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19/01/2017 | FRANCE | N°15/05568

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 19 janvier 2017, 15/05568


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 19 JANVIER 2017



(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° de rôle : 15/05568

















Monsieur [S] [J]



c/



SARL ACROSS





















Nature de la décision : AU FOND







Noti

fié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 mai 20...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 19 JANVIER 2017

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° de rôle : 15/05568

Monsieur [S] [J]

c/

SARL ACROSS

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 mai 2012 (R.G. n° F10/391) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULÊME, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 07 septembre 2015,

APPELANT :

Monsieur [S] [J]

né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 1]

de nationalité Française

profession Educateur,

demeurant [Adresse 1]

comparant

INTIMÉE :

SARL ACROSS,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social,

[Adresse 2]

représentée par Me BOUZIEUX loco Me Sophie ROBIN ROQUES, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 novembre 2016 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marc SAUVAGE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Sophie BRIEU, Vice-Présidente placée,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Gwenaël TRIDON DE REY,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel du 26 octobre 2009, M.

[J] a été engagé par la société Across en qualité de réceptionniste de l'hôtel [Établissement 1] à [Localité 2], son emploi étant classé au niveau 2, échelon 1 dans la catégorie employé, selon la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

Sa rémunération était égale au SMIC pour une durée de travail de 130 heures par mois, outre des indemnités de nourriture avec la possibilité de réaliser des heures complémentaires à hauteur de 10 % des heures contractuelles. Des horaires de travail étaient définis contractuellement pour chaque jour, étant prévu également qu'ils pouvaient être modifiés pour tenir compte des spécificités du service et que le salarié était logé sur place les jours travaillés.

Le 19 août 2010, M. [J] a démissionné en faisant part de son impossibilité de poursuivre son travail compte tenu de ses conditions de travail, considérant ne pas pouvoir bénéficier de deux jours de repos hebdomadaires consécutifs ou non, et de conditions de logement correctes alors qu'il a l'obligation de dormir sur place, ses heures de présence n'étant pas comptabilisées comme astreintes, le tout ayant des répercussions sur son état de santé.

M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême (section commerce) le 27 décembre 2010 et a réclamé la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'au paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis (ainsi que les congés payés y afférents), des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, un rappel des repos hebdomadaires (ainsi que les congés payés afférents), une indemnité au titre des repos compensateurs journaliers (ainsi que les congés payés afférents), le paiement des heures supplémentaires (ainsi que les congés payés afférents), une indemnité pour travail dissimulé, des dommages et intérêts pour le préjudice subi au titre des conditions d'hébergement et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 14 mai 2012, le conseil de prud'hommes d'Angoulême a :

requalifié la démission de M. [J] en prise d'acte de la rupture aux torts exclusifs de l'employeur, équivalent à un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

condamné la société Across à lui verser :

1.300 € de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

1.284 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 128,46 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents,

1.085,35 € au titre de la rémunération compensatoire du temps de repos hebdomadaires et 108,53 € pour les congés payés afférents,

655,64 € au titre de la rémunération compensatoire du temps de repos journalier outre 65,56 € au titre des congés payés y afférent,

700,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté M. [J] du surplus de ses demandes,

ordonné l'exécution provisoire,

condamné la SARL Across aux entiers dépens.

Le 16 juin 2012, M. [J] a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour d'appel de Bordeaux le 13 mars 2014, l'affaire a été radiée. L'affaire a été réinscrite au rôle à la suite du dépôt des écritures de M. [J] au greffe de la cour le 7 septembre 2015.

Aux termes de ses conclusions déposées le 7 septembre 2015 au greffe de la Cour reprises oralement à l'audience et auxquelles il est fait expressément référence, M. [J] sollicite de la Cour qu'elle :

le déclare recevable et bien fondé en son appel,

confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Angoulême en date du 14 mai 2012, sur le montant des sommes que la SARL Across a été condamnée à lui verser,

le réforme en ce qu'il a été débouté du surplus, et statuant à nouveau,

condamne la SARL Across à payer à M. [J] les sommes de :

22 949,18 € à titre de rappel de salaires pour le temps de travail effectif, (demande augmentée)

2 294,91 € au titre des congés payés afférents,

5 508,70 € au titre des repos compensateurs obligatoires, (demande nouvelle en appel )

7 191,60 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

16 000,00 € au titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de préservation de la santé et de la sécurité ainsi que pour privation des repos hebdomadaires et journaliers, (demande nouvelle)

700,00 € à titre de dommages et intérêts pour non-déclaration d'accident de travail, (demande nouvelle)

10 000,00 € au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, (demande nouvelle)

prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail, aux torts exclusifs de l'employeur pour motif de harcèlement moral,

dise que les condamnations porteront intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes et ordonne l'exécution provisoire,

condamne l'employeur à remettre à M. [J] une nouvelle attestation Pôle Emploi rectifiée (sur le rappel de salaire) et précisant le motif de la rupture ainsi que des bulletins de salaires rectifiés, sous astreinte de 50,00 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de 8 jours, après la notification du jugement à intervenir.

À l'audience, M. [J] a en définitive abandonné ses demandes tant de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral que de résiliation judiciaire.

Au soutien de son appel, M. [J] fait valoir que :

* le contrat était conditionné au fait de devoir rester la nuit à l'hôtel ; il était à la disposition permanente de l'employeur et était à la disposition des clients qui pouvaient le contacter à toute heure de la nuit au moyen du numéro de téléphone 310 qu'ils pouvaient composer de leur chambre, six nuits sur sept; il avait une obligation de rester sur place et effectuait ainsi des heures de nuit ; l'employeur n'a pris aucune disposition, pendant dix mois, pour permettre le décompte des heures effectuées par le salarié ; ce temps de présence pendant la nuit n'était pas du temps d'astreinte car il était à la disposition permanente et immédiate de l'employeur ; il ne pouvait vaquer à ses occupations personnelles et ne pouvait quitter l'hôtel ; il rentrait à son domicile personnel le matin à 7H ou 7H30 et n'y dormait que le soir où sa présence n'était pas imposée par son employeur ; la présence d'un veilleur de nuit était requise tant par la réglementation des hôtels de 17 chambres et plus et ressort de l'attestation de l'agent commercial qui a vendu le fonds de commerce ;

il fait une décompte pour la période du 26 octobre 2009 au 4 septembre 2010 et sollicite le paiement des heures jusqu'à 35 heures et des heures supplémentaires en fonction des majorations applicables ;

il sollicite le paiement du repos compensateurs obligatoire dès lors que le seuil de 360 heures supplémentaires sur l'année a été dépassé (sans inclure les congés payés ) ;

* le travail dissimulé est constitué par le fait pour l'employeur d'avoir refusé de régler la rémunération due en compensation de son temps de repos hebdomadaire et son temps de repos entre deux jours travaillés, y compris après avoir été rappelé à l'ordre par l'inspection du travail ; il s'est volontairement abstenu de porter sur les bulletins de salaire la totalité des heures de travail ;

* l'employeur a manqué à son obligation de préservation de la santé et de la sécurité du salarié en le contraignant à rester dans une cave humide, dépourvue d'ouverture sur l'extérieur et extrêmement mal ventilée, impropre à l'habitation, 6 jours sur 7, en utilisant quotidiennement et abusivement du désodorisant, considéré comme toxique par l'Union Européenne, en refusant d'améliorer ses conditions de travail et en bafouant les dispositions relatives aux temps de repos quotidiens et hebdomadaires ; il impute son malaise sur les lieux de travail aux conditions insalubres de logement soutenant que ces conditions de travail ont dégradé progressivement sa santé ;

* aucune déclaration d'accident du travail n'a été faite par l'employeur.

Aux termes de ses conclusions déposées le 29 juillet 2016 au greffe de la Cour reprises oralement à l'audience et auxquelles il est fait expressément référence, La SARL Across, agissant en la personne de son représentant légal, sollicite de la Cour qu'elle :

dise recevable mais mal fondé M. [J] en son appel du jugement du conseil de prud'hommes d'Angoulême du 14 mai 2012,

en conséquence, confirme le dit jugement,

déboute M. [J] de sa demande de 22 949,18 € au titre de rappel de salaires pour le temps de travail effectif,

déboute M. [J] de sa demande de 2 294,91 € au titre des congés payés y afférents,

déboute M. [J] de sa demande de 5 508,70 € au titre des repos compensateurs,

déboute M. [J] de sa demande de 7 191,60 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

déboute M. [J] de sa demande de 16 000,00 € au titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de préservation de la santé et de la sécurité ainsi que pour privation des repos hebdomadaires et journaliers,

déboute M. [J] de sa demande de 700,00 € au titre des dommages intérêts pour non déclaration d'accident du travail,

déboute M. [J] de sa demande de 10 000,00 € au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,

déboute M. [J] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, aux torts exclusifs de l'employeur pour motif de harcèlement moral,

condamne M. [J] à verser à la SARL Across la somme de 2 000,00 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Across fait valoir que :

* M. [J] était domicilié à [Localité 3] et sa visite des lieux et notamment cette possibilité d'hébergement très réductrice de coût de trajet pour lui, a été déterminante dans son acceptation de l'offre d'emploi par la société Across ; il connaissait donc parfaitement ses conditions d'embauche, tant au niveau du temps de travail que de salaire, et d'hébergement ;

* M. [J] n'avait aucune fonction durant la nuit, sa présence dans l'hôtel ne se justifiant d'ailleurs pas, la gérante de la société étant la seule à pouvoir être jointe durant la nuit puisque les numéros figurant correspondaient au sien et le 310 au renvoi d'appel vers son numéro personnel ; il n' y avait aucune nécessité, eu égard à la taille modeste de l'établissement, que celui-ci dispose d'un veilleur de nuit ; il n'était tenu à aucune astreinte ni travail de tout ordre ; il n'était pas à la disposition permanente de l'employeur car les clients de l'hôtel disposaient d'un code d'accès et d'une clé ;

elle conteste le calcul des salaires réclamés par M. [J] ;

* concernant l'état de la chambre qu'il occupait, elle soutient que les photographies versées aux débats par le salarié correspondent à une cave et non à la pièce qui lui était attribuée qui disposait de trois ventilations et de tout le confort nécessaire ;

* l'inspection du travail qui est intervenue à la suite de sa saisine par M. [J] fin juin 2010 n'a relevé aucune infraction ou manquement en ce qui concerne les heures de travail de nuit et les conditions d'hébergement ; aucune de ses réclamations n'est reprise par l'inspection du travail ;

* elle conteste tout travail dissimulé ;

* jamais la société n'a tenté de porter atteinte à l'état de santé du salarié ; la pièce dont bénéficiait M. [J] était parfaitement saine, bénéficiant de confort et de ventilation ; d'ailleurs, l'Inspection du travail n'a aucunement relevé une quelconque insalubrité du logement concerné ; de plus, aucune pathologie n'est établie et encore moins en lien avec les prétendues conditions de logement de M. [J].

* le véritable motif de la démission du salarié n'est pas celui dont il profite par la présente procédure, mais son désir de travailler uniquement sur [Localité 3] et non pas à 45 kms de cette ville ;

* M. [J] ne rapporte pas la preuve des agissements répétés de son employeur constitutifs de harcèlement moral ; il n'a pas fait l'objet d'un accident du travail et ne fournit pas son dossier médical auprès du médecin du travail qui aurait permis de vérifier les démarches qu'il a faites pour faire reconnaître sa situation ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, et des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées, oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

1/ Sur le rappel de salaire

Selon le contrat de travail, M. [J] était engagé à temps partiel à raison de 130 heures par mois avec la possibilité d'effectuer des heures complémentaires dans la limite de 1/10ème des heures contractuelles par mois. Il était prévu les horaires suivants:

le soir du mardi au dimanche inclus, de 19 h à 22 h et de 18h à 22h le dimanche

le matin :

les lundi, mercredi, jeudi et vendredi de 6h à 7h

les samedi et dimanche de 7h à 8 h

Le jour de repos était fixé du lundi matin 7h30 au mardi soir 19h.

Il y était également précisé que : 'Ces horaires peuvent être modifiés pour tenir compte des spécificités de service.

Vous serez logé sur place les jours travaillés. La partie privative mise à disposition est utilisée durant les jours travaillés. Vous vous engagez à entretenir régulièrement cette partie privative ainsi que toutes les installations mises à votre disposition pour vos besoins personnels.'

La demande de M. [J] tend à lui payer l'intégralité des heures de nuit entre 22h et 6h, passées à l'hôtel alors qu'il y était logé.

Les parties conviennent toutes deux que le temps entre 22h et 6h n'était pas du temps d'astreinte, M. [J] soutenant qu'il s'agissait de travail effectif et la SARL Across qu'il n'y avait pas de travail pendant cette période.

La demande du salarié fondée sur le fait qu'il était mis à la disposition permanente de l'employeur pendant cette période de temps, que la société devait avoir un veilleur de nuit et que l'employeur n'avait pas de système d'enregistrement des horaires de travail conduit à considérer que sa demande en paiement est à la fois une demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps plein, une demande tendant à dire qu'il exécute un travail effectif de veilleur de nuit et un litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies.

Dès lors que le contrat de travail mentionne les horaires de travail de M. [J], la présomption de temps plein ne s'applique pas et il lui appartient de prouver qu'il était à la disposition permanente de l'employeur.

En l'occurrence, M. [J] a été engagé comme réceptionniste avec la tâche annexe de préparer la mise en place du buffet des petits déjeuners en fonction des heures d'ouverture. Il n'était aucunement engagé comme veilleur de nuit.

Il ne saurait s'induire de la mention 'vous serez logé sur place les jours travaillés' que le salarié avait l'obligation de dormir à l'hôtel, étant précisé qu'il est constant qu'il était domicilié à [Localité 3], à 45 km de son lieu de travail situé à [Localité 2]. Par ailleurs, contrairement à ce que M. [J] prétend, il est établi que le numéro de téléphone '310" indiqué aux clients pour joindre de leur chambre la réception après fermeture, effectuait un renvoi d'appel sur le numéro de téléphone personnel de la gérante, puisque de l'extérieur il leur était demandé de composer le numéro XXXXXXXXXX correspondant au numéro de téléphone personnel de la gérante de l'hôtel. Par ailleurs, l'attestation de M. [L] qui indique qu'une nuit entre 23h et 23h30 n'ayant pas la clé avec lui

pour revenir dans sa chambre, il avait appelé au téléphone M. [J] ne permet pas d'établir que M. [J] pouvait être joint à tout moment de la nuit par le 310. En effet, il s'induit seulement de cette attestation que M. [L] disposait du numéro de téléphone personnel de M. [J], puisqu'il l'avait joint de l'extérieur, que ce dernier avait dû lui donner puisque que l'indicatif mentionné dans la notice à destination des clients ne correspond pas à un téléphone fixe sur [Localité 2] ou à un téléphone portable.

L'attestation de Mme [I], réceptionniste dans cet hôtel depuis janvier 2010 aux termes de laquelle elle indique que 'M. [J] étant employé comme veilleur de nuit depuis le 16 octobre 2009, dort dans une pièce située au sous-sol de l'hôtel six jours sur sept pour faire acte de présence et répondre à d'éventuels problèmes dans l'hôtel', est générale et insuffisamment précise pour établir que M. [J] avait l'obligation de dormir à l'hôtel et effectuait les tâches d'un veilleur de nuit.

Par ailleurs, M. [J] n'établit pas que la SARL Across contrevenait aux dispositions de l'article MS 52 de l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public.

Ainsi M. [J] ne justifie pas effectuer les tâches d'un veilleur de nuit de sorte qu'il ne saurait prétendre à l'exécution d'un travail effectif pendant la nuit et il ne justifie pas plus avoir été à la disposition permanente de son employeur, le seul fait d'être logé la nuit sur le lieu de son emploi n'est pas suffisant pour l'établir. Ainsi sa demande en paiement des heures de nuit ne saurait prospérer sur ces fondements.

En application des dispositions des articles 1315 du code civil, 6 et 9 du code de procédure civile et L. 3171-4 du code du travail, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties. Si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il incombe à ce dernier qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement des éléments de nature à étayer sa demande, suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Il est admis que le salarié n'étaye pas sa demande lorsqu'il produit seulement un décompte récapitulatif établi mois par mois du nombre d'heures qu'il affirme avoir réalisé et un tableau ne laissant pas apparaître pour chaque jour précis, de chaque semaine précise, les horaires de travail accomplis.

M. [J] produit aux débats un décompte de ses heures de travail établi jour par jour depuis le mois de décembre 2009 jusqu'à la rupture effective du contrat de travail le 4 septembre 2010 précisant les trois périodes : heures de préparation de petit déjeuner et réception, accueil à la réception et obligation de présence sur le lieu de travail pour la sécurité des clients précisant les heures de début et de fin de période du matin ainsi que celles du soir.

Ce relevé horaire peut être considéré comme suffisamment précis en ce qui concerne les heures du soir et du matin correspondant aux plages horaires telles que définies au contrat.

L'employeur ne justifie pas d'un décompte de la durée du travail tel que prévu au sein de la convention collective nationale des HCR. Toutefois pour ce qui est des heures entre la fin du service du soir et le début du service du matin, il est établi que M. [J] n'était pas à la disposition permanente de l'employeur et que ses tâches ne correspondent pas à celle d'un veilleur de nuit, en sorte que ne pourraient être retenues que les heures complémentaires encadrant les plages horaires du soir et du matin.

Aucun bulletin de salaire n'est versé aux débats. Dès lors que l'inspecteur du travail a noté dans son courrier du 17 août 2010 que M. [J] effectuait des heures complémentaires, c'est qu'il a dû le constater au travers des bulletins de salaire qui lui ont été remis et l'absence de décompte subsidiaire du salarié permet de considérer qu'il en a été réglé.

Il s'ensuit que M. [J] sera débouté de sa demande en paiement d'heures complémentaires et heures supplémentaires ainsi que de ses demandes subséquentes en paiement au titre des repos compensatoires et d'indemnité de travail dissimulé.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande en paiement au titre des heures de travail jusqu'à 35 heures et heures supplémentaires et de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé. Il y sera ajouté le rejet de sa demande au titre des repos compensatoires obligatoires.

2/ Sur les repos journaliers

Aucune des parties ne remet en cause le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Across à verser à M. [J] une somme de 655,64 € au titre de la rémunération compensatoire des heures de repos journaliers en application de la convention collective nationale des HCR et 65,56 € au titre des congés payés afférents en sorte que le jugement sera confirmé à ce titre.

La preuve du respect des seuils et plafonds dont le repos journalier de 11 heures incombe à l'employeur.

En l'occurrence l'employeur n'apporte aucun élément pour justifier de ce respect et les décomptes détaillés des horaires de travail apportés par M. [J] laissent présumer du contraire. Il doit donc être considéré que l'employeur a manqué à cette obligation de respect des seuils et plafonds relatifs au repos journalier.

3/ Sur les repos hebdomadaires

Aucune des parties ne remet en cause le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Across à verser à M. [J] une somme de1.085,35 euros au titre de la rémunération compensatoire du temps de repos hebdomadaire et 108,53 € au titre des congés payés afférents en sorte que le jugement sera confirmé à ce titre.

Par ailleurs, en application de la convention collective nationale des HCR applicable, le repos hebdomadaire doit être de deux jours, consécutifs ou non, soit pour les établissements permanents, un jour et demi consécutif ou non et une demi journée supplémentaire pouvant être différée et reportée à concurrence de deux jours par mois. En outre tout jour de repos isolé donne lieu à une interruption minimale de 35 heures consécutives entre deux jours de travail.

L'employeur n'apporte aucun élément justifiant qu'il respecte ce seuil. Le contrat de travail ne laisse pas une journée entière de repos au salarié puisqu'il termine le travail le lundi et le recommence le mardi et il ressort du décompte de salarié qu'il n'a bénéficié de ce repos d'une journée minimum une seule fois en novembre 2009, en février 2010 et en juin 2010. Il s'ensuit que l'employeur n'a pas respecté le repos hebdomadaire.

4/ Sur l'obligation de préserver la santé et la sécurité

Le moyen avancé par M. [J] selon lequel il était logé dans des conditions insalubres ayant dégradé ses conditions de santé et provoqué son malaise le 13 juillet 2010 et celui du 12 août 2010 est inopérant dès lors que M. [J] n'était pas tenu de rester sur place pendant la nuit. Au demeurant, il n'établit pas que la ventilation était obsolète ou hors d'usage, et les photographies et attestations versées aux débats par l'employeur montrent au contraire un logement présentant tout le confort nécessaire.

Toutefois le manquement de l'employeur portant sur les repos journaliers et hebdomadaires touchent à l'obligation de sécurité et causent nécessairement un préjudice au salarié qui sera entièrement indemnisé par la somme de 2.000 euros de dommages et intérêts au regard de la durée de la relation de travail.

Il sera ajouté au jugement entrepris, s'agissant d'une demande nouvelle en appel.

Par ailleurs, rien ne permet d'établir que M. [J] a été victime d'un accident du travail puisqu'il ne produit aucun certificat médical d'arrêt de travail pour accident du travail, la qualification d' accident du travail dépendant par la suite de la compétence du tribunal des affaires de sécurité sociale. Il ne saurait donc reprocher à l'employeur d'avoir omis de déclarer un accident du travail. M. [J] sera donc débouté de sa demande nouvelle de dommages et intérêts pour défaut de déclaration d'accident du travail. Il sera ajouté au jugement à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission.

Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il reproche à son employeur, la juridiction étant alors amenée à apprécier si les griefs sont établis et s'ils sont d'une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

Le salarié a abandonné sa demande en résiliation du contrat de travail, étant précisé qu'il avait le 19 août 2010 envoyé un courrier de démission à son employeur faisant état de ses doléances concernant ses conditions de travail que le jugement entrepris avait requalifié en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En conséquence plus aucune des parties ne remet en cause le jugement entrepris et le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

Aucune des parties ne remet non plus en cause le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Across à verser à M. [J] 1.300 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 1.284 au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 128,46 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente, tant sur le principe que sur le montant des sommes allouées. Le jugement sera donc confirmé sur ces chefs.

Sur les intérêts au taux légal

Les indemnités allouées par le conseil de prud'hommes dont la décision a été confirmée porteront intérêt au taux légal à compter du jugement.

Les compléments de rémunération alloués par le conseil de prud'hommes dont la décision a été confirmée porteront intérêt au taux légal à compter de la demande présentée en audience de conciliation le 1er mars 2011.

Les dommages et intérêts accordés par la cour porteront intérêt au taux légal à compter de ce jour s'agissant de demandes nouvelles.

Sur la remise des documents de fin de contrat et bulletins de salaire rectifiés

Il convient d'ordonner la remise des bulletins de salaire rectifiés intégrant la rémunération complémentaire conventionnelle au titre des repos hebdomadaires et repos journalier outre des documents de fin de contrat rectifiés en application des décision, sans qu'il y ait lieu à astreinte.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné cette remise des documents rectifiés et rejeté la demande d'astreinte.

Il convient de rappeler que l'arrêt est exécutoire et qu'il n'y a pas lieu à ordonner l'exécution provisoire .

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La SARL Across succombant sera condamnée aux entiers dépens de l'appel. Elle sera déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL Across à verser à M. [J] 2.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison du manquement de l'employeur à ses obligations en matière de repos journalier et hebdomadaire avec intérêt au taux légal à compter de ce jour ;

Dit que les indemnités allouées par le conseil de prud'hommes dont la décision a été confirmée porteront intérêt au taux légal à compter du jugement ;

Dit que les compléments de rémunération alloués par le conseil de prud'hommes dont la décision a été confirmée porteront intérêt au taux légal à compter de la demande présentée en audience de conciliation le 1er mars 2011 ;

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Condamne la SARL Across aux entiers dépens de l'appel.

Signé par Marc SAUVAGE, Président et par Gwenaël TRIDON DE REY Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 15/05568
Date de la décision : 19/01/2017

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°15/05568 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-19;15.05568 ?
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