LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :
Vu les articles 29-5 du code civil et 505 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... s'est vu délivrer un certificat de nationalité française le 14 mai 2001 comme né le [...] au Sénégal, d'un père français ayant conservé la nationalité française pour avoir fixé sa résidence en France à la date de l'indépendance du Sénégal, le 20 juin 1960 ; que le ministère public a assigné M. X... en 2013 pour que soit constatée son extranéité ;
Attendu que, pour dire que M. X... n'est pas français, l'arrêt retient qu'il est justifié du caractère irrévocable du jugement du 17 avril 1978 ayant dit que le père de l'intéressé avait perdu la nationalité française le 20 juin 1960 par le certificat de non-appel du 9 octobre 2009 apposé sur la décision par le greffier en chef de la cour d'appel ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que le jugement avait été signifié au père de l'intéressé et avait acquis force de chose jugée à l'expiration des délais de recours, ce qui ne pouvait résulter de la seule mention du certificat de non-appel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. Moussa X... n'est pas Français, d'avoir annulé le certificat de nationalité française délivré le 14 mai 2001 à Moussa X... sous le numéro [...] par le greffier en chef du tribunal d'instance de Paris 19e et ordonné la mention prévue par l'article 28 du code civil ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE si, en matière de nationalité, conformément à l'article 30 du code civil, la charge de la preuve incombe à celui qui conteste la qualité de Français à une personne titulaire d'un certificat de nationalité délivré conformément aux règles en vigueur, il en est autrement lorsque, ayant été délivré de manière erronée, le certificat a perdu toute force probante ; qu'en ce cas, il appartient à celui dont la nationalité est en cause d'établir qu'il est Français à un autre titre ; qu'un certificat de nationalité française a été délivré le 14 mai 2001 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Paris 19ème à M. Moussa X..., né le [...] à Moudéry (Sénégal) sur le fondement de l'article 17 du code de la nationalité française comme né d'un père français, Samba X..., né [...] à Moudéry , ayant conservé la nationalité française pour avoir fixé sa résidence en France à la date de la proclamation de l'indépendance du Sénégal le 20 juin 1960 ; que, par jugement du 17 avril 1978, le tribunal de grande instance de Rouen a dit que M. Samba X... a perdu la nationalité française le 20 juin 1960, faute d'avoir possédé à cette date un domicile de nationalité hors du Sénégal ; qu'il est justifié en cause d'appel du caractère définitif de ce jugement par le certificat de non appel du 9 octobre 2009 apposé par le greffier en chef de la cour d'appel de Rouen sur la décision produite par le ministère public ; que M. Samba X..., père de l'appelant, ayant perdu la nationalité française lors de l'accession du Sénégal à l'indépendance, le certificat de nationalité française délivré à M. Moussa X... établi de manière erronée a perdu toute force probante et doit être annulé ; qu'il appartient à celui-ci d'établir qu'il est Français à un autre titre ; que M. Moussa X... ne faisant pas la preuve qui lui incombe, il convient de confirmer le jugement qui a constaté son extranéité ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE si un certificat de nationalité française fait effectivement preuve de cette nationalité, il reste que le procureur de la République peut toujours, en application de l'article 29-3 du code civil, le contester, lorsque les conditions - notamment de droit - pour établir la nationalité française ne lui paraissent pas avoir été remplies lors de sa délivrance ; que, conformément à l'article 30 du code précité, la charge de la preuve incombe alors au ministère public qui doit démontrer que le certificat de nationalité française est erroné, ce qui, dans une telle hypothèse, fait perdre à ce document toute force probante ; que le certificat de nationalité française délivré le 14 mai 2001 par le greffier en chef du tribunal d'instance de Paris 19ème, visant les dispositions de l'article 17 du code de la nationalité française (Loi n° 73-42 du 9 janvier 1973), indique que la filiation de l'intéressé est établie à l'égard de son père, M. Samba X... lequel, né [...] , « a conservé la nationalité française en vertu des dispositions de l'article 13§1 du code de la nationalité française modifié par la loi du 28/07/1960, l'intéressé justifiant de sa résidence en France à la date de proclamation de l'indépendance du Sénégal le 20/06/1960 » ; que le ministère public verse aux débats un jugement rendu contradictoirement le 17 avril 1978, aux termes duquel le tribunal de grande instance de Rouen a dit que « M. Samba X... a perdu la nationalité française le 20 juin 1960, date d'accession du Sénégal à l'indépendance, faute d'avoir possédé à cette date un domicile de nationalité hors de cet Etat » ; que, dès lors qu'en application de l'article 480 du code de procédure civile, cette décision a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à sa disposition sur la perte, par Samba X..., de la nationalité française, le défendeur soutient vainement que le caractère définitif de ce jugement n'est pas démontré ; qu'au surplus, si effectivement, le ministère public faisant état, dans ses écritures, d'un certificat de non appel délivré par le greffier en chef de la cour d'appel de Rouen en date du 9 octobre 2009, ne produit pas cette pièce, il reste qu'elle a été produite dans le cadre d'une autre instance devant le tribunal de grande instance de Bobigny, qui la vise dans son jugement rendu le 21 février 2012, à l'égard d'un autre présumé descendant de Samba X... ; que ce jugement, auquel l'article 457 du code précité confère la force d'un acte authentique, permet de démontrer que la décision rendue sur la perte, par Samba X..., de la nationalité française, n'a pas été frappée d'appel ; que son père n'étant plus français depuis le 20 juin 1960, il s'ensuit que le certificat de nationalité française délivré à M. Moussa X..., né postérieurement, sur le fondement de sa filiation paternelle, l'a été à tort ; que le défendeur ne prétendant pas à la nationalité française à un autre titre, il convient de faire droit à la demande du ministère public et de condamner M. Moussa X... aux dépens ;
1°/ ALORS QUE les jugements rendus avant l'entrée en vigueur du décret n° 89-511 du 20 juillet 1989 étaient susceptibles d'appel tant qu'ils n'avaient pas été notifiés ; que le seul cachet apposé par le greffier en chef du tribunal sur la copie d'un jugement ne certifie que de l'absence d'appel à la date de l'apposition de la mention, mais non de la notification et du caractère irrévocable du jugement ; qu'en l'espèce, pour annuler le certificat de nationalité française de M. Moussa X..., la cour d'appel a dit, d'une part, que par jugement rendu entre le procureur de la République du tribunal de grande instance de Rouen et M. Samba X... en date du 17 avril 1978, le tribunal avait dit que ce dernier avait perdu la nationalité française le 20 juin 1960, faute d'avoir possédé à cette date un domicile de nationalité hors du Sénégal et, d'autre part, qu'il est justifié en cause d'appel du caractère définitif de ce jugement par le certificat de non appel du 9 octobre 2009 apposé par le greffier en chef de la cour d'appel de Rouen sur la décision produite par le ministère public ; qu'en déduisant le caractère définitif du jugement du seul certificat de non appel, la cour d'appel a violé les articles 505 et 528 du code de procédure civile, ensemble l'article 30 du code civil ;
2°/ ALORS QU'un jugement rendu en matière de nationalité ne saurait produire effet vis-à-vis des tiers tant qu'il n'est pas définitif ; que les jugements rendus avant l'entrée en vigueur du décret n° 89-511 du 20 juillet 1989 étaient susceptibles d'appel tant qu'ils n'avaient pas été notifiés ; qu'en se fondant, pour annuler le certificat de nationalité de M. Moussa X... selon lequel il était Français par filiation paternelle, sur un jugement rendu le 17 avril 1978 ayant constaté que M. Samba X... avait perdu la nationalité française le 20 juin 1960 et en retenant que ce jugement avait autorité de chose jugée à compter de son prononcé, sans constater que ce jugement avait été notifié, cependant qu'il ne pouvait être considéré comme produisant effet vis-à-vis des tiers s'il n'avait pas été notifié et n'était pas devenu définitif, la cour d'appel a méconnu les articles 480 et 539 du code de procédure civile, ensemble les articles 29-5 et 30 du code civil ;
3°/ ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les documents de la cause ;
qu'en l'espèce, pour annuler le certificat de nationalité de M. Moussa X... selon lequel il était Français par filiation paternelle, les juges du fond ont retenu que le certificat de non appel du tribunal de grande instance de Rouen du 17 avril 1978 , délivré par le greffier en chef dudit tribunal le 9 octobre 2009, non produit par le ministère public, aurait été produit dans le cadre d'une autre instance devant le tribunal de grande instance de Bobigny, qui l'aurait visé dans son jugement rendu le 21 février 2012, à l'égard d'un autre présumé descendant de Samba X... ; qu'il résulte toutefois de cette décision du tribunal de grande instance de Bobigny qu'elle vise le certificat de non appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Rouen rendu non pas le 17 avril 1978 mais le 18 avril 1974 ; qu'en statuant ainsi, pour en déduire qu'il avait pour effet de démontrer l'absence de nationalité française du père de l'exposant, la cour d'appel a dénaturé cette pièce et ainsi méconnu l'article 1134 du code civil.