LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 mai 2016), que la société ICTS Marseille Provence (la société) est en charge de la sécurité de l'aéroport de Marseille et emploie plus de quatre cents agents ; que l'intersyndicale CGT-CFDT-FO a déposé, le 16 avril 2013, un préavis de grève à compter du 19 avril 2013 pour une durée illimitée et a tenté de remettre à la direction, le 19 avril, une liste des agents désireux de cesser le mouvement de grève à compter du 21 avril suivant ; que la société ayant invité les salariés désireux de reprendre le travail à remplir une déclaration individuelle de reprise, la CGT a refusé de remettre les déclarations des salariés ayant permis d'établir la liste qu'elle a déclaré tenir à la disposition de la direction ; que, se plaignant de ce que la société avait privé certains salariés de salaire pendant plusieurs jours en ajoutant aux dispositions de la loi n° 2012-375 du 19 mars 2012, dite loi Diard, la fédération CGT du commerce et des services et l'Union locale CGT de Vitrolles (les syndicats) ont, le 15 octobre 2013, saisi le tribunal de grande instance ;
Attendu que les syndicats font grief à l'arrêt de dire qu'à défaut de prévisions par la loi Diard sur les modalités de remise par les salariés à l'employeur de leurs déclarations individuelles de participation à la grève ou de reprise du service, il appartient à la direction de la société de définir ces modalités et la procédure à suivre pour les salariés, de constater que la société a accepté, lors de la réunion du comité d'entreprise du 14 décembre 2012, la remise groupée des déclarations individuelles par une institution représentative ou toute autre personne et de les débouter de leur demande de dommages et intérêts pour atteinte au libre exercice du droit de grève, alors, selon le moyen :
1°/ que le droit de grève étant un principe à valeur constitutionnelle, les restrictions qui y sont apportées par le législateur doivent être interprétées strictement ; que l'employeur ne peut donc ajouter à ces restrictions en imposant aux salariés des conditions de forme non prévues par la loi ; qu'en considérant en l'espèce que la société était compétente, à défaut de prévision de la loi, pour déterminer les modalités pratiques de transmission par les salariés de leur déclaration individuelle de participation à la grève ou de reprise du travail, afin de lui permettre d'assurer la continuité du service public du transport aérien, sans que ces modalités constituent une entrave au libre exercice du droit de grève, la cour d'appel a violé les dispositions de l'alinéa 7 du Préambule de 1946, ensemble celles de l'article L. 1114-3 du code des transports ;
2°/ qu'ayant constaté que la société avait accepté que la remise des déclarations individuelles de participation à la grève ou de reprise du travail puisse se faire manière regroupée par une institution représentative du personnel, la cour d'appel a relevé que, s'il était constant que la direction avait refusé, le 19 avril 2013, de recevoir la liste collective des salariés ayant décidé de reprendre le travail, il n'était pas établi qu'elle avait également refusé de recevoir les déclarations individuelles de ces salariés et que la seule mise à disposition de l'employeur de ces déclarations était insuffisante pour assurer l'information de celui-ci sur les effectifs reprenant le travail ; qu'en statuant ainsi, sans indiquer en quoi le fait de tenir à la disposition de l'employeur les déclarations individuelles des salariés corroborant la liste collective qui lui avait été adressée ne permettait pas une information suffisante de celui-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'alinéa 7 du Préambule de 1946, ensemble celles de l'article L. 1114-3 du code des transports ;
3°/ que la méconnaissance de l'obligation de déclaration préalable posée par l'article L. 1114-3 du code des transports n'a pas d'incidence sur l'obligation pour l'employeur de rémunérer le salarié pour les heures pendant lesquelles il n'est pas en grève et que seul est passible d'une sanction disciplinaire le salarié gréviste qui s'abstient, de façon répétée, de prévenir son employeur de son intention de reprendre le travail ; qu'en retenant néanmoins en l'espèce que les retenues sur salaire et sanctions disciplinaires prononcées contre les salariés dont la direction n'avait pas reçu la déclaration individuelle de reprise n'étaient pas abusives et ne constituaient pas une atteinte au droit de grève des salariés, la cour d'appel a violé les dispositions de l'alinéa 7 du Préambule de 1946, ensemble celles des articles L. 1114-3 et L. 1114-4 du code des transports ;
Mais attendu que si, en application du 3e alinéa de l'article L. 1114-3 du code des transports, le salarié qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure de sa reprise afin que ce dernier puisse l'affecter, cette formalité d'information n'est soumise à aucune règle de forme dès lors qu'elle permet à l'exploitant des transports aériens d'être informé de la volonté de reprise des salariés en temps utile pour les affecter, la présentation d'une liste collective non signée par les salariés ni accompagnée des déclarations individuelles signées par ces derniers ne satisfait pas à cette exigence ;
Et attendu d'abord qu'ayant constaté qu'il n'était pas démontré que la société avait refusé de recevoir des déclarations individuelles transmises de manière regroupée par les syndicats, la cour d'appel en a déduit à bon droit, par ces seuls motifs, que la demande de dommages et intérêts pour atteinte au droit de grève devait être rejetée ;
Attendu ensuite qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions reprises à l'audience que les syndicats aient soutenu devant la cour d'appel le grief visé par la troisième branche du moyen ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit et dès lors irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la fédération CGT du commerce et des services et l'Union locale CGT de Vitrolles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour le syndicat Union locale CGT Vitrolles et le syndicat Fédération CGT du commerce et des services.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit qu'à défaut de prévisions par la loi Diard sur les modalités de remise par les salariés à l'employeur de leurs déclarations individuelles de participation à la grève ou de reprise du service, il appartient à la direction de la société ICTS MARSEILLE PROVENCE de définir ces modalités et la procédure à suivre pour les salariés, constaté que la société ICTS MARSEILLE PROVENCE a accepté, lors de la réunion du comité d'entreprise du 14 décembre 2012, la remise groupée des déclarations individuelles par une institution représentative ou toute autre personne et débouté la Fédération CGT du Commerce et des Services et l'Union locale CGT de VITROLLES de leur demande de dommages et intérêts pour atteinte au libre exercice du droit de grève ;
AUX MOTIFS QUE « La société ICTS Marseille Provence, qui emploie plus de quatre cents salariés, est en charge de la sûreté à l'aéroport de Marseille Provence et est soumise, à ce titre, aux dispositions du code des transports et plus particulièrement aux dispositions de la loi DIARD du 19 mars 2012 ayant modifié le code des transports et créé les articles L 1114-1 et suivants relatifs à l'organisation du service et à l'information des passagers en cas de grève ; Que l'article L 1114-3 du code des transports ainsi créé par la loi DIARD prévoit qu'en cas de grève, les salariés dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation, des vols informent au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, le chef d'entreprise ou la personne désignée par lui de Leur intention d'y participer ; que, de même, le salarié qui participe à la grève et décide de reprendre son service doit en informer l'employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure de sa reprise afin, que ce dernier puisse l'affecter ; Que ces dispositions nouvelles ont été débattues lors des réunions du comité d'entreprise de novembre 2012 et du 14 décembre 2012 et qu'il a été acté, concernant la remise des déclarations individuelles prévues par le texte, la réponse suivante de la direction : « M. A... précise qu'une attestation individuelle est obligatoire, et non une liste. Cependant la direction accepte la transmission des attestations individuelles de façon regroupée par un IRP ou non et transmis dans le délai de 48 h avant la prise de service le jour du mouvement. » ; Attendu qu'il est constant que l'intersyndicale CGT-CFDT-FO a adressé, le 9 avril 2013, au directeur général de cette société, M. Eddy A..., un préavis de grève à effet du 19 avril 2013 et a remis à la direction des ressources humaines, le 16 avril 2013, une liste des salariés participant au mouvement de grève du 19 avril 2013 ; que cette liste était accompagnée des déclarations individuelles de tous les salariés ; Qu'il est également constant que l'intersyndicale a entendu remettre à la direction du personnel, le 19 avril 2013, une liste des salariés manifestant leur intention de reprendre leur service à compter, du 21 avril 2013 et que Mme B... (de la DRH) a, par mail du 20 avril 2013, confirmé son refus de prendre en compte cette liste collective, considérant qu'elle ne pouvait se substituer à une déclaration individuelle de reprise du travail, telle que prévue par la loi DIARD, et demandant en conséquence que les salariés lui remettent, de manière individuelle, leur déclaration de reprise ; Que les parties sont en opposition sur le refus qui aurait été opposé par la direction de recevoir les déclarations individuelles des salariés collectées par l'intersyndicale, la fédération CGT du commerce et des services et l'union locale CGT de Vitrolles affirmant avoir tenté en vain de remettre la liste des salariés mais aussi les déclarations individuelles, comme cela avait été fait au début du mouvement, alors que la Société ICTS Marseille Provence indique que l'intersyndicale aurait seulement tenté de lui remettre une liste collective en déclarant tenir les déclarations individuelles à sa disposition ; Qu'à défaut d'avoir reçu les déclarations individuelles de certains salariés, la Société ICTS Marseille Provence a considéré ne pas avoir été informée de leur reprise de service et a, d'une part, opéré une retenue sur salaire, d'autre part, infligé à ceux-ci un avertissement en application de l'article L 1114-4 du code des transports, sanction qui a été retirée toutefois ultérieurement, ainsi qu'il résulte de la lecture du courrier de la CGT à M. Eddy A... du 27 juin 2013 ; Attendu que la Société ICTS Marseille Provence entend voir dire que les dispositions de la loi DIARD imposent aux salariés qui veulent participer à un mouvement de grève puis de reprendre leur travail de déposer de manière individuelle leur déclaration de participation ou de reprise, alors que la fédération CGT du commerce et des services et l'union locale CGT de Vitrolles soutiennent au contraire que l'article L 1114-3 ne prévoit pas une telle obligation et que l'exigence de l'employeur serait contra legem ; Qu'il convient de retenir que la loi nouvelle a pour objectif de concilier les principes constitutionnels du droit de grève et de la liberté d'aller et venir en permettant d'assurer la prévisibilité du trafic et d'améliorer l'organisation des transports en cas de grève ; que l'obligation de déclaration individuelle des salariés est de nature à assurer une information fiable de l'employeur l'aidant à établir précisément le niveau du service assuré pour en informer les voyageurs ; que le texte prévoit de manière expresse l'obligation pour le salarié de manifester sa volonté de participer à un mouvement de grève ou de reprendre son service en signant une déclaration individuelle adressée à l'employeur mais qu'il ne prévoit pas les modalités de cette remise à l'employeur, soit individuellement, soit de manière collective ; Que la Société ICTS Marseille Provence soutient que la remise collective serait proscrite en ce qu'elle serait contraire au caractère personnel et individuel du contrat de travail qui exclurait tout mandat donné aux syndicats de représenter le salarié auprès de son employeur ; qu'elle ajoute qu'au demeurant, à supposer que la remise personnelle par le salarié de sa déclaration individuelle ne se déduise pas du caractère personnel du contrat de travail et du texte de la loi DIARD, il relève des pouvoirs de direction de l'employeur de définir les modalités de cette remise ; Mais qu'il y a lieu de constater qu'il n'est pas ici question pour le salarié de donner mandat aux syndicats de déclarer leur participation au mouvement de grève ou leur reprise du travail, mais de leur donner mandat de transmettre les déclarations individuelles qu'ils ont remplies et signées ; que l'existence d'un tel mandat se déduit de la remise effectuée par les salariés à l'intersyndicale de leur déclaration individuelle destinée à l'employeur ; Qu'il y a lieu par ailleurs de relever que, si la direction de l'entreprise est compétente, à défaut de prévisions de la loi, pour déterminer les modalités pratiques de transmission par les salariés de leur déclaration individuelle de participation à la grève ou de reprise du travail, afin de lui permettre d'assurer la continuité du service public de transport aérien, sans que l'instauration de ces modalités pratiques constituent une entrave au libre exercice du droit de grève, il apparaît en l'espèce que la direction de la Société ICTS Marseille Provence a accepté, lors de la réunion du comité d'entreprise du 14 décembre 2012, que la remise des déclarations individuelles puisse s'opérer de manière regroupée par l'intermédiaire d'une institution représentative du personnel et que ces modalités ont été appliquées lors de la déclaration de participation des salariés au mouvement de grève ; Que la Société ICTS Marseille Provence ne peut donc revenir sur ces modalités de manière unilatérale, sans préavis et sans concertation, et sans définir de manière explicite la procédure de remise des déclarations individuelles ; Attendu que la fédération CGT du commerce et des services et l'union, locale CGT de Vitrolles sollicitent la condamnation de la Société ICTS Marseille Provence à leur verser des dommages et intérêts en soutenant que le refus de la direction de recevoir la liste collective et les déclarations individuelles remises de manière collective est fautif et que les conséquences pécuniaires et les sanctions prises contre les salariés n'ayant pas remis individuellement leur déclaration constitueraient une atteinte au droit de grève ; Mais qu'il a été vu plus haut que les parties étaient divergentes sur la question de la remise des déclarations individuelles de reprise du travail par l'intersyndicale le 19 avril 2013 ; que la fédération CGT du commerce et des services et l'union locale CGT de Vitrolles n'établissent pas que la direction des ressources humaines aurait refusé de recevoir les déclarations individuelles, la teneur du Sms de Mme B... ayant refusé la liste collective étant ignorée et la fédération CGT du commerce et des services et l'union locale CGT de Vitrolles ne démontrant pas avoir tenté de remettre les déclarations individuelles des salariés avant d'écrire qu'elles les tenaient à la disposition de l'employeur, ce qui est insuffisant pour assurer l'information de celui-ci sur les effectifs reprenant le travail ; Qu'il n'est donc pas avéré que la Société ICTS Marseille Provence aurait refusé de recevoir des déclarations individuelles transmises de manière regroupée par les syndicats et que les retenues de salaire et sanctions disciplinaires prononcées contre les salariés dont la direction n'avait pas reçu la déclaration individuelle de reprise seraient abusives et constitueraient une atteinte au droit de grève des salariés ; Que la fédération CGT du commerce et des services et l'union locale CGT de Vitrolles seront donc déboutées de leur demande en paiement de dommages et intérêts » ;
ALORS d'abord QUE le droit de grève étant un principe à valeur constitutionnelle, les restrictions qui y sont apportées par le législateur doivent être interprétées strictement ; que l'employeur ne peut donc ajouter à ces restrictions en imposant aux salariés des conditions de forme non prévues par la loi ; qu'en considérant en l'espèce que la société ICTS MARSEILLE PROVENCE était compétente, à défaut de prévision de la loi, pour déterminer les modalités pratiques de transmission par les salariés de leur déclaration individuelle de participation à la grève ou de reprise du travail, afin de lui permettre d'assurer la continuité du service public du transport aérien, sans que ces modalités constituent une entrave au libre exercice du droit de grève, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'alinéa 7 du Préambule de 1946, ensemble celles de l'article L. 1114-3 du Code des transports ;
ALORS en toute hypothèse, QU'ayant constaté que la société ICTS MARSEILLE PROVENCE avait accepté que la remise des déclarations individuelles de participation à la grève ou de reprise du travail puisse se faire manière regroupée par une institution représentative du personnel, la Cour d'appel a relevé que, s'il était constant que la direction avait refusé, le 19 avril 2013, de recevoir la liste collective des salariés ayant décidé de reprendre le travail, il n'était pas établi qu'elle avait également refusé de recevoir les déclarations individuelles de ces salariés et que la seule mise à disposition de l'employeur de ces déclarations était insuffisante pour assurer l'information de celui-ci sur les effectifs reprenant le travail ; qu'en statuant ainsi, sans indiquer en quoi le fait de tenir à la disposition de l'employeur les déclarations individuelles des salariés corroborant la liste collective qui lui avait été adressée ne permettait pas une information suffisante de celui-ci, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'alinéa 7 du Préambule de 1946, ensemble celles de l'article L. 1114-3 du Code des transports ;
ET ALORS enfin très subsidiairement QUE la méconnaissance de l'obligation de déclaration préalable posée par l'article L. 1114-3 du Code des transports n'a pas d'incidence sur l'obligation pour l'employeur de rémunérer le salarié pour les heures pendant lesquelles il n'est pas en grève et que seul est passible d'une sanction disciplinaire le salarié gréviste qui s'abstient, de façon répétée, de prévenir son employeur de son intention de reprendre le travail ; qu'en retenant néanmoins en l'espèce que les retenues sur salaire et sanctions disciplinaires prononcées contre les salariés dont la direction n'avait pas reçu la déclaration individuelle de reprise n'étaient pas abusives et ne constituaient pas une atteinte au droit de grève des salariés, la Cour d'appel a violé les dispositions l'alinéa 7 du Préambule de 1946, ensemble celles des articles L. 1114-3 et L. 1114-4 du Code des transports.