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07/03/2018 | FRANCE | N°15-26227

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 07 mars 2018, 15-26227


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2015), que Peggy Z... a constitué une collection de trois-cent-vingt-six oeuvres d'art moderne (la collection), déclarée d'intérêt historique et artistique exceptionnel par le gouvernement italien ; qu'elle en a fait don l'année suivante à la Fondation Salomon R. Z... (la fondation), après lui avoir donné le palais [...], à Venise (le palais), où la collection était exposée ; que les ayants droit de Peggy Z... , décédée [...] , qui avaient agi

contre la fondation en lui reprochant d'avoir porté atteinte à l'unité e...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 septembre 2015), que Peggy Z... a constitué une collection de trois-cent-vingt-six oeuvres d'art moderne (la collection), déclarée d'intérêt historique et artistique exceptionnel par le gouvernement italien ; qu'elle en a fait don l'année suivante à la Fondation Salomon R. Z... (la fondation), après lui avoir donné le palais [...], à Venise (le palais), où la collection était exposée ; que les ayants droit de Peggy Z... , décédée [...] , qui avaient agi contre la fondation en lui reprochant d'avoir porté atteinte à l'unité et à la disposition de la collection, ont, le 10 décembre 1996, en cours de procédure, conclu avec elle une transaction ; que, lui faisant grief d'avoir, en violation de l'article 3 de celle-ci, installé dans le palais, de façon pérenne, d'autres collections dont elle avait, en outre, fait mention des noms sur la façade du palais, MM. Sandro  , Sindbad, Lancelot et Santiago Y... (les consorts Y...), MM. Nicolas et Benjamin D..., et Mme Agathe D..., ayants droit de Peggy Z... , ont assigné la fondation pour voir ordonner la remise en état de la collection ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir dire que la transaction n'a pas été respectée en son article 3 par la fondation, ainsi que leurs demandes subséquentes tendant à voir reconnaître à la collection, sur laquelle ils étaient investis du droit moral, la qualité d'oeuvre de l'esprit, tant au regard du droit français que du droit italien, alors, selon le moyen :

1°/ que l'inaliénabilité du droit au respect de l'oeuvre, principe d'ordre public, s'oppose à ce que son titulaire puisse abandonner à un tiers, de façon préalable et générale, l'appréciation exclusive des utilisation, diffusion, adaptation, retrait, adjonction et changement auxquels il plairait à ce dernier de procéder ; qu'en se fondant sur un protocole transactionnel par lequel, ainsi qu'elle l'avait constaté, les héritiers avaient abandonné à la fondation l'exclusivité du contrôle de la collection et de l'exposition des oeuvres, sans rechercher si lesdits héritiers, ainsi qu'ils le soutenaient, n'étaient pas titulaires d'un droit moral au titre de l'oeuvre de l'esprit que constituait la collection et son agencement dans le palais, tant au regard du droit français qu'italien et, partant, si une telle renonciation était possible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ qu'une transaction ne peut être opposée par l'un des cocontractants que s'il en a respecté les conditions ; qu'en écartant tout manquement de la fondation à ses obligations résultant de l'article 3 du protocole transactionnel du 10 décembre 1996, au terme duquel elle devait faire son possible pour monter des expositions de la collection Peggy Z... de façon à servir la réputation de cette dernière en tant que collectionneur et en tant que figure importante de l'histoire de l'art du vingtième siècle et pour présenter le plus grand nombre possible des oeuvres de cette collection, au titre de l'adjonction de collections permanentes de moindre notoriété et dont l'exposition se faisait mécaniquement au détriment des oeuvres de la collection originelle, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 2052 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que les consorts Y... n'ont pas soutenu devant la cour d'appel que la transaction aurait emporté abandon au profit de la fondation, de façon préalable et générale, du pouvoir exclusif d'apprécier les utilisations de la collection comme les changements susceptibles d'y être apportés, et, partant, qu'elle aurait été de nature à porter atteinte à l'inaliénabilité du droit moral dont ils se disaient investis en leur qualité d'héritiers de Peggy Z... ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a estimé, par une interprétation de sa portée, rendue nécessaire par son imprécision, que la transaction n'imposait aucune contrainte à la fondation tenant au nombre ou à la durée d'exposition d'autres collections, ni n'exigeait d'elle une présentation constante de l'ensemble des oeuvres de la collection ; qu'elle a constaté, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que les ayants droit de Peggy Z... n'établissaient pas que l'exposition des collections L..., K... et F... portait atteinte à la réputation de celle de leur auteur, et retenu qu'ils ne caractérisaient aucun manquement de la fondation à ses obligations ;

Que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit, et, partant, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé en sa seconde ;

Sur le second moyen :

Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir reconnaître la profanation de la sépulture de Peggy Z... , située dans le jardin, ordonner la remise en état de celui-ci, le retrait des oeuvres de la collection F... et toutes références à cette collection, alors, selon le moyen :

1°/ que la censure qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier moyen de cassation emportera, par voie de conséquence, celle des présents chefs de dispositif en ce qu'ils reposent également sur l'affirmation selon laquelle la méconnaissance de l'article 3 de l'accord transactionnel du 10 décembre 1996 ne serait pas établie, en application de l'article 625 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en subordonnant la caractérisation d'un outrage immatériel sur tombe, au sens du droit pénal italien, à des actes de dénigrement ou de manifestations hostiles ou contraires à la dignité ou à la décence, pour retenir que l'organisation, aux abords d'une sépulture d'évènements commerciaux, qui porte manifestement atteinte à la mémoire de la personne décédée et à la dignité du lieu, ne constitue pas un tel outrage, la cour d'appel a dénaturé le droit italien et violé l'article 3 du code civil ;

Mais attendu que le rejet du premier moyen rend sans objet le grief articulé par la première branche, qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

Et attendu que, sous le couvert d'un grief non fondé de dénaturation de la loi italienne, le moyen, qui n'identifie pas de façon de précise les termes du droit prétendument méconnu, ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui, statuant au vu du certificat de coutume produit par les consorts Y..., a estimé que l'organisation, dans le jardin, des manifestations litigieuses ne pouvaient caractériser, selon la loi italienne, une « profanation immatérielle » portée à la sépulture ou la personne de la défunte ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne MM. Sandro Sindbad, Lancelot et Santiago Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la Fondation Salomon R. Z... la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour MM. Sandro Sindbad, Lancelot et Santiago Y....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée, infirmative sur ce point, d'AVOIR dit les consorts Y... non fondés en leur demande tendant à voir dire que l'accord transactionnel du 10 décembre 1996 n'avait pas été respecté en son article 3 par la Fondation Solomon R. Z... et en leurs demandes subséquentes aux fins de voir dire que la collection Peggy Z... était une oeuvre de l'esprit tant au regard du droit français que du droit italien et qu'ils étaient titulaires du droit moral sur cette oeuvre, ordonner la remise en état intégrale de la collection Peggy Z... au Palais de Venise sous la surveillance d'un huissier qu'il plaira à la cour de désigner, assortie d'une astreinte de 10 000 euros par jour et la suppression de toute mention faisant état des collections L..., K... et F... dans l'enceinte du Palais et du jardin, sous la même astreinte et les en a débouté ;

AUX MOTIFS QU' « après que les consorts Y... aient interjeté appel de cette décision, les parties ont conclu un « Protocole de transaction » dans les termes suivants : « (...) Article 3 : Les Consorts D... et Y... reconnaissent le droit exclusif de la Fondation à l'exercice de son contrôle de la conservation de la collection et l'exposition des oeuvres d'art dans le Palais, sous réserve de ce qui est dit ci-dessus à l'article 2. Cela étant, la Fondation continuera à essayer de monter des expositions de la collection de façon à servir la réputation de Peggy Z... en tant que collectionneur et en tant que figure importante de l'histoire de l'art de ce siècle. La Fondation poursuivra ses efforts pour présenter de temps à autre le plus grand nombre possible d'oeuvres de la collection qu'elle jugera, à sa seule discrétion, être le nombre optimum pour la présentation de la collection. (...) ; que la fin de non-recevoir ainsi opposée par la Fondation doit cependant être rejetée, l'autorité de chose jugée par le jugement du 7 décembre 1994 et par la transaction du 10 décembre 1996 ne pouvant être opposée aux demandes des appelants qui sont fondées sur le non-respect par l'intimé de l'article 3 de la transaction du 10 décembre 1996 à raison de faits, l'exposition d'oeuvres étrangères à la collection Peggy Z... , survenus postérieurement à la conclusion de celle-ci, de sorte que la cause du litige se trouve renouvelée par rapport à celle de l'instance engagée le 15 janvier 1992 à laquelle a mis fin la transaction du 10 décembre 1996 ; que les consorts Y... soutiennent que l'article 3 de la transaction a pour objet d'encadrer l'administration par la fondation de la collection et suppose, « par définition » que l'intéressée renonçait à la liberté totale que le tribunal lui a reconnu à cet égard dans son jugement du 7 décembre 1994, sauf à nier toute concession de sa part et à rendre nulle la transaction ; qu'ils font plaider que l'alinéa 1 de l'article 3 reconnaissait le droit exclusif de la Fondation pour contrôler la conservation de la collection et son exposition dans le Palais, tout en réservant la possibilité de monter des expositions dans le but de servir la réputation de Peggy Z... et que l'alinéa 2 envisageait la présentation de la collection hors du Palais, pour des expositions itinérantes pour lesquelles la Fondation se réservait le droit de décider du nombre d'expositions et du nombre d'oeuvres à présenter ; qu'ils prétendent qu'il s'agissait de reconnaître la primauté des oeuvres choisies par Peggy Z... , c'est-à-dire, concrètement, d'en préserver l'intégrité et, si d'autres oeuvres provenant d'autres collections pouvaient être exposées avec elles, c'était à la triple condition : que les oeuvres choisies par Peggy Z... aient la primauté, que les autres oeuvres aient pour objectif de servir la réputation de Peggy Z... et que ces expositions soient temporaires, que les expositions itinérantes ne devaient enfin être envisagées que de façon provisoire et limitée et pas trop abondantes pour que le palais ne soit pas déserté ; qu'ils font grief à la Fondation d'avoir installé de façon permanente d'autres collections dans le palais et le jardin et d'avoir relégué beaucoup d'oeuvres de la collection Peggy Z... dans une réserve pour faire de la place à ces collections, qui représentent désormais, selon eux, près de la moitié des oeuvres exposées ; que la Fondation conteste toute violation de sa part de l'article 3 de la transaction qui lui reconnait un droit exclusif dans l'exercice du contrôle de la collection et l'exposition des oeuvres ; que l'article 3 de la transaction reconnaît à la Fondation le droit exclusif à l'exercice de son contrôle de la collection et de l'exposition des oeuvres dans le Palais, sans limiter aucunement ce droit aux oeuvres de la collection Peggy Z... ; que les consorts Y... reconnaissent eux-mêmes que la Fondation peut exposer dans le Palais des oeuvres d'autres collections que celle de Peggy Z... ; que M. Sandro Y... a d'ailleurs lui-même organisé dans le palais des expositions de cette sorte en 2003 (Holzer), en 2005 (Wurm), en 2007 (Vedova) et en 2011 (Armleder) ; que force est de constater que la transaction n'impose à la Fondation aucune contrainte, quant à la durée de telles expositions et à la primauté de la collection de Peggy Z... , en termes de quelque proportion que ce soit, et ne fixe aucune condition quant à l'ampleur et la fréquence d'éventuelles expositions itinérantes ; qu'il n'est pas établi que l'exposition des oeuvres des collections L..., K... et F..., au côté de celle de Peggy Z... porte atteinte à la réputation de cette dernière en tant que collectionneur et en tant que figure de l'histoire de l'art de ce siècle ; que l'article 3 n'exige enfin pas la présentation constante de l'ensemble des oeuvres de la collection de Peggy Z... , incompatible, au demeurant, avec la nécessité de préserver et de restaurer certaines pièces ; que l'argument tiré par les appelants de l'absence de concessions de la part de la Fondation n'est pas pertinent, l'existence de concessions réciproques ne pouvant s'apprécier article par article de la transaction mais au regard de celle-ci dans son ensemble, qui voit l'intimée accepter de consacrer une pièce du palais à la mémoire de G... , alors que le jugement du 7 décembre 1994 avait débouté les consorts Y... de leur demande à ce titre, accepter la constitution d'un comité familial à l'effet d'informer les membres de la famille des activités de la collection et de la Fondation, conserver la charge des frais et honoraires de conseils par elle exposés au titre de la procédure de 1992 et de participer au paiement des honoraires dus par les consorts Y... à leurs conseils ; que l'article 3 est le siège d'une concession des appelants, qui reconnaissent à la Fondation le droit exclusif au contrôle de la collection et de l'exposition des oeuvres qu'ils lui contestaient aux termes de leurs prétentions originaires ; que les appelants, qui ne caractérisent pas le moindre manquement de la Fondation à cet égard, doivent être déboutés de leur demande tendant à voir dire que l'accord transactionnel du 10 décembre 1996 n'a pas été respecté en son article 3 par l'intéressée et de leurs demandes subséquentes aux fins de voir dire qu'ils sont fondés à faire valoir que la collection de Peggy Z... est une oeuvre de l'esprit tant au regard du droit français que du droit italien et qu'ils sont titulaires du droit moral sur cette oeuvre, ordonner la remise en état intégrale de la collection de Peggy Z... au Palais de Venise sous la surveillance d'un huissier qu'il plaira à la cour de désigner, assortie d'une astreinte de 10 000 euros par jour et la suppression de toute mention faisant état de la collection L..., de la collection K... et de la collection F... dans l'enceinte du Palais et du jardin, sous la même astreinte » ;

1) ALORS QUE l'inaliénabilité du droit au respect de l'oeuvre, principe d'ordre public, s'oppose à ce que son titulaire puisse abandonner à un tiers, de façon préalable et générale, l'appréciation exclusive des utilisation, diffusion, adaptation, retrait, adjonction et changement auxquels il plairait à ce dernier de procéder ; qu'en se fondant sur un protocole transactionnel par lequel, ainsi qu'elle l'avait constaté, les héritiers avaient abandonné à la fondation l'exclusivité du contrôle de la collection et de l'exposition des oeuvres (arrêt, p. 10, § 3), sans rechercher si lesdits héritiers, ainsi qu'ils le soutenaient, n'étaient pas titulaires d'un droit moral au titre de l'oeuvre de l'esprit que constituait la collection et son agencement dans le palais, tant au regard du droit français qu'italien et, partant, si une telle renonciation était possible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;

2) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'une transaction ne peut être opposée par l'un des cocontractants que s'il en a respecté les conditions ; qu'en écartant tout manquement de la fondation à ses obligations résultant de l'article 3 du protocole transactionnel du 10 décembre 1996, au terme duquel elle devait faire son possible pour monter des expositions de la collection Peggy Z... de façon à servir la réputation de cette dernière en tant que collectionneur et en tant que figure importante de l'histoire de l'art du XXème siècle et pour présenter le plus grand nombre possible des oeuvres de cette collection, au titre de l'adjonction de collections permanentes de moindre notoriété et dont l'exposition se faisait mécaniquement au détriment des oeuvres de la collection originelle, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 2052 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR débouté les consorts Y... de leurs demandes tendant à voir dire que la sépulture de Peggy Z... , située dans le jardin, avait été profanée, ordonner la remise en état du jardin, le retrait des oeuvres de la collection F... et toutes références à cette collection sous astreinte ;

AUX MOTIFS QUE « la sépulture de Peggy Z... se trouve à l'entrée du jardin du Palais[...] ; que les appelants reprochent à la Fondation d'avoir profané cette sépulture en permettant à des collectionneurs d'apposer des plaques portant leurs noms et d'exposer des oeuvres de leurs collections dans le jardin où elle se trouve et d'avoir fait de celui-ci un lieu commercial, ouvert à la location et où sont organisés des évènements mondains, faisant plaider que cette commercialisation du lieu de sépulture porte atteinte au respect dû aux cendres et à la mémoire de l'intéressée ; qu'ils font plaider que les sépultures sont hors commerce et consacrées au culte des morts et donc inviolables et sacrées ; qu'ils soutiennent que la loi française en la matière, et précisément les articles 16-1, 16-1-1 et 16-9 du code civil, qui est d'ordre public et qui considère que toute violation de sépulture heurte un droit fondamental, est applicable, nonobstant la règle de droit international privé selon laquelle les faits juridiques sont soumis à la loi du lieu où ils surviennent ; qu'ils font valoir que la sépulture a, en toute hypothèse, fait l'objet d'une profanation sanctionnée par le droit italien ; que la Fondation invoque l'application de la loi italienne et l'absence d'atteinte à la sépulture au regard de celle-ci et fait valoir, à titre subsidiaire, qu'il n'en existe également aucune au regard de la loi française ; que les obligations extra-contractuelles sont régies par la loi du lieu où est survenu le fait qui leur donne naissance ; que la règle de conflit désigne donc la loi italienne comme applicable en l'espèce ; que même en présence d'une loi de police, il est nécessaire de caractériser l'existence d'un lien de rattachement entre les faits allégués et la France que ne saurait constituer, en l'espèce, la seule nationalité française des appelants ; que les dispositions de la loi française invoquées par ceux-ci ne peuvent donc pas exclure l'application de la loi étrangère de commission, laquelle n'est en rien contraire à l'ordre public français ; que l'article 407 du code pénal italien dispose que « quiconque vide une tombe, une sépulture ou une urne est puni d'une peine de 1 à 5 ans de prison » ; que l'article 408 du même code dispose que « quiconque, dans un cimetière ou un autre lieu d'enterrement, commet un acte de profanation d'une tombe, sépulture, urne ou de tous monuments dédiés au souvenir d'une personne décédée, ou commet un acte de dégradation ou de décoration du cimetière, est puni d'une peine de prison de 6 mois à 3 ans » ; que la loi italienne protège la sépulture, les restes d'un défunt et la dignité humaine y compris après la mort de sorte qu'il n'y a pas motif de l'écarter pour faire application de la loi française ; que le Pr H... indique, aux termes d'un certificat de coutume du 28 avril 2014, que le crime de profanation de tombes peut également être perpétré dans tous autres lieu qu'un cimetière dont la fonction est de protéger la quiétude de la personne défunte ; que les appelants fustigent, au titre de la profanation dont ils arguent : - l'ajout dans le jardin, après le décès de Peggy Z... , d'autres sculptures que celles qu'elle y avait installées et oeuvres d'artistes qu'elle n'avait pas connus de sorte que ce lieu, illustration de la vie de l'intéressée, a été dénaturé et l'atteinte à sa mémoire patente, - l'organisation d'évènements commerciaux et d'expositions dans le jardin et la commercialisation même de celui-ci, offert à la location des tiers, - l'apposition dans le jardin d'une plaque portant l'inscription : « F... Sculptures G... et d'une autre plaque à l'entrée du jardin portant l'inscription ; « Peggy Z... collection / F... Sculptures  K... collection / . L... collection » ; que les cendres de Peggy Z... , dont le corps a été incinéré, ont été placées dans une urne, sous une plaque de marbre scellée qui se trouve à l'entrée du jardin du Palais [...] ; que Peggy Z... n'avait laissé aucune instruction quant au choix et à l'aménagement de son lieu de sépulture ; qu'elle n'a jamais exprimé, notamment dans l'acte de donation, le voeu de reposer dans le jardin ni de voir celui-ci consacré à sa sépulture et interdit d'accès au public ; qu'il n'est argué d'aucune atteinte matérielle à la sépulture ; que le grief tenant à l'ajout d'autres sculptures dans le jardin rejoint celui tenant au non-respect de l'article 3 de la transaction qui n'a pas été jugé fondé par la cour ; que cet ajout, qui ne peut être sanctionné sur ce fondement, ne peut pas l'être non plus sur celui d'une atteinte à la sépulture, à la quiétude et au repos des cendres de Peggy Z... faute pour les appelants de démontrer que les oeuvres exposées seraient d'une nature telle qu'elle rendrait leur présence incompatible avec la dignité et le respect dû à la défunte et à ses restes ; que l'apposition de la plaque destinée à honorer les époux F..., grâce à la générosité desquels le jardin a été restauré, ne porte aucune atteinte à la sépulture ni à la mémoire de Peggy Z... ; qu'il en est de même de la plaque dédiée à d'autres donateurs de collections que la Fondation est autorisée à accueillir dans l'enceinte et le jardin du Palais ; que l'organisation dans le jardin d'évènements commerciaux et d'expositions donnant lieu à des vernissages, ne saurait constituer une profanation immatérielle portée à la sépulture ou à la personne de la défunte, dont il n'est pas soutenu ni établi qu'elle serait de quelque façon, en ces occasions, dénigrée ou l'objet de manifestations hostiles ou contraires à la dignité ou à la décence ; que les appelants n'établissent donc pas la profanation qu'ils invoquent, qu'ils seront déboutés de leur demande tendant à voir ordonner la remise en état du jardin, le retrait de ce lieu des oeuvres de la collection F... et de toute référence à d'autres collections » ;

1) ALORS QUE la censure qui ne manquera pas d'intervenir du chef du premier moyen de cassation emportera, par voie de conséquence, celle des présents chefs de dispositif en ce qu'ils reposent également sur l'affirmation selon laquelle la méconnaissance de l'article 3 de l'accord transactionnel du 10 décembre 1996 ne serait pas établie, en application de l'article 625 du code de procédure civile ;

2) ALORS QU'en subordonnant la caractérisation d'un outrage immatériel sur tombe, au sens du droit pénal italien, à des actes de dénigrement ou de manifestations hostiles ou contraires à la dignité ou à la décence, pour retenir que l'organisation, aux abords d'une sépulture d'évènements commerciaux, qui porte manifestement atteinte à la mémoire de la personne décédée et à la dignité du lieu, ne constitue pas un tel outrage, la cour d'appel a dénaturé le droit italien et violé l'article 3 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 15-26227
Date de la décision : 07/03/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 23 septembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 07 mar. 2018, pourvoi n°15-26227


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Lesourd

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:15.26227
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