LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 mai 2016), que l'administration fiscale a notifié à M. X... une proposition de rectification des déclarations qu'il avait souscrites au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû pour les années 2006 et 2007 et qu'un avis de mise en recouvrement lui a été adressé le 4 décembre 2008 pour le paiement d'un surplus de cet impôt ; qu'un avis de mise en recouvrement rectificatif, ne visant aucun texte, a été émis le 24 septembre 2012, annulant et remplaçant le précédent ; qu'après rejet de sa réclamation, M. X... a saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargé de ce supplément d'imposition ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article R.* 256-1 du livre des procédures fiscales que l'avis de mise en recouvrement (AMR) doit reprendre l'indication complète et exacte des textes légaux sur lesquels il s'appuie de manière à mettre le contribuable en l'état de pouvoir contester l'imposition ou lui donner son approbation ; qu'en l'espèce, à la suite de l'avis de mise en recouvrement initial du 4 décembre 2008 visant un article du code général des impôts qui n'existait pas au jour du fait générateur de l'ISF litigieux, a été émis un avis rectificatif du 24 septembre 2012, l'annulant et le remplaçant, lequel ne mentionnait aucun texte ; qu'en affirmant qu'aucun texte n'imposait à l'administration de mentionner les textes pertinents dans l'avis de mise en recouvrement et qu'il suffisait qu'ils figurent dans la proposition de rectification, pour écarter l'irrégularité encourue de ce fait, la cour d'appel a violé l'article R.* 256-1 du livre des procédures fiscales ;
2°/ qu'en palliant l'absence de tout visa dans l'avis de mise en recouvrement par les mentions figurant dans la proposition de recouvrement, dont elle constatait pourtant qu'elle contenait des erreurs à ce titre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que, selon l'article R.* 256-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction en vigueur à sa date d'émission, l'avis de mise en recouvrement litigieux indique, pour chaque impôt ou taxe, le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui en font l'objet et que lorsque cet avis est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 du même livre ainsi que, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ; qu'il constate que l'avis du 24 septembre 2012 mentionne que la créance réclamée a pour origine la proposition de rectification du 4 juillet 2008 et la réponse aux observations du contribuable du 30 septembre 2008, que cette créance a pour nature l'impôt de solidarité sur la fortune, qu'elle concerne les droits relatifs à la période de janvier à décembre 2006 et de janvier à décembre 2007 et que sont mentionnés le montant des droits et majorations pour chacune de ces périodes ainsi que le montant total des sommes dues ; que la cour d'appel en a exactement déduit que l'article R.* 256-1 du livre des procédures fiscales n'exige pas que l'avis de mise en recouvrement comporte expressément la mention des textes applicables et que les indications portées sur l'avis en cause, faisant référence à la proposition de rectification du 4 juillet 2008, permettaient à M. X... d'avoir connaissance des droits faisant l'objet de cet avis et des bases de calcul de l'imposition litigieuse ;
Et attendu, d'autre part, que l'arrêt constate que la proposition de rectification vise les articles 760, 885 A et 885 E du code général des impôts, notamment au paragraphe "motivation juridique", et que si l'article 885 est cité dans ce paragraphe au lieu de l'article 885 A, ce dernier est mentionné à plusieurs reprises par ailleurs ; qu'il retient que la mention de l'article 885 résulte d'une erreur matérielle qui s'avère sans incidence sur la compréhension du document et sur l'information relative aux textes effectivement applicables ; que la cour d'appel a pu en déduire que l'avis de mise en recouvrement du 24 septembre 2012 avait été régulièrement émis ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu que M. X... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte des stipulations du protocole d'accord du 29 juin 2005 que l'indemnité d'éviction de 11 800 000 euros ne serait versée à M. X... que sous réserve des conditions prévues aux articles 3 et 4 de cette même convention ; que, d'une part, ledit article 3 subordonnait le versement intégral de l'indemnité d'éviction, dont le principe était acquis, à une condition impérative tenant à sa libération des locaux le 3 janvier 2006 à 10 heures, exigence assortie de formalités relatives à un constat de reprise de possession et de remise des clés, établi et signé conjointement par les deux parties (article 3.1) ; que, d'autre part, il prévoyait, à défaut de restitution des locaux à cette date et selon ces modalités, des pénalités de plein droit d'une somme égale à 1 % du montant de l'indemnité d'éviction par jour de retard ; qu'en considérant que le montant de l'indemnité d'éviction était définitivement acquis dès la signature du protocole en juin 2005, quand il résultait des stipulations rappelées qu'il pouvait être substantiellement réduit en cas d'application de pénalités proportionnelles au montant de l'indemnité d'éviction en cas de restitution tardive des lieux postérieurement au 3 janvier 2006 et, partant, que son versement intégral demeurait conditionnel et aléatoire jusqu'à ce dernier événement, la cour d'appel a dénaturé les articles 2, 3 et 4 du protocole du 29 juin 2005 et ainsi violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;
2°/ qu'il résulte de l'article 885 E du code général des impôts que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables ; qu'en considérant que le montant de l'indemnité d'éviction était acquis dès la signature du protocole en juin 2005, quand il résultait des stipulations rappelées qu'il pouvait être substantiellement réduit en cas d'application de pénalités proportionnelles au montant de l'indemnité d'éviction en cas de restitution tardive des lieux postérieurement au 3 janvier 2006 et, partant, que son montant définitif demeurait subordonné à cet événement postérieur au 1er janvier 2006, date du fait générateur de l'ISF 2006, la cour d'appel a violé l'article 885 E du code général des impôts ;
Mais attendu qu'ayant retenu, sans dénaturation, que le protocole d'accord conclu le 29 juin 2005 entre M. X... et son bailleur avait fixé de manière certaine le principe et le montant de l'indemnité d'éviction due à M. X..., peu important les pénalités prévues en cas de non-restitution éventuelle des locaux à la date convenue, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 885 E du code général des impôts ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer au directeur général des finances publiques la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande de dégrèvement des impositions au titre de l'ISF telles que figurant sur l'avis de mise en recouvrement émis le 24 septembre 2012 ;
AUX MOTIFS QUE « selon l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales en vigueur à la date d'émission de l'AMR litigieux, l'avis de mise en recouvrement indique, pour chaque impôt ou taxe, le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retards qui font l'objet de cet avis ; que, lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L 57 ou à la notification prévue à l'article L 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ; qu'en l'espèce l'AMR critiqué du 24 septembre 2012, qui remplace et annule l'AMR du 4 décembre 2008, mentionne que la créance réclamée a pour origine la proposition de rectification du 4 juillet 2008 et la réponse aux observations du contribuable 30 septembre 2008, qu'elle a pour nature l'impôt de solidarité sur la fortune, qu'elle concerne des droits relatifs à la période du « 01-2006 à 12-2006 » ainsi qu'à celle du « 01-2007 à 12-2007 » ; que sont mentionnés le montant des droits et majorations pour chacune de ces périodes et le montant total des sommes dues, soit 125 864 euros ; que le texte susvisé n'exige pas que l'AMR comporte expressément la mention des textes applicables ; que les indications portées sur l'AMR querellé, qui fait expressément référence à la proposition de rectification du 4 juillet 2008, permet à M. X... d'avoir connaissance des droits faisant l'objet de l'avis et des bases de calcul de l'imposition litigieuse ; qu'en effet, cette proposition se réfère expressément aux articles 765, 885 A et 885 E du code général des impôts, notamment au paragraphe « motivation juridique » ; que l'erreur matérielle contenue à la fin dudit paragraphe, qui vise l'article 885 au lieu de l'article 885 A mentionné à plusieurs reprises par ailleurs, est sans incidence sur la compréhension du document et sur l'information relative au texte effectivement applicable ; que dans ces conditions (
) l'avis de mise en recouvrement du 24 septembre 2012 a été régulièrement émis ; que le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a statué en sens contraire » ;
1) ALORS QU'il résulte de l'article R* 256-1 du livre des procédures fiscales que l'avis de mise en recouvrement (AMR) doit reprendre l'indication complète et exacte des textes légaux sur lesquels il s'appuie de manière à mettre le contribuable en l'état de pouvoir contester l'imposition ou lui donner son approbation ; qu'en l'espèce, à la suite de l'avis de mise en recouvrement initial du 4 décembre 2008 visant un article du code général des impôts qui n'existait pas au jour du fait générateur de l'ISF litigieux, a été émis un avis rectificatif du 24 septembre 2012, l'annulant et le remplaçant, lequel ne mentionnait aucun texte ; qu'en affirmant qu'aucun texte n'imposait à l'administration de mentionner les textes pertinents dans l'avis de mise en recouvrement et qu'il suffisait qu'ils figurent dans la proposition de rectification, pour écarter l'irrégularité encourue de ce fait, la cour d'appel a violé l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;
2) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en palliant l'absence de tout visa dans l'avis de mise en recouvrement par les mentions figurant dans la proposition de recouvrement, dont elle constatait pourtant qu'elle contenait des erreurs à ce titre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, en violation de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. X... de sa demande de dégrèvement des impositions au titre de l'ISF telles que figurant sur l'avis de mise en recouvrement émis le 24 septembre 2012 ;
AUX MOTIFS QU' : « qu'il résulte de l'article 885 E du code général des impôts que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année, de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l'article 885 A, c'est-à-dire notamment aux personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France ; que le protocole d'accord conclu entre M. X... et son bailleur le 29 juin 2005 a fixé « forfaitairement et pour solde de tout compte » l'indemnité d'éviction due au premier ; que l'indemnité d'éviction n'était ni conditionnelle, ni aléatoire dès lors que le principe du congé était acquis ; que ce n'est pas le principe de l'indemnité fixée qui était conditionnée par le départ effective de M. X... et la restitution des locaux, laquelle devait intervenir au plus tard le 3 janvier 2006 ; que les pénalités prévues à défaut de restitution des locaux ne portaient pas atteinte au caractère certain de l'indemnité d'éviction fixée ; qu'elles assortissaient seulement la bonne exécution du protocole en ce qui concerne la restitution des lieux ; qu'à supposer que ces pénalités aient trouvé à s'appliquer, ce qui n'est pas soutenu, elles auraient donné lieu à un compte entre les parties, sans pour autant remettre en cause le montant de l'indemnité d'éviction ; que, par suite, l'accord intervenu faisait la loi des parties sur un montant qui ne pouvait être remis en question de sorte que l'administration fiscale fait à juste titre valoir que la somme de 11 800 000 euros était entrée dans le patrimoine de M. X... au 1er janvier 2006, date du fait générateur et qu'elle devait figurer dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune pour l'année considérée » ;
1) ALORS QU'il résulte des stipulations du protocole d'accord du 29 juin 2005 que l'indemnité d'éviction de 11 800 000 euros ne serait versée à M. X... que sous réserve des conditions prévues aux articles 3 et 4 de cette même convention ; que, d'une part, ledit article 3 subordonnait le versement intégral de l'indemnité d'éviction, dont le principe était acquis, à une condition impérative tenant à sa libération des locaux le 3 janvier 2006 à 10 heures, exigence assortie de formalités relatives à un constat de reprise de possession et de remise des clés, établi et signé conjointement par les deux parties (article 3.1) ; que, d'autre part, il prévoyait, à défaut de restitution des locaux à cette date et selon ces modalités, des pénalités de plein droit d'une somme égale à 1 % du montant de l'indemnité d'éviction par jour de retard ; qu'en considérant que le montant de l'indemnité d'éviction était définitivement acquis dès la signature du protocole en juin 2005, quand il résultait des stipulations rappelées qu'il pouvait être substantiellement réduit en cas d'application de pénalités proportionnelles au montant de l'indemnité d'éviction en cas de restitution tardive des lieux postérieurement au 3 janvier 2006 et, partant, que son versement intégral demeurait conditionnel et aléatoire jusqu'à ce dernier évènement, la cour a dénaturé les articles 2, 3 et 4 du protocole du 29 juin 2005 et ainsi violé l'article 1134 du code civil, devenu l'article 1103 du même code ;
2) ALORS QU'il résulte de l'article 885 E du code général des impôts que l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables ; qu'en considérant que le montant de l'indemnité d'éviction était acquis dès la signature du protocole en juin 2005, quand il résultait des stipulations rappelées qu'il pouvait être substantiellement réduit en cas d'application de pénalités proportionnelles au montant de l'indemnité d'éviction en cas de restitution tardive des lieux postérieurement au 3 janvier 2006 et, partant, que son montant définitif demeurait subordonné à cet évènement postérieur au 1er janvier 2006, date du fait générateur de l'ISF 2006, la cour d'appel a violé l'article 885 E du code général des impôts.