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21/03/2018 | FRANCE | N°16-12667

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 mars 2018, 16-12667


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 2 du code civil, ensemble, l'arrêté du 15 mai 2007 portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers instaurant les dispositions de l'article 314-76 du règlement général ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Cabinet Exper, qui exerce l'activité d'agent et de courtier en assurances, a conclu entre 2005 et 2006, cinq conventions d'apporteur d'affaires avec la société U

BS France, prévoyant notamment le versement de commissions de gestion ; qu'estimant ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 2 du code civil, ensemble, l'arrêté du 15 mai 2007 portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers instaurant les dispositions de l'article 314-76 du règlement général ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Cabinet Exper, qui exerce l'activité d'agent et de courtier en assurances, a conclu entre 2005 et 2006, cinq conventions d'apporteur d'affaires avec la société UBS France, prévoyant notamment le versement de commissions de gestion ; qu'estimant que l'article 314-76 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, issu de l'arrêté du 15 mai 2007 portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers et entré en vigueur le 1er novembre 2007, avait restreint la possibilité pour les apporteurs d'affaires de percevoir des commissions périodiques en conditionnant notamment de tels versements à l'amélioration de la qualité des services fournis aux clients, la société UBS France a cessé de payer les commissions à compter du 1er janvier 2010 et a résilié les conventions par lettre du 17 mars 2011 ; que la société Cabinet Exper a assigné la société UBS France en paiement de commissions de gestion et de dommages-intérêts ;

Attendu que pour rejeter les demandes de la société Cabinet Exper, l'arrêt retient que, dès le début de l'année 2010, elle a été tenue informée du caractère illicite du paiement des commissions et de l'impossibilité légale pour la société UBS France de procéder au versement de ces commissions et qu'en raison de l'objet illicite du contrat d'apporteur d'affaires, c'est à juste titre que cette dernière a cessé le versement des commissions dès le début de l'année 2010 ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que, si les prescriptions, répondant à des motifs impérieux d'ordre public, édictées par l'arrêté du 15 mai 2007, pris en vertu des dispositions de l'article L. 533-16 du code monétaire et financier, ont restreint, dès leur entrée en vigueur le 1er novembre 2007, la possibilité pour les prestataires de services d'investissement de payer des commissions à des tiers, en subordonnant de tels paiements à l'information du client avant que le service d'investissement ou connexe concerné ne soit fourni et à l'amélioration de la qualité des services fournis au client, ces prescriptions n'ont pu s'appliquer aux commissions dues au titre des services d'investissement ou connexes fournis avant l'entrée en vigueur de ce texte, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les commissions dont la société Cabinet Exper demandait le paiement correspondaient à des services d'investissement ou connexes fournis par la société UBS France à des clients après le 1er novembre 2007, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société UBS France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Cabinet Exper ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Cabinet Exper.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR constaté qu'en application de l'article 314-76 du règlement général de l'autorité des marchés financiers le versement des commissions prévues dans les conventions d'apporteur d'affaires conclues entre la société UBS et la société cabinet Exper étaient devenues illicites, d'AVOIR dit qu'en conséquence c'était à juste titre que la société UBS avait cessé de régler les commissions à la « société experte » [lire : la société Cabinet Exper] à compter du 1er janvier 2010, d'AVOIR débouté la société cabinet Exper de ses demandes et de l'AVOIR condamnée également à payer à la société UBS la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QU' « il résulte de l'instruction du dossier les faits suivants : - La société Cabinet Exper, qui exerce une activité d'agent et de courtier en assurances, concluait entre 2005 et 2006, 5 conventions d'apporteur d'affaires avec la banque UBS à durée indéterminée, prévoyant à l'article 3 de ces conventions, le versement de commissions de gestion bisannuelles. - L'article 8. 2 de ces conventions précisait qu'en cas de résiliation de celles-ci du fait de la société UBS, en l'absence de manquement contractuel, les conventions continueraient de produire leurs effets pendant 4 ans après la fin du préavis et que la société UBS devrait notamment les commissions pendant ces 4 années. - Ces commissions prévoyaient le reversement par la société UBS à la société Cabinet Exper de 35 % hors taxes du montant des revenus nets perçus par la société UBS dans ses livres pour les clients considérés sur le semestre de référence et de 70 % des droits d'entrée sur les contrats d'assurance-vie souscrits ; Un arrêté du 15 mai 2007, transposant une directive européenne créait un article 314-76 du règlement général de l'Autorité des Marchés Financiers qui restreignait à compter du 1er novembre 2007 la possibilité pour les apporteurs d'affaires de percevoir des commissions périodiques, puisqu'il prévoyait que de tels versements devaient avoir pour objet d'améliorer la qualité des services fournis aux clients. (
) Si par le passé, les banquiers avaient la possibilité de rémunérer les apporteurs d'affaires par des commissions périodiques, l'article 314-76 du règlement général de l'Autorité Des Marchés Financiers a restreint cette possibilité à compter du 1er novembre 2007, de telles commissions ne pouvant être payées qu'à la condition de prouver qu'elles avaient pour cause l'amélioration de la qualité des services fournis aux clients. Or il résulte des pièces versées aux débats que la société cabinet Exper n'est devenue conseil en investissements financiers qu'à compter du 28 février 2011 et que dès lors, antérieurement à cette date, et à compter de l'arrêté du 1er novembre 2007, il n'était pas possible de la rémunérer en qualité d'apporteur d'affaires, faute pour elle de ramener la preuve de l'existence de l'amélioration d'un service fourni aux clients. En l'espèce la société appelante ne rapporte la preuve du suivi que d'un seul client, Monsieur Y..., sans démontrer en quoi ce suivi aurait amélioré le service rendu au client et alors qu'en 2005 c'est-à-dire au jour de la souscription des contrats, elle n'était pas conseil en investissements financiers, mais uniquement courtier. Dès le mois de février 2010, la société UBS avait exposé à la société appelante les contraintes liées à cette évolution réglementaire et proposait de revoir la relation commerciale sur les nouvelles bases imposées par les textes. L'objet de ce courrier n'était pas résilier le contrat mais de constater qu'il ne pouvait plus recevoir application compte tenu de la nouvelle réglementation AMF et de l'obligation de la société UBS de se conformer à cette nouvelle réglementation. C'est dans ce nouveau contexte réglementaire, compte tenu du caractère devenu illicite de l'objet du contrat d'apporteur d'affaires que la société UBS lui annonçait qu'il n'était plus possible de payer les commissions. Ce n'est qu'en raison de la résistance de la société cabinet Exper que par la suite la société UBS lui avait adressé un courrier de résiliation. Il n'en demeure pas moins, que dès le début de l'année 2010 la société cabinet Exper a été tenue informée du caractère illicite du paiement des commissions et de l'impossibilité légale pour l'UBS de procéder au versement de ces commissions. Il s'ensuit qu'en raison de l'objet illicite du contrat d'apporteur d'affaires, c'est à juste titre que la société UBS a cessé le versement desdites commissions dès le début l'année 2010. En conséquence le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société UBS à régler les commissions pendant l'année 2010 et jusqu'au 17 mars 2011 » ;

1. ALORS QUE la loi ne disposant que pour l'avenir et n'ayant point d'effet rétroactif, un acte réglementaire ne s'applique pas aux actes juridiques conclus antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'en affirmant qu'en application d'un arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 15 mai 2007, entré en vigueur le 1er novembre 2007, l'article 314-76 du règlement général de l'autorité des marchés financiers (AMF) qui en était issu interdisait de rémunérer la société Cabinet Exper en qualité d'apporteur d'affaires, de sorte que le paiement de ses commissions sur la base des conventions d'apporteurs d'affaires, dont l'arrêt attaqué a constaté qu'elles avaient été conclues avec la société UBS en 2005 et 2006, était devenu illicite, sans rechercher, au besoin d'office, si l'arrêté du 15 mai 2007, s'appliquait à des actes juridiques conclus avant son entrée en vigueur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 du code civil ;

2. ALORS en toute hypothèse QU' il résulte de la combinaison des articles 8.2 et 8.4 des conventions d'apporteur d'affaires litigieuses, qu'en cas de résiliation de ces conventions du fait de la société UBS France, le paiement des commissions tel que défini à l'article 3 continuerait de produire ses effets quatre ans après la fin du préavis, sauf si la résiliation résultait d' « une disposition réglementaire régissant l'activité des établissements de crédit qui interdirait à UBS le versement d'une commission financière à un tiers dans le cadre d'une Convention d'apport de client » ; que pour refuser le paiement de ces commissions à la société Cabinet Exper à compter du 1er janvier 2010, malgré la résiliation de ces conventions notifiée le 17 novembre 2011 par la société UBS France, l'arrêt attaqué a affirmé qu'en application de l'article 314-76 du règlement général de l'AMF, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 15 mai 2007, les commissions périodiques par lesquels les banquiers rémunéraient les apporteurs d'affaires ne pouvaient plus être payées qu'à la condition de prouver qu'elles avaient pour cause l'amélioration de la qualité des services fournis aux clients et que cette preuve n'était pas rapportée en l'espèce, de sorte que l'objet du contrat d'apporteur d'affaires en cause était devenu illicite ; qu'en statuant ainsi, quand ce dernier article n'avait pas interdit le versement par un banquier d'une commission financière à un tiers dans le cadre d'une convention d'apport de client, la cour d'appel a violé l'article 314-76 du règlement général de l'AMF dans sa rédaction issue de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 15 mai 2007, ensemble les articles 1131 et 1134 du code civil ;

3. ALORS QU' il incombe à celui qui invoque une cause étrangère qui ferait obstacle au paiement sollicité par le demandeur d'en rapporter la preuve ; qu'en l'espèce, pour s'opposer à la demande en paiement des commissions stipulées dans les conventions d'apporteur d'affaires en cause, la société UBS invoquait l'entrée en vigueur de l'arrêté du 15 mai 2007 comme étant un fait du prince et un cas de force majeure rendant ces contrats illicites ; qu'en affirmant que la société Cabinet Exper ne pouvait prétendre au paiement de ces commissions, au prétexte qu'en application de l'article 314-76 du règlement général de l'autorité des marchés financiers issu de l'arrêté 15 mai 2007, lesdites commissions ne pouvaient désormais être payées qu'à la condition de prouver qu'elles avaient pour cause l'amélioration de la qualité des services fournis aux clients et que la société Cabinet Exper ne rapportait la preuve du suivi que d'un seul client, sans démontrer en quoi ce suivi aurait amélioré le service rendu au client, quand il incombait à la société UBS France, qui invoquait une cause étrangère tirée de l'intervention d'une réglementation nouvelle d'en rapporter la preuve, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315, alinéa 2, du code civil ;

4. ALORS QUE le paiement de commissions revenant à un conseiller en investissements financiers en qualité d'apporteur d'affaires n'est pas interdit du fait que ces commissions n'amélioreraient pas la qualité des services fournis aux clients ; que l'arrêt attaqué a relevé qu'à compter du 28 février 2011, la société Cabinet Exper était devenue conseiller en investissements financiers, de sorte qu'antérieurement à cette date et à compter de l'arrêté du 15 mai 2007 entré en vigueur le 1er novembre 2007, il n'était pas possible de la rémunérer en qualité d'apporteur d'affaire, faute pour elle de ramener la preuve de l'existence de l'amélioration d'un service fourni aux clients ; qu'en déniant néanmoins le droit à commissions de la société Cabinet Exper à compter du 28 février 2011, au prétexte que la société Cabinet Exper ne rapportait la preuve du suivi que d'un seul client, sans démontrer en quoi ce suivi aurait amélioré le service rendu au client, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences les conséquences légales de ses constatations dont il résultait que la société Cabinet Exper avait droit au paiement des commissions litigieuses à tout le moins pour la période au cours de laquelle elle avait la qualité de conseiller en investissements financiers, a violé les articles 1131 et 1134 du code civil, ensemble l'article 314-76 du règlement général de l'autorité des marchés financiers dans sa rédaction issue de l'arrêté du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du 15 mai 2007.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-12667
Date de la décision : 21/03/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 décembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 21 mar. 2018, pourvoi n°16-12667


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.12667
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