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28/03/2018 | FRANCE | N°17-10626;17-13220

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 mars 2018, 17-10626 et suivant


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° B 17-10.626 et W 17-13. 220 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 octobre 2016), qu'en sa qualité de dirigeant de la société de droit russe Taganrogsky Avtomobilinyi Zavod, M. X... s'est porté caution solidaire du remboursement par celle-ci d'un prêt émis par la société VTB Bank ; qu'il a été condamné, en cette qualité, à payer à cette société la somme de 650 037 142,72 roubles (15 988 320,39 euros) et la taxe d'Etat d'un montant de 6

0 000 roubles (1 475,76 euros) par jugement du 2 octobre 2012 du tribunal de prem...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° B 17-10.626 et W 17-13. 220 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 20 octobre 2016), qu'en sa qualité de dirigeant de la société de droit russe Taganrogsky Avtomobilinyi Zavod, M. X... s'est porté caution solidaire du remboursement par celle-ci d'un prêt émis par la société VTB Bank ; qu'il a été condamné, en cette qualité, à payer à cette société la somme de 650 037 142,72 roubles (15 988 320,39 euros) et la taxe d'Etat d'un montant de 60 000 roubles (1 475,76 euros) par jugement du 2 octobre 2012 du tribunal de première instance Meshchansky de Moscou, confirmé, le 4 mars 2013, par le collège des magistrats des affaires civiles de ce tribunal ; que la société VTB Bank l'a assigné en exequatur de cette décision ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° B 17-10.626, pris en ses première et troisième branches et le moyen unique du pourvoi n° W 17-13.220, ci-après annexés :

Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° B 17-10.626, pris en sa deuxième branche, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de déclarer exécutoire en France le jugement du 4 mars 2013 ;

Attendu qu'ayant relevé que M. X... se bornait à soutenir que la décision étrangère était contraire à l'ordre public international de fond en ce qu'elle validait un cautionnement d'emprunt manifestement disproportionné au regard de ses capacités de remboursement, contraire aux dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, la cour d'appel a exactement retenu que celui-ci n'était pas fondé à invoquer une norme dont la méconnaissance par le juge étranger n'était pas contraire à la conception française de l'ordre public international ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. X... et la société Cerim Trading Limited aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et les condamne, chacun, à payer à la société VTB Bank la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mars deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi n° B 17-10.626 par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré exécutoire en France le jugement russe rendu le 4 mars 2013 par le collège des Magistrats des affaires civiles du Tribunal de Meshchansky de la ville de Moscou, ayant condamné Monsieur X... à payer à la société VTB Bank les sommes de 650 037 142, 72 roubles et de 60 000 roubles au titre de la taxe d'état ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'exequatur ;
Qu'en l'absence, comme tel est le cas, de convention internationale, le juge français doit s'assurer, pour accorder l'exequatur, que trois conditions sont réunies soit la compétence indirecte du juge étranger, la conformité de la décision à l'ordre public international français, de fond et de procédure, et l'absence de fraude à la loi ; qu'il ne peut procéder à une révision au fond de la décision ;

[
]

Que l'ordre public international français de fond est constitué de valeurs fondamentales et est distinct de l'ordre public interne ;

Que le juge français ne peut aborder le fond du litige déjà tranché à l'étranger ;

Que l'article 2290 du code civil ne peut donc être utilement invoqué ;

Que l'article L 341-4 du code de la consommation n'édicte pas une norme dont la méconnaissance serait contraire à la conception française de l'ordre public international ;

Considérant que l'application de l'article 1415 du code civil ne se pose pas au stade de l'exequatur ;

[
]

Que le deuxième critère est donc rempli ;

[
]

Que le jugement sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur le fond ;

Qu'aux termes de l'article 509 du Code de procédure civile, "les jugements rendus par les tribunaux étrangers et les actes reçus par les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les conditions prévues par la loi" ;

Que l'article R 212-8 du Code de l'Organisation judiciaire dispose : " Le tribunal de grande instance connaît à juge unique (
) des demandes en reconnaissance et en exequatur des décisions judiciaires et actes publics étrangers (
)" ;

Qu'en outre, en vertu de l'article 42 du Code de procédure civile, "la juridiction territorialement compétente est (
) celle du lieu où demeure le défendeur"

Que la France et la Fédération de Russie ne sont tenues par aucune convention bilatérale en matière d'exécution et de reconnaissance des jugements ;

Que dès lors, l'obtention de l'exequatur du Jugement russe doit être soumise au droit commun ;

Que la décision dont l'exequatur est demandée ne peut, en aucun cas, faire l'objet d'une révision au fond et selon la jurisprudence désormais constante du juge français, celui-ci doit s'assurer que trois conditions sont remplies pour accorder l'exequatur, à savoir :

1- la compétence indirecte du juge étranger, fondée sur le rattachement du litige au juge saisi ;

2- la conformité à l'ordre public international français de fond et de procédure ;

Que cette condition suppose notamment que la décision du 4 mars 2013 soit exécutoire dans son pays d'origine, qu'elle ait été notifiée au défendeur selon les formes de la loi étrangère applicable ;

3- L'absence de fraude à la loi ;

[
]

* En second lieu, sur la conformité à l'ordre public international français :

Que l'ordre public international français de fond est constitué des valeurs fondamentales de la société française ;

Que pour la jurisprudence, les critères de conformité d'un jugement à l'ordre public international reposent principalement sur :

" les principes de justice universelle" ;

"les fondements politiques et sociaux de la civilisation française et européenne"

"les politiques législatives ou des jurisprudences françaises impératives"

Que cette conformité n'est contesté par le défendeur qu'au fond au motif que M. X... aurait contracté un cautionnement d'emprunts beaucoup trop important au regard de ses capacités de remboursement et contreviendrait ainsi aux dispositions des articles L 341-4 du code de la consommation, 1415 et 2290 du code civil ;

Qu'outre que le fait que les capacités financières des défendeurs sont totalement inconnues du tribunal de céans, force est de constater [que] les dispositions du jugement litigieux ne heurtent pas des principes fondamentaux et des valeurs d'une importance telle qu'elles puissent contrarier l'ordre public international français ;

Que peu importe également que l'épouse de M. X... ait donné ou non son consentement au cautionnement litigieux qui est à la base de la condamnation du défendeur par les juridictions russes, c'est un problème qui concerne l'exécution du jugement et non pas la procédure [d'] exequatur dont seul est saisie la présente juridiction ;

Qu'enfin encore une fois, la juridiction française ne peut porter de jugement sur la teneur de l'obligation principale et la validité du cautionnement souscrit par le défendeur aux termes de la loi russe

Qu'en ce qui concerne la procédure qui n'est pas critiquée, il convient de constater que le jugement dont il est demandé exequatur a été valablement notifié aux défendeurs qui avaient été convoqués à l'audience selon les formes appropriées dans la loi étrangère ;

Qu'il est désormais exécutoire le 4 mars 2013, ainsi qu'en témoigne le greffe du Tribunal Meshchansky de la ville de Moscou par un document versé aux débats » ;

1°/ ALORS QU'il incombe au juge de l'exequatur de rechercher de manière concrète si le jugement étranger qui lui est soumis ne heurte pas l'ordre public international français ; que le caractère accessoire du cautionnement, tel qu'il est notamment consacré à l'article 2290 du code civil dont se prévalait Monsieur X... en l'espèce, constitue un principe essentiel du droit français dont la méconnaissance par une décision étrangère caractérise une atteinte à l'ordre public international du for ; qu'en refusant de s'assurer que la décision russe litigieuse avait été rendue conformément à ce principe au motif inopérant que « l'article 2290 du code civil juge ne p[eut] être utilement invoqué », faute pour le juge de l'exequatur de pouvoir « aborder le fond du litige », la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 509 du code de procédure civile, ensemble les principes régissant la procédure d'exequatur ;

2°/ ALORS QU'il incombe au juge de l'exequatur de rechercher de manière concrète si le jugement étranger qui lui est soumis ne heurte pas l'ordre public international français ; que l'article L 341-4 du code de la consommation dont se prévalait Monsieur X... l'espèce constitue l'expression d'un principe plus large du droit français sanctionnant les engagements portant ouvertement atteinte au principe de proportionnalité ; qu'en se bornant à affirmer de manière abstraite que l'article L 341-4 du code de la consommation n'édicte pas une norme dont la méconnaissance serait contraire à la conception française de l'ordre public international la Cour d'appel a violé l'article 509 du code de procédure civile, ensemble les principes régissant la procédure d'exequatur ;

3°/ ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'examiner l'ensemble des éléments de preuve que les parties produisent au soutien de leurs prétentions, spécialement lorsqu'en cause d'appel de nouvelles pièces sont versées aux débats ; qu'en instance d'appel Monsieur X... produisait des pièces nouvelles de nature à établir la disproportion au regard de sa situation économique du cautionnement auquel le juge russe a donné effet ; que pour écarter toute atteinte à l'ordre public international du for la Cour d'appel a retenu, à supposer adoptés les motifs du premier juge, que les « capacités financières » des époux X... demeuraient « totalement inconnues » ; qu'en se déterminant ainsi sans examiner, même sommairement, les éléments de preuve nouveaux produits devant elle, la Cour d'appel a violé les articles 455 et 563 du code de procédure civile.

Moyen produit au pourvoi n° W 17-13.220 par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Cerim Trading Limited.

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la société CERIM, d'avoir refusé de révoquer l'ordonnance de clôture et d'avoir déclaré exécutoire en France le jugement russe rendu par le Tribunal d'arrondissement de Moscou en date du 2 octobre 2012, confirmé par la cour d'appel de Moscou le 4 mars 2013 ;

Aux motifs que, « Considérant que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle, depuis son prononcé, une cause grave ;

Considérant que la société Cerim déclare être propriétaire du bien situé à Louveciennes ;

Considérant que la propriété du bien est dépourvue de lien avec la procédure d'exequatur dont l'objet est de conférer effet en France à la décision étrangère ; que la question de la propriété du bien ne se posera qu'en cas de poursuite sur celui-ci ;

Considérant que la revendication de cette propriété ne peut donc ni justifier la révocation de l'ordonnance de clôture ni rendre recevable l'intervention de la société Cerim ;

Considérant que le jugement sera confirmé de ce chef » ;

Alors que, l'intervention volontaire est recevable si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant ; que lorsqu'un créancier demande l'exequatur d'une décision étrangère lui reconnaissant un droit de créance, dans le but de poursuivre l'exécution du jugement par la saisie immobilière d'un bien, le véritable propriétaire du bien a naturellement intérêt à intervenir volontairement à l'instance en exequatur afin de défendre son droit de propriété ; qu'en l'espèce, en jugeant que la propriété du bien est dépourvue de lien avec la procédure d'exequatur dont l'objet est de conférer effet en France à la décision étrangère et que la question de la propriété du bien ne se posera qu'en cas de poursuite sur celui-ci, sans avoir recherché si la demande d'exequatur n'apparaissait pas comme un acte préalable à des mesures d'exécution forcée visant à faire saisir l'immeuble sis à Louveciennes, propriété de la société CEPRIM et non de Monsieur X..., débiteur de la société VTB BANK, donnant ainsi intérêt à la société CEPRIM à intervenir à l'instance pour la sauvegarde de ses droits, en lien avec les prétentions de Monsieur X..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 325 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-10626;17-13220
Date de la décision : 28/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 20 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 mar. 2018, pourvoi n°17-10626;17-13220


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Spinosi et Sureau, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.10626
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