LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée le 17 mars 2011, en qualité de collaboratrice de direction, par la société Collège ostéopathique Sutherland (COS) Ile-de-France, aux droits de laquelle vient la société Novetude ostéopathie F.I, a été promue, en octobre 2011, adjointe de direction ; qu'après avoir dénoncé à la médecine du travail les méthodes de gestion de la nouvelle direction, elle a été placée en arrêt maladie du 26 mars au 1er avril 2012 puis du 24 au 25 mai 2012 ; qu'elle s'est plainte, le 5 juin 2012, d'un choc réactionnel à une réunion auprès du médecin du travail qui l'a déclarée inapte temporaire, a été arrêtée à compter du 6 juin 2012 et n'a pas repris le travail ; qu'elle a été licenciée, le 24 août 2012, pour faute grave ; que, le 10 septembre 2012, la caisse primaire d'assurance maladie a reconnu le caractère professionnel de l'accident survenu le 5 juin 2012 ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen, qui est recevable :
Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
Attendu que pour dire nul le licenciement de la salariée et condamner l'employeur à diverses sommes au titre de la rupture, l'arrêt retient que le licenciement prononcé à l'encontre de la salariée qui a subi des faits de harcèlement moral est nul, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le bien fondé du licenciement pour faute grave ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser le fait que la salariée avait été licenciée pour avoir subi ou refusé de subir un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit nul le licenciement de Mme Y... pour avoir subi un harcèlement moral de la part de la société Novetude ostéopathie F.I SAS, venant aux droits de la société Collège ostéopathique Sutherland (COS) Ile-de-France et condamne cette société à payer à Mme Y... les sommes de 4 800 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 480 euros au titre des congés payés y afférents, 468 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et 17 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul, l'arrêt rendu le 2 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Osteopathie F.I.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit nul le licenciement de la salariée pour avoir subi un harcèlement moral, d'AVOIR condamné la Société NOVETUDE OSTÉOPATHIE à verser à Madame Y... les sommes de 4.800 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés y afférents, de 468 € au titre de l'indemnité légale de licenciement, de 17.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, de 5.181 € à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre les congés payés y afférents, de 14.400 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé, et de 1.000 € à titre de dommages-intérêts au titre du dossier prévoyance ;
AUX MOTIFS QUE « à l'appui du harcèlement moral, Mme Y... soutient que la réorganisation du Groupe COS en 2012 s'est accompagnée de méthodes manageriales brutales de la part de la direction, spécialement de Mme A..., qui se sont manifestées par le dénigrement de l'ensemble du personnel et dans le cas particulier de Mme Y... par des ordres contradictoires, des remontrances publiques, des insultes et une mise à l'écart et qui ont fini par retentir gravement sur sa santé. Au nombre des très nombreuses pièces que produit Mme Y..., la cour écarte toutes celles qui ne reposent que sur ses seules affirmations et retient comme les plus pertinentes : - les alertes de M. B..., directeur opérationnel, signalant la dégradation des conditions de travail de l'équipe du COS Paris à sa hiérarchie : * un courriel, adressé le 18 octobre 2011 à Mme A..., lui reprochant d'annoncer aux étudiants et enseignants que son équipe est responsable des dysfonctionnements de l'école, tels que des dédoublements de planning et lui rappelant l'engagement professionnel de ses membres ; * un courriel, adressé le 24 avril 2012 pour des raisons de confidentialité via sa messagerie personnelle directement à Mme C..., directrice générale adjointe, détaillant longuement les réprimandes répétées et la plupart du temps infondées, depuis la mise en place de la nouvelle direction et signalant avoir trouvé des membres de son équipe en pleurs après des appels téléphoniques du siège ou des visites de la direction ; * l'attestation de M. B..., lui même licencié pour inaptitude suite à un avis unique visant le danger immédiat pour sa santé, ajoutant que Mme A... a fait subir à Mme Y... une pression disproportionnée par rapport aux limites de son poste, des remarques humiliantes alors qu'elle était mise à l'écart des informations ou des réunions la concernant et affirmant que les délégués du personnel leur ont dit à tous deux que 'Mme A... voulait la peau de Mme Y...' ; - les attestations de quatre anciens collègues dont celle de Mme Marie G... décrivant les ordres contradictoires et les reproches faits à son arrivée par Mme A... à l'équipe et indiquant avoir vu personnellement Mme Y... 's'effondrer dans son bureau' ; - les attestations d'anciens étudiants, tels que Mme D..., déléguée des élèves, qui exprime sa satisfaction de l'efficacité et de la disponibilité de Mme Y... et qui a vu Mme A... humilier ou ridiculiser les équipes, les traitant d'incompétents devant les élèves et Mme Y... 'dépérir et triste' et celle de Mme E... qui a eu vent, fin juin, de rumeurs de menace de licenciement de l'équipe administrative ; - les évaluations du 8 novembre 2011 et du 12 avril 2012 de la salariée par M. B... qui confirment ses qualités professionnelles en retenant sa bonne prise de fonctions puis en lui donnant la note finale de 4,5 entre 'maîtrise (4)' et 'maîtrise parfaitement (5)' dans plusieurs domaines, étant souligné qu'il a relevé, à plusieurs reprises à la note maximale, l'auto-évaluation faite par la salariée de ses performances, notamment l'item 's'emploie à répondre aux attentes des interlocuteurs externes et internes' et ceux liés à la communication et relation d'équipe'; - le courrier, adressé le 24 mai 2012, par le médecin du travail au président du COS lui faisant part de son inquiétude concernant la santé de plusieurs salariés pour avoir 'pu constater une atteinte de leur état de santé physique et mentale motivée par une dégradation des conditions de travail principalement due à des agissements (déstabilisation, vexations diverses, injonctions paradoxales, modification du contenu du travail...)' ; - l'intervention de l'inspection du travail, par lettre du 29 mai 2013, certes postérieure au licenciement, qui, après enquête et auditions de six salariés du service administratif et pédagogique et de la directrice des ressources humaines, retrace l'historique de la mise sous pression des salariés à compter de l'alerte donnée par l'ancien directeur ; l'inspection rappelle les deux démissions et trois licenciements dont deux pour faute grave intervenues durant l'été 2012 puis en février 2013 ; il indique que la souffrance au travail n'a pas disparu au jour de l'enquête avec l'incertitude qui est maintenue sur la redistribution des tâches et recommande à l'employeur de faire appel à un organisme extérieur pour le diagnostic des risques et la préconisation d'orientations ; - le fait que la déclaration d'accident du travail du 5 juin 2012 établie dès le lendemain par M. B..., en qualité de directeur d'établissement n'a pas été transmise à la caisse ce qui a valu à la salariée un rappel de la CPAM le 25 juin 2012 et l'a contrainte à relancer à son tour l'employeur puis à régulariser elle-même la situation ; - les pièces médicales faisant état de la dégradation de l'état de santé de la salariée, à savoir les arrêts de travail délivrés par son médecin traitant du 26 mars au 1er avril, les 24-25 mai 2012 mentionnant une anxiété réactionnelle, l'avis d'inaptitude temporaire délivré le 5 juin 2012 par le médecin du travail consulté par la salariée, la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 5 juin 2012, les avis de prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 2 juin 2013 et les attestations des 12 juillet et 22 août 2012 du Docteur F... du service de souffrance au travail de l'hôpital Raymond Poincaré de Garches qui atteste de troubles du sommeil persistants et de la nécessité d'intensifier son traitement médical, le médecin-traitant de salarié attestant en outre le 31 décembre 2013 d'un suivi médical et en milieu spécialisé pour état anxio-dépressif depuis juin 2012. Au total, la cour considère que les pièces, ci-dessus produites par Mme Y..., établissent des faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; il incombe donc à la Société de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Pour contester le harcèlement moral, la Société objecte essentiellement que Mme Y... faisait partie d'un petit groupe de salariés ayant lancé une opération de dénigrement du Groupe COS aussi bien auprès des élèves que des salariés dans le but de monter une structure concurrente et qui a formulé de fausses accusations à l'encontre de la Société. La Société verse des attestations ou courriers d'enseignants assurant qu'ils n'ont rien à voir avec la structure ACO citée dans la lettre de licenciement et la démarche de leurs collègues. Ces attestations sont contredites par celles produites par Mme Y... émanant d'anciens élèves qui affirment qu'elle n'a pas participé à la réunion du 5 juillet 2012 présentant cette structure et surtout par le compte-rendu de ladite réunion qui ne la cite en aucune manière. La société soutient aussi que les échanges ont toujours été cordiaux entre l'équipe dirigeante et l'équipe administrative notamment entre Mme A... et Mme Y... en communiquant des exemples de mails échangés entre le 19 décembre 2011 et le 23 mai 2012. La cour observe que le ton courtois de ces écrits est démenti par les témoignages produits par Mme Y... sur les propos plus vifs et humiliants tenus par Mme A... lors de ses appels téléphoniques ou visites dans les locaux du COS et surtout sur la manière dont ils ont été vécus par l'équipe et Mme Y.... Figure d'ailleurs au dossier de la Société un courriel de Mme A... du dimanche 8 juillet 2012 à 18 h 34 intitulé 'Ultra Important/Et la saga COS IDF continue', qui démontre que Mme A... peut faire montre d'une certaine acrimonie puisqu'elle conclut son courrier 'Aucun deal avec M. B... et essayer de le garder et de l'embêter le plus longtemps possible'. La Société estime que la restructuration du Groupe COS entrait tout à fait dans le cadre de son pouvoir de direction et a été mal vécue par l'équipe du COS. Il n'en demeure pas moins que la médecine du travail et l'inspection du travail, alertés par plusieurs salariés, sont intervenus auprès de l'employeur pour lui faire part de leur constat d'une souffrance au travail de plusieurs salariés (dont Mme Y... citée par l'inspection) imputable à la nouvelle direction et pour lui recommander de prendre des mesures pour y mettre fin, peu important que les représentants du personnel n'aient pas été saisis par la salariée. La cour estime enfin que l'employeur n'apporte aucun élément permettant de combattre les éléments apportés par la salariée sur le lien entre la détérioration de son état de santé et les agissements de l'employeur, particulièrement l'avis de médecins spécialisés dans le diagnostic et le traitement de la souffrance au travail et la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 5 juin 2012. A cet égard, la cour maintient cette analyse en toute connaissance de cause du principe de l'indépendance du juge prud'homal par rapport à la décision de la CPAM de reconnaître le caractère professionnel d'un accident. Considérant que la Société ne rapporte pas la preuve que les agissements dénoncés et établis par Mme Y... aient été justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, ces agissements sont constitutifs de harcèlement moral » ;
ET AUX MOTIFS QUE « faisant application des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail, la cour dit que le licenciement prononcé à l'encontre de Mme Y... qui a subi des faits de harcèlement moral est nul, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le bien fondé du licenciement pour faute grave » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'annulation d'un licenciement en raison du harcèlement moral dont un salarié a fait l'objet ne peut être prononcée que s'il est établi que celui-ci a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements ; qu'en l'absence au contraire de lien établi avec le harcèlement, le licenciement n'est pas entaché de nullité ; qu'en se bornant à retenir que « le licenciement prononcé à l'encontre de Mme Y... qui a subi des faits de harcèlement moral est nul, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le bien fondé du licenciement pour faute grave », sans constater l'existence d'un lien concret et direct entre le harcèlement moral reproché et le licenciement pour faute grave de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la société NOVETUDE OSTEOPATHIE a procédé au licenciement de Madame Y... pour faute grave en raison de la suppression délibérée par la salariée de centaines de documents informatiques de travail de la société, ce qui a gravement perturbé le fonctionnement de l'école, et de sa participation déloyale à la création d'une école concurrente en cours d'exécution du contrat de travail ; qu'en prononçant la nullité du licenciement de Madame Y... au motif que « le licenciement prononcé à l'encontre de Mme Y... qui a subi des faits de harcèlement moral est nul, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur le bien fondé du licenciement pour faute grave », sans rechercher si les fautes reprochées à la salariée dans la lettre de licenciement n'étaient pas justifiées et si elles ne constituaient pas le seul motif de licenciement sans lien avec le harcèlement moral reproché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1232-1, L. 1234-1, L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la Société NOVETUDE OSTÉOPATHIE à verser à Madame Y... la somme de 14.400 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
AUX MOTIFS QUE « Mme Y... réclame une indemnité de 14 400 euros de ce chef à laquelle s'oppose la Société soutenant qu'elle décomptait en toute bonne foi les jours de RTT accumulés par la salariée. En droit, la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Dans le cas d'espèce, la volonté de la Société de dissimuler les heures supplémentaires effectuées par Mme Y... est caractérisée par le fait de mettre en place des formulaires de relevés d'écart d'horaire faisant apparaître un nombre élevé d'heures de travail (à titre d'exemple : 46,50 heures supplémentaires non récupérées en janvier 2012) et de mentionner sur les bulletins de paie de Mme Y... la référence à une convention de forfait jour que la salariée n'avait jamais signée pour éviter le paiement desdites heures. Il y a lieu d'infirmer le jugement de ce chef et d'allouer à Mme Y... une indemnité de 14400 euros en application du texte précité » ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu de l'article L. 8221-5 du code du travail, le délit de travail dissimulé n'est caractérisé que lorsque l'employeur s'est soustrait de manière intentionnelle à l'accomplissement des formalités prévues par l'article L. 3243-2 du Code du travail ; que le caractère intentionnel ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite ; qu'en déduisant l'intention de dissimulation d'activité « par le fait [pour l'employeur] de mettre en place des formulaires de relevés d'écart d'horaire faisant apparaître un nombre élevé d'heures de travail (à titre d'exemple : 46,50 heures supplémentaires non récupérées en janvier 2012) et de mentionner sur les bulletins de paie de Mme Y... la référence à une convention de forfait jour que la salariée n'avait jamais signée », alors que la seule mise en oeuvre d'une convention de forfait illicite ne pouvait caractériser en soi l'existence de l'élément intentionnel exigé par l'article L. 8221-5 du code du travail, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-5 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en déduisant l'intention de dissimulation d'activité « par le fait [pour l'employeur] de mettre en place des formulaires de relevés d'écart d'horaire faisant apparaître un nombre élevé d'heures de travail (à titre d'exemple : 46,50 heures supplémentaires non récupérées en janvier 2012) et de mentionner sur les bulletins de paie de Mme Y... la référence à une convention de forfait jour que la salariée n'avait jamais signée », alors que le fait d'avoir fait apparaitre un nombre élevé d'heures de travail sur un relevé d'écart horaire - que l'employeur considérait comme payées dans le cadre d'une convention de forfait - ne permettait pas non plus de caractériser l'existence de l'élément intentionnel, la cour d'appel a derechef violé l'article L. 8221-5 du code du travail.