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28/02/2018 | FRANCE | N°17-10876

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 février 2018, 17-10876


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 975 du code civil ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, ne pourront être pris pour témoins du testament par acte public, ni les légataires, à quelque titre qu'ils soient, ni leurs parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni les clercs des notaires par lesquels les actes seront reçus ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Yvonne X... est décédée le [...], laissant pour lui succéder ses deux petits-enfants, M.

et Mme Y... (les consorts Y...), venant par représentation de leur père prédécédé, Ala...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 975 du code civil ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, ne pourront être pris pour témoins du testament par acte public, ni les légataires, à quelque titre qu'ils soient, ni leurs parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni les clercs des notaires par lesquels les actes seront reçus ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Yvonne X... est décédée le [...], laissant pour lui succéder ses deux petits-enfants, M. et Mme Y... (les consorts Y...), venant par représentation de leur père prédécédé, Alain Y..., en l'état d'un testament authentique reçu le 10 septembre 2009 par M. A..., notaire, instituant Mme Claude X... légataire à titre particulier de biens immobiliers ; que cette dernière a assigné les consorts Y... en délivrance de son legs ; que M. A... est intervenu volontairement à l'instance d'appel ;

Attendu que, pour déclarer nul le testament et rejeter les demandes de Mme X..., l'arrêt, après avoir constaté que l'un des témoins à l'établissement du testament était lié à la légataire par un pacte civil de solidarité, retient qu'en l'état de l'évolution de la société et des nouvelles formes de conjugalité, il convient d'inclure dans la notion d'allié le partenaire du légataire afin de respecter l'esprit protecteur de l'article 975 du code civil ; qu'il ajoute que celui-ci a un intérêt au testament en raison de sa vie commune avec le gratifié et que les liens unissant les partenaires d'un pacte civil de solidarité sont semblables à ceux du mariage ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'alliance étant établie par le seul effet du mariage, la qualité de partenaire d'un pacte civil de solidarité n'emporte pas incapacité à être témoin lors de l'établissement d'un testament authentique instituant l'autre partenaire légataire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'il convient de mettre hors de cause M. A..., notaire, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de Mme X... tendant à la mise sous séquestre du prix de vente du bien sis 1 place du 4 septembre à Marseille, cadastré sous la référence [...], déclare recevable l'intervention volontaire de M. A... et rejette les demandes de Mme X... à son encontre, l'arrêt rendu le 12 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Met hors de cause M. A..., notaire ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a prononcé la nullité du testament authentique reçu par Me Luc A... le 10 septembre 2009 aux termes duquel Mme Yvonne X... a procédé à un legs particulier au profit de Mme Claude X... ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes des dispositions de l'article 975 du code civil, ne pourront être pris pour témoins du testament par acte public, ni les légataires, à quelque titre qu'ils soient, ni leurs parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni les clercs des notaires par lesquels les actes seront reçus ; que la finalité de cette disposition légale réside dans le fait de protéger le testateur de l'influence de ses proches, afin que son libre arbitre soit sauvegardé jusqu'à la signature de l' acte ; qu'il est constant que l'un des témoins à l'établissement du testament authentique du 10 septembre 2009 établi par Yvonne X... au bénéfice de sa nièce' Madame Claude X..., instituée légataire à titre particulier, était le partenaire pacsé de cette dernière, Monsieur D ; que s'il est exact que le texte de l'article 975 du code civil ne vise pas expressément les partenaires pacsés, il ne vise pas plus le conjoint du légataire, qui est au premier chef un allié frappé de l'incapacité légale dont s'agit ; qu'en l'état de l'évolution de la société et des nouvelles formes de conjugalités, il convient d'inclure dans la notion d'allié le partenaire pacsé du légataire, afin de respecter l'esprit protecteur des dispositions de l'article 975 du code civil, ce dernier disposant d'un intérêt certain dans la rédaction du testament, dès lors qu'il a vocation, compte tenu de sa vie commune avec la gratifiée, à hériter du legs ; qu'en effet, si les partenaires du pacte civil de solidarité n'ont pas la qualité d'héritiers, il peut être remédié à cette incapacité, en optant pour le régime de l'indivision ou en rédigeant un testament au profit de l'autre ; que la question de droit posé n'est pas celle des similitudes ou des différences de régimes entre le mariage et le pacte civil de solidarité, mais celle des liens interpersonnels existant entre les partenaires dudit pacte ; que ces liens sont semblables à ceux du mariage, et réglementés, le Conseil Constitutionnel ayant relevé, dans sa décision du 9 novembre 1999, relative à la loi sur le pacte civil de solidarité, que les liens entre les deux partenaires sont ceux propres à une vie de couple, de manière identique aux liens unissant deux époux ; qu'en conséquence que le testament authentique en date du 10 septembre 2009 doit être déclaré nul et de nul effet, Madame Claude X... étant déboutée de l'ensemble de ses demandes, le jugement déféré étant confirmé dans l'intégralité de ses dispositions ; que la cour n'a pas à examiner les autres moyens développés par les parties, afférents à la nécessité de l'instauration de mesures d'expertise, à la capacité à recevoir de la légataire, à l'état de santé de la testatrice, à la réduction du legs consenti et aux montant des frais de succession, eu égard à la nullité du testament prononcée » ;

Et AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « les dispositions de l'article susvisé tendent à protéger le testateur de l'influence de ses proches et notamment de ceux qui pourraient être désignés dans le testament ; que par ces exclusions, le libre arbitre du testateur est sauvegardé jusqu'à la signature de l'acte ; que s'il est exact que les partenaires « pacsé » n'ont pas été visés expressément par cette disposition légale, eu égard à l'évolution de la société et notamment à la généralisation du PACS comme mode de vie de couple, il convient d'inclure dans la notion d'allié le partenaire pacsé du légataire, celui-ci a en effet un intérêt certain dans la rédaction du testament dès lors qu'il a vocation à profiter indirectement ou directement (si le légataire le gratifie à son tour) du legs ; qu'en conséquence, au regard des dispositions de l'article 1001 du Code civil selon lesquelles les formalités auxquelles les divers testaments sont assujettis doivent être observées à peine de nullité (...) » ;

ALORS QU'en dehors du lien de parenté et de la qualité de clerc, l'interdiction posée par l'article 975 du Code civil suppose un lien d'alliance jusqu'au quatrième degré ; que le lien découlant d'un pacs n'est pas un lien d'alliance ; qu'en appliquant néanmoins l'interdiction posée à l'article 975 dans l'hypothèse où un témoin était lien par un pacs au légataire, les juges du fond ont violé l'article 975 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a rejeté la demande en dommages et intérêts formée contre M. Luc A..., notaire, ayant reçu le testament du 10 septembre 2009 ;

AUX MOTIFS QU' « il ne peut être à bon droit reproché par l'appelante à Me Luc A... d'avoir, lors de la rédaction du testament d'Yvonne X..., accepté la présence, en qualité de témoin, du partenaire pacsé de la légataire, dans la mesure où le notaire s'en est tenu à la lettre des dispositions de l'article 975 du Code civil, ce partenaire n'étant pas expressément visé par ce texte ; que Mme Claude X... ne peut lui reprocher de ne pas avoir prévu l'évolution du droit sur l'assimilation du partenaire pacsé à un allié, aucune décision de justice n'ayant, à l'époque du testament, été rendue sur cette question de droit » ;

ALORS, premièrement, QUE si même un texte laisse place à l'interprétation, et si même de ce fait il existe une incertitude juridique, il incombe au notaire, qui doit s'appliquer à faire produire à l'acte tous les effets voulus par son auteur, de modifier les conditions dans lesquelles l'acte est passé pour lever l'incertitude, à tout le moins d'alerter l'auteur de l'acte de l'incertitude qui l'affecte ; que tel est le cas notamment lorsqu'un texte édicte une interdiction et qu'à la faveur d'une institution juridique apparue postérieurement au texte, son champ d'application peut donner lieu à débat ; qu'à supposer que l'article 975 du Code civil puisse s'appliquer à la personne liée par un pacs au légataire, il appartenait alors au notaire d'écarter le témoin ou d'inviter le testateur à faire le choix d'un autre témoin de manière à conférer tous les effets que son auteur voulait faire produire au testament ou en tout cas d'attirer l'attention du testateur sur les risques liés à la qualité du témoin en cause ; qu'en décidant le contraire, pour écarter toute faute du notaire, les juges du fond ont violé l'article 1382 du Code civil ;

ALORS, deuxièmement, QUE, le fait qu'« aucune décision de justice n'ayant, à l'époque du testament, été rendue sur cette question de droit » n'était pas de nature à exclure l'existence d'une incertitude sur la faculté pour le partenaire du légataire de faire office de témoin, ni donc l'obligation à la charge du notaire d'attirer l'attention du testateur sur ce doute ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont encore violé l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-10876
Date de la décision : 28/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

TESTAMENT - Testament authentique - Témoins instrumentaires - Qualité - Parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement - Clercs des notaires ayant reçu les actes - Possibilité (non)

TESTAMENT - Testament authentique - Témoins instrumentaires - Qualité - Partenaire d'un pacte civil de solidarité - Capacité lors de l'établissement du testament authentique de l'autre partenaire

Aux termes de l'article 975 du code civil, ne pourront être pris pour témoins du testament par acte public, ni les légataires, à quelque titre qu'ils soient, ni leurs parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclusivement, ni les clercs des notaires par lesquels les actes seront reçus. L'alliance étant établie par le seul effet du mariage, la qualité de partenaire d'un pacte civil de solidarité n'emporte pas incapacité à être témoin lors de l'établissement d'un testament authentique instituant l'autre partenaire légataire


Références :

article 975 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 octobre 2016

A rapprocher :1re Civ., 14 novembre 1966, pourvoi n° 65-12866, Bull. 1966, I, n° 509 (rejet) ;1re Civ., 14 novembre 2007, pourvoi n° 06-20074, Bull. 2007, I, n° 361 (rejet)

arrêt cité ;2e Civ., 23 janvier 2014, pourvoi n° 13-11362, Bull. 2014, II, n° 23 (rejet).Cf. :Cons. const., 29 juillet 2011, décision n° 2011-155 QPC ;CE, 28 juin 2002, n° 220361, publié au Recueil Lebon


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 fév. 2018, pourvoi n°17-10876, Bull. civ.Bull. 2018, I, n° 41
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, I, n° 41

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.10876
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