LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Vu l'article 7, § 1, a, du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 sur la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
Attendu que, selon ce texte, une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande ; que ce lieu doit être fixé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 6 octobre 2014, M. et Mme X..., domiciliés en France , ont acquis un bien immobilier situé en Italie, dont le prix a été réglé par Mme Y..., domiciliée dans ce pays et constituée mandataire à cet effet, avec des fonds versés sur un compte bancaire ouvert à son nom en Italie par les mandants ; que ceux-ci n'ayant pu obtenir le remboursement du solde de ces fonds après révocation du mandat, ont assigné M. et Mme Y... en restitution devant le juge des référés ;
Attendu que, pour dire le juge français incompétent, l'arrêt retient que la volonté des parties de soumettre leurs relations contractuelles à la loi française invoquée par M. et Mme X... ne conditionne pas la détermination de la juridiction compétente pour trancher le litige qui les oppose à M. et Mme Y... ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris s'est déclaré incompétent, au bénéfice du juge italien, pour statuer sur la demande des époux X..., en renvoyant ces derniers à se pourvoir devant le juge matériellement et territorialement désigné compétent par la loi italienne ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE l'article 7 du règlement UE 1215-2012 du 12 décembre 2015, applicable à l'espèce, prévoit : "La personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande" ; Que les époux Y... sont domiciliés [...] en Italie ; Que les époux X... soutiennent qu'en application de la règle sus énoncée, la juridiction française est compétente pour connaître de leur demande qui se fonde sur une obligation de restitution des fonds par le mandataire dont le mandat a été révoqué et que, conformément à ce qui est imposé par la réglementation européenne et française sur le blanchiment d'argent, l'obligation doit être exécutée sur leur compte bancaire parisien ; Que la cour relève que la volonté des parties de soumettre leurs relations contractuelles à la loi française invoquée par les appelants, ne conditionne pas la détermination de la juridiction compétente pour trancher le litige qui les oppose ; Que la demande de restitution intervient après la révocation du mandat conféré par Mme X..., domiciliée en France , à Mme Z..., domiciliée en Italie , de rechercher un bien immobilier à acquérir sur le territoire italien; que la nature du litige qui consiste à obtenir la restitution des fonds remis par le mandant au mandataire pour cette acquisition, est donc contractuelle, ce qui n'est pas discuté ; Que si la destination des fonds dont la restitution est réclamée se situe sur le territoire français, l'obligation de restituer est consubstantielle aux obligations du mandataire dont le mandat est arrivé à son terme; qu'en effet l'obligation du mandataire de restituer au mandant les fonds qu'il détient pour son compte, même reconnue par le débiteur selon ce qui est invoqué par les appelants, n'est pas autonome, mais matérialise l'obligation à laquelle le mandataire qui n'a pas exécuté sa mission ou dont le mandat est arrivé à expiration est tenu ; Qu'il s'en déduit que l'obligation qui sert de base à la demande est le mandat souscrit par Mme X... sur le territoire italien aux fins d'acquérir un bien immobilier situé sur le territoire italien avec des fonds versés et conservés en Italie ; Que l'ordonnance doit en conséquence être confirmée qui a dit que le juge italien était compétent ; Que le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge ; Qu'à hauteur de cour, il convient d'accorder aux intimés, contraints d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après ; Que les époux X..., parties perdantes, ne peuvent prétendre à l'allocation d'une indemnité de procédure et supporteront les dépens d'appel ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE la compétence internationale du juge français est à apprécier au regard des dispositions non du règlement UE 44-2001 du 22 décembre 2000, auquel se réfèrent les parties, mais du règlement UE 1215-2012 du 12 décembre 2015, qui poursuit le même objet – la détermination des règles de compétence judiciaire, de reconnaissance et d'exécution des décisions en matière civile et commerciale – et le remplace depuis le 10 janvier 2015, sans, au demeurant, en bouleverser l'économie quant aux règles qui concernent le présent litige ; Que le fait que les parties aient eu éventuellement l'intention de placer leurs relations sous l'empire de la loi française, qu'invoquent les époux X..., est totalement indifférent à la détermination de la juridiction compétente, qui est indépendante du choix ou de la détermination de la loi applicable. Aux termes de l'article 4-1 du règlement visé - correspondant à l'article 6 du texte antérieur abrogé, " sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un Etat membre - de l'Union Européenne - ne peuvent être attraites devant les juridictions d'un autre Etat membre qu'en vertu des règles énoncées aux sections Il à Vll du présent chapitre " ; Qu'il n'est pas discuté que les époux Z... B... soient domiciliés en Italie , et qu'ils doivent donc être attraits devant une juridiction italienne, sauf s'il existe une compétence spéciale alternative à cette règle générale, qui sont applicable en l'espèce, et puisse conduire à reconnaître la compétence du juge français ; Qu'il est également constant que les transferts de fonds réalisés vers le compte de Mme Z... l'ont été en vertu du mandat qui lui avait été conféré par les époux X... d'identifier, pour leur compte, des immeubles à louer et acheter, et de réaliser, toujours pour leur compte, ces location et achats ; Que peu importe que le mandat initial, ou ceux qui l'ont suivi, aient été ou non révoqués, dès lors que c'est bien sur le fondement de ce contrat que les fonds ont été remis à Mme Z..., et de même, c'est bien également l'exécution partielle de ce mandat, ou sa révocation, qui fait qu'elle reste détentrice des fonds résiduels, et qui justifie la restitution qui lui est aujourd'hui demandée ; Que la règle de compétence spéciale pertinente est donc celle posée à l'article 7 du règlement UE susvisé - article 5 du règlement 44/2001-, lequel prévoit que : " La personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre 1 a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande b) aux fins d'application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est... pour la fourniture de services, le lieu d'un Etat membre où, en vertu de ce contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis c) le point a s'applique si le point b ne s'applique pas " ; Qu'en l'espèce, le mandat a été conféré en Italie, pour réaliser des opérations sur le territoire italien, et les fonds à restituer ont été versés et sont actuellement bloqués sur un compte italien, pays où ils auraient dû être investis, leur déblocage en Italie étant la condition sine qua non de leur retour en France ; Que l'application de l'article 7 ne fait donc que confirmer la compétence internationale du juge italien, au profit duquel le juge français doit se déclarer incompétent ; Que l'équité justifie la condamnation des époux X... à payer aux époux Z... la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article 7 1 a) du règlement 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite en matière contractuelle, devant le tribunal du « lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande », qui doit être fixé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie ; qu'en retenant, pour se déclarer internationalement incompétente que la loi française régissant les relations entre les parties « ne conditionne pas la détermination de la juridiction compétente pour trancher le litige qui les oppose » (arrêt attaqué, p.5), la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°) ALORS QU'aux termes de l'article 7 1 a) du règlement 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut être attraite, en matière contractuelle, devant le tribunal du « lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande », qui doit être fixé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté « la volonté des parties de soumettre leurs relations contractuelles à la loi française », en relevant encore précisément que « la destination des fonds dont la restitution est réclamée se situe sur le territoire français » (arrêt attaqué, p.5) ; qu'en se déclarant dès lors incompétente pour statuer sur la seule demande de restitution de fonds dont elle était saisie, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé le texte susvisé ;
3°) ALORS QUE l'obligation qui sert de base à la demande est l'obligation principale soumise l'examen du juge saisi ; qu'en l'espèce, indépendamment des demandes de condamnation au paiement des frais irrépétibles et des dépens, les époux X... se bornaient à présenter une demande de restitution de fonds, aucune demande reconventionnelle ne leur étant opposée ; qu'en retenant dès lors, pour se déclarer incompétente, que « l'obligation de restituer est consubstantielle aux obligations du mandataire » ou encore que « l'obligation qui sert de base à la demande est le mandat souscrit par Mme X... » (arrêt attaqué, p.5), la cour d'appel a violé l'article 7 1 a) du règlement 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
4°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige ; qu'en l'espèce les époux X... se bornaient à solliciter la restitution de fonds versés à des tiers dans le seul but d'acquérir un bien immobilier, en leur nom et pour leur compte ; qu'en se déclarant dès lors incompétente pour statuer sur une telle demande de restitution, aux motifs que « l'obligation de restituer est consubstantielle aux obligations du mandataire » ou encore que « l'obligation qui sert de base à la demande est le mandat souscrit par Mme X... » (arrêt attaqué, p.5), cependant que le mandat confié avait fait l'objet d'une « révocation » non contestée, le mandat de recherche de biens immobiliers à acquérir étant de surcroît « arrivé à son terme » (arrêt attaqué, p.5), la cour d'appel a violé ainsi l'article 4 du code de procédure civile.