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15/03/2018 | FRANCE | N°17-12759

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 15 mars 2018, 17-12759


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les premier et second moyens, réunis, ci-après annexés :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2016), que, par acte authentique du 4 février 2011, dressé par M. A..., notaire, avec la participation de M. B..., notaire, M. D... et Mme Z... ont vendu à M. X... et Mme Y... le [...]                                                ; que, soutenant que les vendeurs leur avaient dissimulé l'annexion d'une cour commune à la part privative du lot et q

ue la superficie était inférieure à celle stipulée dans l'acte de vente, les acquéreurs les ont assignés en n...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les premier et second moyens, réunis, ci-après annexés :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2016), que, par acte authentique du 4 février 2011, dressé par M. A..., notaire, avec la participation de M. B..., notaire, M. D... et Mme Z... ont vendu à M. X... et Mme Y... le [...]                                                ; que, soutenant que les vendeurs leur avaient dissimulé l'annexion d'une cour commune à la part privative du lot et que la superficie était inférieure à celle stipulée dans l'acte de vente, les acquéreurs les ont assignés en nullité de la vente et indemnisation de leurs préjudices ;

Attendu que M. X... et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes de dommages-intérêts et de garantie des notaires ;

Mais attendu qu'ayant relevé, sans dénaturation, que les acquéreurs avaient été avertis, lors de la signature de l'avant-contrat, que l'annexion de la cour commune à la partie privative avait été faite sans autorisation et qu'ils avaient acquis en toute connaissance de cause de l'aléa inhérent à l'irrégularité de la construction, et souverainement retenu qu'au vu des documents qui leur avaient été communiqués lors de l'acte authentique, les notaires ne disposaient pas d'éléments de nature à les faire douter de l'exactitude des surfaces déclarées par les vendeurs et qu'aucune faute ne pouvait leur être reprochée, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire que les demandes de M. X... et Mme Y... devaient être rejetées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mars deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X... et Mme Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts X... et Y... de leur demande tendant à voir condamner in solidum Maîtres A... et B... et les consorts D... et Z... à leur rembourser les frais et travaux de remise en conformité du bien vendu et à les indemniser du préjudice financier et moral subi ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE les consorts X... et Y... forment des demandes en dommages et intérêts à l'encontre des consorts D... et Z... au visa des dispositions des articles 1134, 1602, 1603 et 1626 du code civil ; que c'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que les premiers juges ont retenu que les acquéreurs avaient été avertis lors de la signature de l'avant contrat du 10 novembre 2010 que l'annexion de la cour commune à la partie privative avait été faite sans autorisation et qu'ils ont ainsi acquis en toute connaissance de cause, acceptant l'aléa inhérent à l'irrégularité de la construction ;

ET AUX MOTIFS adoptés du jugement que le bien vendu est composé d'une pièce et une cuisine ayant pour emprise la part privative du lot vendu et d'une seconde pièce ayant pour emprise la cour commune dont la jouissance privative est un accessoire du lot vendu. Cette seconde pièce résulte de l'adjonction au bâtiment initial d'une construction sur la cour commune. Le compromis de vente signé par M. X... le 10 novembre 2010 comprend les clauses suivantes :

« Désignation :

Lot n° 26 (anciennement lot n° 38)
Dans le bâtiment F, au rez-de-chaussée, un logement composé de :
Une chambre et une cuisine. Droit à la jouissance exclusive de la petite cour située derrière le bâtiment F. Petite construction à usage d'atelier au fond de cette cour et les 52/1000èmes des parties communes générales.
Observation étant ici faite que le logement du rez-de-chaussée par suite de transformations intérieures (sic) d'un ancien propriétaire comprend actuellement deux pièces et une cuisine.
Pour une surface vérifiée loi Carrez de 50,57 m2 effectuée par le cabinet [...].
A ce sujet l'acquéreur déclare être au courant et informé de la situation actuelle du lot et vouloir en faire son affaire personnelle sans recours contre le vendeur.

Le vendeur déclare que, lors de sa propre acquisition des biens objets des présentes le 10 février 1987, la petite cour située derrière le bâtiment F (droit à la jouissance exclusive conférée par le titre de propriété) était déjà couverte et transformée après travaux en une chambre. Le vendeur a donc acheté ce bien à l'époque dans cet état et n'a jamais entamé de démarches de régularisation.
L'acquéreur déclare être parfaitement informé de cette situation de fait et de droit et décharge le vendeur de toute responsabilité à ce sujet ».

Ainsi les acquéreurs savaient qu'il existait une incertitude quant à la pérennité de la construction édifiée sur la cour commune qui apportait au lot une pièce supplémentaire et ont accepté cet aléa. Les consorts X... et Y... ne peuvent dès lors réclamer des dommages et intérêts au motif que les vendeurs ne les ont pas informés des travaux de surélévation qu'ils avaient réalisés et de l'annexion de la cour commune à laquelle ils avaient procédé.

ET ENCORE AUX MOTIFS ADOPTES du jugement que le règlement de copropriété produit aux débats décrit le lot vendu comme suit :
« Etage r.c
Un logement composé d'une chambre et une cuisine.
Droit à la jouissance exclusive de la petite cour située derrière le bâtiment F.
Petite construction à usage d'atelier au fond de cette cour ».
L'acte notarié litigieux reprend exactement l'extrait du règlement de copropriété précité pour désigner le bien vendu et se poursuit par la mention suivante :
« Observation étant ici faite que le logement du rez-de-chaussée par suite de transformation réalisée par un précédent propriétaire comprend actuellement : deux pièces et une cuisine ». Enfin le certificat de mesurage annexé à l'acte notarié fait état de l'existence d'une cuisine, d'un séjour, d'un salon, d'une buanderie, d'une salle de bains, d'une chambre et d'une mezzanine pour une surface totale de 50,57 m2. » Les notaires pouvaient donc s'apercevoir que la configuration du lot avait changé. Mais ils ne pouvaient à la seule lecture de ces documents soupçonner que les changements avaient eu lieu par annexion de la cour commune. Aucun autre élément indispensable à la rédaction de l'acte ne leur permettait de détecter l'annexion litigieuse. Seule la lecture du compromis l'aurait permis. Cependant il n'est pas allégué et encore moins établi que les notaires en ont eu communication avant de dresser l'acte authentique. Par suite les notaires n'ont commis aucune faute.

1°- ALORS QUE les juges du fond ont l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui leurs sont soumis ; que l'extrait d'acte cité par le jugement dont les motifs sont adoptés par l'arrêt attaqué se borne à faire état de « transformations intérieures » du « logement du rez-de-chaussée » ; qu'il ne résulte nullement de cet acte que les acquéreurs auraient été informés d'une annexion irrégulière de la cour commune et d'une surélévation irrégulière et ce tant en raison de l'absence d'autorisation de la copropriété que d'autorisation des services d'urbanisme, et qu'ils auraient été précisément informés de l'aléa résultant de ces irrégularités ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte en violation du principe susvisé ;

2°- ALORS QU'en énonçant que les acquéreurs auraient acquis en toute connaissance de cause, acceptant l'aléa inhérent à l'irrégularité de la construction, sans s'expliquer comme elle y était invitée sur la portée des déclarations mensongères dans l'acte de vente qui stipule (p. 4) que le vendeur déclare qu'il « n'a pas effectué dans le lot vendu, de travaux affectant l'aspect extérieur de l'immeuble ou les parties communes, qui n'auraient pas été régulièrement autorisés par l'assemblée des copropriétaires, qu'il n'a pas irrégulièrement modifié la consistance du lot vendu par une annexion ou une utilisation privative des parties communes » de nature à démontrer que l'aléa inhérent à l'annexion irrégulière de la cour commune et à la surélévation irrégulière réalisés, a été délibérément caché aux acquéreurs, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°- ALORS QUE les notaires sont tenus de veiller à la pleine efficacité des actes qu'ils instrumentent ; qu'il résulte des propres constatations de la Cour d'appel que tandis que le règlement de copropriété faisait état d'un logement « composé d'une chambre et une cuisine. Droit à la jouissance exclusive de la petite cour située derrière le bâtiment F. Petite construction à usage d'atelier au fond de cette cour », le certificat de mesurage décrivait ce logement comme composé « d'un séjour, d'un salon, d'une buanderie, d'une salle de bains, d'une chambre et d'une mezzanine » et que l'acte notarié comporte la mention selon laquelle « le logement du rez-de-chaussée par suite de transformation réalisée par un précédent propriétaire comprend actuellement : deux pièces et une cuisine ; qu'en présence de documents qui selon les propres constatations de la Cour permettaient aux notaires de constater une transformation des locaux par la création de pièces supplémentaires, lesquelles ne pouvaient avoir été créées s'agissant d'un appartement, que par une emprise sur la cour commune dédiée à la jouissance exclusive de ces locaux, il appartenait aux notaires de vérifier la régularité des constructions réalisées et d'attirer l'attention de l'acquéreur sur la situation de non-conformité du bien par rapport aux règles d'urbanisme et de la copropriété ; qu'en écartant la responsabilité des notaires qui n'ont pas vérifié la régularité des constructions litigieuses et n'ont pas attiré l'attention des acquéreurs sur les risques liées à cette irrégularité, la Cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil ;

4°- ALORS QU'il appartient au notaire chargé de recevoir l'acte authentique de vente faisant suite à la signature d'un compromis de prendre connaissance de ce compromis après en avoir demandé le cas échéant la communication ; qu'en se fondant pour écarter la faute du notaire qui n'a pas attiré l'attention des acquéreurs sur l'irrégularité affectant le lot litigieux sur la circonstance qu'il ne serait pas démontré que le compromis qui lui aurait permis de constater une irrégularité lui avait été communiqué, la Cour d'appel a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts X... et Y... de leur demande tendant à voir condamner Maîtres A... et B... in solidum avec les consorts D... et Z... à leur rembourser les frais et travaux de remise en conformité du bien vendu et à les indemniser du préjudice financier et moral subi et d'avoir débouté les consorts X... et Y... de leur demande tendant à voir condamner in solidum Maîtres A... et B... à garantir le parfait paiement des condamnations prononcées à leur bénéfice au titre de la réduction du prix de vente ;

AUX MOTIFS QUE les consorts Y... X... reprochent aux notaires de ne pas avoir suffisamment attiré leur attention sur l'incidence juridique d'une éventuelle moindre mesure, alors que ces derniers disposaient d'éléments de nature d'éléments de nature à les faire douter de l'exactitude du mesurage ; Mais considérant, que dans le cadre de son devoir de conseil, il n'incombe pas au notaire de vérifier ou de faire vérifier la superficie mesurée par le vendeur lui-même ni de procéder au calcul technique prévu par cette loi, le notaire en revanche étant tenu au titre de son devoir de conseil et d'information d'avertir le vendeur, en l'espèce profane, des modalités réglementaires dans lesquelles le mesurage doit être effectué et de l'inviter à faire appel à un professionnel spécialiste du métré pour contrôler le mesurage; Considérant qu'en l'espèce, au vu des documents qui avaient été communiqués aux notaires lors de l'acte de vente authentique, auquel était annexé un certificat de mesurage « loi Carrez» établi par un spécialiste du mesurage, les notaires ne disposaient pas d'éléments de nature à les faire douter de l'exactitude des surfaces déclarées par les vendeurs, correspondant au mesurage du certificat, de sorte que les notaires ont rempli leur devoir de conseil et d'information, au regard des dispositions de l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 modifiée et de l'article 4-3 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967 modifié, sans qu'aucune faute ne puisse leur être reprochée ; qu'il sera notamment relevé, d'une part, que la simple comparaison entre la description du lot vendu, tant dans l'acte de vente que dans l'avant contrat, et le mesurage retenu dans l'acte de vente, ne permettait pas de douter de la fiabilité de ce mesurage; que d'autre part, le simple examen du certificat de mesurage ne permettait pas davantage de douter de ce que ce mesurage comprenait les surfaces de la cour commune; qu'enfin les notaires n'étaient pas tenus de se rendre sur les lieux pour vérifier l'exactitude de ce mesurage; qu'au regard de ces éléments, et des motifs des premiers juges sur ce point, que la cour adopte, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes en dommages et intérêts formées à l'encontre de M.Guy A... et M.Thierry B...;

ET AUX MOTIFS QUE le recours prévu par l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 est une action en restitution et non une action en indemnisation ; que la restitution du prix à laquelle les vendeurs viennent d'être condamnés ne constitue donc pas un préjudice indemnisable de sorte que les demandes de garantie fondées sur la faute prétendue des notaires doivent être rejetées seul le vendeur qui a perçu le prix étant redevable de la restitution proportionnelle à la moindre mesure ;

1°- ALORS QUE les notaires sont tenus de veiller à la pleine efficacité des actes qu'ils instrumentent ; qu'il résulte des propres constatations de la Cour d'appel que tandis que le règlement de copropriété faisait état d'un logement « composé d'une chambre et une cuisine. Droit à la jouissance exclusive de la petite cour située derrière le bâtiment F. Petite construction à usage d'atelier au fond de cette cour », le certificat de mesurage décrivait ce logement comme composé « d'un séjour, d'un salon, d'une buanderie, d'une salle de bains, d'une chambre et d'une mezzanine » et que l'acte notarié comporte la mention selon laquelle « le logement du rez-de-chaussée par suite de transformation réalisée par un précédent propriétaire comprend actuellement : deux pièces et une cuisine ; qu'en présence de documents qui selon les propres constatations de la Cour d'appel faisaient apparaitre une transformation des locaux par la création de pièces supplémentaires lesquelles ne pouvaient avoir été créées s'agissant d'un appartement, que par une emprise sur la cour commune dédiée à la jouissance exclusive de ces locaux, il appartenait aux notaires de vérifier que le mesurage annexé à l'acte de vente ne comprenait pas les surfaces de la cour commune ; qu'en écartant la faute des notaires qui n'ont pas procédé à cette vérification, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil qu'elle a violé ;

2°- ALORS QUE si la restitution du prix dû par le vendeur ne constitue pas en elle-même un préjudice indemnisable, le notaire fautif peut néanmoins être condamné à en garantir la restitution en cas d'insolvabilité du vendeur et d'impossibilité pour l'acquéreur d'en obtenir la restitution ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans se prononcer comme elle y était invitée, sur l'impossibilité pour M. X... et Mme Y... d'obtenir la restitution du prix par suite de l'insolvabilité des consorts D... et Z..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 devenu 1240 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 17-12759
Date de la décision : 15/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 04 novembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 15 mar. 2018, pourvoi n°17-12759


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.12759
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