LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 février 2016), que la société Hutchinson, propriétaire d'un fonds de commerce de fabrication d'objets en caoutchouc et notamment d'accessoires pour automobiles, exploité en location-gérance par la société Paulstra SNC (la société Paulstra), était propriétaire du brevet européen EP 0 6 910 481 couvrant des « perfectionnements aux bielles qui relient certains organes vibrants des véhicules aux caisses de ces véhicules » ; que la société Paulstra disposait d'une licence exclusive d'exploitation de ce brevet ; que ces deux sociétés ont agi en contrefaçon de ses revendications 1, 2, 4 et 5 contre la société G... industrie , devenue par la suite la société Steva Orléans, et la société CF Gomma Z... F... ; que cette dernière étant en redressement judiciaire, Mme X... et la SCP D...Y... , respectivement administrateur judiciaire et représentant des créanciers, ont été appelées en intervention forcée ; que la société CF Gomma Z... F... a fait l'objet d'un plan de cession au groupe Silver Point UKV ; que son fonds de commerce a ensuite été donné en location-gérance à la société Polymères Z... F... , devenue la société Cooper Standard France, qui a également été assignée en contrefaçon ; qu'un arrêt du 21 octobre 2011 a accueilli les demandes formées par les société Hutchinson et Paulstra, et ordonné une expertise afin d'être en mesure de statuer sur les préjudices ; que cet arrêt a été partiellement cassé, mais seulement en ce qu'il disait que les sociétés CF Gomma Z... F... et Cooper Standard France avaient commis des actes de contrefaçon des revendications 2, 4 et 5 du brevet en cause ; que le rapport d'expertise judiciaire ayant été déposé, la cour d'appel a statué sur l'indemnisation des actes de contrefaçon de la revendication 1 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les sociétés Hutchinson et Paulstra font grief à l'arrêt de rejeter une partie de leurs demandes indemnitaires alors, selon le moyen :
1°/ que, dans son dispositif, l'arrêt du 21 octobre 2011 a « dit que les bielles décrites dans les procès-verbaux des 23 et 24 mai et 11 juillet 2005, 1er et 2 février 2007 ainsi que dans le rapport de calcul du 15 septembre 2006 et dans les mesures effectuées les 8 avril, 7 juillet, 28 août et 27 octobre 2010 » reproduisent les moyens de la revendication 1 du brevet EP 691 481 et « qu'en fabriquant, en détenant, en utilisant, en offrant, en mettant dans le commerce et en fournissant les moyens de mettre en oeuvre de telles bielles, notamment sur des moteurs de véhicules, les sociétés Steva Orléans et CF Gomma Z... F... ont commis des actes de contrefaçon de brevet à leur préjudice en application des articles L. 613-3, L. 613-4 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle » ; que cet arrêt a ainsi jugé que les sociétés Steva Orléans et CF Gomma Z... F... ont commis des actes de contrefaçon en fabriquant, utilisant, offrant, mettant dans le commerce et fournissant des moyens de mettre en oeuvre des bielles qui, telles celles décrites dans les documents susvisés, présentent une structure reproduisant les moyens de la revendication 1, sans limiter l'étendue de la masse contrefaisante aux seules références mentionnées dans les procès-verbaux, le rapport de calcul et les mesures effectuées susvisés ; que la cour d'appel, chargée d'évaluer le préjudice résultant de la contrefaçon, restait saisie de la question de la détermination de l'étendue précise de cette masse contrefaisante ; qu'en retenant, au contraire, qu'il résulterait du dispositif de l'arrêt du 21 octobre 2011 que la masse contrefaisante se limiterait aux seules quatre « premières références » spécifiquement visées dans les procès-verbaux des 23 et 24 mai et 11 juillet 2005, 1er et 2 février 2007 ainsi que dans le rapport de calcul du 15 septembre 2006 et dans les mesures effectuées les 8 avril, 7 juillet, 28 août et 27 octobre 2010, la cour d'appel a méconnu la portée de l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt, en violation des articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
2°/ que l'autorité de chose jugée n'est attachée qu'à la contestation tranchée par le juge et ne dessaisit ce dernier que de cette seule contestation ; qu'à supposer même que l'arrêt du 21 octobre 2011 ait uniquement tranché la question du caractère contrefaisant des quatre « premières références » spécifiquement visées dans les procès-verbaux, le rapport de calcul et les mesures effectuées précités, l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt avait pour seul effet de dessaisir la cour d'appel de la contestation portant sur le caractère contrefaisant de ces quatre « premières références », et ne faisait pas obstacle à l'obligation pour elle de se prononcer sur la demande, formée par les sociétés Hutchinson et Paulstra dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, tendant à voir inclure dans la masse contrefaisante les six « deuxièmes références » qui avaient été spontanément présentées par les sociétés Cooper Standard France et CF Gomma Z... F... , lors des opérations d'expertise, et qualifiées par ces deux sociétés, de bielles « identiques ou similaires portant des références différentes » de celles des quatre premières références ; qu'en estimant, au contraire, que l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 21 octobre 2011 lui interdirait de connaître d'une telle demande, la cour d'appel a violé les articles 480 et 481 du code de procédure civile ensemble l'article 1351 du code civil ;
Mais attendu que le produit contrefaisant est celui dont il est jugé qu'il réalise matériellement la contrefaçon en mettant en oeuvre, sans autorisation, les enseignements du brevet ; que la masse contrefaisante est constituée de l'ensemble des produits répondant à cette définition ; que, saisie de conclusions soutenant, non pas que les six références de bielles présentées en cours d'expertise caractérisaient aussi une contrefaçon, à l'instar des quatre modèles ayant fait l'objet de l'arrêt du 21 octobre 2011, mais que, mettant pareillement en oeuvre les enseignements du brevet, les bielles correspondantes feraient partie de la masse contrefaisante retenue par cet arrêt, c'est à juste raison que la cour d'appel a retenu que les sociétés Hutchinson et Paulstra n'étaient pas fondées à se prévaloir d'une masse excédant le périmètre défini par les quatre références ayant donné lieu à une déclaration judiciaire de contrefaçon ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les sociétés Hutchinson et Paulstra font le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen, que le juge ne peut se fonder sur l'insuffisance des preuves fournies par le demandeur pour refuser d'évaluer le montant d'un préjudice dont il constate l'existence dans son principe ; que le titulaire d'un brevet qui n'exploite pas personnellement l'invention est en droit d'être indemnisé du préjudice économique que lui cause la contrefaçon, ne serait-ce qu'au titre des redevances qui lui auraient été dues si le contrefacteur lui avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ; qu'en relevant, pour refuser d'accorder toute indemnisation à la société Hutchinson au titre de son préjudice économique, que cette société ne fournirait « aucun élément d'appréciation permettant à la cour de lui allouer, autrement que de manière hypothétique et arbitraire, une somme forfaitaire supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte » et « aucun élément sur les gains que lui aurait rapportés la licence du brevet », tout en ayant constaté que cette société, qui est titulaire du brevet en cause mais ne l'exploite pas elle-même, avait été victime d'actes de contrefaçon, la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur l'insuffisance des preuves fournies par les parties pour refuser d'évaluer un préjudice dont l'existence s'inférait pourtant de ses propres constatations, a violé l'article 4 du code civil ;
Mais attendu qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ; que l'arrêt relève que la société Hutchinson a donné en licence exclusive le brevet en cause à sa filiale, dans le cadre d'un contrat de location-gérance global lui assurant, en contrepartie, une rémunération financière globale dont une part non déterminable résultait de l'exploitation de l'invention, qu'elle soutenait que cette rémunération ne pouvait être dévoilée à des concurrents, du fait du secret des affaires et qu'elle justifiait son refus de fournir des renseignements sur ce point, lors des opérations d'expertise, en affirmant qu'il n'est pas « classique », du moins dans les relations entre breveté et licencié, de faire payer une telle « redevance contractuelle » entre sociétés du même groupe ; qu'il retient que les parties adverses lui opposaient à juste titre qu'elle s'était affranchie des règles de preuve et avait entendu échapper aux demandes réitérées de l'expert relatives au prix ou aux modalités de détermination de prix de la concession de licence à la société Paulstra et que la référence au contrat conclu avec la société Cooper Standard ne pouvait être tenue comme un standard des redevances pratiquées, dans la mesure où les circonstances, à savoir l'interdiction prononcée par l'arrêt du 21 octobre 2011 et la menace d'une rupture de stock face à ses partenaires commerciaux, n'avaient pu qu'influer sur la négociation de la redevance convenue ; qu'il constate en conséquence que la société Hutchinson ne fournit aucun élément sur les gains que lui aurait rapportés la licence de ce brevet, ni aucun élément d'appréciation permettant de lui allouer, autrement que de manière hypothétique et arbitraire, une somme forfaitaire « supérieure au montant des redevances ou droit qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte » ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu, sans refuser l'indemnisation d'un préjudice dont elle admettait le principe, retenir que l'existence même de ce préjudice n'était pas établie ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen :
Attendu que les sociétés Hutchinson et Paulstra font grief à l'arrêt de rejeter partiellement les demandes indemnitaires de la société Paulstra alors, selon le moyen, que dans leurs conclusions d'appel, elles faisaient valoir que c'était à tort que l'expert avait évalué le gain manqué de la société Paulstra sur la base du chiffre d'affaires réalisé par les contrefacteurs, et soulignaient que ce gain manqué devait être calculé en prenant en considération le prix de vente que la société Paulstra pratiquait elle-même sur ses propres bielles et dont elle justifiait ; qu'en retenant qu'il convenait, pour calculer le gain manqué, de se reporter aux tableaux synthétiques dressés par l'expert en pages 51 à 54 de son rapport, sans s'expliquer sur la contestation ainsi soulevée par la société Paulstra sur la méthode de calcul retenue par l'expert, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile :
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer sur le détail de l'argumentation des parties, a fixé les bases d'évaluation du préjudice ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Hutchinson et Paulstra SNC aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et les condamne à payer à la société Steva Orléans la somme globale de 3 000 euros et à la société Cooper Standard France, à la société CF Gomma Z... F... , à Mme X..., en sa qualité d'administrateur judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan de la société CF Gomma Z... F... et à la SCP D... Y... , prise en la personne de Mme Y..., en sa qualité de représentant des créanciers de la société CF Gomma Z... F... , la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Hémery et F...-Raquin, avocat aux Conseils, pour les sociétés Hutchinson et Paulstra.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir fixé la créance de la société Paulstra SNC au passif de la société CF Gomma Z... F... qu'à la somme de 181 000 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis antérieurement au 1er décembre 2005, de n'avoir condamné la société Steva Orléans (anciennement dénommée G... industrie SAS) à verser à la société Paulstra SNC que la somme de 101 017 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis antérieurement au 1er décembre 2005, de n'avoir condamné la société Steva Orléans (anciennement dénommée G... Industrie SAS) et la société CF Gomma Z... F... , représentée par Maître Sophie X..., agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société en redressement judiciaire, tenues in solidum à verser à la société Paulstra SNC que la somme de 1 664,25 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre le 1er décembre 2005 et le 25 janvier 2006, de n'avoir condamné la société CF Gomma Z... F... , représentée par Maître Sophie X..., agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société en redressement judiciaire, à verser à la société Paulstra SNC que la somme de 77 867,75 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis à compter du 1er décembre 2005 et jusqu'en juillet 2006, de n'avoir condamné la société Cooper-Standard France (anciennement dénommée société des H... Z... F...) à verser à la société Paulstra SNC que la somme de 230 255 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre juillet 2006 et le 9 mars 2012, de n'avoir fixé la créance de la société Hutchinson SA au passif de la société CF Gomma Z... F... qu'à la somme de 31 930 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis antérieurement au 1er décembre 2005, de n'avoir condamné la société Steva Orléans à verser à la société Hutchinson SA que la somme de 2 032 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis antérieurement au 1er décembre 2005, de n'avoir condamné la société Steva Orléans et la société CF Gomma Z... F... , représentée par Maître Sophie X..., agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société en redressement judiciaire, tenues in solidum à verser à la société Hutchinson SA que la somme de 140 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre le 1er décembre 2005 et le 25 janvier 2006, de n'avoir condamné la société CF Gomma Z... F... , représentée par Maître Sophie X..., agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société placée en redressement judiciaire, à verser à la société Hutchinson SA que la somme de 6 545 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis à compter du 1er décembre 2005 et jusqu'en juillet 2006, de n'avoir condamné la société Cooper-Standard France à verser à la société Hutchinson SA que la somme de 19.353 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre juillet 2006 et le 9 mars 2012, et d'avoir débouté les sociétés Paulstra SNC et Hutchinson SA du surplus de leurs prétentions indemnitaires ;
AUX MOTIFS QUE « paraissant tenir pour négligeables les conséquences de l'arrêt rendu par la Cour de cassation précité – dont la censure, pour défaut de motivation, se limite à la contrefaçon des revendications dépendantes 2, 4 et 5 – les sociétés Hutchinson et Paulstra poursuivent l'indemnisation de leur préjudice en demandant d'abord à la cour de considérer que font partie de la masse contrefaisant la revendication 1 du brevet EP 691 481 :
d'une part, les 4 premières bielles décrites dans les procès-verbaux des 23 et 24 mai et 11 juillet 2005, 1er et 2 février 2007 ainsi que dans le rapport de calcul du 15 septembre 2006 et dans les mesures effectuées les 08 avril, 07 juillet, 28 août et 27 octobre 2010 sous les références de 1ère monte PSA 96-449.646-80 // 96-481.734-80 // 96-456.919-80 // 96-527.413-80, correspondant respectivement aux références internes CF/Cooper A0005800 // A0006000 // A0007700 // A0026800 et aux références pièces de rechange PSA 1806-70 // 1806-73 // 1806-68 // 1806-72, d'autre part, les 6 deuxièmes bielles portant notamment : les références de 1ère monte PSA 96-805.354-80 // 96-825.163-80 // 96-566.740-80 // 96-548.672-80 // 14-007.186-80 // 96-400.792-80
correspondant respectivement aux références internes CF/Cooper 0033400 // A1000300 // A0045200 // A0059500 // A0090400
et aux références pièces de rechange PSA 1806 88/1806 H1 // 1806 88/1806 H1 // 1806 92 //1806 99 // 1806 A2,
de sorte que, sur la base de ces dix références, la masse contrefaisante comprend 6.654.078 bielles pour un chiffre d'affaires de 33.432.539 euros HT ; qu'elles estiment que la cour reste saisie de la question de la consistance et de l'étendue de la masse contrefaisante et que ces « six deuxièmes références » présentent, selon elles, une structure identique à celle des bielles décrites et jugées contrefaisantes par la cour, à savoir des bielles dont le centre instantané de rotation est également placé, grâce au contrepoids, au niveau de l'axe du manchon de la caisse, ainsi que le prévoit la revendication 1 du brevet ; qu'en réplique aux conclusions de leurs adversaires qui leur opposent principalement l'autorité de la chose jugée attachée au dispositif de l'arrêt rendu le 21 octobre 2011 et, subsidiairement, l'absence de caractère contrefaisant des six autres « deuxièmes références » en contemplation de l'analyse Estaca de mars 2013 (DMTV Exp 28) qu'elles produisent, les sociétés Hutchinson et Paulstra font cumulativement valoir que la condamnation prononcée dans cet arrêt porte sur tous les objets présentant une structure contrefaisante, quels que soient leurs types et références ; que les quatre références visées au § 3 du dispositif ont été saisies à titre d'échantillons ; que la formule « de telles bielles » introduite au § 5 du dispositif vise les bielles du même genre ; que la cour a évoqué dans sa motivation une « fabrication en masse » et prononcé (au § 6 du dispositif) une mesure d'interdiction sur les bielles « identiques ou similaires » ; que, sur le fond, les critiques adverses de l'analyse Estaca produite (concluant que « le centre instantané de rotation de la bielle avec contrepoids est placé au voisinage de l'axe du manchon destiné à être relié à la caisse, alors que ce n 'est pas le cas pour la bielle en contrepoids » ) procèdent d'une présentation tronquée et se révèlent de pure forme, sans production d'une analyse qui viendrait la contredire ; que, ceci rappelé, par arrêt rendu le 21 octobre 2011, la présente cour s'est prononcée sur l'objet du litige tel que déterminé par les parties et a, notamment, repris dans son dispositif les termes mêmes des dernières conclusions des sociétés Hutchinson et Paulstra en disposant :
« Dit que les bielles décrites dans les procès-verbaux des 23 et 24 mai et 11 juillet 2005, 1er et 2 février 2007 ainsi que dans le rapport de calcul du 15 septembre 2006 et dans les mesures effectuées les 08 avril, 07 juillet, 28 août et 27 octobre 2010 reproduisent les moyens des revendications 1, 2, 4 et 5 du brevet EP 691 481 » ;
que cet arrêt avant dire droit sur la liquidation du préjudice puisqu'il a ordonné une expertise notamment destinée à recueillir des éléments d'appréciation « permettant de déterminer le nombre de produits contrefaisant les revendications 1, 2, 4 et 5 du brevet susvisé » a, au principal, tranché dans son dispositif la contestation relative aux actes de contrefaçon dont la cour était précisément saisie ; qu'il a autorité de chose jugée sur ce point sans que les dispositions dont se prévalent les appelantes (§ 6 du dispositif) et qui font interdiction aux intimées « de fabriquer, de détenir, d'offrir, de mettre dans le commerce et/ou de fournir les moyens de mettre en oeuvre des bielles identiques ou similaires à celles décrites (au § 3 du dispositif) » permettent d'élargir le périmètre de la masse contrefaisante précisément cerné au § 3, cette mesure d'interdiction qui assure le rétablissement du droit privatif dans son état antérieur à l'atteinte s'analysant en une injonction pour l'avenir et permettant éventuellement l'introduction d'une nouvelle action en contrefaçon à l'encontre d'un contrefacteur agissant alors en connaissance de cause ; qu'il en va de même des termes du § 3 du dispositif ( à savoir : « Dit qu'en fabriquant, en détenant, en utilisant, en offrant, en mettant dans le commerce et en fournissant les moyens de mettre en oeuvre de telles bielles (... ) » qui caractérisent les actes de contrefaçon précisément retenus en renvoyant à la masse contrefaisante restrictivement explicitée au § 3 du dispositif ; qu'il suit que les intimées opposent à bon droit aux sociétés Hutchinson et Paulstra cette fin de non-recevoir et que ces dernières ne sont pas fondées à se prévaloir d'une masse contrefaisante excédant les limites des quatre premières références sus-évoquées ; (
)
que s'agissant de la masse contrefaisante, il résulte de ce qui précède qu'elle ne peut inclure que les quatre premières références en cause, à l'exclusion des six autres prises en considération par les appelantes pour évaluer leur préjudice ; que l'expert doit être approuvé lorsqu'il précise dans son rapport, au terme d'une analyse précise des éléments soumis à son appréciation, qu'il a limité la masse contrefaisante aux seules bielles dont la biellette présente une des structures particulières des biellettes référencées, qu'à une référence correspond une unique structure et une structure n'est identifiée que sous une référence et qu'en conséquence, il a limité la masse contrefaisante aux seules bielles référencées 96-449.646, 96-481.734, 96-456.919 et 96-527.413 (page 21/57 du rapport) ; que, s'agissant de l'évaluation de la masse contrefaisante au cours des différentes périodes prises en compte, que l'expert explicite de manière pertinente (en pages 14 et 15/57 de son rapport), réserve faite de la question de la procédure collective dont a fait l'objet, le 1er décembre 2005, la société CF Gomma Z... F... , les éléments qui l'ont conduit à déterminer que :
pour la société CF Gomma Z... F... , la masse contrefaisante a été évaluée sur la base des ventes de biellettes du 23 mai 2002 au 30 juin 2006, pour la société Cooper Standard France, la masse contrefaisante a été évaluée sur la base des ventes de biellettes du 1er juillet 2006 au 09 mars 2012,
pour la société G... Industrie , la masse contrefaisante a été évaluée sur la base des biellettes fabriquées du 23 mai 2002 au 25 janvier 2006 ;
qu'en effet, ces différentes périodes permettent de prendre en considération le fait que la société Cooper Standard n'a effectivement repris l'activité de la société CF Gomma Z... F... qu'en juillet 2006 et que des accords sont intervenus entre les parties ainsi que les dates des saisies pratiquées, les délais de prescription et la date de l'arrêt de fabrication des produits contrefaisants par la société G... Industrie ; que l'expert s'est également livré à une analyse circonstanciée des données soumises à son appréciation ; que son approche ne saurait être critiquée, de même que son exclusion du « tout commercial indivisible » en l'absence d'éléments tendant à démontrer que des accessoires, tels des moyens de fixation, ont été vendus en conséquence de la vente de bielles selon l'invention (pages 21 à 24/57 du rapport) si bien qu'il convient d'évaluer à 3.447.906 - et non point à 6.654.078 euros, comme voudraient le voir juger les appelantes – le nombre total des bielles contrefaisantes soit, sous la réserve susmentionnée (page 43 et suivantes du rapport) :
un volume de 1.888.346 produits fabriqués et vendus par la société CF Gomma Z... F... sans intervention de la société G... Industrie jusqu'en juillet 2012
un volume de 399.627 pièces fabriquées par la société G... Industrie jusqu'en 2006, un volume de 1.159.933 pièces fabriquées et vendues par la société Cooper Standard depuis juillet 2006 jusqu'au 09 mars 2012 » ;
1°) ALORS QUE, dans son dispositif, l'arrêt rendu le 21 octobre 2011 par la cour d'appel de Paris a « dit que les bielles décrites dans les procès-verbaux des 23 et 24 mai et 11 juillet 2005, 1er et 2 février 2007 ainsi que dans le rapport de calcul du 15 septembre 2006 et dans les mesures effectuées les 8 avril, 7 juillet, 28 août et 27 octobre 2010 » reproduisent les moyens de la revendication 1 du brevet EP 691 481 et qu'« en fabriquant, en détenant, en utilisant, en offrant, en mettant dans le commerce et en fournissant les moyens de mettre en oeuvre de telles bielles, notamment sur des moteurs de véhicules, les sociétés [intimées] ont commis des actes de contrefaçon de brevet à leur préjudice en application des articles L. 613-3, L. 613-4 et L. 615-1 du code de la propriété intellectuelle » ; que l'arrêt du 21 octobre 2011 a ainsi jugé que les sociétés intimées ont commis des actes de contrefaçon en fabriquant, utilisant, offrant, mettant dans le commerce et fournissant des moyens de mettre en oeuvre des bielles qui, telles celles décrites dans les documents susvisés, présentent une structure reproduisant les moyens de la revendication 1, sans limiter l'étendue de la masse contrefaisante aux seules références mentionnées dans les procès-verbaux, le rapport de calcul et les mesures effectuées susvisés ; que la cour d'appel, chargée d'évaluer le préjudice résultant de la contrefaçon, restait saisie de la question de la détermination de l'étendue précise de cette masse contrefaisante ; qu'en retenant, au contraire, qu'il résulterait du dispositif de l'arrêt du 21 octobre 2011 que la masse contrefaisante se limiterait aux seules quatre « premières références » spécifiquement visées dans les procès-verbaux des 23 et 24 mai et 11 juillet 2005, 1er et 2 février 2007 ainsi que dans le rapport de calcul du 15 septembre 2006 et dans les mesures effectuées les 8 avril, 7 juillet, 28 août et 27 octobre 2010, la cour d'appel a méconnu la portée de l'autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt, en violation des articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'autorité de chose jugée n'est attachée qu'à la contestation tranchée par le juge et ne dessaisit ce dernier que de cette seule contestation ; qu'à supposer même que l'arrêt du 21 octobre 2011 ait uniquement tranché la question du caractère contrefaisant des quatre « premières références » spécifiquement visées dans les procès-verbaux, le rapport de calcul et les mesures effectuées précités, l'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt avait pour seul effet de dessaisir la cour d'appel de la contestation portant sur le caractère contrefaisant de ces quatre « premières références », et ne faisait pas obstacle à l'obligation pour elle de se prononcer sur la demande, formée par les sociétés Hutchinson et Paulstra dans le dispositif de leurs conclusions d'appel, tendant à voir inclure dans la masse contrefaisante les six « deuxièmes références » qui avaient été spontanément présentées par les sociétés Cooper-Standard France et CF Gomma Z... F... , lors des opérations d'expertise, et qualifiées par ces deux sociétés, de bielles « identiques ou similaires portant des références différentes » de celles des quatre premières références ; qu'en estimant, au contraire, que l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 21 octobre 2011 lui interdirait de connaître d'une telle demande, la cour d'appel a violé les articles 480 et 481 du code de procédure civile ensemble l'article 1351 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir fixé la créance de la société Hutchinson SA au passif de la société CF Gomma Z... F... qu'à la somme de 31 930 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis antérieurement au 1er décembre 2005, de n'avoir condamné la société Steva Orléans à verser à la société Hutchinson SA que la somme de 2 032 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis antérieurement au 1er décembre 2005, de n'avoir condamné la société Steva Orléans et la société CF Gomma Z... F... , représentée par Maître Sophie X..., agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société en redressement judiciaire, tenues in solidum à verser à la société Hutchinson SA que la somme de 140 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre le 1er décembre 2005 et le 25 janvier 2006, de n'avoir condamné la société CF Gomma Z... F... , représentée par Maître Sophie X..., agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société placée en redressement judiciaire, à verser à la société Hutchinson SA que la somme de 6 545 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis à compter du 1er décembre 2005 et jusqu'en juillet 2006, de n'avoir condamné la société Cooper-Standard France à verser à la société Hutchinson SA que la somme de 19.353 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre juillet 2006 et le 09 mars 2012, et d'avoir débouté la société Hutchinson SA du surplus de ses prétentions indemnitaires ;
AUX MOTIFS QUE « s'agissant de la demande au titre d'une redevance indemnitaire formée « en toute hypothèse » par la société Hutchinson, cette dernière qui fonde sa demande sur les articles L 615-7 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil, s'estime en droit de réclamer devant la cour, toujours saisie de la détermination du préjudice, « le paiement du prix de son autorisation », indépendamment de la réparation du préjudice causé à la société Paulstra qui exploite l'invention et a l'exclusivité du marché ; qu'exposant qu'elle a donné en licence exclusive le brevet en cause à sa filiale, dans le cadre d'un contrat de location-gérance global lui assurant, en contrepartie, une rémunération financière globale dont une part non déterminable résulte de l'exploitation de l'invention, elle soutient qu'il est certain que cette rémunération ne peut être dévoilée à des concurrents comme le sont les sociétés intimées du fait du secret des affaires ; que cette redevance peut être calculée, ajoute-t-elle, en se référant au contrat passé avec la société Cooper Standard le 03 avril 2012 qui prévoit une redevance de 3 % sur les articulations et de 16 % sur les biellettes ; que la somme qu'elle réclame au titre de la redevance indemnitaire (soit : 3.966.684 euros), calcule-t-elle, représente globalement 10% du chiffre d'affaires HT de la contrefaçon ; qu'il y a lieu de considérer, ceci étant dit, que si les intimées ne sont pas fondées à lui opposer l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt rendu le 21 octobre 2011 visant uniquement le premier alinéa de l'article L 615-7 précité dans son dispositif dès lors que la cour reste saisie de la liquidation des préjudices subis et que l'alinéa 2 prévoit une alternative « sur demande de la partie lésée », elles lui opposent à juste titre le fait qu'elle s'est affranchie des règles de preuve et a entendu échapper aux demandes réitérées de l'expert relatives au prix ou aux modalités de détermination de prix de la concession de licence à la société Paulstra ; qu'il peut être relevé à cet égard qu'alors qu'elle oppose, dans ses dernières conclusions, le secret des affaires, elle justifiait son refus de fournir des renseignements sur ce point, lors des opérations d'expertise, en affirmant qu'il n'est « pas « classique », du moins dans les relations entre breveté et licencié, de faire payer une telle « redevance contractuelle » entre sociétés du même groupe », ceci selon un dire n° 7 du 03 mai 2013 (repris en page 30/57 du rapport d'expertise) ; que la référence au contrat conclu avec la société Cooper-Standard ne peut, par ailleurs, être tenue comme un standard des redevances pratiquées dans la mesure où les circonstances qui l'entourent, à savoir l'interdiction prononcée par l'arrêt du 21 octobre 2011 et la menace d'une rupture de stock face à ses partenaires commerciaux, n'ont pu qu'influer sur la négociation de la redevance convenue ; qu'il peut être ajouté que l'expert observe sur ce point que le contrat de licence du 03 avril 2012 a été négocié en vue d'un appel d'offres relatif à des biellettes équilibrées et que la société Cooper-Standard n'est pas parvenue à remporter cet appel d'offres (page 29/57 de son rapport) ; qu'il y a lieu de considérer que face à des adversaires qui, par-delà la contestation de cette demande présentée « en toute hypothèse » en relevant qu'elle figure dans le rapport d'expertise dans un chapitre intitulé « préjudice non justifié » (page 39/57), n'en reconnaissent pas moins que la société Hutchinson a vocation à être indemnisée du préjudice qu'elle a subi, cette société ne fournit aucun élément d'appréciation permettant à la cour de lui allouer, autrement que de manière hypothétique et arbitraire, une somme forfaitaire « supérieure au montant des redevances ou droit qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte » ; que cette demande formée « en toute hypothèse » ne peut, dans ces conditions, prospérer (
) ; s'agissant de la « contrepartie manquée » : que la société Hutchinson fait valoir qu'elle a concédé le brevet en licence à sa filiale, dans le cadre d'un contrat de locationgérance global relatif à la fabrication et la vente d'objets en caoutchouc, matière plastique, élastomère ou autres, principalement des supports moteurs et des supports hydrauliques, qu'elle perçoit en contrepartie de l'exploitation des multiples éléments que comporte ce fonds (brevets, marques, bail,
) une rémunération financière globale dont les composantes sont impossibles à déterminer et qu'elle ne peut dévoiler à ses concurrents intimés du fait du secret des affaires ; que l'expert a néanmoins relevé qu'il ne pouvait pas ne pas exister de contrepartie pour l'octroi de la licence (page 39/57 du rapport) et l'a estimée à 25 % en contemplation de la marge opérationnelle analytique de Paulstra ; qu'elle se fonde sur ce pourcentage et les chiffres d'affaires par périodes de la société Paulstra, calculés sur la base des 4 premières et des 6 deuxièmes références ainsi que sur une marge de 9,7 % (selon un tableau figurant en page 22/76 de ses dernières conclusions), pour réclamer paiement de la somme totale de 840.592 euros ; qu'en réplique aux conclusions adverses qui lui dénient ce droit, elle leur oppose le droit à indemnisation du titulaire du brevet reconnu par la jurisprudence et soutient que cette contrepartie de 25 % est une réalité économique valable dans toute l'Europe, qu'il peut être observé que la société Cooper Standard a accepté de lui verser des redevances de 16 % sur le prix des biellettes, 3 % sur celui des articulations dans le cadre d'une licence postérieurement au prononcé de l'arrêt du 21 octobre 2011 et qu'est enfin dénué de pertinence comptable l'argument selon lequel cette contrepartie serait intégrée dans la marge opérationnelle analytique de la société Paulstra ; que, ceci exposé, s'il ne saurait être contesté que le titulaire du brevet qui n'exploite pas l'invention mais concède le brevet en licence pour son exploitation a le droit d'être indemnisée des gains dont il a été privés du fait de la contrefaçon, encore faut-il qu'il établisse la réalité des gains dont il déclare subir la perte ; qu'à cet égard, quand bien même est-il démontré que la société Hutchinson était liée à sa filiale, la société Paulstra, par un contrat de location-gérance, la société Hutchinson ne fournit aucun élément sur les gains que lui aurait rapportés la licence de ce brevet ; qu'elle ne peut étayer son argumentation, comme elle le fait, sur l'appréciation de l'expert dès lors qu'il n'envisage l'existence d'une contrepartie que comme une hypothèse « vraisemblable » et fait figurer ce poste de préjudice au rang des préjudices non justifiés alors qu'à ce stade, il lui appartient d'en établir l'existence ; qu'ainsi que relevé précédemment sur, selon ses termes, « le prix de l'autorisation qu'elle était en droit de donner ou de refuser (aux contrefacteurs) », force est de constater qu'alors qu'elle oppose, dans ses dernières conclusions, le secret des affaires afin de justifier son refus de fournir des renseignements sur ce point, elle affirmait, lors des opérations d'expertise :
« Contrairement à ce que CF et Cooper soutiennent dans leur dire du 12 avril 2013, cette indemnité (soit : la redevance indemnitaire) ne doit pas être calculée en fonction de la redevance « contractuelle » que Paulstra paierait à Hutchinson. Car Paulstra n'est qu'une filiale du groupe Hutchinson ; par conséquent, il n'est pas « classique », du moins dans les relations entre breveté et licencié, de faire payer une telle « redevance contractuelle » entre sociétés du même groupe », ceci selon un dire n° 7 du 03 mai 2013, page 5/6 (repris en page 30/57 du rapport d'expertise) ; que l'existence-même de cette contrepartie n'étant pas démontrée, la demande à ce titre ne peut prospérer » ;
ALORS QUE le juge ne peut se fonder sur l'insuffisance des preuves fournies par le demandeur pour refuser d'évaluer le montant d'un préjudice dont il constate l'existence dans son principe ; que le titulaire d'un brevet qui n'exploite pas personnellement l'invention est en droit d'être indemnisé du préjudice économique que lui cause la contrefaçon, ne serait-ce qu'au titre des redevances qui lui auraient été dues si le contrefacteur lui avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ; qu'en relevant, pour refuser d'accorder toute indemnisation à la société Hutchinson au titre de son préjudice économique, que cette société ne fournirait « aucun élément d'appréciation permettant à la cour de lui allouer, autrement que de manière hypothétique et arbitraire, une somme forfaitaire « supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte » » et « aucun élément sur les gains que lui aurait rapportés la licence du brevet », tout en ayant constaté que cette société, qui est titulaire du brevet en cause mais ne l'exploite pas ellemême, avait été victime d'actes de contrefaçon, la cour d'appel, qui s'est ainsi fondée sur l'insuffisance des preuves fournies par les parties pour refuser d'évaluer un préjudice dont l'existence s'inférait pourtant de ses propres constatations, a violé l'article 4 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué de n'avoir fixé la créance de la société Paulstra SNC au passif de la société CF Gomma Z... F... qu'à la somme de 181 000 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis antérieurement au 1er décembre 2005, de n'avoir condamné la société Steva Orléans (anciennement dénommée G... Industrie SAS) à verser à la société Paulstra SNC que la somme de 101 017 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis antérieurement au 1er décembre 2005, de n'avoir condamné la société Steva Orléans (anciennement dénommée G... Industrie SAS) et la société CF Gomma Z... F... , représentée par Maître Sophie X..., agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société en redressement judiciaire, tenues in solidum à verser à la société Paulstra SNC que la somme de 1 664,25 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre le 1er décembre 2005 et le 25 janvier 2006, de n'avoir condamné la société CF Gomma Z... F... , représentée par Maître Sophie X..., agissant ès qualités d'administrateur judiciaire de cette société en redressement judiciaire, à verser à la société Paulstra SNC que la somme de 77 867,75 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis à compter du 1er décembre 2005 et jusqu'en juillet 2006, de n'avoir condamné la société Cooper-Standard France (anciennement dénommée société H... Z... F...) à verser à la société Paulstra SNC que la somme de 230 255 euros en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon commis entre juillet 2006 et le 9 mars 2012, et d'avoir débouté la société Paulstra SNC du surplus de ses prétentions indemnitaires ;
AUX MOTIFS QUE « la masse contrefaisante et le taux de marge étant déterminés comme il a été précisé ci-avant, que, par ailleurs, les bielles jugées contrefaisantes ayant été exclusivement commercialisées dans le cadre d'appels d'offre, il convient de se reporter aux tableaux synthétiques dressés par l'expert en pages 51 à 54/57 de son rapport qui a procédé à une actualisation des montants à partir du taux de rémunération annuel moyen des comptes courants créditeurs de la société Paulstra (page 38/57 du rapport) ; que, dans l'appréciation de ces conséquences négatives, la démarche de l'expert doit être approuvée en ce qu'il précise, au paragraphe « calcul des préjudices » du rapport (pages 37 et 38/57) : que « différentes articulations peuvent être potentiellement fixées sur une biellette, mais il n'est pas possible de déterminer quel modèle d'articulation a été associé à chaque biellette. Cela explique que les données fournies par (le conseil des intimées) ne fassent pas de rapprochement entre un modèle de biellette et un modèle d'articulation. Une articulation est cependant vendue pour chaque biellette. J'ai déterminé un prix moyen de vente hors taxe d'une articulation, sur la base des informations fournies par (ce conseil). » ; que « la société Paulstra aurait été à même de fabriquer l'ensemble de la masse contrefaisante, que la technologie revendiquée était incontournable pour répondre aux appels d'offres et que la société Paulstra aurait remporté tous ces appels d'offres (...) » ; que ce dernier point est justifié par l'expert (en page 29/57) par le fait que « la société Paulstra est un acteur majeur sur le marché des bielles antivibratoires et il n'y a aucune raison de douter de sa capacité à honorer les appels d'offres qu'elle aurait remportés » ; que l'expert a pertinemment répondu à l'argumentation des intimées sur le marché concurrentiel en se prononçant en particulier sur les bielles Trelleborg et Vibracoustic, énonçant qu'il n'était pas démontré qu'elles présentent une utilité du même ordre que celle de l'invention, si bien que c'est en vain qu'elles la réitèrent devant la cour ; qu'il résulte desdits tableaux (qui scindent en trois périodes les faits de contrefaçon en fonction des entreprises qui les ont commis mais sans tenir compte de l'existence de la procédure collective) que la société Paulstra aurait perçu, de 2003 à 2012, un bénéfice sur les biellettes (somme actualisée) de 506.806 euros [263.639 euros + 78.657 euros + 164.510 euros] outre un bénéfice sur les articulations de 207.052 euros [116.604 euros + 24.703 euros + 65.745 euros], soit un gain manqué de 713.858 euros » ;
ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel (p. 32), les sociétés exposantes faisaient valoir que c'était à tort que l'expert avait évalué le gain manqué de la société Paulstra sur la base du chiffre d'affaires réalisé par les contrefacteurs, et soulignait que ce gain manqué devait être calculé en prenant en considération le prix de vente que la société Paulstra pratiquait elle-même sur ses propres bielles et dont elle justifiait ; qu'en retenant qu'il convenait, pour calculer le gain manqué, de se reporter aux tableaux synthétiques dressés par l'expert en pages 51 à 54 de son rapport, sans s'expliquer sur la contestation ainsi soulevée par la société Paulstra sur la méthode de calcul retenue par l'expert, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.