LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que de l'union de Mme Y... et M. X... sont nés deux enfants, A..., le [...] à San Bernardino (Californie, Etats-Unis) et Z..., le 4 juin 2011 à Casagrande (Arizona, Etats-Unis) ; que, par jugement de la cour supérieure de l'Etat de l'Arizona du 24 août 2012, homologuant l'accord des époux, le mariage a été dissous et la garde légale exclusive des enfants attribuée à la mère, le père disposant d'un droit de visite et d'hébergement, avec interdiction d'emmener les enfants en dehors des Etats-Unis sans le consentement de la mère ; que, le 18 mai 2016, Mme Y... a donné son accord à M. X... pour que les enfants séjournent chez lui, en France, pour la période du 31 mai au 29 juillet 2016 ; que, ce dernier ayant refusé de ramener les enfants aux Etats-Unis à l'issue de ce séjour, Mme Y... a saisi le juge aux affaires familiales, sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 25 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Attendu que, pour annuler le jugement entrepris et statuer sur la demande de Mme Y..., l'arrêt retient que M. X..., cité à personne, n'a pas constitué avocat ;
Qu'en statuant sur l'appel dont elle était saisie, alors que M. X... avait sollicité, avant la date de l'audience, le bénéfice de l'aide juridictionnelle, ce dont elle était informée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen :
Vu les articles 125, 544 et 545 du code de procédure civile ;
Attendu que, sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements qui ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif une partie du principal ; que l'absence d'ouverture d'une voie de recours doit être relevée d'office ;
Attendu que l'arrêt déclare recevable l'appel interjeté par Mme Y... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement se bornait, dans son dispositif, à ordonner une enquête sociale ainsi qu'un examen psychologique, et à fixer provisoirement les modalités d'exercice de l'autorité parentale, en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure afin qu'il soit statué au fond, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire, dont l'application est suggérée par le mémoire ampliatif ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DÉCLARE IRRECEVABLE l'appel formé par Mme Y... contre le jugement du juge aux affaires familiales de Toulon du 24 octobre 2016 ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens, incluant ceux afférents aux instances devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Zribi et Texier, avocat aux Conseils, pour M. X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. X... fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR annulé le jugement rendu le 24 octobre 2016 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulon et, statuant à nouveau, ordonné le retour immédiat des enfants A... et Z... X... à leur résidence habituelle aux Etats-Unis chez leur mère, dit qu'à défaut d'exécuter cette décision, il sera condamné à payer à Mme Y... une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, DE lui AVOIR ordonné de remettre à Mme Y... les passeports américains des enfants et DE L'AVOIR condamné à payer à Mme Y... la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « M. X..., cité à personne, n'a pas constitué avocat » ;
ALORS QUE le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle a droit à l'assistance d'un avocat ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X... avait formé une demande d'aide juridictionnelle ; qu'en statuant sur l'appel formé par Mme Y... contre M. X..., quand ce dernier n'avait obtenu l'aide juridictionnelle que par une décision du 14 décembre 2016 ayant désigné un avocat pour l'assister et le défendre devant la cour d'appel, soit après l'audience des débats du 13 décembre 2016 mais avant le prononcé de l'arrêt le 5 janvier 2017, de sorte qu'il n'avait pas bénéficié du concours d'un avocat, la cour d'appel a violé l'article 25 de la loi du 10 juillet 1991.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
M. X... fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR annulé le jugement rendu le 24 octobre 2016 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Toulon et, statuant à nouveau, ordonné le retour immédiat des enfants A... et Z... X... à leur résidence habituelle aux Etats-Unis chez leur mère, dit qu'à défaut d'exécuter cette décision, il sera condamné à payer à Mme Y... une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, DE lui AVOIR ordonné de remettre à Mme Y... les passeports américains des enfants et DE L'AVOIR condamné à payer à Mme Y... la somme de 6 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QUE « rien dans les éléments soumis à l'appréciation de la cour ne permet de critiquer la régularité, par ailleurs non contestée de l'appel, il sera déclaré recevable » ;
ALORS QUE sauf dans les cas spécifiés par la loi, les jugements qui ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond que s'ils tranchent dans leur dispositif une partie du principal, sans condition ni réserve ; qu'en jugeant recevable l'appel formé par Mme Y... contre le jugement rendu par le juge aux affaires familiales le 24 octobre 2016 qui, se bornant, avant dire droit, dans son dispositif, à ordonner une enquête sociale et un examen psychologique familial, suspendre les droits parentaux de Mme Y... à l'égard de ses enfants dans l'attente des deux rapports à intervenir, fixer provisoirement la résidence des enfants au domicile de leur père, débouter en l'état les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires et renvoyer l'affaire à l'audience du 6 février 2017 à 8h30, ne tranchait pas une partie du principal, sans condition ni réserve, la cour d'appel a violé les articles 544 et 545 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
M. X... fait grief à l'arrêt attaqué
D'AVOIR ordonné le retour immédiat des enfants A... et Z... X... à leur résidence habituelle aux Etats-Unis chez leur mère et dit qu'à défaut d'exécuter cette décision, il sera condamné à payer à Mme Y... une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision ;
AUX MOTIFS QUE « pour s'opposer au retour des enfants le premier juge s'est fondé sur les dispositions de l'article 13 de la convention de La Haye qui stipule que l'autorité judiciaire requise n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant, lorsque la personne, l'institution ou l'organisme qui s'oppose à son retour établit qu'il existe un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable ; qu'il a considéré qu'il ressortait des termes d'une audition de l'enfant A..., réalisée par la police de Toulon le 18 juin 2015 et d'une attestation de la grand-mère paternelle de l'enfant faisant état de châtiments corporels infligés aux enfants par la mère, la vraisemblance de sévices graves ; que cependant la réalité de tels sévices n'est nullement établies ; qu'en effet, Madame Leila Y... affirme qu'à plusieurs reprises Monsieur Franck X... l'a accusée de faits de maltraitance sur les enfants et que ces plaintes ont toutes fait l'objet de classements sans suite ; qu'elle précise que l'audition de A... du 18 juin 2015, dans laquelle il évoquait des coups de ceinture donnés par sa mère a donné lieu à une enquête aux Etats Unis ; qu'elle verse au débat un rapport d'incident établi le 20 février 2016 par les services de police de Phoenix qui confirme qu'une enquête a été menée sur ces faits aux Etats Unis ; que les conclusions de ce rapport de police sont les suivantes : « Il n'existe aucune preuve matérielle, ni de photographies venant documenter toute blessure causée à A... ou à Z.... Depuis leur divorce et l'installation de Franck en France, Leila et Franck se disputent sans cesse la garde des enfants. A... a révélé, au cours d'entretiens que j'ai eus avec lui que son père lui avait dit de déclarer que sa mère lui donnait des fessées et que, par conséquent, sa maman allait se retrouver en prison et qu'il pourrait dès lors avoir la garde de A... et Z.... Pour ces raisons, la clôture de cette affaire va être prononcée » ; que le 23 mars 2016, Madame Leila Y... a reçu une notification d'un signalement non fondé concernant la sécurité d'un enfant ; que l'attestation établie par Madame Yvette X..., mère de Monsieur Franck X... et grand-mère paternelle des enfants, qui déclare que A... lui a raconté avoir subi des violences de la part de sa mère, ne fait état d'aucune constatation faite personnellement par le témoin ; que ce témoignage est nécessairement à prendre avec circonspection compte tenu des liens unissant son auteur au père des enfants et du climat de tension existant dans la famille autour de la question des enfants ; qu'au demeurant, si A... a été incité par son père à proférer de fausses accusations de violence contre sa mère, il a pu les répéter en présence de sa grand-mère ; que Madame Leila Y... produit des attestations émanant de proches et de voisins qui établissent qu'elle est une mère aimante, affectueuse et protectrice ; que les accusations de maltraitance des enfants par la mère n'étant absolument pas établies, il convient d'infirmer la décision déférée et d'ordonner le retour des enfants à leur résidence habituelle aux Etats Unis et ce, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt » ;
ALORS QU'il peut être fait exception au retour immédiat de l'enfant illicitement déplacé s'il existe, au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant, un risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable ; qu'en retenant que la réalité des sévices qu'aurait infligés Mme Y... à ses enfants, par le passé, n'était pas établie, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à exclure, au regard de l'intérêt supérieur des enfants, tout risque de danger grave ou de création d'une situation intolérable en cas de retour des enfants chez leur mère et, partant, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 13, b), de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, ensemble l'article 3, § 1, de la Convention de New-York du 20 novembre 1989.