La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/2018 | FRANCE | N°16-24507

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 28 février 2018, 16-24507


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, quatrième et cinquième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 juin 2016), que le groupement foncier agricole G...            (le GFA), ayant pour associés M. G...            et sa soeur, Mme Z..., a conclu un bail rural avec la société La Cabanne du soleil, dirigée par M. G...            ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de cette dernière, prononcée le 25 mars 2010, le GFA a consenti un nouveau

bail rural à l'EARL Coeur de salades (l'EARL), constituée le 27 juillet 2010 et gérée par Mme Z... ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses première, quatrième et cinquième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 juin 2016), que le groupement foncier agricole G...            (le GFA), ayant pour associés M. G...            et sa soeur, Mme Z..., a conclu un bail rural avec la société La Cabanne du soleil, dirigée par M. G...            ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de cette dernière, prononcée le 25 mars 2010, le GFA a consenti un nouveau bail rural à l'EARL Coeur de salades (l'EARL), constituée le 27 juillet 2010 et gérée par Mme Z... ; que cette seconde société a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, les 13 novembre 2014 et 19 mars 2015, M. H... A... étant nommé liquidateur ; que ce dernier a assigné le GFA afin que lui soit étendue cette procédure, pour confusion de leurs patrimoines ;

Attendu que le GFA fait grief à l'arrêt de retenir la confusion des patrimoines alors, selon le moyen :

1°/ que la confusion des patrimoines susceptible de justifier l'extension d'une procédure collective suppose une confusion des comptes ou des relations financières anormales entre deux personnes physiques ou morales se traduisant par un état permanent d'imbrication inextricable des éléments d'actif et de passif des patrimoines des personnes considérées ; que l'absence de paiement des loyers ne suffit pas à justifier de relations financières anormales constitutives d'une confusion de patrimoines entre le bailleur et le locataire ; qu'en se bornant à constater l'absence de paiement des loyers par l'EARL au GFA pour en déduire l'existence de relations financières anormales, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence de relations financières anormales justifiant l'extension de la procédure collective ouverte à l'encontre de l'EARL au GFA, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

2°/ que la confusion des patrimoines susceptible de justifier l'extension d'une procédure collective suppose une confusion des comptes ou des relations financières anormales entre deux personnes physiques ou morales se traduisant par un état permanent d'imbrication inextricable des éléments d'actif et de passif des patrimoines des personnes considérées ; qu'en retenant, pour en déduire l'existence de relations financières anormales, que le GFA avait signé un contrat de bail avec M. J... le 5 février 2009 et que les quittances de loyer avaient été établies par l'EARL, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette situation n'était pas justifiée par le fait que le contrat de bail conclu avec M. J... avait été signé « le 5 février 2009, à une époque où la société La Cabanne du soleil était en état de cessation des paiements, depuis le 8 avril 2008 » et que ce contrat de bail avait été transféré à l'EARL lorsque celle-ci était devenue locataire des lieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

3°/ qu'en constatant, pour en déduire l'existence de relations financières anormales, des transferts de personnel entre l'EARL et la société Cabanne du soleil, ancienne locataire du GFA, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une confusion de patrimoines entre l'EARL et le GFA, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

Mais attendu que la confusion des patrimoines de plusieurs sociétés peut se caractériser par la seule existence de relations financières anormales entre elles, sans qu'il soit nécessaire de constater que les actifs et passifs des différentes sociétés en cause sont imbriqués de manière inextricable et permanente ; qu'après avoir relevé, par des motifs non critiqués, que le GFA admet avoir renoncé à exiger le paiement des loyers dus par l'EARL pendant quatre ans et n'a pas tenté de les recouvrer, l'arrêt retient que le GFA ne saurait valablement arguer d'une situation transitoire ni du caractère non excessif de la durée de quatre ans, dès lors qu'il n'est pas établi que l'EARL fût sa filiale, tandis que, dans le même temps, cette dernière percevait le loyer au titre d'un contrat de sous-location partielle conclu avec M. J... , le 5 février 2009 ; que l'arrêt relève, ensuite, que le GFA a opéré des virements en faveur de l'EARL à hauteur de 56 450 euros, bien qu'aucun lien de filiation n'existât entre ces deux sociétés ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la quatrième branche en l'absence d'offre de preuve du transfert du bail conclu entre le GFA et M. J... au profit de l'EARL, a caractérisé, entre le GFA et l'EARL, l'existence de relations financières anormales constitutives de la confusion de leurs patrimoines et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche qui critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le groupement foncier agricole G...            aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour le groupement foncier agricole G...           

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir étendu à la personne du GFA G... la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société Coeur de salades par un jugement du 19 mars 2015 et d'avoir dit que les deux entités juridiques auront un passif commun et un actif commun également ;

AUX MOTIFS PROPRE QUE « l'article L. 621-2 du code de commerce dispose qu'à la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d'office, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale ; que le groupement foncier agricole GFA G... , géré par M. G...            et Mme G...            épouse Z..., a consenti un bail rural pour une durée de 18 ans à la société Cabanne du soleil, gérée par M. Cornelis G...            et mise en liquidation judiciaire le 25 mars 2010 puis à la société Coeur de salades immatriculée le 9 septembre 2010 au registre du commerce et des sociétés gérée par Mme Antonia Cornelis G...            épouse Z... ; que la location des lieux par la société Coeur de salades est confirmée par la sommation interpellative du 30 septembre 2010 et le courrier du 4 février 2011 adressé à Me H...

A... ; que le mandataire fait valoir que la société Coeur de salades a tiré profit et exploité le patrimoine du groupement foncier agricole GFA G... sans acquitter en contrepartie de loyers ; que le groupement foncier agricole admet dans ses écritures avoir renoncé en sa qualité de bailleur à exiger le paiement des loyers dus par la société Coeur de salades, locataire ; qu'il ne saurait valablement arguer d'une situation transitoire, soutenir que la durée de quatre ans n'est pas excessive et que les sociétés font partie d'un même groupe alors que les extraits K Bis versés aux débats démontrent qu'il s'agit d'entités juridiques distinctes ; que l'appelant produit des factures établies par ses soins qui font ressortir que la société Coeur de salades devait payer un loyer de 4 250 euros HT ; qu'il est constant qu'elle n'a pas tenté de recouvrer la moindre somme à ce titre nonobstant son objet social ; que dans le même temps, la société Coeur de salades a sous loué les lieux ; que le procès-verbal de constat établi le 24 décembre 2015 par la Selarl Acthemis et les pièces annexées mettent en évidence la présence de cinq logements sur les lieux (trois occupants absents) ; que le groupement foncier agricole GFA G... a signé avec M. Ali J... , employé de la société La Cabanne du Soleil puis de la société Coeur de salades, un contrat de location le 5 février 2009 moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 400 euros confirmé par les quittances de loyer établies par la société Coeur de salades ; que le tampon du GFA figure sur le contrat de location consenti le 1er septembre 2014 par la société Coeur de salades à M. B... moyennant le paiement mensuel d'un loyer de 300 euros ; que par ailleurs, le liquidateur dresse la liste des virements opérés par le groupement foncier agricole G...            en faveur de la société Coeur de salades pour la somme de 56 450 euros et produit les relevés bancaires correspondants ; que l'argumentation de l'appelante concernant l'aide ponctuelle d'une société mère à sa filiale est inopérante dès lors qu'aucun lien de filiation n'existait sur le plan juridique ; que le groupement foncier agricole GFA G... a signé en mai, juin, septembre 2010 des contrats de mise à disposition de personnel intérimaire concernant Messieurs Ali J... , C... T..., D... K..., Q..., avec la société Adecco ; que le mandataire judiciaire justifie que des salariés employés courant 2012 par la société Coeur de salades étaient déjà employés par La Cabanne du Soleil (notamment Messieurs E..., L... , M... J..., R..., K...N..., S..., D... K..., Mesdames F... O... P...) ; que les transferts de personnel dont il se prévaut sont corroborés par les pièces du dossier ; qu'ainsi, l'existence de relations financières anormales entre les deux sociétés et d'une confusion de leurs patrimoines au sens des dispositions de l'article L. 621-2 du code de commerce est caractérisée ; qu'il convient de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ; »

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « la confusion apparaît déjà dans les écritures du GFA G... lorsqu'il reconnaît que l'assignation a été remise à un certain M. J... Ali ; en effet, le GFA G... prétend que cette personne doit être un salarié de la société Coeur de salades car lui-même n'a pas de salarié ; or la société Coeur de salades a été placée en liquidation judiciaire par jugement en date du 19 mars 2015, dès lors la présence d'un salarié sur le terrain n'a aucune raison d'être sauf à considérer qu'il est réglé par le GFA, ce que celui-ci dément puisqu'il dit qu'il n'a pas de salarié ; qu'il s'agit là d'un premier élément militant en faveur de la confusion ; concernant l'existence d'un bail qui lierait le GFA G... et la société Coeur de salades, le GFA reconnaît que la société Coeur de salades n'a pas réglé de loyer, il croit même pouvoir s'en servir pour argumenter le fait qu'il n'y aurait pas eu appauvrissement de celle-ci ; qu'il faut retenir que la société Coeur de salades n'a pas versé de loyer pendant une période de quatre années, quand bien même des factures auraient été émises, que le GFA G... n'a entrepris aucune demande pour recouvrer sa créance ou obtenir la résiliation du bail, qu'une telle abstention procède d'une volonté réitérée et systématique ; qu'il s'agit là de relations financières anormales entre la société Coeur de salades et le GFA G... , constitutives d'une confusion de patrimoines ; »

1°) ALORS QUE la confusion des patrimoines susceptible de justifier l'extension d'une procédure collective suppose une confusion des comptes ou des relations financières anormales entre deux personnes physiques ou morales se traduisant par un état permanent d'imbrication inextricable des éléments d'actif et de passif des patrimoines des personnes considérées ; que l'absence de paiement des loyers ne suffit pas à justifier de relations financières anormales constitutives d'une confusion de patrimoines entre le bailleur et le locataire ; qu'en se bornant à constater l'absence de paiement des loyers par la société Coeur de salades au GFA G... pour en déduire l'existence de relations financières anormales, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence de relations financières anormales justifiant l'extension de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société Coeur de salades au GFA G... , a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE seuls des faits antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective d'une personne morale ou physique peuvent justifier l'extension de cette procédure à l'encontre d'une autre personne morale ou physique ; qu'en retenant, pour en déduire l'existence de relations financières anormales, que le GFA G... avait effectué des virements au profit de la société Coeur de salades pour une somme totale de 56 450 euros, sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions du GFA G... p. 15) si ces versements n'étaient pas intervenus pour partie sous l'égide de Me H... A... ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Coeur de salades de sorte que, postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective, ils n'étaient pas susceptibles de justifier l'extension de procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

3°) ALORS QUE la confusion des patrimoines susceptible de justifier l'extension d'une procédure collective suppose une confusion des comptes ou des relations financières anormales entre deux personnes physiques ou morales se traduisant par un état permanent d'imbrication inextricable des éléments d'actif et de passif des patrimoines des personnes considérées ; qu'en retenant, pour en déduire une confusion des patrimoines, que le tampon du GFA G... avait été apposé sur un contrat de location consenti le 1er septembre 2014 par la société Coeur de salades sans se demander, comme elle y était invitée (conclusions p. 14), si ce tampon ne manifestait pas uniquement l'accord du bailleur, nécessaire pour que la société Coeur de salades, locataire du GFA, puisse sous-louer les bâtiments d'habitation compris dans les terres données à bail rural, de sorte qu'il n'établissait en rien une confusion des patrimoines, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

4°) ALORS QUE la confusion des patrimoines susceptible de justifier l'extension d'une procédure collective suppose une confusion des comptes ou des relations financières anormales entre deux personnes physiques ou morales se traduisant par un état permanent d'imbrication inextricable des éléments d'actif et de passif des patrimoines des personnes considérées ; qu'en retenant, pour en déduire l'existence de relations financières anormales, que le GFA G... avait signé un contrat de bail avec M. J... le 5 février 2009 et que les quittances de loyer avaient été établies par la société Coeur de salades sans rechercher, comme elle y était invitée (conclusions du GFA p. 13 et 14), si cette situation n'était pas justifiée par le fait que le contrat de bail conclu avec M. J... avait été signé « le 5 février 2009, à une époque où la société La Cabanne du soleil était en état de cessation des paiements, depuis le 8 avril 2008 » et que ce contrat de bail avait été transféré à la société Coeur de salades lorsque celle-ci était devenue locataire des lieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

5°) ALORS QU'en constatant, pour en déduire l'existence de relations financières anormales, des transferts de personnel entre la société Coeur de salades et la société Cabanne du soleil, ancienne locataire du GFA G... , la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser une confusion de patrimoines entre la société Coeur de salades et le GFA G... , a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-24507
Date de la décision : 28/02/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 30 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 28 fév. 2018, pourvoi n°16-24507


Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.24507
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award