LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 juin 2015), que, par acte du 24 juillet 2007, la société Ker Morgane a promis de vendre des terrains à la société Lamotte constructeur (la société Lamotte) sous diverses conditions suspensives, dont l'obtention par l'acquéreur d'une autorisation de lotir ; que, la commune ayant retiré l'autorisation qu'elle avait accordée, la société Lamotte a assigné la société Ker Morgane afin de voir constater la caducité de la promesse de vente ; que la société Ker Morgane a poursuivi reconventionnellement sa résolution aux torts de la société Lamotte et l'indemnisation de ses préjudices ;
Attendu que la société Ker Morgane fait grief à l'arrêt de limiter l'indemnisation de son préjudice matériel à la somme de 100 000 euros ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine de la portée des éléments de preuve versés aux débats, que, si, par lettre du 29 septembre 2009 destinée à la mairie de Vannes, la société Lamotte avait reconnu que la société Ker Morgane avait été contrainte d'engager pour l'opération litigieuse des frais de portage s'élevant à un certain montant à cette date, cette dernière ne précisait pas le détail des frais de fonctionnement et ne versait aucune pièce permettant de justifier la réalité et le montant de ce qu'elle prétendait être le travail de commercialisation et de valorisation effectué, la cour d'appel a souverainement apprécié le montant du préjudice matériel subi par la société Ker Morgane ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Ker Morgane aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Ker Morgane.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués à la société KER MORGANE, et statuant de ce chef réformé, condamné la société LAMOTTE CONSTRUCTEUR à payer à la société KER MORGANE la somme de 100.000 € seulement à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « La société KER MORGANE réclame l'indemnisation de son préjudice du fait de cette rupture fautive imputable à la société LAMOTTE, résultant des frais et charges qu'elle supporte depuis 2007 pour les besoins du partenariat qui l'unissait au groupe LAMOTTE. Le compromis de vente ne prévoyait aucune clause de pénalité, à quelque titre que ce soit, notamment au titre des frais de fonctionnement. La société KER MORGANE soutient que les frais financiers qu'elle a supportés du 29 mars 2007 au 30 juin 2014 s'élèvent à la somme de 895.378,01€. Elle fait valoir que du fait de la résolution judiciaire elle est contrainte de reprendre entièrement le travail de commercialisation et que ses fiais de fonctionnement annuel sont de 12.000 € et elle réclame donc pour la période de 2007 à 2014 la somme de 84.000 €. Enfin elle soutient avoir subi un préjudice moral se distinguant de son préjudice financier, consécutif notamment au comportement de la société LAMOTTE et demande de ce chef la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts. La société KER MORGANE a été immatriculée le 19 février 2007 et a pour objet l'achat en vue de la revente d'immeubles de droits immobiliers, d'actions ou parts de sociétés immobilières, l'achat de biens immeubles en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et leur revente, l'acquisition de terrains en vue de leur revente par lots, destinés à être construits. Il résulte de l'attestation de l'expert-comptable de la société, Madame Claudine Y... que la société KER MORGANE a acquis les terrains litigieux en mars 2007 et a financé cette acquisition par l'ouverture d'un crédit à hauteur de 2.030.000 € auprès de la Banque Populaire de l'Ouest et d'un apport au compte courant de la société ALREA (associé unique de la société KER MORGANE) pour le solde. Il n'est pas établi que lors de l'achat des parcelles en mars 2007, la société KER MORGANE était en liens commerciaux avec la société LAMOTTE. Si seuls les terrains litigieux apparaissent en stock de la société KER MORGANE il n'est toutefois pas démontré, compte tenu de son objet, qu'elle n'a été créée que dans le but de mener cette opération immobilière avec comme seul partenaire la société LAMOTTE. Elle ne peut donc réclamer à la société LAMOTTE la totalité de ses frais et charges pendant 7 ans du fait de la rupture de leurs relations. La faute commise par la société LAMOTTE à l'origine de la rupture des relations contractuelles des deux sociétés a eu pour conséquence d'immobiliser les terrains appartenant à la société KER MORGANE et lui a fait perdre une chance de percevoir le bénéfice escompté consécutif à la vente. L'attestation de l'expert-comptable selon laquelle les frais financiers supportés par la société KER MORGANE pendant 7 ans s'élèvent à la somme de 895.378,01 € ne permet pas d'établir un lien de causalité entre l'intégralité du montant de ceux-ci et la faute commise par la société LAMOTTE. Toutefois, la société LAMOTTE par courrier du 29 septembre 2009 destiné à la mairie de VANNES, a reconnu que la société KER MORGANE a été contrainte d'engager dans le cadre de cette opération des frais de portage s'élevant à cette date à la somme de 300.000 €. Le détail des frais de fonctionnement n'est pas précisé et la société KER MORGANE ne verse aucune pièce permettant de justifier la réalité et le montant de ce qu'elle prétend être le travail de commercialisation et de valorisation effectué. Compte tenu du préjudice matériel subi par la société KER MORGANE qui n'était pas contesté par la société LAMOTTE avant la rupture des relations puisqu'elle a admis l'existence de frais de portage en lien direct avec ce projet, de l'immobilisation des terrains pendant 7 ans et de la perte d'une chance par le vendeur de pouvoir réaliser le bénéfice escompté , la société KER MORGANE sera indemnisée à hauteur de 100.000 € à titre de dommages et intérêts. Le jugement sera donc infirmé de ce chef » ;
1°) ALORS QUE l'aveu par le responsable du dommage de l'existence de celui-ci et de son quantum lie le juge ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la société LAMOTTE CONSTRUCTEUR avait, par courrier du 29 septembre 2009 destiné à la mairie de VANNES, reconnu que la société KER MORGANE avait été contrainte, du fait de la non-réalisation du projet, d'engager dans le cadre de cette opération des frais de portage s'élevant à la somme de 300.000 € ; qu'en estimant que l'attestation de l'expert-comptable selon laquelle les frais financiers supportés par la société KER MORGANE pendant 7 ans s'élevant à la somme de 895.378,01 € ne permettait pas d'établir un lien de causalité entre l'intégralité du montant de ceux-ci et la faute commise par la société LAMOTTE CONSTRUCTEUR, tout en constatant que la société LAMOTTE CONSTRUCTEUR avait reconnu que la non-réalisation du projet avait causé un préjudice à la société KER MORGANE s'élevant, a minima, à la somme de 300.000 €, la cour d'appel qui indemnise ce préjudice à hauteur de 100.000 € seulement ne tire pas les conséquences légales de ses constatations et viole l'article 1147 du Code civil, dans sa version applicable aux faits litigieux ;
2) ALORS QUE la cour d'appel, qui retient qu'il n'était pas contesté par la société LAMOTTE CONSTRUCTEUR avant la rupture des relations contractuelles, que la non-réalisation du projet avait causé un préjudice, au titre des frais de portage, d'au moins 300.000 € à la société KER MORGANE, et qui ajoute que la société KER MORGANE avait, par surcroît, perdu une chance de pouvoir réaliser le bénéfice escompté dans l'opération, et qui indemnise cette dernière à hauteur de 100.000 € seulement, ne tire pas les conséquences de ses constatations d'où il résultait que la société KER MORGANE avait le droit, d'une part, à l'indemnisation de son préjudice résultant des frais de portage, d'une part, et à l'indemnisation de la perte de chance de pouvoir réaliser les bénéfices escomptés dans l'opération, ce qui portait nécessairement le quantum du préjudice à un montant largement supérieur à 100.000 €, et viole derechef l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction applicable au présent litige.