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04/04/2018 | FRANCE | N°17-14993

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 04 avril 2018, 17-14993


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que salariée de la société Presse et d'édition du Sud-Ouest (l'employeur), ayant été victime d'un accident, le 23 février 2010, pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, Mme X... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu qu'il n' y a pas lieu de statuer par

une décision spécialement motivée sur le moyen du pourvoi principal annexé qui ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que salariée de la société Presse et d'édition du Sud-Ouest (l'employeur), ayant été victime d'un accident, le 23 février 2010, pris en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, Mme X... a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu qu'il n' y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen du pourvoi principal annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l'article L. 452-2, alinéas 2 et 3, du code de la sécurité sociale ;

Attendu, selon ce texte, que la majoration de la rente et du capital alloué à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle consécutifs à la faute inexcusable de son employeur est calculée en fonction de la réduction de la capacité dont celle-ci reste atteinte, et doit suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime ;

Attendu qu'en ordonnant la majoration du capital alloué à Mme X... au maximum, tout en fixant cette majoration à la somme de 2 767,47 euros, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il a fixé à la somme de 2767,47 euros la majoration du capital versé à Mme X..., l'arrêt rendu le 19 janvier 2017, rectifié le 9 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Fixe la majoration du capital versé à Mme X... au maximum ;

Condamne la société Presse et d'édition du Sud-Ouest aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Presse et d'édition du Sud-Ouest et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, signé par M. Prétot, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller rapporteur empêché et prononcé par le président en son audience publique du quatre avril deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Presse et d'édition du Sud-Ouest.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué du 19 janvier 2017, rectifié par l'arrêt du 9 février 2017, d'avoir dit que la société Sapeso a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail dont Mme X... a été victime le 23 février 2010 et, en conséquence, dit que Mme X... a droit à l'indemnisation de son préjudice en application des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale interprété à la lumière de la décision du 18 juin 2010 n° 2010-8 QPC, du Conseil Constitutionnel et fixé la majoration du capital versé à Mme X... au maximum, soit la somme de 2.767,74 euros ;

AUX MOTIFS QUE sur la faute inexcusable, le manquement à l'obligation de sécurité de résultat mise à la charge de l'employeur a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures les mesures pour l'en préserver et lorsque la faute commise par l'employeur a été une cause nécessaire de l'accident, même en présence d'une faute ou d'une imprudence du salarié ; qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident subi par le salarié ; qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ; que selon les dispositions de l'article L. 4211-1 du code du travail, le maître d'ouvrage entreprenant la construction ou l'aménagement de bâtiments destinés à recevoir des travailleurs se conforme aux dispositions légales visant à protéger leur santé et sécurité au travail ; que les articles L. 4221-1 et L. 421 1-2 du dit code prévoient que : les établissements et locaux de travail sont aménagés de manière à ce que leur utilisation garantisse la sécurité des travailleurs ; pour l'application des dispositions relatives à la conception des lieux de travail, des décrets en Conseil d'Etat, pris en application de l'article L. 4111-6 déterminent : 1° les règles de santé et de sécurité auxquelles se conforment les maîtres d'ouvrage lors de la construction ou l'aménagement de bâtiments destinés à recevoir des travailleurs ; 2° les locaux et dispositifs ou aménagements de toute nature dont sont dotés les bâtiments que ces décrets désignent en vue d'améliorer les conditions de santé et de sécurité des travailleurs affectés à leur construction ou à leur entretien ; que ces décrets sont pris après avis des organisations d'employeurs et de salariés intéressés ; que l'article R.4211-1 du code du travail dispose que les dispositions du présent titre déterminent, en application de l'article L. 4211-1, les règles auxquelles se conforme le maître d'ouvrage entreprenant la construction ou l'aménagement de bâtiments destinés à recevoir des travailleurs, que ces opérations nécessitent ou non l'obtention d'un permis de construire ; qu'en ce qui concerne la circulation au sein des locaux, l'article R.4224-3 du code du travail pose le principe selon lequel les lieux de travail sont aménagés de telle façon que la circulation des piétons puisse se faire de manière sûre ; que le règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public approuvé par arrêté du 25 juin 1980 et annexé à la partie réglementaire du code du travail prévoit en son article C045 que : §1 les portes desservant les établissement, compartiments, secteurs ou locaux pouvant recevoir plus de cinquante personnes doivent s'ouvrir dans le sens de la sortie. Toutes les portes des escaliers doivent également s'ouvrir dans le sens de l'évacuation ; §2 En présence du public, toutes les portes doivent s'ouvrir de l'intérieur par simple poussée ou par la manoeuvre facile d'un seul dispositif par vantail tel que bec-de-cane, poignée tournante, crémone à poignée ou à levier ou tout autre dispositif approuvé par la commission de sécurité. Lorsque le dispositif d'ouverture est une barre anti-panique, celle-ci doit être conforme aux normes françaises
§3 Toutes les portes, quel que soit l'effectif des occupants du local desservi, doivent être disposées de manière à ne former aucune saillie dans le dégagement, à l'exception des portes pouvant se développer jusqu'à la paroi. §4...§5... ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que la porte qui a été ouverte et a provoqué l'accident de Mme X... s'ouvre dans le couloir de dégagement et présente un angle de l'ordre de 70° par rapport à la voie de circulation lorsqu'elle est ouverte, formant ainsi une saillie au milieu de la voie ; qu'en effet, cette porte dont les gonds permettent l'ouverture à 180° comme il est prévu sur les plans de l'architecte ne peut se développer jusqu'à la paroi en raison de l'installation d'un ferme-porte mécanique dont le bras à glissière est inadapté à ce type de configuration ; que l'accident du travail s'est effectivement produit à l'ouverture de la porte par un collègue qui n'avait aucune visibilité sur le passage de piétons dans le couloir de dégagement ; qu'une porte qui constitue un passage entre deux lieux, a vocation à être ouverte à n'importe quel moment, même si la porte est une porte coupe feu ; que si l'installation de la porte répond aux normes de sécurité définies au §1 de l'article CO 45, elle ne répond pas aux normes définies au §3 de ce même article, lequel vise toutes les portes, même les portes coupe-feu, en sorte que l'employeur maître d'ouvrage a manqué à cette règle de sécurité ; que la porte se situe au pied d'une cage d'escaliers desservant les cinq niveaux du bâtiment et donne accès au couloir de dégagement desservant la cafétéria et le restaurant de l'entreprise ; que l'ouverture de la porte en saillie, ce d'autant que le piéton en action d'ouverture, n'a aucune visibilité sur le couloir de dégagement présente une dangerosité intrinsèque dont l'employeur devait ou aurait dû avoir conscience huit mois après l'installation dans les nouveaux bâtiments, au jour de l'accident du travail le 23 février 2010, alors même qu'en période de pause méridienne, ce couloir est particulièrement utilisé dans un sens ou dans un autre ; que d'ailleurs, il ressort des attestations de collègues de travail de Mme X..., dont le caractère probant n'est pas utilement contesté que l'ouverture de cette porte leur était apparue dangereuse avant même l'accident de cette dernière et qu'ils avaient pu avoir peur de se faire heurter par la porte, établissant le caractère notoirement dangereux de cette configuration ; que l'absence d'alerte des institutions représentatives du personnel est sans emport en l'espèce puisqu'aucune présomption de faute inexcusable n'est soutenue par la salariée ; que de même, le fait que le cabinet SOCOTEC et le cabinet d'architecte n'aient pas détecté cette irrégularité aux règles de sécurité est sans incidence sur l'existence même de l'irrégularité aux règles de sécurité et sur la conscience que l'employeur devait avoir du danger, au bout de huit mois d'utilisation des locaux ; qu'en outre, il suffit que la faute inexcusable de l'employeur soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée ; que il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la preuve de la conscience du danger par l'employeur n'était pas rapportée par Mme X... ; qu'à défaut pour l'employeur d'avoir pris la moindre mesure de prévention, l'employeur a commis une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail dont Mme X... a été victime le 23 février 2010 ; que le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, à l'origine de l'accident du travail dont elle a été victime le 23 février 2010 ;

1°) ALORS QUE lorsque l'employeur ne peut avoir conscience du danger lorsque, s'agissant de la réglementation en vigueur, il s'en est remis aux avis des techniciens, architectes et organismes de contrôle, sur la conformités des locaux aux normes de sécurité ; qu'en considérant que la société Sapeso devait ou aurait dû avoir conscience du risque en cause huit mois après l'installation dans les nouveaux bâtiments, au motif inopérant que des salariés avaient, avant l'accident, pu « avoir peur de se faire heurter par la porte, établissant le caractère notoirement dangereux de cette configuration », sans constater que ces salariés en avaient informé l'employeur, à défaut de quoi la société Sapeso, qui n'avait aucune raison de suspecter l'existence d'un quelconque danger au vu des avis et rapports des techniciens et organismes de sécurité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;

2°) ALORS QUE lorsque l'employeur ne peut avoir conscience du danger lorsque, s'agissant de la réglementation en vigueur, il s'en est remis aux avis des techniciens, architectes et organismes de contrôle, sur la conformités des locaux aux normes de sécurité ; qu'en considérant que le fait que le cabinet Socotec et le cabinet d'architecte n'aient pas détecté une irrégularité aux règles de sécurité était sans incidence sur la conscience que l'employeur devait avoir du danger, au bout de huit mois d'utilisation des locaux, cependant que cette circonstance avait une incidence indéniable, la société Sapeso pouvant légitimement s'en remettre aux avis et rapports du CHSCT, de la société Socotec, de l'architecte, et de la Commission de sécurité de la ville de Bordeaux pour apprécier la conformité des locaux de travail, en particulier de la porte coupe-feu litigieuse, aux normes de sécurité en vigueur, ne disposant elle-même d'aucune compétence technique pour évaluer une prétendue anormalité, et, partant, l'existence d'un danger, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la majoration du capital versé à Mme X... au maximum, soit la somme de 2.767,47 euros ;

Aux motifs que : « La faute inexcusable étant reconnue, Mme X... a droit en application des dispositions de l'article L.452-2 du code de sécurité sociale à la majorations des indemnités qui lui sont dues en vertu du livre IV du code de sécurité sociale. Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité.

En l'occurrence, la majoration du capital alloué à Mme X... sera ordonnée au maximum, et ne pourra pas dépasser 2.767,47 euros » ;

Alors que l'article L.452-2, alinéa 2 du code de sécurité sociale prévoit que, lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité ; que le montant de cette indemnité en capital est calculé en fonction du taux d'incapacité permanente de la victime, de sorte que la juridiction saisie pour se prononcer sur la faute inexcusable de l'employeur n'a pas le pouvoir de l'apprécier et peut seulement décider que le montant de la majoration ne pourra dépasser le montant de l'indemnité en capital sans pouvoir limiter celui-ci à une somme déterminée ; qu'en l'espèce, en fixant la majoration du capital versé à Mme X... au maximum, soit la somme de 2.767,47 euros, correspondant au montant de l'indemnité en capital attribuée à la victime, la Cour d'appel a outrepassé ses pouvoirs en violation du texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 17-14993
Date de la décision : 04/04/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 19 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 04 avr. 2018, pourvoi n°17-14993


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Ortscheidt, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.14993
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