LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 18 octobre 2016 ), que M. et Mme X..., propriétaires d'une maison d'habitation édifiée sur une parcelle cadastrée [...] , se plaignant de divers empiétements causés par une extension de la maison de leur voisin, M. D... , propriétaire de la parcelle cadastrée [...] , l'ont assigné en démolition de l'empiétement résultant du débordement de sa toiture et de sa gouttière, situées au-delà du mur est de l'extension formant une ligne IF selon le plan établi par M. Z..., géomètre expert consulté par eux ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'expert judiciaire n'avait pas constaté l'empiétement allégué et souverainement retenu que ses conclusions n'étaient pas utilement contredites par M. et Mme X..., la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs, sans être tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, que l'empiétement allégué n'était pas démontré ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... les condamne à payer à M. D... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze février deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes formées par M. et Mme X... ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la maison de M. D... est accolée à celle des époux. X... mais, construites l'une et l'autre, dans une courbe de la voie publique à la jonction des rues de [...] et de la [...], elles ne sont pas implantées dans le même axe ; que le tribunal a relevé que la maison de M. D... avait été construite postérieurement à celle des époux X..., ce qui n'est pas discuté par les parties, et M. A..., expert désigné par le juge des référés, dont le rapport n'a pas à être homologué par décision de justice, indique que le pignon Ouest de la maison de M. D... a été édifié en exhaussement du mur commun aux deux maisons ; qu'il en résulte que l'emprise du pignon de la maison de M. D... constitue un parallélogramme non rectangle posé sur le rectangle que représente la surface supérieure du mur qui formait le pignon Est de la maison des époux X... avant la construction de celle qui appartient aujourd'hui à M. D... , de sorte que subsistent, de part et d'autre de l'exhaussement, deux petits triangles débordant d'environ 30 centimètres au plus de l'emprise du pignon de la maison de M. D... ; qu'en application des dispositions de l'article 653 du Code civil, la partie du mur servant de séparation entre les deux maisons est présumée mitoyenne jusqu'à l'héberge, soit la ligne faîtière, de la moins haute, la maison des époux X..., et aucune preuve contraire n'est rapportée alors qu'il est constant à l'inverse que les deux maisons ont été construites en tous cas il y a plus de trente ans ; qu'est donc mitoyen sans contestation l'essentiel du mur commun aux deux maisons, hors les deux triangles précités ; que, s'agissant de ces triangles, le tribunal a estimé que, l'usage voulant que l'on ajoute à la partie du mur commune aux deux constructions, en hauteur une bande de 16,5 centimètres au-delà de l'héberge, dite solin, et en largeur une bande de 33 centimètres dite pied d'aile, sur lesquelles joue la mitoyenneté, les deux parties en cause sont également mitoyennes, suivant en cela la suggestion de l'expert judiciaire ; que la cour confirme cette analyse, et observe que, contrairement à ce qu'avancent les époux X..., la distance de 33 centimètres se décompte en prolongement de la limite de la partie commune du mur, ou, pour le dire autrement, que la bande de 33 centimètres de large à prendre en considération est celle dont un côté Est l'hypoténuse de chacun des deux triangles et l'autre la parallèle à cette hypoténuse, laquelle, dans un cas comme dans l'autre, n'est pas située, selon l'expert, à plus de 33 centimètres de celle-ci ; que c'est donc à juste titre, que le tribunal a considéré comme mitoyennes les deux parties de forme triangulaire du mur séparant les deux maisons excédant de part et d'autre la partie commune à celles-ci ; que M. D... justifie par la production d'un courrier daté du 8 mars 2001 que Mme Cécile E... , veuve B..., alors propriétaire de la maison appartenant aujourd'hui aux époux X..., l'avait autorisé à construire le mur devant remplacer des plaques en fibro-ciment déjà en place pour réaliser l'extension de sa maison, ce conformément aux dispositions de l'article 662 du code civil ; qu'or, il résulte des constatations de l'expert judiciaire comme des photographies produites, et encore des plans établis par la Sarl Z..., expertgéomètre, que les époux X... versent aux débats, que la construction réalisée en extension par M. D... en 2002 n'excède pas le pied d'aile précité situé en extrémité Sud-Est du mur en cause ; que le débord sur la partie triangulaire désignée DFG aux plans établis par la Sarl Z... n'est donc pas illicite ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'il résulte de l'article 653 du code civil que dans les villes et les campagnes, tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge entre cours et jardins, et même entre enclos dans les champs, est présumé mitoyen, s'il n'y a titre ou marque du contraire ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les maisons appartenant actuellement aux deux plaideurs, formaient jusqu'en 1952 une seule et même propriété appartenant aux consorts F... et que celle appartenant aujourd'hui aux époux X... a été bâtie la première, celle de M. D... ayant été construite postérieurement par leurs auteurs communs ; que le mur séparant les deux constructions est commun jusqu'à l'héberge et le pignon du bâtiment D... résulte d'un exhaussement du mur commun ; qu'il n'est donc pas contesté que le mur commun aux deux bâtiments est bien devenu mitoyen par usucapion ; que les parties situées aux deux extrémités du mur mitoyen n'ont pas été concernées par l'accolement des maisons et ont donc pu l'apparence d'être restées privatives aux auteurs des époux X..., lors de la division de L'ancienne propriété des consorts F... ; qu'il appartient aux juges du fond de rechercher souverainement et in concreto, si face à cette configuration particulière, la présomption simple de mitoyenneté édictée par le texte ci-dessus doit jouer ; qu'en principe, l'excédent de mur non touché par l'accolement plus que trentenaire n'est pas mitoyen, à défaut de titre ; qu'en effet, l'acquisition par prescription de la mitoyenneté est limitée à la partie du mur où se réalise l'emprise ; que, cependant, l'usage, devenu source de droit dans ce domaine des marques de mitoyenneté, pour les murs séparatifs entre bâtiments, veut que l'on ajoute à la limite de l'héberge, comme marque de la mitoyenneté, une bande de 16,5 cm environ, aujourd'hui zinguée, appelée solin d'une part et d'autre part que la présomption de mitoyenneté joue également en largeur, pour la partie du mur commune aux deux constructions, en ajoutant une bande dite « pied d'aile » (un pied dans l'ancien système de mesure correspondant à 33 cm) et la mitoyenneté joue alors sur cette partie augmentée ; qu'or, il se trouve que les deux parties de mur litigieuses mesurent environ 0,30 m ; que c'est donc à bon droit que l'expert judiciaire, M. A..., les a qualifiées de « pieds d'ailes », prenant en compte les usages et le droit coutumier encore en vigueur dans le domaine de la construction de bâtiments et en matière de contiguïté ; que le tribunal doit donc en conclure que la mitoyenneté de ce mur , acquise par prescription, sur sa partie où les deux maisons sont accolées, s'est étendue aux deux pieds d'ailes de ce mur et que l'intégralité du mur, qui constitue la première partie de la limite séparative des deux fonds X... et D... , se prolongeant sur l'arrière côté sud, est mitoyenne ;
qu'en conséquence, lorsque M. D... a fait réaliser en 2010, avec l'accord écrit de la propriétaire mitoyenne de l'époque, une extension de sa maison côté sud, en prolongeant son pignon le long de la toiture de la maison voisine, incluant dans ce nouveau mur une petite partie de la toiture et de la gouttière de cette maison, surplombant le mur mitoyen, n'a pas empiété sur une partie privative ; que l'expert judiciaire a noté par ailleurs que la toiture et la gouttière de la maison, actuellement propriété des époux X..., débordaient sur la propriété de M. D... ; qu'en réalité, le seul problème pratique qui se pose aujourd'hui est le fait que les travaux d'extension commandés par M. D... , selon l'expert judiciaire, n'auraient pas été respectueux des règles de l'art, ce qui n'a eu de conséquences néfastes que pour la propriété de celui-ci et non pour celle de ses voisins, les demandeurs à la présente instance, qui ne subissent aucun trouble ; qu'en effet, du fait que la toiture et la gouttière de leur maison débordent sur la propriété de M. D... , les eaux pluviales arrivent à s'infiltrer dans la maison de celui-ci en présence de fortes pluies qu'il aurait fallu, avant l'exhaussement de mur pour l'extension, démonter une partie de toiture à l'aplomb du mur et réduire la gouttière, avec reprise d'une bande solin entre la toiture et le nouveau mur ; que le tribunal rejette donc les demandes des époux X... ;
1) ALORS QUE la prescription acquisitive ne permet d'acquérir la mitoyenneté que de la portion du mur sur laquelle s'est appuyée la construction pendant plus de trente ans ; que la cour d'appel a retenu, par motifs expressément adoptés, que « le mur commun aux deux bâtiments [était] devenu mitoyen par usucapion » ; qu'en ajoutant, pour en déduire que le débord de la construction réalisée en extension par M. D... n'est pas illicite, que « l'usage voulant que l'on ajoute à la partie du mur commune aux deux constructions [
] en largeur une bande de 33 centimètres dite pied d'aile, sur [laquelle] joue la mitoyenneté, les deux parties en cause sont également mitoyennes », quand M. D... et ses auteurs ne pouvaient se prévaloir d'aucun acte de possession sur cette bande de terrain justifiant leur usucapion, la cour d'appel a violé les articles 661 et 2272 du code civil ;
2) ALORS QUE les présomptions de mitoyenneté ne peuvent être invoquées qu'en cas d'insuffisance des marques ou des titres et en l'absence de prescription ; que les époux X... contestaient que les parties du mur, de forme triangulaire, bordant la partie du mur commune à leur construction et à celle de M. D... , soient mitoyennes ; que la cour d'appel a retenu, par motifs expressément adoptés, d'une part, que « le mur commun aux deux bâtiments [était] devenu mitoyen par usucapion » et, d'autre part, que « la présomption de mitoyenneté [jouait] également en largeur, pour la partie du mur commune aux deux constructions, en ajoutant une bande dite "pied d'aile" (un pied dans l'ancien système de mesures correspondant à 33 cm) » pour en déduire que « la mitoyenneté joue également sur cette partie augmentée » ; qu'en statuant ainsi, quand la partie du mur dont la mitoyenneté était acquise par prescription était déterminée par la seule possession trentenaire réalisée par l'accolement de la construction au mur initialement privatif sans qu'il soit besoin de recourir aux présomptions de mitoyenneté, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 653 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes formées par M. et Mme X... ;
AUX MOTIFS QUE, s'agissant de la gouttière surplombant le mur orienté à l'Est (en réalité à l'Ouest) de l'extension de la maison de M. D... , dont la bordure extérieure est désignée I-F au plan constituant l'annexe 8 établi par la même Sarl Z..., il doit être constaté que l'expert judiciaire a proposé de dire que la limite séparative des parcelles [...] , propriété de M. D... , et AD n° 6, propriété des époux X..., au niveau de l'extension litigieuse, devrait être fixée au nu du mur extérieur de l'extension ; que, selon le plan constituant l'annexe 8 précité, la gouttière installée en débord de la toiture de celle-ci et matérialisée par la ligne discontinue de couleur rouge, surplombe en ce cas la propriété des époux X... ; mais qu'un tel plan, établi sur la demande des époux X... et de manière non contradictoire, ne peut suffire à démontrer l'empiétement, étant observé que les époux X... n'ont pas, dans leur dire à l'expert judiciaire, dont la mission que lui avait confiée le juge des référés était notamment d'indiquer de part et d'autre les ouvrages qui déborderaient sur la propriété voisine, demandé à celui-ci d'examiner l'empiétement éventuel de ladite gouttière ; que les époux X... ne rapportent donc pas la preuve du fait allégué ; qu'ils seront en conséquence, déboutés de l'ensemble de leurs prétentions et le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;
1) ALORS QUE l'empiétement se prouve par tout moyen ; que pour démontrer l'existence d'un empiétement résultant de l'avancée de la toiture et de la gouttière de l'extension de la construction de M. D... sur leur propre fonds, les époux X... produisaient, outre le plan constituant l'annexe n° 8 du procès-verbal du géomètre, des photographies de l'avancée et de la gouttière en question (pièce n° 38), dont il ressortait qu'elles dépassaient du nu du mur de l'extension vers le fonds des époux X... ; qu'en retenant, pour rejeter la demande des époux X... en constatation de l'empiétement, « que les époux X... n'[avaient] pas, dans leur dire à l'expert judiciaire, dont la mission que lui avait confiée le juge des référés était notamment d'indiquer de part et d'autre les ouvrages qui déborderaient sur la propriété voisine, demandé à celui-ci d'examiner l'empiétement éventuel de ladite gouttière », quand il n'est pas nécessaire de recourir à une expertise pour caractériser un empiétement, la cour d'appel a violé l'article 545 du code civil ;
2) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent rejeter, en raison de l'insuffisance des preuves, les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en jugeant, à propos de empiétement résultant de l'avancée de la toiture et de la gouttière de l'extension de la construction de M. D... sur leur fonds, que « les époux X... ne [rapportaient] pas la preuve du fait allégué », sans examiner la photographie produite par ces derniers (pièce n° 38) et expressément mentionnée dans leurs écritures d'appel, dont il ressortait manifestement que la gouttière et l'avancée de la toiture litigieuses dépassaient, en direction du fonds des époux X..., du « nu du mur extérieur de l'extension » dont la cour d'appel a elle-même jugée qu'il constituait la limite séparative des deux fonds, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.