la décision de l'Autorité de la concurrence en ce qu'elle a décidé qu'il est établi que la société Orange France, en tant qu'auteur des pratiques, et la société France Télécom, en sa qualité de société mère de la société Orange France, auraient enfreint les dispositions de l'article 102 TFUE et l'article L. 420-2 du code de commerce en mettant en oeuvre, depuis avril 2005, une différenciation tarifaire abusive entre les appels on-net vers le réseau d'Orange, et les appels off-net à destination des réseaux concurrents, d'AVOIR en conséquence condamné les sociétés Orange France et France Télécom à sanction pécuniaire et d'AVOIR fixé le montant de cette sanction à 93 935 000 euros ;

1) AUX MOTIFS QUE :

Sur le grief de différenciation tarifaire

Jusqu'en 2005, avait cours le régime dit du "bill and keep", dans le cadre duquel les opérateurs de téléphonie mobile ne se facturaient pas entre eux cette prestation de terminaison d'appel, de sorte que ces opérateurs étaient peu sensibles au réseau de destination des appels de leurs clients. Ce régime a pris fin en 2005, l'opérateur de l'appelant versant désormais à l'opérateur de l'appelé une charge de terminaison d'appel se traduisant par un transfert financier entre les deux opérateurs.

Sur le fondement des articles L. 37-1 et suivants du code des postes et communications électroniques , pris pour la transposition des directives européennes de 2002 dites du "paquet télécom", l'Autorité de régulation des télécommunications (ART) puis l'Arcep ont mis en place une régulation ex ante consistant, en particulier, dans un encadrement tarifaire des prestations de terminaison d'appel que se facturaient entre eux les opérateurs pour l'acheminement des communications off-net C'est ainsi que le régulateur sectoriel, d'une part, a posé le principe d'orientation vers les coûts des tarifs de terminaison d'appel et, d'autre part, afin de garantir la réalisation de ce principe, a fixé un plafond tarifaire maximum régulièrement révisé à la baisse. Dans la mise en oeuvre de ce dispositif, il a appliqué une asymétrie tarifaire, permettant à la société Bouygues de pratiquer des tarifs plus élevés que ceux pratiqués par les sociétés Orange et SFR. Cette asymétrie a pris fin au 1er juillet 2011, date à partir de laquelle le régulateur a fixé un prix plafond de terminaison d'appel identique pour les trois opérateurs.

Avec la fin du régime du "bill and keep" en 2005, se sont développées les offres d'abondance on-net, lesquelles étaient apparues pour la première fois en 1999, avec le lancement par Bouygues de sa gamme "Ultimo Millenium" et par SFR de son forfait "Soir et week-end gratuits". C'est ainsi que Orange a commercialisé, à partir de janvier 2005, la gamme de forfaits "Orange Intense" (temps de communication gratuit et illimité au-delà de la troisième minute 24h sur 24 vers les numéros du réseau fixe en France métropolitaine et vers les numéros mobiles d'Orange), en avril 2005 une série limitée "Orange Intense" (appels gratuits et illimités tous les jours, 24h sur 24 vers les numéros Orange ou les téléphones fixes), entre mai et octobre 2005 une composante "3 numéros illimités" sous forme d'option et à partir d'octobre 2005 les gammes de forfait "Orange Classique" et "Orange Intense", permettant d'appeler 24h sur 24 trois numéros Orange de manière illimitée, ces offres ayant été refondues en 2006. La société SFR a lancé la commercialisation en mars 2005 des forfaits "SFR Essentiel", permettant d'appeler 24h sur 24, 7 jours sur 7, trois numéros SFR de manière illimitée sans donner lieu à un décompte de temps dans le forfait.

Des offres d'abondance "cross-net illimité", dites aussi "offres d'abondance cross-net", à destination de tous les réseaux de téléphonie mobile métropolitains sont ensuite apparues, en mars 2006 avec le lancement par Bouygues de sa gamme "Néo", puis de façon massive par tous les opérateurs à partir du deuxième semestre 2008.

« L'Autorité a considéré que chaque opérateur de réseau était en position dominante sur le marché de gros de sa propre terminaison d'appel puisque, comme elle l'avait relevé dans de précédents avis et décisions, chacun d'entre eux dispose "d'un monopole sur son propre réseau et qu'aucun contre-pouvoir d'acheteur ne vient contrebalancer ce pouvoir de marché". Cette analyse, qui n'est pas contestée par les parties, est conforme à celle que l'Arcep a développée dans l'avis qu'elle a rendu à l'Autorité et selon laquelle la terminaison d'appel constitue "un goulot d'étranglement, passage obligé pour tout opérateur tiers souhaitant acheminer des appels à destination des clients de l'opérateur concerné", de sorte que cet opérateur étant "en monopole sur sa boucle locale (...), aucune concurrence ne peut se développer sur le marché de la terminaison d'appel sur le réseau d'un opérateur " et qu'"il y a aujourd'hui une impossibilité technique à rompre le monopole des opérateurs mobiles sur les marchés respectifs de leur terminaison d'appel vocal et ni les acheteurs de terminaison d'appel ni les consommateurs sur le marché de détail n'exercent de contre-pouvoir d'acheteur suffisant pour contrebalancer cette position" (Avis p. 7). L'Autorité en a, dès lors, conclu qu'Orange et SFR étaient en position dominante sur le marché de la terminaison d'appel vers leur propre réseau ; que s'agissant en revanche du marché aval de détail, l'Autorité a jugé qu'aucun des trois opérateurs de réseau ne pouvait être considéré comme y détenant seul une position dominante. Ces opérateurs, en effet, ont détenu d'une façon stable sur la période en cause, soit de 2005 à 2009, des parts de marché à hauteur d'environ 45 % pour Orange, 35 % pour SFR et 17 % pour Bouygues.

(
) les pratiques de différenciation tarifaire consistent à appliquer à des produits ou services identiques ou comparables des tarifs différents ; elles ne sont pas, en elles-mêmes, anticoncurrentielles, mais peuvent le devenir, en particulier si la différence de tarif ne correspond pas, au moins dans une mesure raisonnable, à la différence des coûts en cause. L'Autorité a rappelé que dans le domaine de la téléphonie, les pratiques de différenciation tarifaire entre appels on-net et appels off-net avaient, depuis 2002, donné lieu de sa part, et avant elle de la part du Conseil de la concurrence, à plusieurs décisions mettant en cause des opérateurs et que ses analyses avaient été confirmées par la cour d'appel de Paris ; qu'en l'espèce, l'Autorité a d'abord considéré que les appels on-net et les appels off-net constituaient des prestations comparables, de sorte qu'il convenait de s'assurer de l'existence d'une différenciation tarifaire.

Elle a constaté qu'une telle différenciation était établie et résultait de ce que l'avantage d'abondance des offres commerciales d'Orange et SFR était réservé aux appels on-net, à l'exclusion des appels off-net, qui étaient toujours décomptés du forfait, et elle en a conclu "en moyenne et toutes communications confondues, que le prix des appels on-net est moins élevé que celui des appels off-net" et que "ce constat suffit donc à caractériser l'existence d'une différence de prix objective entre les deux types d'appel". Pour mesurer l'importance de cette différenciation, l'Autorité a quantifié, d'une part, le prix unitaire d'une minute appartenant au godet d'heures, représentant le prix d'une minute off-net, et, d'autre part, le prix moyen d'une minute on net, déterminé à partir du prix unitaire précédemment calculé et du prix unitaire d'une minute appartenant au créneau d'abondance, pondéré par les trafics d'appels de ces deux créneaux d'appels. La comparaison entre le prix moyen de la minute on-net ainsi obtenu et le prix moyen de la minute off-net, précédemment calculé, a fait apparaître des différences de prix systématiques, le prix de la minute de communication off-net étant toujours plus élevé que le prix de la minute de communication on net, dans les offres d'Orange comme dans celles de SFR (v. tableaux figurant aux § 117, 123, 127, 131, 136, 138, 143, 146, 148, 156, 159, 168, 172, 176, 180 et 183 de la décision).

Ceci posé, l'Autorité a mis en rapport ces différenciations tarifaires avec les coûts afférents aux appels on-net et aux appels off-net. Elle a relevé que la différence de coût entre un appel on-net et un appel off-net correspondait à la différence entre les terminaisons d'appel des deux opérateurs concernés, dans la mesure où les coûts de départ d'un appel on-net et d'un appel off-net étaient les mêmes ou, en tout cas, que les éventuelles différences étaient minimes. Sur cette base, elle a constaté que les écarts de prix entre les appels on-net et les appels off-net excédaient plus de six fois les écarts de coût, s'agissant des offres d'Orange comme celles de SFR (v. tableaux figurant au § 190 de la décision).

Dans son arrêt avant dire droit du 19 juin 2014, la cour a constaté que les offres incriminées présentaient une "une structure différente de celles examinées à l'occasion de litiges antérieurs" et dans sa demande d'avis à la Commission européenne, elle a spécialement interrogé celle-ci sur "l'existence de la différenciation tarifaire entre les appels on-net et offnet et la méthode employée pour apprécier les écarts de prix et les écarts de coûts entre ces deux types d'appels".

La Commission a, dans son avis, préalablement rappelé que les discriminations étaient contraires aux principes fondamentaux du droit de l'Union, qui exige que des situations comparables ne soient pas assujetties à un traitement différencié, sauf justification objective, et qu'elles pouvaient plus spécifiquement tomber sous le coup de l'article 102 du TFUE . Au cas d'espèce, elle a observé, en premier lieu, que l'application de ces principes supposait que les appels on-net et les appels off-net soient "comparables".

En second lieu, la Commission a considéré qu'il était possible d'identifier une différenciation tarifaire, alors même qu'aucune différence de prix par minute entre les appels on-net et les appels off-net ne figurait sur la facture. Elle a ensuite observé que "le fait que les avantages tarifaires de l'abondance ne s'appliquent qu'aux appels on-net a pour conséquence que ce type d'appel revient globalement moins cher pour les clients des opérateurs concernés, que les appels off-net". S'agissant de la méthode utilisée par l'Autorité pour mesurer l'importance de la différenciation tarifaire, la Commission a fait valoir que cette méthode "vis[ait] correctement à traduire en termes monétaires la différence entre le prix des communications on-net et off-net, du fait de la présence d'avantages qui ne sont pas, eux, définis en termes monétaires (appels illimités), dans un contexte où les offres sont forfaitaires et couvrent tous les types d'appels". Enfin, s'agissant de la question de savoir si les écarts de coût étaient susceptibles de justifier les écarts de prix, elle a indiqué que "s'il [était] démontré en suffisance de droit que dans le cas d'espèce les écarts de prix entre les appels on-net et ceux off-net excèdent plus de six fois les écarts de coût, ils sont en soi suffisamment importants pour fonder la conclusion de l'existence d'un traitement différencié non objectivement justifié au sens de l'article 102 TFUE"(
)

Sur la nécessité de procéder à un test d'effet de ciseau tarifaire

Les parties contestent le test utilisé en l'espèce par l'Autorité de la concurrence pour caractériser les pratiques en cause. Elles le dénoncent comme s'inscrivant en rupture avec la pratique jurisprudentielle suivie jusqu'à présent et comme présentant, par ailleurs, un caractère déloyal.

Elles soutiennent que seul un test de ciseau tarifaire, qui aurait permis d'éprouver la réplicabilité de leurs offres, était approprié en l'espèce et elles soulignent que cette démarche avait été d'emblée adoptée par les rapporteurs, lesquels avaient écarté la possibilité d'identifier une différenciation tarifaire. Elles ajoutent que la Cour de justice a clairement énoncé dans l'arrêt Post Danmark que le test à mettre en oeuvre pour une discrimination tarifaire est celui de la réplicabilité financière, qui a d'ailleurs été employé dans toutes les affaires relatives aux industries de réseau, notamment les affaires Deutsche Telekom, Telefonica et Telia Sonera.

La société Orange fait valoir que la mise en oeuvre de ce test démontrerait qu'elle n'a pas commis d'abus, car si elle s'était appliquée la même charge de terminaison d'appel que celle facturée à ses concurrents, elle aurait néanmoins dégagé une marge significative.

Elle ajoute que l'Autorité n'a élaboré ce test qu'à seule fin de démontrer qu'elle aurait commis un abus, en présumant une pratique anticoncurrentielle, au motif d'une élévation des coûts des concurrents, sans examiner un seul instant la performance de ceux-ci, ce qui est contraire au principe même du droit de la concurrence qui n'a pas pour objet de protéger les opérateurs inefficients.

La pratique dénoncée à l'Autorité de la concurrence consistait dans la commercialisation par Orange et SFR d'offres dites d'abondance sur les appels on-net de leurs abonnés. De telles offres sont différentes, tant dans leur expression que dans leurs effets potentiels, de celle examinée par la Cour de Justice dans l'arrêt Post Danmark du 27 mars 2012 (C-209/10) et qui consistait à proposer des prix bas à certains clients d'un concurrent.

Cette pratique pouvait, ainsi que l'ont fait les rapporteurs à la suite de la plainte, être examinée au regard du test de ciseau tarifaire, qui consiste à déterminer si l'opérateur qui se dit victime d'une pratique abusive est en mesure de produire une offre au moins aussi attractive que celle de l'opérateur dominant, compte tenu des coûts que représente l'accès au produit ou au service fourni par ce dernier. Cependant, une telle approche ne permettait pas d'appréhender la totalité des répercussions que la pratique en cause était susceptible d'entraîner avoir sur le marché et, notamment, l'effet de regroupement des clients, désigné sous le terme d'« effet de tribu », ainsi que les effets statistiques.

C'est donc à juste titre et sans déloyauté à l'égard des parties, que l'Autorité de la concurrence a examiné les effets de la différenciation tarifaire. Sur ce point, le fait que les rapporteurs aient, dans un premier temps, seulement notifié un grief de ciseau tarifaire ne saurait empêcher l'Autorité d'examiner la pratique en cause sous une autre qualification et au regard d'autres effets potentiels que ceux auxquels les rapporteurs s'étaient arrêtés.

Dans ce contexte, et s'agissant d'une pratique plus complexe que celle examinée par la Cour de Justice dans l'affaire Post Danmark précité ou dans les affaires Deutsche Telekom (14 octobre 2010, C-280/08) et Telia Sonera (11 février 2011 C-52/09), il ne peut être reproché à l'Autorité d'avoir mis en oeuvre un autre test que le test de réplicabilité utilisé dans ces précédents jurisprudentiels. L'Autorité n'était pas plus tenue, après avoir qualifié la pratique en cause au titre de la différenciation tarifaire, ce qui lui avait permis de statuer sur l'ensemble des effets anticoncurrentiels susceptibles de résulter de cette différenciation, de rechercher si le grief de ciseau tarifaire était ou non fondé, sans qu'il y ait dans cette démarche la démonstration d'un parti pris contre les mises en cause. Il est donc sans portée d'affirmer, comme le fait la société Orange, que si ce dernier test avait été effectué, il aurait révélé qu'elle aurait pu se facturer la terminaison d'appel qu'elle faisait payer à ses concurrents, tout en dégageant néanmoins une marge significative.

À ce sujet la cour relève encore que le test auquel il a été procédé permet d'appréhender l'effet potentiel d'étiolement de la concurrence, qui est une forme de pratique d'éviction, sans que l'opérateur concerné pratique des prix inférieurs à ses coûts, et qu'il était donc approprié à la pratique en cause. Le fait que ce test soit plus complexe à mettre en oeuvre que celui de la réplicabilité ou du ciseau tarifaire n'en fait pas pour autant un test hétérodoxe ou moins adapté à la situation précise et particulière pour laquelle il a été élaboré par l'Autorité de la concurrence.

Sur le caractère comparable des offres on-net et off-net

Les requérantes soutiennent que la condition de comparabilité ou d'équivalence des prestations, nécessaire à l'appréciation d'une éventuelle différenciation tarifaire, fait défaut en l'espèce. La société Orange prétend qu'elle-même et la société SFR ont été présumées fautives de différenciation excessive et abusive, sur la base du seul constat d'une option onnet illimité au sein de leurs offres, alors que les appels on-net et off-net, qui sont deux composantes d'une seule offre, ne sont pas comparables et qu'il est impossible, comme l'ont constaté les premiers rapporteurs, de calculer ex post une différenciation tarifaire entre les appels on-net et off-net. La société SFR, pour sa part, soutient que les services on-net et offnet ne sont pas équivalents et que leurs tarifs ne peuvent en conséquence être comparés.

La cour relève, cependant, que la condition de comparabilité ne requiert pas que les offres soient identiques, mais seulement qu'elles soient établies sur des éléments qui puissent être mesurés les uns par rapport aux autres. Ainsi que le soutient à juste titre l'Autorité, l'appel d'un correspondant est pour le consommateur, auquel les offres de prix sont destinées, un service identique quel que soit le réseau auquel ce correspondant est abonné. Par ailleurs, du côté de l'offre, l'appel on-net et l'appel off-net se distinguent matériellement en ce que le premier est acheminé sur un seul réseau, tandis que le second est acheminé sur un premier réseau et s'achève par une prestation de terminaison d'appel sur un autre réseau. Mais l'appel on-net implique aussi une prestation de terminaison d'appel, laquelle est alors autofacturée par l'opérateur unique. En tout état de cause, la différence tenant à la terminaison d'appel ne rend pas les deux prestations non comparables, puisque tous les éléments matériels et techniques qui composent cette prestation sont identiques et comparables et que la charge que constitue la terminaison est mesurable en termes de coûts. Il est donc indifférent de constater, comme le fait la société SFR, qu'il ne peut être équivalent pour un client d'appeler en illimité un proche on-net et un proche off-net puisque le client ne peut appeler en illimité que trois proches on-net et jamais un proche off-net.

La société SFR n'est pas non plus fondée à soutenir que les deux prestations on-net et off-net ne sont pas comparables pour un consommateur au motif qu'elles sont facturées de façon différente, puisque la question en jeu dans la présente affaire est de savoir si cette différence de facturation est justifiée. Elle ne peut non plus se prévaloir de l'expertise du professeur Paul S. qui, répondant à une question relative à la discrimination tarifaire ou la différenciation, analyse la décision au seul regard de la discrimination tarifaire, sans remettre en question le caractère comparable des appels on-net et off-net.

Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que les appels on-net et off-net sont composés d'éléments comparables et peuvent donner lieu à une analyse de comparaison. Il est, dès lors, sans objet de saisir la Cour de Justice, comme le demandent SFR et Orange, d'une question préjudicielle tendant à déterminer si, aux fins de l'application de l'article 102 du TFUE, "les bonus on-net et les autres appels" sont des prestations comparables ou si "les communications on-net et les communications off-net" peuvent être considérées comme des prestations équivalentes ou similaires » ;

- ALORS, d'une part, QUE les appels on-net et les appels off-net, composants indissociables d'une seule et même offre de service de téléphonie mobile (incluant en outre d'autres services de communication tels que des SMS, MMS, internet mobile), ne pouvaient être regardés comme des prestations comparables au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, de sorte que la cour d'appel a violé les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce ;

- ALORS, d'autre part, QU'en ne faisant pas ressortir le caractère comparable des appels on-net et les appels off-net, ces deux appels présentant, du point de vue de l'offre, des différences techniques, commerciales et administratives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du Traité, L. 420-2 du code de commerce ;

2) AUX MOTIFS QUE :

« Sur la pertinence de la méthode utilisée par l'Autorité de la concurrence

Sur l'évaluation des prix des minutes on-net et off-net

La société Orange soutient que la méthode mise en oeuvre par l'Autorité repose sur un postulat arbitraire, qu'elle aboutit à un résultat absurde et qu'elle comporte des erreurs ainsi que des lacunes. La société SFR expose que c'est de façon erronée que l'Autorité a rattaché l'affaire en cause à des précédents connus, notamment l'affaire Orange Caraïbes, et qu'elle aurait dû analyser la question de savoir si les offres on-net de la société Bouygues Télécom permettaient de réagir par des offres à 'bonus on net'.

Pour estimer l'ampleur de la différence de prix entre appels on-net et appels off-net, l'Autorité s'est appuyée sur une méthode définie aux paragraphes 110 à 184 de sa décision, et dont la cour a présenté ci-dessus les grandes lignes. Cette méthode se décline en cinq étapes.

La première d'entre elles consiste, - après avoir observé que pour chacune des offres litigieuses d'Orange et de SFR, la tarification des forfaits comporte toujours une composante fixe et une composante proportionnelle au nombre d'heures comprises dans le forfait, puisque le tarif augmente proportionnellement au nombre d'heures hors créneau d'abondance -, à en déduire que le prix d'une heure de forfait en dehors du créneau d'abondance, appelée « godet d'heures », vaut le montant de la part variable divisé par le nombre d'heures du forfait. La seconde étape déduit de la première le prix d'une minute de communication des appels on-net et des appels off-net décomptés du forfait. La troisième étape consiste à déterminer le prix de la minute on-net illimitée ; à cet égard, deux tests sont réalisés : dans un premier temps, il est considéré que la minute on-net illimitée est gratuite, puis dans un second temps, il est considéré que le créneau d'abondance peut être valorisé à quatre euros, ainsi que la société Orange l'a chiffré dans son option, intitulée "3 numéros KDO" lancée en 2005. La quatrième étape consiste à calculer les prix moyens des minutes on-net et off-net sur l'ensemble du forfait, en pondérant les résultats obtenus aux étapes précédentes par les trafics respectifs des différents types d'appels. Ces prix moyens sont calculés une fois avec le prix de la minute illimitée nul et une fois d'après le calcul réalisé à partir de l'option "3 numéros KDO". La cinquième étape évalue la différence résultant des prix moyens calculés à l'étape précédente. L'Autorité procèdera à un calcul « vérificateur », ultérieurement dans son analyse, après avoir calculé les écarts de coûts. Cette « vérification » est en fait un test qui consiste à déterminer le montant qui justifierait les écarts de coûts, en termes de part fixe du forfait.

Cette méthode qui vise, ainsi que l'a relevé la Commission européenne dans son avis du 1er décembre 2014 , à traduire en termes monétaires la différence entre le prix des communications on-net et off-net, du fait de la présence d'avantages qui ne sont pas, eux, définis en termes monétaires puisqu'ils consistent dans la possibilité d'appeler de façon non décomptée dans le forfait, dans un contexte où les offres sont forfaitaires et couvrent tous les types d'appels, est construite sur des hypothèses qui permettent une comparaison objective des prix. En outre, si cette méthode est complexe, comme le fait valoir la société SFR, elle repose néanmoins sur des éléments objectifs ainsi qu'une analyse logique clairement exposés et permet, ainsi qu'il a été déjà relevé, de faire ressortir une quantification des éléments de l'offre. De plus, ainsi que le souligne l'Autorité, la critique que formule la société SFR, qui indique qu'une modification des étapes aboutirait à un résultat différent, n'est pas fondée puisque la méthode invoquée par elle aboutirait à un résultat identique à celui de l'Autorité.

La société Orange critique le recours à cette méthode, qu'elle qualifie d'"absurde" et "partiale" mais sans en apporter la démonstration. Contrairement à ce qu'elle soutient, le fait que le forfait soit facturé comme un tout ne signifie pas que les opérateurs n'allouent pas une partie du tarif à une partie de l'offre. En effet, un forfait, pour revêtir un intérêt commercial, est nécessairement construit en fonction de la consommation des clients auxquels il s'adresse et, dans ces conditions, l'affichage d'un prix forfaitaire n'exclut pas que l'opérateur ait luimême effectué une affectation tarifaire des éléments composant le forfait. De plus, le fait que les minutes on-net soient illimitées lorsqu'elles correspondent à l'avantage d'abondance, et décomptées du forfait, lorsqu'elles ne le sont pas, au même titre que les minutes off-net, montre qu'il existe bien une différence de traitement au sein même des minutes on net, laquelle conduit à une différence objective de traitement entre les minutes on-net et les minutes off-net. Dès lors, l'Autorité a procédé à une étude de la construction tarifaire appropriée et économiquement justifiée.

Par ailleurs, l'argument selon lequel la comparaison sur le modèle élaboré par l'Autorité ferait apparaître un prix plus faible pour l'on net, y compris dans le cas d'une offre cross-net, qui ne comporterait aucune restriction sur le réseau de destination, est inopérant à démontrer le caractère prétendument arbitraire de la méthode retenue, dans la mesure où un tel cas ne conduirait à aucun traitement différencié des appels et qu'aucun effet anticoncurrentiel n'y serait associé. En outre, cet argument repose sur le constat selon lequel les consommateurs passent davantage d'appels on-net qu'off-net, qui ne fausse en rien l'analyse qui a été effectuée par l'Autorité en l'espèce.

Les sociétés Orange et SFR soutiennent que la méthode consistant à valoriser à zéro euro les minutes on-net illimité est arbitraire, endogène et produit nécessairement le résultat attendu, à savoir un prix moyen de minutes on-net inférieur au prix moyen des minutes off-net. La société Orange précise sur ce point que le coût marginal ne devrait pas être retenu, contrairement à ce que soutient l'Autorité, puisque c'est le tarif de l'offre dans son ensemble qui guide les choix des consommateurs. Elle fait valoir que la valorisation des minutes on-net illimitées sur la base du tarif de quatre euros de son option « 3 numéros KDO » est dépourvue de justification et que cette option est du même ordre, par exemple, qu'un billet de train offert pour un euro de plus par Air Caraïbes pour l'achat d'un billet d'avion ou que deux paires de lunettes offertes pour un euro de plus par l'enseigne Alain A. pour l'achat d'une paire de lunettes. Dans ces différents cas il serait absurde de considérer que le prix réel de la paire de lunette ou du billet de train serait de un euro.

Cependant, ainsi qu'il a été précédemment retenu, la prise en compte du tarif du forfait dans son ensemble est économiquement justifiée.

Il convient par ailleurs de relever que dans la mesure où une partie d'un prix correspond à une consommation illimitée, le prix de l'unité tend nécessairement vers zéro. Si ainsi que le souligne l'Autorité, il est indéniable que pour avoir accès à l'appel illimité des appels on-net le client est prêt à payer une quote-part du prix du forfait, il n'en demeure pas moins qu'il perçoit les appels on-net du créneau d'abondance comme étant gratuits, alors que les appels on-net hors du créneau d'abondance et les appels off-net sont payants puisqu'ils se décomptent du forfait. Appliquant ce prix à la méthode précédemment décrite, l'Autorité calcule le rapport de la différence des prix et des coûts et en déduit une différenciation tarifaire injustifiée au regard des coûts.

Par ailleurs, prenant en compte l'objection des parties selon laquelle le prix de la minute du créneau d'abondance n'est pas nul, elle a réalisé une seconde valorisation du prix des minutes on-net illimitées identique à celle de l'option "3 numéros KDO" d'Orange à 4 euros, qui constitue un exemple objectif de valorisation apprécié par l'opérateur lui-même. Cette option ne peut, en aucun cas, être confondue avec l'offre d'un billet de train à 1 euro pour l'achat d'un billet d'avion, ou l'offre de deux paires de lunettes pour 1 euro, lesquelles sont des offres commerciales qui constituent, dans le premier cas, une subvention pour l'achat d'un service de transport complémentaire que l'opérateur concerné ne vend pas lui-même et, dans le second cas, un prix global pour une quantité qui n'est pas illimitée et qui ne s'inscrit pas dans le cadre d'une différenciation tarifaire entre deux produits. Appliquant la même méthode de calcul, l'Autorité constate à nouveau une différenciation tarifaire injustifiée au regard des coûts.

Enfin, ces constats sont confirmés par le troisième calcul, dit "vérificateur" auquel l'Autorité a procédé. Cette dernière étape correspond au calcul de la proportion du prix du forfait qui devrait être allouée aux appels on-net illimités afin que la différence de tarifs entre appels onnet et off-net soit justifiée par la différence de coûts, qui est calculée parallèlement et sera décrite ci-dessous. Le résultat de ce test démontre que le prix du créneau d'abondance dépasserait la part fixe des forfaits pour la quasi-totalité des forfaits examinés. Cela signifie que si le créneau d'abondance était valorisé à hauteur de la totalité de la part fixe du forfait, la minute on-net du créneau d'abondance serait toujours d'un prix trop faible pour justifier la différence de prix moyens entre les appels on-net et off-net au regard de la différence de coûts des mêmes appels.

Au regard de ces éléments, c'est donc à juste titre que l'Autorité n'a pris en compte que la part fixe, puisqu'il était démontré que la part variable était affectée aux minutes décréditées.

La société Orange fait encore valoir que la méthode comporte des erreurs et des lacunes flagrantes. Elle reproche à ce titre à l'Autorité de ne pas avoir cherché à mesurer l'écart des prix au regard des coûts et de ne pas avoir quantifié la différenciation tarifaire. Les développements qui précèdent suffisent à démontrer que cette critique est dépourvue de fondement.

Elle ajoute que l'analyse est faussée par des lacunes fondamentales. La première résulte, selon elle, d'une contradiction entre la valorisation de la minute du créneau d'abondance à zéro et l'affirmation dans ses observations que les consommateurs étaient prêts à payer une partie du forfait pour accéder au créneau d'abondance. Cette critique n'est pas fondée puisque ainsi qu'il a été relevé précédemment, l'Autorité de la concurrence a procédé en plusieurs étapes qui ne sont pas contradictoires mais complémentaires. La deuxième objection concerne le défaut de prise en compte de la subvention du terminal dans la tarification du forfait, l'Autorité se bornant, selon Orange, à répondre de façon péremptoire que « cela ne modifierait pas les résultats de la Décision ». La société Orange soutient qu'en omettant ces retraitements, la décision survalorise le prix de la minute de communication décomptée du forfait par rapport au prix de la minute du créneau d'abondance. Il convient, toutefois, de relever que la société Orange n'a pas apporté d'éléments concrets démontrant que la part de la subvention du terminal augmentait avec la taille du forfait ou justifiant du nombre d'abonnés auxquels cette subvention bénéficierait. Il ne lui était en conséquence pas possible de calculer l'impact de cette subvention sur les prix du forfait, ce qui ne saurait lui être reproché et ne peut justifier qu'il faille considérer de façon générale le prix des minutes off-net comme étant surévalué.

Sur l'évaluation des coûts

La société Orange soutient que l'Autorité aurait dû prendre en compte dans son évaluation les coûts réels des appels (notamment les coûts techniques, commerciaux et administratifs), plutôt que le seul coût de terminaison d'appel. Elle fait valoir que la décision n'a pas examiné les éléments précis et chiffrés qu'elle avait produits, se contentant d'affirmer arbitrairement qu'en tout état de cause, ces éléments seraient insuffisants à justifier l'ampleur des différences de prix.

Elle fait valoir qu'en tenant compte des différentiels de prix qu'elle a elle-même calculés, le différentiel de coûts réels révélerait l'absence de différenciation tarifaire abusive.

L'Autorité a considéré qu'il résultait de l'obligation de non-discrimination entre les opérateurs, s'agissant de la facturation des coûts de terminaison d'appel imposée par l'Arcep, que ce coût était le seul à prendre en compte dans le cadre de la comparaison des écarts de prix et de coûts à laquelle elle a procédé, sans, cependant, apporter plus d'explications sur ce point. Mais en tout état de cause, elle a, par une juste motivation que la cour adopte, aussi calculé l'écart des prix tels qu'ils ont été précédemment validés en fonction de l'écart des coûts basés sur les coûts réels invoqués par la société Orange et en a déduit que même dans ce cas de figure, l'écart des prix demeurait excessif et injustifié au regard de l'écart des coûts.

Si la décision ne comporte pas plus d'éléments d'explication sur ce point, c'est en tout état de cause, par une juste motivation que la cour adopte, que l'Autorité a calculé l'écart des prix tels qu'ils ont été précédemment validés en fonction de l'écart des coûts basés sur les coûts réels invoqués par la société Orange et en a déduit que même dans ce cas de figure, l'écart des prix demeurait excessif et injustifié au regard de l'écart des coûts.

Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que doivent être rejetés les moyens invoqués sur ces différents points et les demandes tendant à la saisine de la Cour de Justice par voie de questions préjudicielles portant sur la prise en compte d'une différenciation tarifaire dans l'application de l'article 102 du TFUE.

Sur l'impossibilité pour la société Bouygues Télécom de riposter aux offres d'abondance onnet d'Orange et SFR

L'Autorité de la concurrence a considéré dans la décision attaquée que les pratiques en cause avaient eu pour effet d'affaiblir la concurrence émanant des plus petits opérateurs, notamment en renforçant l'effet de club au bénéfice des sociétés Orange et SFR, puisque ces opérateurs n'étaient pas en mesure de répliquer efficacement par le lancement de leurs propres offres d'abondance on net, ce qui rendait nécessaire pour eux le lancement d'offres comportant une composante cross-net, laquelle avait pour conséquence une élévation des coûts de nature à affaiblir la concurrence.

La société SFR critique la décision en soutenant que l'Autorité s'est dispensée de toute analyse économique de l'attractivité d'une réponse on-net par la société Bouygues Télécom alors qu'« il s'agit pourtant du coeur du dossier ». Elle oppose à ce titre que les études sur lesquelles s'appuie l'Autorité pour soutenir que Bouygues n'était pas en mesure de répliquer avec sa propre offre d'abondance on-net sont biaisées, l'une parce qu'elle ne teste pas des produits identiques à ceux de SFR et Orange, et l'autre parce qu'elle a été effectuée après le lancement de l'offre cross-net de la société Bouygues, intitulée Néo, rendant les offres d'abondance on-net de SFR et d'Orange « indiscutablement moins attractives » et, enfin, parce qu'aucune des études « ne mentionne le prix concernant les concepts testés », alors que « le prix d'une offre fait pourtant partie intégrante de son attractivité ».

Il convient toutefois de relever que, contrairement à ce que soutient la société SFR, l'Autorité de la concurrence a, aux paragraphes 512 à 520 de sa décision, examiné la possibilité pour les plus petits opérateurs, et la société Bouygues, de répliquer efficacement par le lancement de leurs propres offres d'abondance on net

Dans ce cadre, l'Autorité s'est appuyée sur une étude économique réalisée à partir des données du marché mobile français en 2003, publiée sur le site de l'Arcep le 4 juin 2012, dont les parties ne contestent pas la validité. Selon cette étude « des baisses tarifaires on-net simultanément pratiquées par tous les opérateurs font subir au plus petit d'entre eux (en termes de parc d'abonnés) une perte de profit par abonnés significativement supérieure aux pertes supportées par les plus gros opérateurs. Le plus petit opérateur est ainsi exposé à une éviction du marché ». Elle en tire, à juste titre, la conclusion qu'il était sans pertinence pour le plus petit opérateur de répliquer à l'identique par une offre on net, ce qui est, selon elle, démontré par la situation de la société Bouygues.

Sur ce point, l'étude Kalee pour 2006, sur laquelle s'est appuyée l'Autorité dans ses développements, comporte des questions concernant des contenus d'offres et non des offres chiffrées, ce qui permet justement d'observer l'attractivité du réseau de la société Bouygues Télécom au regard des réseaux des sociétés SFR et Orange et de constater que lorsqu'il est dévoilé aux consommateurs que le contenu de l'offre qu'ils ont estimée attrayante serait une offre de la société Bouygues, ceux-ci reviennent sur cette première appréciation en considérant que le réseau de cette société comporte un nombre trop restreint d'abonnés. Il importait peu à ce sujet que l'étude ait été réalisée après le lancement de l'offre cross-net par la société Bouygues.

Il était, au regard de l'ensemble de ce qui précède, sans intérêt de procéder une étude du prix des offres, celle-ci n'entrant pas encore en ligne de compte à ce stade de l'analyse des comportements des consommateurs. C'est, en outre, à juste titre compte tenu de l'importance que revêt l'étendue du réseau dans le succès d'une offre bonus on net, que l'Autorité de la concurrence a considéré comme étant sans portée les causes invoquées par la société SFR pour expliquer les échecs de telles offres lancées avant 2005 par la société Bouygues, comme le déficit de promotion ou les contraintes qu'elles comportaient.

Enfin, l'analyse de l'impossibilité pour la société Bouygues de présenter elle aussi une offre on-net attractive est confirmé par l'Arcep dans son avis du 15 mars 2007 relatif à ce dossier. Celle-ci a en effet précisé que la notion d'attractivité d'une offre d'abondance était « directement fonction de la probabilité d'avoir des correspondants principaux sur le réseau en cause, cette dernière étant en rapport avec la part de marché de cet opérateur. Ainsi, toute chose égale par ailleurs, le consommateur souscrira dans les faits une telle offre auprès de l'acteur ayant la part de marché la plus forte (...)».

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société SFR ne saurait non plus se prévaloir de ce qu'elle a réussi à présenter une offre on-net attractive, alors que son portefeuille d'abonnés était moindre que celui de la société Orange, ou que l'offre en cause n'ait concerné que 20 % de son parc d'abonnés. En effet, dans la mesure où sa part de marché des services de téléphonie mobile était, selon les données de la décision, proche de 35 % tandis que celle de la société Orange était proche de 45 %, la société Bouygues Telecom ne détenant qu'une part d'environ 17 %, c'est à juste titre que l'Autorité a estimé que la proximité des parts des sociétés SFR et Orange rendait cet argument inopérant.

La requérante n'est pas non plus fondée à soutenir que la décision appliquerait les raisonnements tenus dans l'affaire Orange Caraïbe pour inférer l'impossibilité pour la société Bouygues d'imiter l'offre on-net de ses concurrents, dès lors que la décision s'est appuyée, ainsi qu'il vient d'être relevé, sur des éléments propres au dossier de l'espèce pour démontrer de façon crédible le caractère inopérant pour la société Bouygues Telecom de présenter une offre on net.

Par ailleurs, la société SFR s'appuyant sur une étude du cabinet CRA, affirme que l'attractivité d'une offre d'abondance vers trois numéros on-net illimité dépend directement de l'importance des interlocuteurs pouvant être appelés de façon illimitée, et doit être mesurée en proportion du volume d'appels passés en moyenne par un abonné vers ses premiers interlocuteurs. Elle soutient, en se basant sur les données figurant dans l'étude TERA, produite en appel par la société Bouygues, que si celle-ci avait procédé à une offre on-net sur trois numéros, ses abonnés auraient alors réalisé une économie de 24,7 % et cette économie aurait été de 27 % si l'offre avait concerné les 5 numéros les plus appelés on net. Cependant, ce calcul d'économies possibles pour les abonnés ne permet pas de remettre en cause le constat selon lequel l'attractivité de l'offre on-net dépend de la probabilité d'avoir des correspondants principaux sur le réseau en cause, ni le constat que les clients de Bouygues n'avaient, le plus souvent, pas de deuxième « proche » et, a fortiori, pas de troisième « proche », résultant de l'étude Kalee pour 2006. Il convient à ce sujet d'observer que rien ne permet de constater que les numéros on-net les plus appelés correspondaient aux interlocuteurs les plus appelés par les abonnés.

Enfin, la cour rappelle que l'analyse faite par l'Autorité de l'impossibilité pour la société Bouygues de réagir efficacement en proposant elle aussi une offre on-net en illimité s'inscrit dans le cadre de l'examen des effets de la pratique. Cet examen conduit à considérer que compte tenu du défaut d'efficacité d'une offre on-net en illimité pour la société Bouygues Télécom, celle-ci était contrainte d'offrir une offre cross-net plus coûteuse que l'offre on net. Pour cette analyse, la possibilité économique de la réplicabilité à laquelle il aurait fallu procéder dans le cadre de l'examen d'un effet de ciseau tarifaire n'était pas utile et il ne saurait une nouvelle fois être reproché à l'Autorité de ne pas avoir effectué cette analyse, ainsi que cela a été précisé dans les développements qui précèdent. »

- ALORS, d'une part, QU'en considérant qu'un forfait on-net illimité est nécessairement construit en fonction de la consommation des clients auxquels il s'adresse et que l'affichage d'un prix forfaitaire n'exclut pas que l'opérateur ait lui-même effectué une affectation tarifaire des éléments composant le forfait, tout en valorisant d'office à zéro euro les minutes on-net illimité et en occultant le constat des premiers services d'instruction que le prix à la minute des appels dans le forfait est mathématiquement impossible à calculer et ne peut être constaté qu'ex post, en divisant le prix du forfait par le nombre total de minutes d'appel dans le forfait (nombre de minutes vers les trois numéros illimités, nombre de minutes d'autres appels on-net dans le forfait et nombre de minutes d'appels off-net dans le forfait) et qu'il est donc impossible de démontrer ex post que le prix off-net est toujours supérieur au prix on-net, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

- ALORS, de deuxième part, QU'en valorisant à zéro euro les minutes on-net illimité et en écartant la « part fixe » du prix du forfait en ce qu'elle ne serait pas censée rémunérer des minutes d'appels, ce qui conduit à faire mécaniquement apparaître une différence entre les « prix implicites » des appels on-net et off-net, la cour d'appel a statué par un motif inopérant impropre à caractériser une discrimination tarifaire et ainsi, privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du Traité, L. 420-2 du code de commerce ;

- ALORS, de troisième part, QU'en appliquant un test de qualification de différenciation tarifaire qui aboutit, de son propre aveu, à une différenciation tarifaire entre les appels on-net et appels on-net même au sein d'une offre cross-net illimité, c'est-à-dire une offre qui ne comporte par hypothèse aucune différence de traitement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du Traité, L. 420-2 du code de commerce ;

- ALORS, de quatrième part, QU'en jugeant que l'Autorité a pris en considération dans le calcul de l'écart des coûts les coûts réels de prestation de terminaison d'appel et l'ensemble des coûts techniques, commerciaux et administratifs des appels, au lieu du seul tarif de terminaison d'appel facturé aux autres opérateurs, alors que l'Autorité a pris uniquement ce dernier, la cour d'appel, qui a dénaturé la décision de l'Autorité, a violé l'article 4 du code civil ;

- ALORS, enfin, QU'en ne caractérisant pas l'impossibilité pour la société Bouygues Telecom de répliquer les offres proposées par ses concurrents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du Traité, L. 420-2 du code de commerce.

3) AUX MOTIFS QUE :

« Sur le lien entre la position dominante et l'abus

L'Autorité a d'abord rappelé que, d'une façon générale, les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE étaient susceptibles de s'appliquer alors même que l'abus serait constaté sur un autre marché que celui sur lequel l'entreprise en cause détient une position dominante, dès lors qu'étaient réunies deux conditions tenant à l'existence, d'une part, de "liens étroits" entre ces marchés et, d'autre part, de "circonstances particulières" justifiant cette application. Comme la Commission européenne l'a relevé dans l'avis du 1er décembre 2014 qu'elle a rendu à la cour dans la présente affaire, ce principe est admis de longue date et a été consacré, en particulier, par la Cour de Justice dans l'affaire Tetra Pak II ayant donné lieu à son arrêt du 14 novembre 1996. L'Autorité a considéré que le cas d'espèce - dans le cadre duquel l'abus de différenciation tarifaire sur le marché aval de détail de la téléphonie mobile est reproché à des entreprises en position dominante sur les marchés amont de terminaison d'appel vers leur propre réseau - répondait à ces deux conditions ;

(
) que s'agissant de l'existence de "liens étroits", l'Autorité a observé que les marchés amont de la terminaison d'appel et aval de la téléphonie mobile étaient connexes, cette connexité résultant de ce que la terminaison d'appel constitue une prestation technique intermédiaire, nécessaire à la réalisation d'un appel depuis le réseau de l'appelant vers le réseau de l'appelé.

S'agissant de l'existence de "circonstances particulières", l'Autorité, après avoir rappelé que Orange et SFR étaient verticalement intégrées et présentes sur les marchés amont et aval, a relevé que le monopole qu'elles exerçaient sur les marchés de leurs terminaisons d'appel respectives leur avait permis de facturer cette prestation à leurs concurrents à des prix "significativement supérieurs" aux coûts supportés, puisque ces prix étaient systématiquement alignés sur les tarifs maximums fixés par l'Arcep. De ces prix "supra-concurrentiels", il est résulté, selon l'Autorité, une élévation significative des coûts des concurrents et un effet d'éviction sur le marché de détail. Elle a observé qu'à l'inverse, si les opérateurs s'étaient trouvés en situation de concurrence sur le marché de la terminaison d'appel vers leur réseau - dans le cas où existeraient des prestations comparables -, leurs prix de terminaison d'appel convergeraient vers les coûts, de sorte que les opérateurs de petite taille pourraient commercialiser des offres d'abondance cross-net et que les offres d'abondance on-net seraient alors moins attractives. L'Autorité en a conclu que "c'est donc en raison de la position dominante détenue par Orange et SFR sur le marché de la terminaison d'appel, combinée à leurs parts de marché significatives sur le marché de détail de la téléphonie mobile, que les pratiques de différenciation tarifaire mises en oeuvre par ces opérateurs sont susceptibles d'affaiblir la concurrence sur le marché de détail en évinçant ou en affaiblissant les concurrents au moins aussi efficaces sur ce marché".

(
) que celle-ci en effet, comme la cour l'a relevé plus haut, a explicitement relevé que les pratiques de différenciation tarifaire, susceptibles d'affaiblir la concurrence sur le marché de détail "en évinçant ou en affaiblissant les concurrents au moins aussi efficaces sur ce marché", avaient été mises en oeuvre "en raison" de la position dominante détenue par Orange et SFR sur le marché de la terminaison d'appel, cette position dominante leur ayant permis de pratiquer des prix de terminaison d'appel "supra-concurrentiels".

Ce caractère supra-concurrentiel des prix de terminaison d'appel que les opérateurs ont pratiqué est attesté par la méthode selon laquelle l'ART puis l'Arcep les ont régulés. Ayant posé le principe d'orientation de ces prix vers les coûts, le régulateur sectoriel a constaté qu'une régulation tarifaire permettrait seule, en l'absence de toute pression concurrentielle, de garantir la réalisation de ce principe. Ce constat a été explicité et commenté par le régulateur dans les différentes décisions par lesquelles il a, à partir de 2004, mis en place un dispositif de contrôle tarifaire des terminaisons d'appel vocal mobile, dans le cadre de la transposition des directives européennes du "paquet télécom" de 2002. C'est ainsi que l'ART a relevé, s'agissant des trois opérateurs de téléphonie mobile, Orange, SFR et Bouygues, qu'"il n'existe quasiment pas de pression concurrentielle sur les prix de [leur] terminaison d'appel. Cette situation pourrait [les] amener à pratiquer des prix de monopole en l'absence de régulation. Une telle situation justifie la mise en place d'une obligation de contrôle des prix (...). Un examen des coûts révèle des écarts importants avec les prix pratiqués, ce qui justifie la mise en place d'un contrôle tarifaire consistant en une obligation de refléter les coûts correspondants" (décisions n° 2004-937, 2004-938 et 2004-939 du 9 décembre 2004 portant sur l'influence significative des sociétés Orange, SFR et Bouygues sur le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau et les obligations imposées à ce titre). Par la mise en oeuvre de ce contrôle, le régulateur sectoriel a recherché une convergence vers les coûts, non pas immédiate mais à terme, par une réduction progressive de l'écart entre les prix pratiqués et ces coûts, de sorte que sur la période considérée, les prix plafonds imposés ont toujours été supérieurs aux coûts, mais dans une proportion tendant à diminuer.

Ce constat s'est vérifié quelle que soit la méthode employée par le régulateur sectoriel pour calculer les coûts de terminaison d'appel des opérateurs. En effet, l'Arcep a, jusqu'en 2008, calculé ces coûts selon la méthode dite des coûts complets, puis à partir de sa décision du 2 décembre 2008, par laquelle elle a fixé les plafonds tarifaires de terminaison d'appel des trois opérateurs pour la période allant du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, elle a recouru à la méthode dite des coûts incrémentaux de long terme. Or, elle a constaté que les tarifs de terminaison d'appel étaient toujours "très supérieurs à la cible", désormais définie en référence aux coûts incrémentaux, et elle a noté qu'il en serait allé de même si la cible était restée définie "en référence aux coûts complets" (décision n° 2008-1176 du 2 décembre 2008, p. 51). Elle a, par ailleurs, souligné à plusieurs reprises que les tarifs qu'elle fixait par ses différentes décisions consistaient dans des "plafonds tarifaires, qui doivent s'entendre comme des limites supérieures laissant la liberté aux opérateurs de mettre leurs tarifs, sous ces plafonds, au niveau qu'ils jugent pertinents". Sur ce point, il n'est pas contesté que les opérateurs ont toujours fixé leurs prix au niveau même des plafonds fixés par le régulateur, de sorte qu'en est établi le caractère supra-concurrentiel, rendu possible par la position dominante détenue par eux sur le marché de la terminaison d'appel vers leur réseau. Ce constat a été rappelé par l'Autorité qui, dans sa décision, a observé que leur position dominante sur le marché de leur terminaison d'appel avait permis "aux opérateurs de facturer aux autres opérateurs un prix de terminaison d'appel supra-concurrentiel en s'alignant sur les tarifs maximum fixés par l'Arcep, qui étaient, au cours de la période en cause, significativement supérieurs aux coûts réels encourus par les opérateurs pour fournir la prestation d'appel de terminaison d'appel". Le Conseil d'État a, au demeurant, fait le même constat dans l'arrêt du 24 juillet 2009 par lequel il a partiellement annulé la décision de régulation tarifaire de l'Arcep en date du 2 décembre 2008, en notant que "l'ensemble des plafonds fixés aux opérateurs demeur[aient] supérieurs aux coûts incrémentaux de long terme et permett[aient] à ces opérateurs de réaliser une marge sur la terminaison d'appel (...)".

Dès lors, on ne saurait affirmer, comme le fait SFR, que le caractère supraconcurrentiel des prix de terminaison d'appel ne constitue qu'une "pure pétition de principe ne reposant sur aucune démonstration" et qui, de surcroît, n'aurait été "alléguée" à aucun moment de la procédure. Sur ce dernier point, en effet, l'Autorité a clairement expliqué aux points 583 et suivants de sa décision qu'Orange et SFR, détenant un monopole sur les marchés amont de leurs terminaisons d'appel, avaient facturé aux autres opérateurs "un prix de terminaison d'appel supraconcurrentiel en s'alignant sur les tarifs maximum fixés par l'Arcep, qui étaient, au cours de la période en cause, significativement supérieurs aux coûts réels encourus par les opérateurs pour fournir la prestation de terminaison d'appel", ce constat ayant été fait par le Conseil d'État dans l'arrêt précité, que les coûts aient été évalués selon la méthode des coûts complets ou selon la méthode des coûts incrémentaux.

A ce stade de l'analyse par ailleurs, les requérants reprochent à l'Autorité d'avoir établi, non un lien entre la position dominante et les pratiques reprochées de différenciation tarifaire, mais un lien entre la pratique de prix supra-concurrentiel et l'un de ses effets, à savoir l'augmentation des coûts des concurrents, et ils soulignent que cette pratique n'a nullement fait l'objet d'un grief notifié.

Cette critique doit être écartée en ce qu'elle déforme l'analyse sur laquelle l'Autorité a fondé sa décision. Contrairement à ce que prétendent les requérants, le lien qui doit être démontré, aux fins de l'application des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, a en l'espèce pour "point de départ" non le caractère supra-concurrentiel des prix de terminaison d'appel, mais bien la position détenue par les opérateurs sur les marchés de cette terminaison vers leur réseau. C'est en effet cette position dominante qui leur a permis d'aligner leurs prix sur les plafonds fixés par l'Arcep, alors que confrontés à une pression concurrentielle, ils auraient tendu à baisser ces prix et à les rapprocher des coûts supportés. Ainsi que le souligne l'Autorité dans ses observations, ces prix supra-concurrentiels ne sont donc nullement le "point de départ" du lien avec les pratiques reprochées, mais la conséquence de la position dominante qui les rend possibles.

La société Orange, par ailleurs, soutient qu'elle apporte la "démonstration positive" de l'absence de tout lien de causalité, en faisant valoir qu'elle a toujours dégagé une "marge significative" sur le marché de détail, alors même qu'elle s'appliquait la même charge de terminaison d'appel que celle qu'elle facturait à ses concurrents. Elle produit à cet égard sa marge, de 2005 à 2011, sur tous les produits de sa gamme on-net illimité, calculée sur la base de ses coûts totaux, incluant tous les coûts de terminaison d'appel, "y compris sa propre charge de terminaison d'appel pour les appels on net, au même tarif que celui pratiqué à l'égard de ses concurrents". Cette marge s'avérant toujours positive, allant de 9,5 euros en 2005 à 12,1 euros en 2011, par mois et par ligne, elle y voit la démonstration qu'elle ne s'est pas servie de sa prestation de terminaison d'appel pour construire ses offres de détail et assurer leur rentabilité.

Cette argumentation cependant ne serait pertinente que si étaient en cause dans la présente affaire des pratiques de ciseau tarifaire ; or, tel n'est pas le cas puisque le grief reproché aux requérants porte sur des pratiques de différenciation tarifaire. Elle ne saurait donc conduire à écarter l'analyse sur laquelle la décision déférée est fondée. Sur ce point, c'est à juste titre que l'Autorité rappelle dans ses observations qu'une pratique de différenciation tarifaire peut exister sans ciseau tarifaire, dès lors qu'elle peut avoir pour effet, sans même empêcher des concurrents du marché aval aussi efficaces de proposer leurs services de manière rentable, d'élever sensiblement leurs coûts pour les affaiblir et atténuer la pression concurrentielle qu'ils peuvent exercer.

En ce qui concerne les "circonstances particulières" propres à justifier l'application des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, alors même que le marché dominé n'est pas celui sur lequel l'abus est allégué, la société Orange fait valoir que la Cour de cassation en a défini le sens et la teneur dans son arrêt du 17 mars 2009 rendu dans l'affaire GlaxoSmithKline, en s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour de Justice, et que les faits en cause dans la présente affaire ne répondent pas à cette définition. Elle souligne, en effet, que la Cour de cassation s'est référée aux arrêts des 3 juillet 1991, Akzo Chemie BV et 14 novembre 1996, Tetra Pak International, dans lesquels la Cour de Justice a relevé des circonstances, dans le premier arrêt, "établissant que c'est pour renforcer sa position dominante sur un marché qu'une entreprise a mis en oeuvre une pratique abusive sur un marché distinct qu'elle ne domine pas" et, dans le second, "démontrant que des marchés présentent des liens de connexité si étroits qu'une entreprise se trouve dans une situation assimilable à la détention d'une position dominante sur l'ensemble des marchés en cause" et elle observe qu'aucune de ces circonstances n'est démontrée en l'espèce.

Il est de fait que les pratiques reprochées à Orange et SFR ne font pas apparaître de circonstances analogues à celles décrites dans cet arrêt : en effet, il n'est nullement allégué par l'Autorité que ces opérateurs auraient mis en oeuvre des pratiques abusives sur le marché aval en vue de renforcer leur position dominante sur le marché amont, ni que leur situation pourrait être "assimilée" à la détention d'une position dominante sur "l'ensemble" de ces marchés, compte tenu de l'étroitesse des liens les unissant. Force est de constater, cependant, que les requérants en tirent une conclusion erronée en prétendant que, dès lors, la condition tenant à l'existence de "circonstances particulières", posée par la Cour de cassation dans son arrêt, n'est pas remplie. Ce faisant, ils donnent a cet arrêt une portée qu'il n'a pas : il résulte en effet des termes mêmes de sa décision que la Cour de cassation n'a nullement limité la notion de "circonstances particulières" à celles qu'elle a relevées, à titre seulement illustratif et non limitatif, puisqu'elle a jugé que les textes réprimant l'abus de position dominante pouvaient s'appliquer à des pratiques mises en oeuvre sur un marché distinct du marché dominé, "notamment" lorsque l'autorité de concurrence démontre l'existence de circonstances particulières, telles celles relevées par la Cour de Justice dans les arrêts Akzo Chemie BV et Tetra Pak international.

Au cas d'espèce, l'ensemble des constatations faites ci-dessus, tenant en particulier au lien unissant la position dominante détenue sur les marchés amont et les pratiques abusives mises en oeuvre sur le marché aval de détail, constituent, au vu de la spécificité de ces marchés, des circonstances particulières propres à justifier l'application des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE. Il en résulte, par ailleurs, qu'il n'y a pas lieu de saisir la Cour de Justice, comme le demande Orange, d'une question préjudicielle portant sur la suffisance d'une "simple connexité entre marchés" pour démontrer un lien de causalité entre le marché de gros amont et le marché de détail aval »

- ALORS, d'une part, QU'en ne caractérisant pas l'existence d'un lien de causalité entre la position dominante de la société Orange sur le marché de la terminaison d'appel sur son réseau et la pratique de différenciation tarifaire entre les appels on net et off-net sur le marché de détail la téléphonie mobile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du Traité, L. 420-2 du code de commerce ;

- ALORS, de deuxième part, QU'en ne caractérisant pas les circonstances particulières qui auraient démontré l'existence d'un tel lien et en se contentant de le déduire de la seule position de monopole détenue par Orange comme tout opérateur sur la terminaison d'appel sur son réseau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du Traité, L. 420-2 du code de commerce ;

- ALORS, de troisième part, QU'en recherchant un lien de causalité avec une autre pratique consistant en un prix de gros « supra-concurrentiel » sur le marché amont de la terminaison d'appel, qui n'avait pas été notifiée, en lieu et place d'une pratique de différenciation tarifaire entre appels on-net et off-net sur le marché de détail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du Traité, L. 420-2 du code de commerce.

- ALORS, enfin, QU'en ne caractérisant pas l'utilisation ou l'exploitation du pouvoir de marché détenu par la société Orange sur le marché de gros de la terminaison d'appel au bénéfice de ses offres on-net illimité sur le marché de détail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du Traité, L. 420-2 du code de commerce.

4) AUX MOTIFS QUE :

« Sur la prise en compte de la régulation sectorielle

Les prestations de terminaison d'appel vocal mobile en cause dans la présente affaire ont fait l'objet, à partir de 2004, d'une régulation sectorielle ex ante, sur la base des articles L. et suivants du code des postes et communications électroniques (CPCE) et dans le cadre de la transposition en droit interne des directives européennes de 2002 dites du "paquet télécom". Cette régulation a pris la forme de décisions, adoptées successivement par l'ART puis par l'Arcep, à l'issue d'analyses des marchés de gros de la terminaison d'appel vocal vers les numéros mobiles. Ces décisions ont, d'abord, déclaré "pertinent", au sens des dispositions du CPCE, le marché de gros de la terminaison d'appel vocal sur le réseau de chacun des trois opérateurs, - Orange, SFR et Bouygues -, à destination de leurs clients en métropole et ont considéré que ces opérateurs y exerçaient une "influence significative". Elles ont, ensuite, régulé les prestations de terminaison d'appel, d'une part, en imposant aux opérateurs le respect de certaines obligations en matière d'accès et d'interconnexion, telle l'obligation de répondre à toute demande raisonnable d'accès dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires et, d'autre part, en soumettant ces prestations à un encadrement tarifaire. C'est ainsi, sur ce dernier point, que le régulateur sectoriel, après avoir posé le principe selon lequel les opérateurs devaient orienter leurs tarifs vers leurs coûts, a imposé à chacun d'entre eux un prix plafond de leur prestation de terminaison d'appel, en appliquant une asymétrie tarifaire au profit de la société Bouygues, à laquelle il a accordé la possibilité de pratiquer des tarifs plus élevés que ceux pratiqués par les sociétés Orange et SFR. Cette asymétrie tarifaire a pris fin au 1er juillet 2011, date à partir de laquelle le régulateur a fixé un prix plafond de la terminaison d'appel identique pour les trois opérateurs. (
)

La cour d'appel de Paris, devant laquelle les sociétés Orange et SFR avaient dénoncé "le refus de prendre en compte, dans l'analyse des pratiques incriminées, les conséquences de la régulation sectorielle s'imposant aux acteurs du marché", a, par son arrêt du 19 juin 2014, fait expressément figurer "la prise en compte de la régulation sectorielle" dans la demande d'avis qu'elle a transmise à la Commission européenne.

Dans son avis, la Commission européenne a conclu, sur ce point, que "si la prise en compte de la régulation sectorielle peut être pertinente aux fins de l'appréciation du comportement des opérateurs sur le marché en vertu de l'article 102 TFUE, il n'en demeure pas moins que la régulation sectorielle dans un cas comme le présent n'exclut pas l'application de l'article 102 TFUE" (
)

Sur le caractère total ou partiel de la compensation tarifaire

L'Autorité a considéré que l'asymétrie tarifaire appliquée par l'Arcep n'avait compensé que partiellement et tardivement, à partir du 1er janvier 2008, la détérioration du solde d'interconnexion de la société Bouygues et l'effet d'élévation des coûts auquel celle-ci avait dû faire face du fait de la commercialisation des offres d'abondance des sociétés Orange et SFR (
).

Sur ce point, il convient au préalable d'observer que jusqu'au 1er janvier 2008, l'asymétrie tarifaire mise en place a eu pour objet, non de compenser le déséquilibre du solde d'interconnexion constaté au détriment de la société Bouygues, mais - en reflétant les différences de coûts, supérieurs chez cet opérateur - de garantir le principe d'orientation vers les coûts prôné par le régulateur sectoriel. En effet, l'encadrement tarifaire des prestations de terminaison d'appel ayant été instauré pour réduire l'écart constaté entre les prix pratiqués par les opérateurs et les coûts de ces prestations, le régulateur a fixé les prix plafonds de celles-ci, au vu des coûts supportés. Il en est résulté l'asymétrie tarifaire dont la société Bouygues a bénéficié, puisqu'elle supportait des coûts supérieurs à ceux de ses concurrents. Le régulateur sectoriel, au demeurant, a explicitement et clairement indiqué que cette asymétrie tarifaire procédait de la différence constatée dans les coûts de terminaison d'appel pesant sur les opérateurs, par exemple dans sa décision fixant les tarifs du 1er janvier 2007 au 8 décembre 2007, où elle justifie ainsi l'asymétrie : "La décision de l'Autorité consiste à maintenir pour Bouygues Télécom l'écart de terminaison d'appel qui existe aujourd'hui avec Orange France et SFR. L'Autorité estime que cet écart tarifaire est justifié par les différences de coûts, qui sont supérieurs (cf. annexe D). L'Autorité rappelle que Bouygues Télécom est entré plus tardivement que ses concurrents sur le marché et, compte tenu de sa part de marché plus faible, qu'il bénéficie d'effets d'échelle moindres qui sont reflétés par les différences de coûts observées" (Décision n° 2006-0779 du 14 septembre 2006 portant sur l'encadrement tarifaire des tarifs de terminaison d'appel vocal « directe » pour l'année 2007 de la société Orange France, de la Société française du radiotéléphone et de la société Bouygues Telecom en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif). Ce n'est qu'à compter du 1er janvier 2008 que l'asymétrie tarifaire a été expressément corrélée par l'Arcep non seulement aux coûts de la terminaison d'appel supportés par les opérateurs, mais aussi au "déséquilibre de trafic entrant-sortant que le plus petit opérateur subit" (décision n° 2007-810 du 4 octobre 2007, p. 90). Aussi est-ce à juste titre que l'Autorité souligne dans ses observations que la régulation sectorielle n'a compensé "dans un premier temps, que les asymétries de coûts entre les opérateurs, et non les asymétries de trafic".

S'agissant de l'importance et de la portée de la compensation résultant de l'asymétrie tarifaire dont a bénéficié la société Bouygues, la société Orange soutient qu'elle a été intégrale et même excessive en 2008, "puisqu'elle a couvert non seulement la part prétendument imputable aux offres d'abondance on-net d'Orange et de SFR, mais aussi celle qui relevait du choix de politique commerciale de Bouygues Télécom", dont l'offre d'abondance cross-net "Néo" avait détérioré le solde d'interconnexion. A l'appui de cette allégation, elle observe que l'écart entre les tarifs de terminaison d'appel qui lui ont été imposés ainsi qu'à SFR, et le tarif imposé à Bouygues s'est accru, en 2008 et 2009, (
)

Cependant, force est de constater que cette mesure de l'asymétrie tarifaire ne démontre pas, par elle-même, que la compensation en résultant a été intégrale, comme le prétendent les requérants, puisqu'elle n'est mise en relation ni avec les coûts, ni avec les soldes d'interconnexion. Elle est, par ailleurs, contredite par les analyses au vu desquelles l'Arcep a mis en place une régulation asymétrique des tarifs de terminaison d'appel.

C'est ainsi que dans sa décision du 2 décembre 2008 fixant les tarifs de terminaison d'appel pour la période allant du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, elle a indiqué qu'elle entendait ne pas prendre "intégralement" en compte les déséquilibres de trafic on-net et offnet, afin de "permettre à SFR et Orange sur la période couverte par l'encadrement tarifaire envisagé dans le présent document de proposer également davantage d'offres d'abondance off-net, qui auront pour effet de limiter les effets de déséquilibres de trafic" (décision n° 08-1176 du 2 décembre 2008 portant définition de l'encadrement tarifaire des prestations de terminaison d'appel vocal mobile des opérateurs Orange France, SFR et Bouygues Telecom pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, p. 45).

Le caractère seulement partiel de la régulation tarifaire asymétrique a, enfin, été consacré par le Conseil d'Etat qui, statuant par son arrêt du 24 juillet 2009 sur la décision de l'Arcep fixant les tarifs de terminaison d'appel du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, a rappelé que l'asymétrie tarifaire consentie à Bouygues avait pour objet non de faire disparaître le déséquilibre du solde d'interconnexion, mais de l'"atténuer" par une "compensation partielle et transitoire". Faisant application de ces principes, et ayant constaté que l'asymétrie prévue pour la période courant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010 aurait eu pour effet "de compenser intégralement le déficit qu'elle a pour objet d'atténuer, voire, dans la plupart des hypothèses, de faire bénéficier cette société [la société Bouygues] d'un transfert financier supérieur à ce déficit", le Conseil d'État en a prononcé l'annulation, en jugeant que la différenciation tarifaire résultant de cette asymétrie était "manifestement disproportionnée au regard de l'objectif qui lui est assigné".

Dans ces conditions, les requérants ne sauraient prétendre que la régulation ex ante de l'Arcep aurait intégralement compensé les effets de leurs offres d'abondance on-net et c'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré qu'elle ne constituait pas une "circonstance exonératoire" de leur responsabilité (
).

Sur l'incitation au développement d'offres d'abondance on-net résultant de la régulation ex ante

Les requérantes soutiennent que l'asymétrie tarifaire imposée par l'Arcep au bénéfice de Bouygues les a conduites "nécessairement" à commercialiser des offres d'abondance on net. C'est ainsi, en particulier, qu'Orange fait valoir que cette asymétrie a accru l'écart entre les coûts et le prix de terminaison d'appel de Bouygues et, ce faisant, qu'elle a, d'une part, augmenté rationnellement les incitations d'Orange et SFR à proposer des offres d'abondance on-net et, d'autre part, les a dissuadées de lancer des offres d'abondance cross-net, car cellesci auraient entrainé des sorties de trésorerie importantes et, corrélativement, une rémunération excessive pour Bouygues.

Il n'est pas contestable que l'asymétrie tarifaire a pu inciter les opérateurs qui n'en bénéficiaient pas à diminuer leurs charges financières de terminaison d'appel et lançant des offres d'abondance poussant leurs clients à pratiquer des appels on net. Cet effet incitatif, au demeurant, a été souligné par l'Arcep qui, dans ses décisions de 2007 et 2008, a indiqué dans les mêmes termes que la différenciation tarifaire mise en place transitoirement au profit de Bouygues, autrement dit l'asymétrie tarifaire, ne prenait pas intégralement en compte les déséquilibres de trafic, afin de "permettre à SFR et Orange sur la période couverte par l'encadrement tarifaire envisagé dans le présent document de proposer également des offres d'abondance off-net".

Cependant, le constat de cet effet incitatif ne suffit pas, à lui seul, à écarter l'application des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE. En effet, en présence d'une régulation sectorielle, la question est alors de savoir si le comportement anticoncurrentiel reproché aux entreprises en cause leur était imposé par cette régulation, celle-ci fixant alors un cadre juridique éliminant toute possibilité de comportement concurrentiel. Au vu des éléments du dossier, la réponse est en l'espèce clairement négative. En premier lieu, en effet, la régulation sectorielle en cause ne portait que sur les marchés amont de gros, mais pas sur les marchés aval de détail sur lesquels portait la différenciation tarifaire reprochée aux entreprises en cause. En second lieu, la régulation sectorielle des marchés amont consistait dans le plafonnement du prix de gros des terminaisons d'appel et elle laissait donc aux opérateurs une "large marge de manoeuvre" pour fixer leurs prix de détail, comme l'Arcep l'a souligné dans sa décision du 4 octobre 2007 fixant les tarifs de terminaison d'appel pour la période 2008-2010 ; le régulateur a, en effet, expressément rappelé que sa décision fixait des "plafonds tarifaires qui doivent s'entendre comme des limites supérieures laissant la liberté aux opérateurs de mettre leurs tarifs, sous ces plafonds, au niveau qu'il juge pertinent", de sorte qu'"il est de la seule responsabilité de l'opérateur de vérifier que ses structures tarifaires sont cohérentes entre les marchés de gros et les marchés de détail et qu'elles ne l'exposent pas au risque de se voir sanctionner au titre du droit commun de la concurrence pour abus sur un marché de détail connexe au marché de gros sur lequel il détient une position dominante" ( Décision 2007-0810 du 4 octobre 2007 portant sur la détermination des marchés pertinents relatifs à la terminaison d'appel vocal sur les réseaux mobiles français en métropole, la désignation d'opérateurs exerçant une influence significative sur ces marchés et les obligations imposées à ce titre pour la période 2008-2010, p. 50). »

- ALORS QU'en refusant de tenir compte de ce que la régulation sectorielle ex ante consentait, dès 2006, à Bouygues Telecom des tarifs de terminaison d'appel supérieurs à ceux de ses concurrents en compensation intégrale et préventive des déficits d'interconnexion que pourraient générer chez lui les offres on-net illimité d'Orange et de SFR, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du Traité, L. 420-2 du code de commerce ;

- ALORS QUE la sortie du Bill etamp; Keep et l'asymétrie tarifaire mise en place par la régulation ex ante avaient nécessairement eu pour effet d'inciter les opérateurs et en particulier ceux qui ne bénéficiaient pas d'une régulation asymétrique à diminuer leurs charges financières de terminaison d'appel en lançant des offres d'abondance poussant leurs clients à pratiquer des appels on net, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles du Traité, L. 420-2 du code de commerce ;

5) AUX MOTIFS QUE :

« Sur les atteintes à la concurrence résultant des pratiques en cause

Sur le standard de preuve

En ce qui concerne le standard de preuve, l'Autorité a considéré qu'il ne lui était pas nécessaire de démontrer que les pratiques en cause avaient eu un effet anticoncurrentiel concret sur les marchés concernés, qui tiendrait, par exemple, à une détérioration effective quantifiable de la position concurrentielle des opérateurs de téléphonie mobile concurrents, et notamment de Bouygues, mais qu'il lui suffisait de "démontrer l'existence d'un effet anticoncurrentiel au moins potentiel". Elle a jugé que cette démonstration était faite et qu'en l'espèce les pratiques d'Orange et SFR étaient "de nature à produire des effets anticoncurrentiels sur le marché de détail de la téléphonie mobile" ; plus précisément, elle a constaté que ces pratiques "tend[aient] à produire deux types d'effets anticoncurrentiels par le biais d'un renforcement des effets de club à l'oeuvre sur ce marché" : d'une part, des effets sur la fluidité du marché et, d'autre part, un affaiblissement de la structure de la concurrence.

L'Autorité a appuyé cette analyse sur la jurisprudence communautaire qui, selon elle, a consacré le recours à ce "standard de preuve" et jugé que pour établir une violation de l'article 102 TFUE , il n'était pas nécessaire de démontrer que le comportement abusif de l'entreprise en position dominante avait eu un effet anticoncurrentiel concret sur les marchés concernés, mais seulement qu'il tendait à restreindre la concurrence ou, en d'autres termes, qu'il était de nature à, ou qu'il était susceptible, d'avoir un tel effet ; elle cite à cet égard les arrêts rendus par la Cour de Justice le 17 février 2011 dans l'affaire TeliaSonera Sverige AB et par le Tribunal de première instance le 17 décembre 2003 dans l'affaire British Airways plc.

Les sociétés Orange et SFR considèrent que la référence à cette jurisprudence n'est pas en l'espèce pertinente et que l'Autorité a, en réalité, "abaissé" le standard de preuve requis pour l'application des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE.

C'est ainsi que SFR fait valoir que le recours, à titre de standard de preuve, à des effets seulement potentiels peut se justifier dans certaines circonstances, par exemple lorsque l'autorité de concurrence intervient à titre préventif ou lorsque les pratiques sont encore à l'oeuvre au moment de son intervention sans qu'elles aient pu produire tous leurs effets. Elle prétend qu'en revanche, en l'absence de telles circonstances, il est "plus que discutable" de s'en tenir à des effets potentiels, lorsque comme en l'espèce la décision est intervenue plus de cinq ans après la fin des pratiques en cause, puisqu'il est alors possible de porter un jugement rétroactif sur les effets réels de ces pratiques, sans qu'il soit besoin d'en rechercher des "conséquences hypothétiques ou théoriques".

Cet argument ne peut cependant être retenu. En effet, le constat de la durée séparant la période durant laquelle les pratiques reprochées ont été mises en oeuvre et la date à laquelle elles ont été sanctionnées n'emporte pas les conséquences que lui prête la société SFR. En particulier, il ne saurait conduire à ne fonder l'application des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE que sur des effets avérés et à écarter toute prise en compte d'effets potentiels. Une telle interprétation au demeurant, qui réduirait la portée de la jurisprudence précitée, a, comme le souligne l'Autorité dans ses observations, été explicitement condamnée par le tribunal de l'Union européenne dans un arrêt du 29 mars 2012 rendu dans l'affaire Téléfonica SA. Dans cette affaire, en effet, les parties soulignaient le laps de temps qui s'était écoulé entre le commencement du comportement incriminé et l'adoption de la décision, et en concluaient qu'il n'était "pas approprié de faire un test d'effets probables, la Commission disposant du temps nécessaire pour démontrer la matérialité des prétendus effets anticoncurrentiels". Le tribunal a rejeté cet argument en relevant qu'il "ne trouv[ait](...) aucun fondement dans la jurisprudence" (TUE, 29 mars 2012, Téléfonica SA, point 272).

La société Orange conteste elle aussi la pertinence des précédents jurisprudentiels sur la base desquels l'Autorité a considéré qu'elle pouvait fonder son analyse sur la démonstration d'effets non pas avérés, mais potentiels. Elle soutient à cet égard que l'Autorité a "dénaturé" le sens de ces précédents, dans la mesure où étaient en cause dans ces affaires des pratiques anticoncurrentielles par objet, et qu'on ne saurait, en conséquence, en étendre la portée à des pratiques anticoncurrentielles par effet.

Cette interprétation, cependant, est démentie par la lecture des décisions citées. Sans doute les pratiques en cause étaient-elles différentes de celles visées dans la présente espèce ; ainsi, dans l'affaire TéliaSonera Sverige AB, était-il reproché à un opérateur historique de télécommunications - qui disposait d'un réseau d'accès local reliant la quasi-totalité des foyers et qui offrait à d'autres opérateurs l'accès à ce réseau - d'avoir abusé de sa position dominante par sa politique tarifaire en conséquence de laquelle l'écart entre les prix de vente des prestations intermédiaires et les prix de vente des services proposés aux clients finals était insuffisant pour couvrir les coûts qu'il devait lui-même supporter pour la distribution de ces services à ces clients. Force est de constater, cependant, à la lecture de la décision, que les circonstances propres à ce cas d'espèce sont sans incidence sur la portée des principes que la Cour a consacrés en ce qui concerne le standard de preuve. La Cour a, en effet, affirmé en des termes généraux que l'effet anticoncurrentiel d'une pratique reprochée à une entreprise en position dominante "ne doit pas être nécessairement concret, étant suffisante la démonstration d'un effet anticoncurrentiel potentiel de nature à évincer les concurrents au moins aussi efficaces que l'entreprise en position dominante" et elle n'a assorti cette formule d'aucune restriction, ni condition qui en limiterait la portée aux pratiques de "ciseau tarifaire" en cause, ou aux pratiques anticoncurrentielles par leur objet. Il en va de même de l'arrêt du Tribunal de première instance rendu dans l'affaire British Airways plc, le tribunal jugeant qu'"aux fins de l'établissement d'une violation de l'article 82 CE, il n'est pas nécessaire de démontrer que l'abus considéré a eu un effet concret sur les marchés concernés. Il suffit à cet égard de démontrer que le comportement abusif de l'entreprise en position dominante tend à restreindre la concurrence ou, en d'autres termes, que le comportement est de nature ou susceptible d'avoir un tel effet".

Il en ressort qu'en affirmant que le standard de preuve retenu par l'Autorité ne serait admis qu'en matière de pratiques anticoncurrentielles par leur objet, Orange soumet, indûment, ce standard à une restriction qui ne figure pas dans la jurisprudence qui l'a consacré.

A titre surabondant, Orange soutient que le standard de preuve retenu par l'Autorité est "tellement bas, abstrait et théorique" qu'il conduit à tenir pour abusive toute pratique de différenciation tarifaire. Cette critique a été précédemment examinée et réfutée par la cour comme inopérante, dans la mesure où, par exemple, une offre cross -net sans restriction sur le réseau de destination n'emporte pas de traitement différencié des appels, ni d'effet anticoncurrentiel (
) »

- ALORS, d'une part, QU'en considérant que la démonstration d'effets seulement potentiels suffiraient à caractériser une pratique passée qui n'est pas anticoncurrentielle par objet, la cour d'appel, tenue pourtant d'établir le caractère sensible des effets prétendus de la différenciation tarifaire entre les appels on-net et off-net sur la concurrence, a violé les articles 102 du Traité, L. 420-2 et L. 464-1 du code de commerce ;

- ALORS, d'autre part, QUE l'effet anticoncurrentiel d'une pratique est appréciée in concreto en fonction notamment de l'évolution de la part de marché acquise par les concurrents de son auteur sur le marché aval, de l'évolution des offres de ces derniers et de la structure et du contexte concurrentiel sur le marché : qu'en se bornant à affirmer que la pratique reprochée à la société Orange avait nécessairement eu au moins potentiellement des effets anticoncurrentiels, sans se livrer à la moindre analyse concrète des effets de la pratique de différenciation tarifaire reprochée à la société Orange, n'établissant pas les circonstances particulières qui auraient démontré l'existence d'un tel lien, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du Traité, L. 420-2 du code de commerce ;

6) AUX MOTIFS QUE :

« Sur les effets sur la fluidité du marché et sur l'élévation de barrières à l'entrée Sur l'amplification artificielle de l'"effet tribu"

Il n'est pas contesté que le marché de détail de la téléphonie mobile est caractérisé par le jeu d'un mécanisme de prescription naturelle, résultant de ce que le client d'un opérateur est souvent amené à recommander aux personnes de son entourage de s'abonner chez le même opérateur. Cette prescription conduit alors à la constitution de "tribus" de proches, abonnés auprès du même opérateur. Comme le rappelle Orange dans ses écritures, et ce point n'est pas en discussion, cet "effet tribu" n'est, en lui-même, nullement anticoncurrentiel.

Au cas d'espèce, l'Autorité a relevé que les abonnés ayant souscrit les offres d'abondance onnet litigieuses avaient, pour profiter des avantages de cette abondance, une forte incitation financière à recommander à leurs proches de migrer sur le même réseau qu'eux, afin que les communications entre eux ne soient par décomptées du forfait. Elle en a conclu que, par la différenciation tarifaire qu'elles induisaient, ces offres produisaient, au-delà du mécanisme de prescription naturelle, une amplification de l'"effet tribu" et qu'elles "étaient de nature à favoriser artificiellement la conquête et la fidélisation des "tribus" de proches".

Cet effet "potentiel" d'amplification ne peut être contesté dans son principe, puisqu'il procède directement de l'avantage d'abondance dont l'abonné ne peut profiter que par un regroupement de ses proches. Il a d'ailleurs été mis en lumière par l'Arcep dans l'avis qu'elle a rendu à l'Autorité dans le cadre de la présente affaire. Le régulateur sectoriel en effet, ayant souligné l'"attractivité des offres d'abondance", avait relevé que "pour les opérateurs, [ces offres] constituent donc des vecteurs privilégiés pour conquérir ou conserver des clients sur les segments de marché les plus fluides et donc ayant les coûts d'acquisition les plus faibles" (Avis n° 2007-0037 du 15 mars 2007 , p. 5). Aussi l'Autorité a-t-elle pu justement en conclure que les offres d'abondance on-net commercialisées par Orange et SFR à partir de 2005 "étaient de nature" à favoriser artificiellement le regroupement effectif des tribus de proches.

Mais au-delà de la simple potentialité de cet effet des offres d'abondance on net, l'Autorité s'est attachée à en démontrer la réalité, en recourant à deux indicateurs : l'évolution du nombre moyen de "proches" pour SFR et l'évolution du taux d'activation pour Orange (
)
S'agissant d'Orange, l'Autorité a retenu comme indicateur l'évolution du taux d'activation, par les abonnés de ses offres d'abondance, des numéros favoris, c'est-à-dire des numéros pouvant faire l'objet d'appels illimités. Sur la base de données fournies par Orange, elle a observé que dans le cadre des offres "Classique" et "Intense" ce taux avait augmenté de 2006 à 2008, passant, respectivement, de 59 % à 79 % et de 64 % à 88 %, puis s'était stabilisé. Elle a conclu que cette évolution traduisait d'abord un regroupement des proches auprès d'Orange, ces proches quittant leur opérateur tiers pour rejoindre cette 'tribu' en formation, puis une stabilisation de regroupement en 'tribus'.

La société Orange réfute cette conclusion en faisant valoir, en premier lieu, que l'Autorité s'est fondée sur des données concernant SFR et les lui a transposées, de sorte que sa démonstration du renforcement du regroupement des 'tribus' ne procèderait que d'une "présomption" à son égard.

Cette critique ne peut qu'être écartée puisqu'il ressort de la lecture de la décision déférée que l'Autorité n'a nullement étendu à Orange les conclusions qu'elle a tirées de l'observation des données concernant SFR (nombre de proches) mais qu'elle a au contraire appliqué à Orange un indicateur spécifique consistant, comme la cour vient de le rappeler, dans le taux d'activation, par les abonnés aux offres d'abondance, de leurs numéros favoris.

Par ailleurs, Orange conteste la pertinence de l'interprétation que l'Autorité donne de l'évolution du taux d'activation des numéros favoris sur laquelle elle se fonde. Elle avance, sur la base d'une étude du cabinet MAAP, qu'aux moins deux autres explications peuvent être avancées, l'une tirée d'un effet d'apprentissage, l'autre d'un effet de composition. L'effet d'apprentissage résulterait du retard avec lequel les abonnés des offres d'abondance en maîtriseraient les avantages et donc activeraient les numéros favoris ; l'effet de composition procèderait de la migration vers d'autres opérateurs des abonnés d'abondance n'ayant pas activé les numéros favoris, et donc ne profitant pas des avantages de ces offres, cette migration entraînant mécaniquement une augmentation du taux d'activation puisque la population concernée s'est contractée.

Il convient, au préalable, d'observer que si Orange qualifie de "péremptoire" l'interprétation donnée par l'Autorité, les explications alternatives qu'elle avance ne sont présentées que comme hypothétiques. Sur le fond, l'Autorité a relevé à juste titre que l'effet d'apprentissage allégué ne pouvait être que limité, puisque l'abonné est, dès la souscription de l'offre d'abondance, invité à faire connaître ses numéros favoris, de sorte que l'absence d'activation correspond le plus souvent au fait que les proches de cet abonné ne sont pas abonnés auprès du même opérateur. Dès lors, l'augmentation constatée du taux d'activation traduit bien le regroupement des tribus auprès du même opérateur. Il en va de même de l'effet de composition, qui procède pour l'essentiel d'une erreur de choix de l'abonné lors de la souscription, d'ampleur par conséquent marginale et insusceptible d'expliquer l'augmentation constatée du taux d'activation.

S'agissant de SFR comme d'Orange, l'Autorité s'est appuyée sur des données produites par les opérateurs, consistant en des études qualitatives qui analysent les critères de choix des abonnés aux offres d'abondance. Elle a détaillé aux points 247 à 254 de sa décision le contenu de ces études - Étude Synovate 2006 "Bilan etamp; Perspectives de la gamme First" pour Orange, Etude LH2 pour SFR -, d'où il ressort, selon elle, que la composante d'abondance on-net est "le principal moteur d'abonnement des clients".

La société Orange conteste cette conclusion qu'elle juge erronée, et elle souligne que selon l'étude utilisée par l'Autorité, le premier critère de choix est la qualité réseau, qui est cité par 80 %, 83 % et 81 % des abonnés des offres "Classique", "Intense" et "Pro".

Mais si, de fait, la qualité réseau est le critère le plus souvent cité, le critère de l'abondance on-net est le critère le plus cité comme étant le critère "le plus important" ; c'est ainsi que dans les offres "Orange Classique", "Orange Intense" et "Orange Pro", il représente, respectivement 30 %, 35 % et 22 % des critères désignés comme "le plus important", le critère suivant, portant sur la qualité du réseau, représentant 11 % 12 % et 12 %.

Orange et SFR, par ailleurs, produisent des études relatives à l'évolution du nombre de foyers mono-opérateurs à la suite du lancement des offres d'abondance on net, qui contredisent, selon elles, les conclusions de l'Autorité. Ces études démontreraient que la proportion de foyers mono-opérateur Orange aurait baissé dans le temps et que la proportion de foyers mono-opérateurs SFR serait restée stable (Baromètre Novascope produit par Orange, Etude RBB produite par SFR).

Cependant, comme le souligne l'Autorité dans ses observations, l'analyse de l'évolution de la part des foyers mono-opérateurs n'a, en l'occurrence, qu'une portée limitée. En premier lieu, en effet, les données sur lesquelles cette analyse est fondée sont discutables, puisqu'elles intègrent les "foyers" qui peuvent ne compter qu'un seul membre abonné, dont la prise en compte n'est pas conséquent pas probante. En second lieu, et surtout, l'effet tribu s'étend audelà du seul cercle familial et on ne saurait donc déduire de la stabilité de la proportion des foyers mono-opérateur une stabilité de l'effet tribu.

Sur le verrouillage des clients et l'élévation des barrières à l'entrée

L'Autorité a considéré que la différenciation tarifaire mise en oeuvre par Orange et SFR dans le cadre de leurs offres d'abondance tendait à "verrouiller" les groupes de proches auprès d'un même opérateur, dans la mesure où le changement d'opérateur entrainait des coûts de sortie supérieurs à ceux encourus en l'absence de différenciation tarifaire. Ce surcoût résulterait d'abord de la perte du bénéfice d'abondance par le client, celui-ci devant alors soit moins appeler ses proches, soit souscrire un forfait assorti d'un temps de communication plus important, généralement plus coûteux, sauf à opter pour une offre d'abondance cross-net. L'Autorité a rappelé que cet effet de surcoût a été souligné par l'Arcep qui, dans sa décision du 2 novembre 2010, a relevé qu'"une fois qu'un « club » est formé et qu'un consommateur est client du même opérateur que ses correspondants les plus fréquents, le changement d'opérateur est pour lui d'autant plus coûteux qu'il lui ferait perdre le bénéfice des tarifs préférentiels offerts pour les appels on-net vers ces correspondants." (Décision n° 2010-1149 du 2 novembre 2010 , p. 39). Ce surcoût lié au changement d'opérateur procèderait également de l'élévation des dépenses en résultant pour les proches de ce client disposant d'une abondance on net, puisque leurs appels en direction de ce client deviennent des appels off-net. L'Autorité en a conclu que la différenciation tarifaire en cause "tendait" à faire obstacle au changement d'opérateur des membres d'une tribu déjà constituée auprès d'un opérateur et qu'elle était donc "de nature à créer" un effet de verrouillage des tribus en élevant les coûts de changement d'opérateur pour les membres du groupe.

Au-delà de l'affirmation de cet effet "potentiel", l'Autorité soutient que le "verrouillage" des abonnés d'Orange et de SFR a été concrètement observé à la suite du lancement des offres d'abonnement on net. Elle produit en ce sens des données statistiques dont les requérantes contestent la pertinence.

C'est ainsi qu'elle affirme que le taux de "churn", c'est-à-dire le taux de résiliation, des clients disposant d'offres d'abondance on-net est plus faible que le taux de "churn" des clients disposant d'offres sans composante d'abondance.

Elle s'appuie, en particulier, sur l'observation des forfaits ZAP des clients détenteurs de l'option "3 numéros KDO", sur la base de données fournies par Orange, qu'elle a recalculées ; il en ressortirait que le taux de "churn" de ces clients utilisant effectivement la composante d'abondance de leur offre - c'est-à-dire ayant activé un ou plusieurs numéros favoris - serait 16 fois inférieur à celui de l'ensemble des clients d'Orange, s'agissant des offres Classique 2 h, et 9 fois inférieur s'agissant des offres Classiques 4h. S'agissant des clients de SFR, elle fait valoir qu'"il n'existe aucune raison de penser que les clients de SFR se comporteraient de manière différente de ceux d'Orange à cet égard", et qu'en conséquence il n'y a pas lieu d'écarter le constat, qu'elle a fait à propos d'Orange, de la faiblesse du taux de "churn" des clients disposant d'une composante d'abondance. Elle en conclut que cette observation montre que les offres d'abondance on-net ont "un effet fidélisant auprès de la clientèle" et que le taux réduit de "churn" constitue "un indicateur de l'effet de verrouillage concret des pratiques de différenciation tarifaire entre appels on-net et off-net mises en oeuvre par Orange".

La société Orange remet en cause cette conclusion qui, selon elle, procède d'une analyse biaisée du taux de "churn" des offres d'abondance on net. Elle souligne, en effet, que pour calculer les rapports ci-dessus, l'Autorité a comparé le taux de "churn" de clients sous engagement pour encore au moins 6 mois, à une moyenne entre le taux de "churn" de clients engagés et celui de clients non engagés. Elle fait valoir que cette comparaison est, dès lors, dépourvue de sens, puisque le taux de "churn" de clients sous engagement est, de façon naturelle, inférieur au taux de "churn" de clients non engagés. Cette critique doit cependant être écartée, dès lors que la population des clients sous engagement a été prise en compte dans le calcul du taux moyen de 'churn' auquel a été comparé le taux de 'churn' des titulaires d'offres d'abondance. La société Orange soutient, en outre, que l'étude réalisée par le cabinet MAPP, qu'elle verse aux débats, démontre la fausseté des conclusions de l'Autorité et établit que le taux de "churn" des clients d'Orange est resté stable entre 2002 et 2008. Mais on ne saurait déduire de la stabilité, à la supposer avérée, du taux de 'churn' de l'ensemble de la clientèle de cet opérateur qu'il en est allé de même du taux de 'churn' du seul segment de cette clientèle titulaire d'offres d'abondance on-net (
).

Sur l'affaiblissement de la concurrence émanant des plus petits opérateurs

La seconde série d'effets anticoncurrentiels des pratiques de différenciation tarifaire identifiés par l'Autorité consiste dans l'affaiblissement de la concurrence des plus petits opérateurs résultant, d'une part, d'un renforcement de l'effet de club "statistique" au profit d'Orange et SFR et, d'autre part, d'une distorsion des flux de trafic au détriment des appels off-net.

Sur le renforcement de l'effet de club "statistique" au profit d'Orange et SFR

L'effet de club statistique, qui s'ajoute à l'effet de tribu ci-dessus examiné, est lié aux parts de marché respectives des opérateurs. Il se traduit par "l'incitation du consommateur à choisir, toutes choses égales par ailleurs, l'offre d'abondance on-net de l'opérateur qui dispose de la part de marché la plus importante, afin de maximiser ses chances de trouver des interlocuteurs abonnés auprès du même opérateur que le sien, et partant de tirer davantage profit de la composante d'abondance on-net de son forfait" (lexique annexé à la décision de l'Autorité). L'Autorité considère que les offres en cause amplifient cet effet, qui revêt alors un caractère à la fois dynamique et cumulatif qualifié d'"effet boule de neige". Elle rappelle que cette amplification a été précédemment soulignée, dans le cadre d'autres affaires, par le Conseil de la concurrence et la cour d'appel de Paris, ainsi que par l'Arcep qui, dans l'avis qu'elle lui a rendu sur la présente affaire, a relevé que "le potentiel d'attractivité d'une offre d'abondance à effet de réseau (...) est directement fonction de la probabilité d'avoir des correspondants principaux sur le réseau en cause, cette dernière étant en rapport avec la part de marché de cet opérateur" et qu'en conséquence "toute chose égale par ailleurs, le consommateur souscrira dans les faits une telle offre auprès de l'acteur ayant la part de marché la plus forte" (Avis n° 2007-0037 du 15 mars 2007, p. 6).

Orange conteste la réalité de cet "effet boule de neige", au motif que l'analyse qui le soustend ne saurait s'appliquer qu'à des hypothèses de différenciation tarifaire généralisée et non lorsque, comme en l'espèce, l'avantage d'abondance est réservé à un petit nombre de correspondants, de sorte que la taille du parc de l'opérateur devient "totalement indifférente".
Cette conclusion n'est cependant pas démontrée, l'Autorité ayant, au contraire, établi que cet effet est avéré, autant lorsque la différenciation porte sur l'ensemble des numéros que lorsqu'elle porte sur trois numéros favoris seulement. C'est ainsi qu'elle a, à juste titre, rappelé que tant le Conseil de la concurrence, dans l'affaire n° 02-D-69, que la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 28 janvier 2005, avaient décrit cet effet en notant que les clients étaient incités, dans le choix d'une offre, à tenir compte du réseau "auquel appartiennent leurs principaux correspondants". Il en ressort qu'à l'inverse, les plus petits opérateurs ne peuvent s'appuyer sur aucun effet de club statistique, compte tenu de la taille réduite de leur parc de clients et, partant, de la plus faible probabilité que les interlocuteurs privilégiés de leur abonné appartiennent même réseau.

Sur la distorsion des flux de trafic au détriment des appels off-net

L'Autorité a constaté que le lancement des offres d'abondance par Orange et SFR avait entrainé, sur la période considérée, une distorsion de trafic caractérisée par une forte augmentation du trafic on-net de ces opérateurs, au détriment de leur trafic off-net et vers les fixes. Sur la base de données produites par l'Observatoire des marchés de l'Arcep et par les parties, qu'elle a retraitées, elle a en effet observé que la part du trafic on-net d'Orange et SFR dans leur trafic total sortant à destination des mobiles de la clientèle résidentielle avait évolué en trois phases successives : jusqu'en 2004, la part du trafic on-net est restée relativement stable, à hauteur de 63 % pour Orange et 66 % pour SFR, avant de croître "de manière significative", à partir de 2005, année de lancement de leurs offres d'abondance, pour atteindre 78 % pour Orange et 77 % pour SFR ; cette part a ensuite décru, à partir de 2008, concomitamment à la diffusion des offres d'abondance cross -net lancées en 2006 par Bouygues et 2008 par Orange et SFR. L'Autorité a relevé que l'évolution en volume de la structure du trafic des opérateurs confirmait cette même évolution et marquait, après le lancement des offres d'abondance on net, une "nette rupture" des tendances qui avaient précédemment été observées, puisque le trafic on-net d'Orange et SFR a connu une très forte hausse entre 2005 et 2008.

Au vu de ces données, l'Autorité a calculé l'écart entre le trafic effectivement observé et le trafic qui aurait été observé si la tendance des années précédant le lancement des offres d'abondance on-net s'était poursuivie, de façon à mesurer la "rétention" du trafic off-net d'Orange et SFR vis-à-vis l'un de l'autre et vis-à-vis de Bouygues, c'est-à-dire les communications qui n'ont pas été émises par leurs abonnés à destination des autres opérateurs. Compte tenu des tendances observées jusqu'en 2005, l'Autorité a estimé qu'entre 2005 et 2009, la rétention de trafic off-net d'Orange vis-à-vis de SFR et de Bouygues, par rapport au trafic qui aurait été observé si ces tendances s'étaient prolongées, s'est traduite pour ceux-ci par un manque à gagner de recettes de terminaison d'appel de près de millions d'euros, dont 140 millions pour Bouygues et que la rétention de trafic off-net de SFR vis-à-vis d'Orange et de Bouygues s'est traduite pour ceux-ci par un manque à gagner de recettes de terminaison d'appel de près de 110 millions d'euros, dont 42 millions d'euros pour Bouygues.

(
)

Sur ces points, il convient, au préalable, de rappeler que l'analyse de l'Autorité avait pour objet non de mesurer avec précision l'ampleur de la rétention et donc le manque à gagner en résultant pour Bouygues, mais de mettre en évidence la réalité de cet effet de rétention. Ceci posé, l'analyse de l'Autorité a été menée au moyen des données disponibles, lesquelles ne couvraient pas la même période s'agissant d'Orange et de SFR. Par ailleurs, la critique portant sur l'inclusion des clients prépayés ne peut qu'être écartée puisque l'"effet tribu" en cause est susceptible de jouer à l'égard de tous les clients usagers de la téléphonie mobile, qu'ils soient abonnés ou titulaires d'offres prépayées.(
) » ;

- ALORS, d'une part, QU'en transposant, pour son appréciation des effets prétendus des pratiques en cause des effets sur la fluidité du marché et l'élévation des barrières à l'entrée, à la situation d'Orange l'analyse des données de SFR, la cour d'appel, tenue d'établir un lien de causalité direct et certain entre la pratique unilatérale d'abus de position dominante reprochée à Orange et les effets anticoncurrentiels retenus à ce titre, qu'ils soient réels ou seulement potentiels mais néanmoins sensibles, a violé les articles 102 du Traité et L. 420-2 du code de commerce ;
- ALORS, d'autre part, QU'en ne caractérisant pas le lien qui pourrait exister entre le dommage éventuellement subi par la société Bouygues Telecom et le dommage à la concurrence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du Traité, L. 420-2 du code de commerce ;

7) AUX MOTIFS QUE :

« Sur le surplus du consommateur et sur les justifications des pratiques

Orange et SFR soutiennent que leurs offres d'abondance on-net ont augmenté le surplus du consommateur et procuré des gains d'efficacité, de sorte que par leurs effets pro concurrentiels et bénéfiques, elles sont objectivement justifiées et que, par conséquent, la restriction de concurrence prétendument dommageable n'est pas démontrée.

C'est ainsi que Orange prétend, sur la base d'un rapport en date du 16 janvier 2013 établi à sa demande par le cabinet MAAP, que ces offres, en permettant des appels illimités vers un petit nombre de personnes du même réseau, ont libéré des usages off-net du forfait, qu'elles ont procuré aux consommateurs un service leur évitant de courir le risque financier d'un dépassement du forfait lorsqu'ils appellent des numéros favoris, qu'elles ont permis une expansion des usages et, enfin, qu'elles ont conduit à une baisse des prix à la minute et à une forte hausse du taux de pénétration de la téléphonie mobile. (
)

La réalité de ces bénéfices et de ces gains d'efficacité est mise en doute par l'Autorité qui, dans sa décision, n'y a vu qu'une simple éventualité, et a admis, tout au plus, que "les offres d'abondance ont pu produire une certaine expansion des usages du forfait de téléphonie mobile au bénéfice des consommateurs en leur permettant d'appeler un petit nombre de proches de manière illimitée sans que ces communications ne soient décomptées de leur forfait et, partant, sans coût supplémentaire". Elle a fait valoir qu'en toute hypothèse, le constat, à le supposer avéré, que les offres d'Orange et SFR auraient généré des gains d'efficacité et procuré des bénéfices au consommateur est, à lui seul, insuffisant pour qu'il en soit tiré plus de conséquences à ce stade. En effet, elle a rappelé qu'il est de jurisprudence constante que les gains d'efficacité allégués par l'entreprise en position dominante ne peuvent être pris en compte qu'à des conditions que la Cour de Justice de l'Union Européenne a présentées dans les termes suivants : "(...) il appartient à l'entreprise occupant une position dominante de démontrer que les gains d'efficacité susceptibles de résulter du comportement considéré neutralisent les effets préjudiciables probables sur le jeu de la concurrence et les intérêts des consommateurs sur les marchés affectés, que ces gains d'efficacité ont été ou sont susceptibles d'être réalisés grâce audit comportement, que ce dernier est indispensable à la réalisation de ceux-ci et qu'il n'élimine pas une concurrence effective en supprimant la totalité ou la plupart des sources existantes de concurrence actuelle ou potentielle" (CJUE 27 mars 2012, Post Danmark, § 42).

Faisant application de ces principes, l'Autorité a considéré qu'au cas d'espèce, Orange et SFR "ne démontr[aient] pas que les pratiques de différenciation tarifaire entre appels on-net et appels off-net qu'elles ont mises en oeuvre étaient objectivement justifiées ou produisaient des gains d'efficacité substantiels neutralisant les effets anticoncurrentiels en résultant". C'est ainsi qu'elle a relevé que cette différenciation tarifaire n'était ni indispensable pour produire les effets bénéfiques allégués, ni proportionnée, et que le lancement d'offres d'abondance cross-net aurait produit les mêmes effets bénéfiques pour les consommateurs, sans emporter les effets anticoncurrentiels qui ont été constatés.

Cette analyse est contestée, tant par Orange que par SFR.

Orange reproche, au préalable, à l'Autorité d'avoir commis une erreur de droit en plaçant l'appréciation du surplus du consommateur sur le terrain de la justification d'une pratique prétendument abusive, alors qu'il lui incombait d'abord de démontrer, ce qu'elle n'aurait pas fait, que la différenciation alléguée avait produit des effets anticoncurrentiels. En procédant ainsi, l'Autorité aurait, selon Orange, indûment transféré la charge de la preuve de ce surplus sur l'opérateur et, par ailleurs, aurait retenu un standard de preuve particulièrement élevé. Force est d'observer, cependant, que cette critique manque en fait puisque, comme la cour l'a constaté plus haut, l'Autorité a pleinement caractérisé les effets anticoncurrentiels résultant des offres d'abondance on-net commercialisées par Orange et SFR ; dès lors, c'est à juste titre que l'Autorité a apprécié, dans des conditions qui seront examinées ci-après, si Orange et SFR, mises en cause sur le fondement des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, apportaient des éléments de preuve propres à démontrer que la différenciation tarifaire qui leur était reprochée était objectivement justifiée par des gains et bénéfices que les offres litigieuses auraient apportés au consommateur.

S'agissant de l'argument de l'Autorité, selon lequel le lancement d'offres d'abondance on-net n'était ni nécessaire, ni proportionné aux gains procurés aux consommateurs puisque des offres d'abondance cross-net auraient apporté un bénéfice au consommateur, Orange souligne qu'il repose sur un contrefactuel contraire à celui retenu pour apprécier les effets anticoncurrentiels, lequel consistait dans l'absence d'offres d'abondance.

Mais si l'Autorité a, de fait, recouru à deux situations contrefactuelles différentes, il n'en ressort pas que l'ensemble de son raisonnement serait, comme Orange le prétend, "incohérent". En effet, ces contrefactuels n'ont pas été appliqués au même objet, mais ils ont été employés dans le cadre de deux analyses différentes et indépendantes, en vue de déterminer, pour la première, si les pratiques litigieuses avaient produit des effets anticoncurrentiels et, pour la seconde, si un surplus du consommateur aurait pu être autrement obtenu. Dès lors, le recours, dans le premier cas, à une situation contrefactuelle donnée ne disqualifie pas le recours, dans le second cas, à une autre situation contrefactuelle.

Sur le fond, Orange et SFR récusent cet argument - basé sur le constat que le lancement d'offres d'abondance cross-net aurait procuré aux consommateurs les bénéfices invoqués par elles -, en rappelant que les tarifs de terminaison d'appel étaient à l'époque soumis à une asymétrie tarifaire en faveur de Bouygues. Orange soutient ainsi que, compte tenu de l'ampleur de cette asymétrie, le lancement de telles offres aurait été "irréaliste" et "d'un coût prohibitif", et SFR qu'il aurait été "dangereux" pour son équilibre financier.

Sans doute Bouygues bénéficiait-elle de tarifs de terminaison d'appel plus élevés, cette asymétrie ayant pu inciter ses concurrents qui n'en bénéficiaient pas à lancer des offres onnet plutôt que cross-net ; cet effet incitatif a d'ailleurs été relevé plus haut par la cour qui a rappelé qu'il avait été expressément souligné par l'Arcep dans ses décisions fixant les tarifs de terminaison d'appel. Cette circonstance, cependant, ne saurait être vue comme constituant un empêchement au lancement d'offres cross -net. En effet, l'asymétrie tarifaire qu'invoquent Orange et SFR avait pour objet non d'accorder un avantage à Bouygues dans sa compétition avec ses concurrents, mais de compenser - au demeurant de façon seulement partielle - le déséquilibre des coûts supportés par les différents opérateurs, puis le déséquilibre du solde d'interconnexion.(
) »

- ALORS, d'une part, QU'en refusant d'examiner, comme elle y était invitée, les effets bénéfiques pour le consommateur des offres on-net illimité commercialisées par l'exposante, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du TFUE et L.420-2 du code de commerce ;

- ALORS, de deuxième part, QU'en considérant que le surplus des consommateurs doit être apprécié au regard d'une situation irréaliste d'un point de vue économique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du traité et L. 420-2 du code de commerce ;

- ALORS, de troisième part, QU'en refusant de prendre en considération la régulation sectorielle ex ante aux fins d'appréciation du surplus des consommateurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du traité et L. 420-2 du code de commerce ;

- ALORS, enfin, QU'en statuant comme elle l'a fait, sans examiner, comme elle y était invitée, le respect des principes de l'administration loyale de la preuve, de la charge de la preuve et de l'instruction à charge et à décharge, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 2 du Règlement CE 1/2003 ;

8) AUX MOTIFS QUE :

« Sur le montant des sanctions pécuniaires

Pour déterminer le montant des sanctions pécuniaires infligées à Orange et SFR, l'Autorité a fait application des principes et de la méthode définis et présentés dans son communiqué du 16 mai 2011. C'est ainsi qu'au titre de l'assiette de ces sanctions, elle a retenu la moyenne de la valeur des ventes d'offres d'abondance on-net réalisées par Orange et SFR auprès de la clientèle des particuliers, au cours des années 2006 et 2007, celles-ci correspondant aux exercices comptables complets de la période de commission des pratiques pendant laquelle ces offres constituaient le standard du marché. Cette valeur s'établit à [...]        euros pour Orange et [...]        euros pour SFR.

L'Autorité a ensuite, au vu de la gravité des faits et du dommage à l'économie, retenu une proportion de 5 % de la valeur de ces ventes et elle a appliqué un coefficient multiplicateur de 2, compte tenu de la durée de l'infraction, de sorte que le montant de base des sanctions s'est établi à 142 326 000 euros pour Orange et 119 470 000 euros pour SFR.

Elle a, enfin, examiné les circonstances propres à chaque entreprise en tenant compte de leur puissance économique, au titre de laquelle elle a augmenté de 10 % le montant de base, de la réitération d'infractions par France Télécom et d'une circonstance atténuante tirée de la fin du bill etamp; keep, qui l'a conduite à diminuer le montant de base de 50 %, de sorte que le montant des sanctions prononcées s'est élevé à 117 419 000 euros pour Orange et France Télécom et 65 708 000 euros pour SFR.

A titre infiniment subsidiaire, les requérants font valoir que le montant des sanctions pécuniaires prononcées contre eux ne saurait être que symbolique, voire diminuée de 100 %, et ils développent en ce sens plusieurs moyens relatifs à la gravité des pratiques en cause, au dommage à l'économie, à la réitération et aux circonstances atténuantes.

Sur la gravité des pratiques

L'Autorité a fondé son appréciation de la gravité des faits en cause sur la nature des infractions, en relevant qu'elles étaient "de nature à limiter la fluidité du marché de détail de la téléphonie mobile et à élever les coûts des concurrents, affaiblissant ainsi la concurrence émanant des opérateurs de plus petite taille et renforçant les barrières à l'entrée sur le marché. Elles étaient susceptibles d'exposer, à terme, les plus petits opérateurs à une éviction du marché". Elle a également pris en compte la nature des produits concernés, dont elle a noté qu'ils étaient des "produits d'usage courant" et elle a rappelé que les dépenses de téléphonie mobile constituaient une "dépense quasi contrainte dans le budget des ménages", cette circonstance étant "de nature à renforcer la gravité concrète des infractions commises".
L'Autorité en a conclu que les pratiques en cause revêtaient "un caractère certain de gravité, même si elles sont moins graves que des pratiques conduisant à l'exclusion mécanique des concurrents du marché", lesquelles relèvent de la qualification de "graves", voire "très graves".

Orange soutient qu'il existe en l'espèce des facteurs qui atténuent la gravité de ces pratiques et elle reproche à l'Autorité de ne pas les avoir pris en considération. Parmi ces facteurs, elle relève que les pratiques n'ont pas d'objet anticoncurrentiel, ni ne relèvent de la catégorie des pratiques par nature injustifiables.

Sur ce point, la cour ne peut que relever que précisément, cette circonstance a été prise en compte par l'Autorité, puisqu'elle n'a pas retenu les échelons de gravité les plus élevés.

La société Orange soutient également que les pratiques n'ont pas produit d'effet anticoncurrentiel, comme en témoigne le fait que les parts de marché de Bouygues et des MVNOs n'ont pas diminué, et que par ailleurs elles ont augmenté le surplus des consommateurs et qu'elles ont donc été bénéfiques pour ceux-ci. Sur ce point, la cour rappelle, comme elle l'a fait précédemment, que le constat que les concurrents n'ont effectivement pas été éliminés du marché ne signifie pas que les pratiques litigieuses ont été sans impact sur la concurrence, alors qu'il a, au contraire, été démontré que ces offres avaient dégradé les conditions de cette concurrence. Il convient, par ailleurs, de relever à nouveau que l'Autorité a, dans son appréciation de la gravité des pratiques, tenu compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce pour considérer que les pratiques en cause étaient "moins graves que des pratiques conduisant à l'exclusion mécanique des concurrents du marché". (
) »

- ALORS QU'en appréciant la prétendue gravité des pratiques en cause sans caractériser le lien de causalité qui unirait ces pratiques à un prétendu impact sur le marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

9) AUX MOTIFS QUE :

« Sur l'importance du dommage causé à l'économie

L'Autorité a d'abord rappelé qu'il était de jurisprudence constante qu'elle n'était pas tenue de chiffrer avec précision le dommage à l'économie, mais qu'il lui appartenait d'en apprécier l'existence et l'importance en se fondant sur une analyse aussi complète que possible des éléments du dossier, et en "recherchant les différents aspects de la perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie engendrée par les pratiques en cause". Elle a procédé à cette appréciation au vu de l'ampleur des pratiques en cause, de leurs conséquences conjoncturelles et structurelles et des caractéristiques économiques du secteur. Elle en a conclu que le dommage causé à l'économie était certain, mais que son importance était "tempérée" par le constat que les parts de marché des concurrents d'Orange et SFR, à savoir les MVNOs et Bouygues, n'avaient pas baissé et qu'en particulier celui-ci s'était maintenu sur le marché de détail des services de téléphonie mobile "grâce à ses propres mérites".

Les requérantes contestent cette analyse et demandent à la cour de constater que les pratiques litigieuses n'ont, en réalité, causé aucun dommage à l'économie.

En premier lieu, Orange soutient que l'Autorité s'est bornée à "présumer" le dommage à l'économie, en en "postulant" purement et simplement l'existence. Cette allégation est démentie par les termes de la décision, d'où il ressort que l'Autorité s'est attachée à rechercher si les pratiques en cause avaient engendré une "perturbation générale du fonctionnement normal de l'économie" afin d'apprécier l'existence et l'importance du dommage en résultant. Elle a mené cet examen sur la base de critères tirés de l'ampleur des pratiques, des caractéristiques économiques du secteur et des conséquences conjoncturelles et structurelles de ces pratiques, et au vu des données concrètes du dossier. C'est ainsi que l'Autorité a pris en compte, en particulier, le chiffre d'affaires du secteur et celui des offres litigieuses, les parts de marché des opérateurs, les différentes études figurant au dossier et permettant d'observer le comportement des consommateurs, qu'elle s'est référée aux rapports annuels de la Commission européenne sur le marché unique européen des services de communications électroniques, notamment pour identifier les caractéristiques du secteur et que, par une motivation que la cour adopte, elle s'est appuyée sur les constatations, que la cour a précédemment examinées, relatives à l'atteinte portée à la fluidité du marché, au regroupement des proches, au verrouillage des tribus, aux impacts de la différenciation tarifaire sur la capacité des autres opérateurs à animer la concurrence et aux distorsions de flux.

En deuxième lieu, Orange reproche à l'Autorité d'avoir procédé à cette appréciation en prenant en compte les positions de marché cumulées d'Orange et SFR, lesquelles s'élevaient en moyenne, entre 2005 et 2008, à respectivement 45 % et 35 % en volume et 41 % et 38 % en valeur. Cette méthode est critiquée par Orange qui fait valoir qu'il lui est reproché non pas d'avoir participé avec SFR à une même entente ou à un même abus, mais d'avoir commis un abus de position dominante distinct de celui reproché à SFR, et que dès lors il n'était pas possible de cumuler les positions de marché respectives.

Il est de fait que l'Autorité n'a pas apprécié distinctement le dommage résultant des pratiques reprochées à Orange et de celles reprochées à SFR. Elle a, cependant, relevé à juste titre que l'importance du dommage causé à l'économie par les pratiques de l'un et de l'autre de ces opérateurs était "principalement fonction" de la différence entre leur part de marché. Cette part de marché étant prise en compte dans le calcul de la valeur des ventes retenue comme assiette de leur sanction respective, il en résulte que la méthode employée par l'Autorité n'a en rien porté atteinte au principe d'individualisation des sanctions.

En troisième lieu, Orange reproche à l'Autorité d'avoir, à tort, écarté dans son appréciation les effets, qu'elle juge bénéfiques aux consommateurs, des pratiques qui lui sont reprochées.

Elle fait valoir à cet égard que les offres on-net en cause ont augmenté le surplus des consommateurs et qu'elles ont permis une transition vers le modèle de l'offre cross-net qui s'est finalement généralisé.

Sur ce point, la cour ne peut qu'observer, d'une part, que l'argument tiré de la généralisation des offres cross-net doit être relativisé : comme l'Autorité l'a relevé, les premières offres cross-net d'Orange et SFR n'ont été lancées qu'au milieu de l'année 2008, soit plus de deux ans après le lancement de l'offre Néo par laquelle Bouygues a répliqué aux offres d'abondance on net. D'autre part, elle rappelle que l'existence d'un surplus du consommateur, à la supposer avérée, ne peut être considérée comme annihilant les effets négatifs, constatés plus haut, sur la fluidité du marché et l'élévation de barrières à l'entrée.

Enfin, et en quatrième lieu, Orange soutient que l'Autorité fonde son appréciation du dommage à l'économie sur des affirmations "purement péremptoires", contredites par les éléments du dossier. C'est ainsi qu'elle souligne que les parts des marchés de ses concurrents, et de ceux de SFR, c'est-à-dire Bouygues et les MVNOs, loin de diminuer du fait des pratiques qui lui sont reprochées, ont augmenté durant la période en cause, alors que la sienne propre a baissé, passant en volume et en valeur de 49,8 % à 46,6 % et de 45,7 % à 42,8 %, tandis que celle de Bouygues est passée de 17,6 % à 19,6 %.

Il a déjà été répondu plus haut à cet argument, la cour ayant rappelé, d'une part, que l'absence d'éviction des concurrents ne pouvait être considérée comme signifiant que les conditions de la concurrence n'auraient pas été affectées par les pratiques en cause et, d'autre part, que l'Autorité a expressément relevé dans son analyse la circonstance que ces pratiques n'avaient pas conduit "à l'exclusion mécanique des concurrents du marché".

Dès lors, il ne ressort d'aucun des arguments ci-dessus examinés que c'est à tort que, compte tenu des appréciations qu'elle a portées sur la gravité des pratiques et sur l'importance du dommage à l'économie, l'Autorité a retenu, pour fixer le montant de base des sanctions, une proportion de 5 % de la valeur des ventes liées à la commercialisation des offres d'abondance on-net des mises en cause. »

- ALORS, d'une part, QUE l'appréciation du dommage à l'économie auquel la sanction doit être proportionnée nécessite l'examen concret des caractéristiques du marché concerné ; qu'en ne prenant pas en considération, comme elle y était invitée, la régulation ex ante du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 102 du Traité, L. 464-2 et L. 420-2 du code de commerce ;

- ALORS, d'autre part, QU'en appréciant le prétendu dommage à l'économie sans caractériser le lien de causalité qui unirait ce prétendu dommage et les pratiques en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 464-2 du code de commerce ;

10) AUX MOTIFS QUE :

« Sur la réitération

L'Autorité a constaté qu'à la date de sa décision, la société France Télécom avait fait l'objet de plusieurs constats d'infraction, au sens de son communiqué du 16 mai 2011 qui explicite, sur la base de l'article L. 464-2 du code de commerce, la prise en compte d'une éventuelle réitération de pratiques prohibées à titre de circonstance aggravante. Elle a, en effet, relevé que la mise en oeuvre par cet opérateur de pratiques prohibées avait donné lieu, de 1994 à 2007, à cinq décisions du Conseil de la concurrence et un arrêt de la cour d'appel de Paris. Elle a considéré que les conditions posées par son communiqué - qui tenaient au caractère définitif de ces constats, au délai les séparant des pratiques en cause et à l'identité ou à la similitude des pratiques - étaient remplies et elle a, en conséquence, majoré la sanction infligée à France Télécom de 50 %, à hauteur de 39 140 000 euros.

La société Orange fait valoir que, conformément au principe constitutionnel de légalité des peines, applicable à la sanction des pratiques anticoncurrentielles, la prise en compte de la réitération doit être l'objet d'une interprétation stricte. Elle soutient qu'à ce titre, la réitération ne peut être retenue que si les pratiques en cause sont identiques par leur nature et leur objet aux pratiques précédemment sanctionnées. Elle observe que cette condition n'est pas remplie en l'espèce, puisque les pratiques de différenciation tarifaire qui lui sont reprochées ne sont pas identiques, ni similaires à celles qui étaient l'objet des décisions précédentes que l'Autorité invoque.

Il n'est pas contesté, cependant, que ces précédentes décisions avaient sanctionné France Télécom pour avoir mis en oeuvre des pratiques ayant pour objet ou pour effet de limiter l'accès au marché à des nouveaux entrants et d'entraver leur développement par la construction ou le maintien de barrières à l'entrée artificielles, des remises abusives ou des pratiques de ciseau tarifaire et, s'agissant de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel de Paris, pour avoir abusé de sa position dominante au moyen d'une discrimination par les prix. Or, la différenciation tarifaire sanctionnée dans la présente affaire emporte ce même type de restrictions à la concurrence. Dès lors, c'est à juste titre que l'Autorité a retenu, pour fixer le montant de la sanction pécuniaire infligée à France Télécom, une circonstance aggravante tirée, comme le prévoit l'article L. 464-2 du code de commerce, de la réitération de pratiques prohibées.

Sur la circonstance tirée de la régulation sectorielle et de la fin du bill etamp; keep

Orange et SFR soutiennent que la régulation sectorielle et la fin du bill etamp; keep auraient dû être prises en compte à titre de circonstances atténuantes, et qu'elles doivent conduire à ne pas prononcer de sanction pécuniaire à leur encontre.

La cour a examiné plus haut l'impact de la fin du régime du bill etamp; keep et de la régulation ex ante mise en place, particulièrement de l'asymétrie tarifaire appliquée aux prestations de terminaison d'appel, et elle a conclu, d'une part que cette asymétrie n'avait pas intégralement compensé, comme le soutiennent les requérantes, les effets des offres d'abondance en cause et, d'autre part, que le développement de ces offres ne pouvait être considéré comme un résultat inéluctable. Il y a lieu, en revanche, d'en tenir compte dans la détermination de la sanction des pratiques reprochées aux opérateurs ; à cet égard, c'est à juste titre que l'Autorité, au vu des éléments du dossier, a diminué de 50 % le montant de base de la sanction pécuniaire infligée à Orange et SFR.

Sur l'imprévisibilité alléguée du caractère infractionnel des pratiques en cause

(
) La société Orange souligne elle aussi que le test de différenciation tarifaire mis en oeuvre par l'Autorité est, à ses yeux, totalement inédit et que les précédentes décisions rendues en la matière concernaient des situations complètement différentes.

Pas plus dans sa décision que dans ses observations devant la cour, l'Autorité ne conteste, dans son principe même, l'argument développé par les requérantes. Elle soutient, en revanche, qu'il manque en fait puisque la présente affaire n'est pas sans précédent et qu'en conséquence Orange et SFR 'sont mal fondées à invoquer l'imprévisibilité du caractère anticoncurrentiel des pratiques en cause, alors que des pratiques de différenciation tarifaire abusives de même nature, mises en oeuvre dans le secteur de la téléphonie mobile, avaient déjà été sanctionnées à plusieurs reprises.' C'est ainsi qu'elle fait valoir qu'il résulte de plusieurs décisions rendues depuis 2002 qu'une pratique de différenciation tarifaire entre appels on-net et appels off-net est susceptible de constituer un abus de position dominante et elle cite les décisions du Conseil de la concurrence n° 02-D-69 du 26 novembre 2002 (relative aux saisines et aux demandes de mesures conservatoires présentées par la société Bouygues Télécom, l'Union fédérale des consommateurs Que Choisir et la Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie) et n° 04-MC-02 du 9 décembre 2004 (relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Bouygues Télécom Caraïbe à l'encontre de pratiques mises en oeuvre par les sociétés Orange Caraïbe et France Télécom), cette dernière décision ayant été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 28 janvier 2005.

La cour observe, cependant que ces précédentes décisions portaient sur des pratiques consistant en des différenciations tarifaires faciales et explicites entre appels on-net et off-net, et que tel n'est pas le cas dans la présente affaire. Les offres commercialisées par Orange et SFR, en effet, se présentaient toutes sous la forme d'un forfait unique et global, sans valorisation individuelle de leurs diverses composantes ni affichage d'un prix, et sans emporter, hors plages d'abondance, de différence entre les appels on-net et les appels off-net, qui tous s'imputaient également et dans les mêmes conditions sur le forfait. Ce point a été expressément noté par l'Autorité qui a relevé l'absence de différence de prix par minute entre les appels on-net et les appels off-net, puisqu'en dehors des plages d'abondance, une minute de communication était décomptée du forfait de la même manière qu'une minute de communication off-net et qu'au-delà du forfait, en cas de dépassement par le client, le prix de la minute était le même pour les appels on-net et les appels off-net. Aussi la différenciation tarifaire a-t-elle été mise à jour par l'Autorité au vu de la "structure" des offres d'abondance et mesurée selon une méthodologie décrite aux points 111 à 114 et appliquée aux points 115 à 184 de sa décision et que la cour a examinée plus haut.

Ce particularisme, au demeurant, a été souligné par l'Arcep qui, dans l'avis qu'elle a rendu à l'Autorité dans le cadre de cette procédure, a relevé que celle-ci portait "sur une pratique distincte de celle dont elle avait eu à connaître dans ses précédents avis, dans la mesure où elle consiste non pas dans une sur-tarification des appels off-net mais en l'inclusion dans une gamme de forfaits d'une prestation d'abondance vers des numéros on net, c'est-à-dire de communications pour lesquelles la terminaison d'appel fait l'objet d'une auto-fourniture" (Avis de l'Arcep p. 12).

Il a, enfin, été expressément reconnu par le précédent arrêt avant dire droit de la cour du 19 juin 2014, qui en a fait le motif de sa demande d'avis à la Commission européenne dans les termes suivants : "Considérant qu'il convient en l'espèce de relever que les offres incriminées ont une structure différente de celles examinées à l'occasion de litiges antérieurs ; que les questions d'ordre factuel, économique et juridique qu'elles soulèvent au regard de l'application des règles de concurrence européennes, justifient le recours à l'avis de la Commission (...)".

L'examen au fond de la présente affaire a confirmé cette appréciation précédemment portée par la cour en montrant, notamment, que l'application au cas d'espèce d'un grief de différenciation tarifaire se distinguait des précédents connus jusqu'alors en jurisprudence et dans la pratique décisionnelle des autorités de concurrence. Ce constat ne saurait cependant conduire, comme Orange et SFR invitent la cour à la faire à ramener à un montant symbolique les sanctions pécuniaires prononcées ; en effet, la complexité du test de différenciation tarifaire mis en oeuvre, pas plus que le caractère à certains égards inédit de l'application de la qualification d'abus de position dominante aux faits en cause, ne font disparaître en aucune manière, ni même n'atténuent, la contrariété au droit de la concurrence des pratiques reprochées à Orange et SFR, avec les conséquences qui s'y attachent en ce qui concerne la responsabilité de ces opérateurs. En revanche, la cour juge qu'il y a lieu de considérer ces circonstances, et leurs effets en termes de prévisibilité pour les opérateurs, comme étant, au cas d'espèce, de nature à diminuer le montant des sanctions pécuniaires prononcées, dans une proportion qu'elle fixe à 20 %. Ce montant sera donc ramené à 93 935 200 euros pour la société Orange, venue aux droits des sociétés France Télécom et Orange France, et à 52 566 400 euros pour la société SFR. »

- ALORS QU'en considérant la pratique comme « identique » à d'autres déjà commises par Orange pour retenir son état de réitération au titre d'une circonstance aggravante, tout en jugeant que l'illicéité de cette même pratique a un caractère nouveau et imprévisible constitutif d'une circonstance atténuante, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

- ALORS QU'en se bornant à diminuer le montant de la sanction pour sanctionner des pratiques dont elle reconnaissait le caractère inédit, la cour d'appel a violé l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, l'article 49§1 de la Charte européenne des droits fondamentaux et l'article 8 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

(sur le refus de renvoi devant la CJUE)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société Orange de ses demandes de renvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne pour questions préjudicielles

AUX MOTIFS QUE :

« En ce qui concerne les « circonstances particulières » propres à justifier l'application des articles L. 420-2 du code commerce et 102 du TFUE, alors même que le marché dominé n'est pas celui sur lequel l'abus est allégué, la société orange fait valoir que la cour de cassation en a défini le sens et la teneur dans son arrêt du 17 mars 2009 rendu dans l'affaire GlaxosmithKline, en s'appuyant sur la jurisprudence de la cour de justice, et que les faits en cause dans la présente affaire ne répondent pas à cette définition.
Il est de fait et les pratiques reprochées à Orange et SFR ne font pas apparaître de circonstances analogues à celles décrites dans cet arrêt : en effet, il n'est nullement allégué par l'Autorité que ces opérateurs auraient mis en oeuvre des pratiques abusives sur le marché aval en vue de renforcer leur position dominante sur le marché amont, ni que leur situation pourrait être « assimilée » à la détention d'une position dominante sur l'ensemble de ces marchés, compte tenu de l'étroitesse des liens les unissant. Force est de constater, cependant, que les requérants en tirent une conclusion erronée en prétendant que, dès lors, la condition tenant à l'existence de circonstances particulières, posée par la cour de cassation dans son arrêt, n'est pas remplie. Ce faisant, ils donnent à cet arrêt une portée qu'il n'a pas : il résulte en effet des termes mêmes de sa décision que la cour de cassation n'a nullement limité la notion de « circonstances particulières » à celles qu'elle a relevées, à titre seulement illustratif et non limitatif, puisqu'elle a jugé que les textes réprimant l'abus de position dominante pouvaient s'appliquer à des pratiques mises en oeuvre sur un marché distinct du marché dominé, notamment lorsque l'Autorité de concurrence démontre l'existence de circonstances particulières, telles celles relevées par la cour de justice dans les arrêts Akzo Chemie BV et Tetra Pack international.
Au cas d'espèce, l'ensemble des constatations faites si dessus, tenant en particulier aux liens unissant la position dominante détenue sur les marchés amont et les pratiques abusives mises en oeuvre sur le marché aval de détail, constituent, au vu de la spécificité de ces marchés, des circonstances particulières propres à justifier l'application des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE. Il en résulte par ailleurs, qu'il n'y a pas lieu de saisir la cour de justice, comme le demande orange, d'une question préjudicielle portant sur la suffisance d'une simple connexité entre marché pour démontrer un lien de causalité entre le marché de gros et le marché de détail aval.

(
) que jusqu'au 1er janvier 2008, l'asymétrie tarifaire mise en place a eu pour objet, non de compenser le déséquilibre du solde d'interconnexion constaté au détriment de la société Bouygues, mais - en reflétant les différences de coûts, supérieurs chez cet opérateur - de garantir le principe d'orientation vers les coûts prôné par le régulateur sectoriel. En effet, l'encadrement tarifaire des prestations de terminaison d'appel ayant été instauré pour réduire l'écart constaté entre les prix pratiqués par les opérateurs et les coûts de ces prestations, le régulateur a fixé les prix plafonds de celles-ci, au vu des coûts supportés. Il en est résulté l'asymétrie tarifaire dont la société Bouygues a bénéficié, puisqu'elle supportait des coûts supérieurs à ceux de ses concurrents. Le régulateur sectoriel, au demeurant, a explicitement et clairement indiqué que cette asymétrie tarifaire procédait de la différence constatée dans les coûts de terminaison d'appel pesant sur les opérateurs, par exemple dans sa décision fixant les tarifs du 1er janvier 2007 au 8 décembre 2007, où elle justifie ainsi l'asymétrie : "La décision de l'Autorité consiste à maintenir pour Bouygues Télécom l'écart de terminaison d'appel qui existe aujourd'hui avec Orange France et SFR. L'Autorité estime que cet écart tarifaire est justifié par les différences de coûts, qui sont supérieurs (cf. annexe D). L'Autorité rappelle que Bouygues Télécom est entré plus tardivement que ses concurrents sur le marché et, compte tenu de sa part de marché plus faible, qu'il bénéficie d'effets d'échelle moindres qui sont reflétés par les différences de coûts observées" (Décision n° 2006-0779 du 14 septembre 2006 portant sur l'encadrement tarifaire des tarifs de terminaison d'appel vocal « directe » pour l'année 2007 de la société Orange France, de la Société française du radiotéléphone et de la société Bouygues Telecom en raison de leur influence significative sur les marchés de gros de la terminaison d'appel vocal sur leur réseau respectif). Ce n'est qu'à compter du 1er janvier 2008 que l'asymétrie tarifaire a été expressément corrélée par l'Arcep non seulement aux coûts de la terminaison d'appel supportés par les opérateurs, mais aussi au "déséquilibre de trafic entrant-sortant que le plus petit opérateur subit" (décision n° 2007-810 du 4 octobre 2007, p. 90). Aussi est-ce à juste titre que l'Autorité souligne dans ses observations que la régulation sectorielle n'a compensé "dans un premier temps, que les asymétries de coûts entre les opérateurs, et non les asymétries de trafic".
S'agissant de l'importance et de la portée de la compensation résultant de l'asymétrie tarifaire dont a bénéficié la société Bouygues, la société Orangesoutient qu'elle a été intégrale et même excessive en 2008, "puisqu'elle a couvert non seulement la part prétendument imputable aux offres d'abondance on-net d'Orange et de SFR, mais aussi celle qui relevait du choix de politique commerciale de Bouygues Télécom", dont l'offre d'abondance cross-net "Néo" avait détérioré le solde d'interconnexion. A l'appui de cette allégation, elle observe que l'écart entre les tarifs de terminaison d'appel qui lui ont été imposés ainsi qu'à SFR, et le tarif imposé à Bouygues s'est accru, en 2008 et 2009, dans les proportions suivantes :

Cependant, force est de constater que cette mesure de l'asymétrie tarifaire ne démontre pas, par elle-même, que la compensation en résultant a été intégrale, comme le prétendent les requérants, puisqu'elle n'est mise en relation ni avec les coûts, ni avec les soldes d'interconnexion. Elle est, par ailleurs, contredite par les analyses au vu desquelles l'Arcep a mis en place une régulation asymétrique des tarifs de terminaison d'appel.
C'est ainsi que dans sa décision du 2 décembre 2008 fixant les tarifs de terminaison d'appel pour la période allant du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, elle a indiqué qu'elle entendait ne pas prendre "intégralement" en compte les déséquilibres de trafic on-net et off-net, afin de "permettre à SFR et Orange sur la période couverte par l'encadrement tarifaire envisagé dans le présent document de proposer également davantage d'offres d'abondance off-net, qui auront pour effet de limiter les effets de déséquilibres de trafic" (décision n° 08-1176 du 2 décembre 2008 portant définition de l'encadrement tarifaire des prestations de terminaison d'appel vocal mobile des opérateurs Orange France, SFR et Bouygues Telecom pour la période du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, p. 45).
Le caractère seulement partiel de la régulation tarifaire asymétrique a, enfin, été consacré par le Conseil d'Etat qui, statuant par son arrêt du 24 juillet 2009 sur la décision de l'Arcep fixant les tarifs de terminaison d'appel du 1er juillet 2009 au 31 décembre 2010, a rappelé que l'asymétrie tarifaire consentie à Bouygues avait pour objet non de faire disparaître le déséquilibre du solde d'interconnexion, mais de l'"atténuer" par une "compensation partielle et transitoire". Faisant application de ces principes, et ayant constaté que l'asymétrie prévue pour la période courant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2010 aurait eu pour effet "de compenser intégralement le déficit qu'elle a pour objet d'atténuer, voire, dans la plupart des hypothèses, de faire bénéficier cette société [la société Bouygues] d'un transfert financier supérieur à ce déficit", le Conseil d'État en a prononcé l'annulation, en jugeant que la différenciation tarifaire résultant de cette asymétrie était "manifestement disproportionnée au regard de l'objectif qui lui est assigné".
Dans ces conditions, les requérants ne sauraient prétendre que la régulation ex ante de l'Arcep aurait intégralement compensé les effets de leurs offres d'abondance on-net et c'est donc à juste titre que l'Autorité a considéré qu'elle ne constituait pas une "circonstance exonératoire" de leur responsabilité.
Il est dès lors sans objet de saisir la Cour de Justice, comme le demande Orange, d'une question préjudicielle tendant à déterminer si l'article 102 du TFUE s'applique en présence d'une tarification asymétrique "destinée à annihiler l'effet" d'offres d'abondance on net, puisqu'il a été démontré que la compensation n'avait pas été totale. Il en va de même de la question préjudicielle portant sur l'"interdiction", au regard de l'article 102 du TFUE, de mettre en 'uvre des offres commerciales "visant à limiter rationnellement" les sorties de trésorerie de l'opérateur, compte tenu d'une asymétrie tarifaire des terminaisons d'appel ; en effet, la violation de l'article 102 TFUE qui fonde la décision déférée procède non de la recherche par les opérateurs d'une limitation de leurs sorties de trésorerie, mais de la différenciation tarifaire abusive résultant des offres commerciales en cause.

(
) la condition de comparabilité ne requiert pas que les offres soient identiques, mais seulement qu'elles soient établies sur des éléments qui puissent être mesurés les uns par rapport aux autres. Ainsi que le soutient à juste titre l'Autorité, l'appel d'un correspondant est pour le consommateur, auquel les offres de prix sont destinées, un service identique quel que soit le réseau auquel se correspondant est abonné. Par ailleurs, du côté de l'offre, l'appel on-net et l'appel off-net se distinguent matériellement en ce que le premier est acheminé sur un seul réseau, tandis que le second est acheminé sur un premier réseau et s'achève par une prestation de terminaison d'appel sur un autre réseau. Mais l'appel on-net implique aussi une prestation de terminaison d'appel, laquelle est alors auto-facturée par l'opérateur unique. En tout état de cause, la différence tenant à la terminaison d'appel ne rend pas les deux prestations non comparables, puisque tous les éléments matériels et techniques qui composent cette prestation sont identiques et comparable et que la charge que constitue la terminaison est mesurable en termes de coûts.

(
)L'Autorité a considéré qu'il résultait de l'obligation de nondiscrimination entre les opérateurs, s'agissant de la facturation des coûts de terminaison d'appel imposée par l'Arcep, que ce coût était le seul à prendre en compte dans le cadre de la comparaison des écarts de prix et de coûts à laquelle elle a procédé, sans, cependant, apporter plus d'explications sur ce point. Mais en tout état de cause, elle a, par une juste motivation que la cour adopte, aussi calculé l'écart des prix tels qu'ils ont été précédemment validés en fonction de l'écart des coûts basés sur les coûts réels invoqués par la sociétéOrange et en a déduit que même dans ce cas de figure, l'écart des prix demeurait excessif et injustifié au regard de l'écart des coûts.
Si la décision ne comporte pas plus d'éléments d'explication sur ce point, c'est en tout état de cause, par une juste motivation que la cour adopte, que l'Autorité a calculé l'écart des prix tels qu'ils ont été précédemment validés en fonction de l'écart des coûts basés sur les coûts réels invoqués par la société Orange et en a déduit que même dans ce cas de figure, l'écart des prix demeurait excessif et injustifié au regard de l'écart des coûts.
Il se déduit de l'ensemble de ce qui précède que doivent être rejetés les moyens invoqués sur ces différents points et les demandes tendant à la saisine de la Cour de Justice par voie de questions préjudicielles portant sur la prise en compte d'une différenciation tarifaire dans l'application de l'article 102 du TFUE. »

- ALORS QU'en s'abstenant de transmettre la question préjudicielle portant sur l'identification d'une pratique de différenciation tarifaire abusive sur le marché aval lorsque les tarifs des prestations ne sont pas différenciés et sont intégrés dans un forfait unique pour le consommateur en vue de l'application de l'article 102 TFUE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 267 TFUE ;

- ALORS QU'en s'abstenant de transmettre la question préjudicielle portant sur la caractérisation d'une pratique de discrimination tarifaire abusive entre appels on-net et appels off-net au titre de l'article 102 TFUE lorsqu'elle repose sur une méthode qui constate une différenciation quelle que soit la pratique tarifaire sur le marché (forfait avec une composante illimitée cross-net et forfaits avec une composante illimitée onnet), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 267 TFUE ;

- ALORS QU'en refusant de transmettre la question portant sur l'applicabilité de l'article 102 TFUE dans l'hypothèse où n'existe qu'une simple « connexité » entre marchés, insuffisante est pour démontrer le lien de causalité indispensable à la qualification d'un abus de position dominante entre le marché amont de gros de la terminaison d'appel voix mobile, sur lequel est détenue la position dominante, et la pratique constatée sur le marché aval de la téléphonie mobile à destination des clients résidentiels un contexte où il n'existe aucune exploitation économique des ressources du marché amont sur lequel est détenue la position dominante au bénéfice du marché aval sur lequel la pratique est constatée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 267 TFUE ;

- ALORS QU'en refusant de transmettre la question portant sur l'applicabilité de l'article 102 TFUE dans un contexte où il n'existe aucune exploitation économique des ressources du marché amont sur lequel est détenue la position dominante au bénéfice du marché aval sur lequel la pratique est constatée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 267 TFUE ;

- ALORS QU'en refusant de transmettre la question portant sur l'applicabilité de l'article 102 TFUE dans un contexte où la régulation sectorielle ex ante a mis en place une tarification asymétrique sur le marché amont destinée à annihiler l'effet d'offres intégrant une composante d'illimité on-net sur le marché aval, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 267 TFUE ;

- ALORS QU'en refusant de transmettre la question portant sur la faculté prévue à l'article 102 TFUE d'interdire à un opérateur A des mettre en oeuvre des offres commerciales visant à limiter ses sorties de trésorerie, dans le cas précis où les appels sortants vers le réseau d'un autre opérateur B donnent lieu au paiement à cet opérateur d'une terminaison d'appel asymétrique, c'est-à-dire supérieure à celle que perçoit l'opérateur A pour les terminaisons d'appel sur son réseau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 267 TFUE ;

- ALORS QU'en refusant de transmettre la question portant sur le caractère équivalent au regard de l'article 102 TFUE des communications on-net et des communications off-net en vue de la qualification d'une pratique de discrimination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 267 TFUE ;

- ALORS QU'en refusant de transmettre la question portant sur l'applicabilité de l'article 102 TFUE dans un contexte où la caractérisation d'une pratique de différenciation tarifaire abusive nécessitait déterminer s'il convenait de prendre en compte pour les appels on-net sur le réseau d'un opérateur les coûts réellement supportés par cet opérateur, où les tarifs de terminaison d'appel qu'il applique aux autres opérateurs pour terminer leurs appels off-net sur son réseau, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 267 TFUE ;

- ALORS QU'en refusant de transmettre la question portant sur l'applicabilité de l'article 102 TFUE dans un contexte où les offres illimitées on-net sur le marché aval étaient reproductibles par des concurrents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 267 TFUE.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-19186;16-19274
Date de la décision : 05/04/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 05 avr. 2018, pourvoi n°16-19186;16-19274


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Marc Lévis, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.19186
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