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14/02/2018 | FRANCE | N°17-11924

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 février 2018, 17-11924


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Avenir Telecom (la société Avenir), qui distribue des produits et accessoires électroniques, a souscrit un contrat de télésurveillance avec la société Delta Security Solutions (la société Delta) et un contrat d'assurance avec la société Covea Risks (la société Covea), aux droits de laquelle viennent les sociétés A... C... et A... C..

. assurances mutuelles ; qu'un vol a été perpétré dans ses locaux sans que l'alarme n'a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article L. 442-6, I, 2°, du code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Avenir Telecom (la société Avenir), qui distribue des produits et accessoires électroniques, a souscrit un contrat de télésurveillance avec la société Delta Security Solutions (la société Delta) et un contrat d'assurance avec la société Covea Risks (la société Covea), aux droits de laquelle viennent les sociétés A... C... et A... C... assurances mutuelles ; qu'un vol a été perpétré dans ses locaux sans que l'alarme n'ait fonctionné ; qu'après avoir indemnisé la société Avenir, la société Covea, subrogée dans les droits de cette dernière, a assigné la société Delta en responsabilité ; que la société J.P. X... et A. Y..., mandataire au redressement judiciaire de la société Avenir, est intervenue volontairement à l'instance pour réclamer des dommages-intérêts ;

Attendu que pour dire que l'article 5.6 de ses conditions générales est réputé non écrit et condamner la société Delta à payer aux sociétés A... C... et A... C... assurances mutuelles la somme de 892 177,50 euros et à la société Avenir la somme de 432 412,22 euros, l'arrêt relève que, "s'agissant de l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, la mise en oeuvre de la clause litigieuse impliquerait que la responsabilité de la société Delta ne saurait être engagée pour des dommages résultant du fonctionnement de l'installation ou de son non-fonctionnement pour quelque cause que ce soit" ; qu'il ajoute que cette disposition vide le contrat de ce qui fait son essence même, à savoir le bon fonctionnement de la prestation d'alarme pour prévenir le vol, et en déduit qu'une telle clause crée un déséquilibre significatif entre les obligations des parties aux dépens de la société Avenir ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence d'une tentative de soumission ou d'une soumission de la société Avenir à la clause litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE et ANNULE, sauf en ce que, confirmant le jugement, il écarte l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, l'arrêt rendu le 25 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés A... C... , A... C... assurances mutuelles et Avenir Telecom aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Delta Security Solutions la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Delta Security Solutions

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant dit que l'article 5.6 des conditions générales de la société Delta security solutions est réputé non écrit et ayant dès lors retenu la responsabilité de cette société et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Delta security solutions à payer aux sociétés A... C... et A... C... assurances mutuelles la somme de 892 177,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date du paiement entre les mains de la société Avenir Telecom, outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et à la société Avenir Telecom la somme de 432 412,22 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ses premières conclusions de première instance, le 28 mars 2013, outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la responsabilité au regard de la nature de l'obligation de l'installateur, les sociétés intimées soutiennent que l'installateur d'un système d'alarme et d'alerte est tenu d'une obligation de résultat quant au déclenchement de l'alarme et du système d'alerte à distance en cas d'effraction ; que la société Delta, sans critiquer l'existence de cette obligation de résultat, estime qu'elle ne saurait s'appliquer en l'espèce en raison d'une clause limitative de responsabilité, l'article 5.6 des conditions générales disposant que « les obligations du prestataire sont exclusivement limitées aux prestations énumérées dans le présent contrat. Sa responsabilité ne saurait être engagée pour des dommages résultant du fonctionnement de l'installation ou de son non fonctionnement pour quelque cause que ce soit (par exemple : grève, émeute ou interruption des services publics, conditions climatiques exceptionnelles, vol, incendie, bris total ou partiel) en l'absence d'une faute dûment prouvée par le client dans l'exécution des prestations prévues dans le présent contrat », sur la nature de l'obligation incombant à l'installateur, que le fournisseur d'un système d'alarme est considéré comme tenu d'une obligation de résultat pour ce qui est du maintien de ce dispositif en bon état de marche ; que ce manquement à une obligation de résultat emporte à la fois présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage invoqué par le client et une présomption de faute ; la présomption de causalité s'applique à l'installateur des systèmes de surveillance tenu en cas de cambriolage de réparer la perte de chance subie par son client ; que, selon l'article 1148 du code civil, seule la cause étrangère peut exonérer de sa responsabilité le débiteur d'une obligation de résultat, à la condition qu'elle soit fortuite ou présente les caractères de la force majeure ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'expert judiciaire que le vol a été commis entre 22h35 le 21 octobre et 3h09 le 22 octobre 2010 alors que l'installation d'alarme a été mise en service le jeudi 21 octobre à 18h29 et que « le système de détection d'intrusions installé, entretenu et télésurveillé par la société Delta n'a pas réagi : il n'a émis aucune alarme ni au niveau du site où est installée une imprimante enregistrant les événements au 'fil de l'eau' ni sur la centrale de télésurveillance située à Champagne aux monts d'Or » (rapport, p. 65) ; qu'il importe peu, au vu de ces constatations qui permettent de mettre en oeuvre la double présomption de causalité et de faute, que les tests tant antérieurs que postérieurs au vol aient été positifs et que l'expert ne soit pas parvenu à identifier la cause à l'origine de ce non-fonctionnement ; qu'en effet, le constat fait par l'expert qu'il est « impossible d'imputer à la société Delta la cause d'une défaillance des dispositifs mis en oeuvre » ne correspond pas à l'exigence de constat d'une cause étrangère fortuite ou présentant les caractères de la force majeure ; que le vol, tout comme l'éventuel rôle joué par des entreprises tierces dans un défaut de surveillance, tel que mis en avant par la société Delta, ne sauraient y être assimilés, ceux-ci n'ayant pas les caractères de la force majeure pour ne pas être imprévisibles et irrésistibles ; sur le caractère illicite de la clause limitative de responsabilité, que l'appelante fait valoir que l'article 5.6 des conditions générales du contrat de maintenance ne peut être écarté par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation car celui-ci ne concerne pas les personnes morales et qu'Avenir Telecom a contracté en tant que professionnel ; qu'en outre, elle rappelle que dans le cadre du contrat, les parties peuvent modifier le régime légal de responsabilité contractuelle et que l'article 5.6 ne crée pas de déséquilibre significatif dans la mesure où il n'a pas pour effet de supprimer son obligation en toutes circonstances et, qu'en l'espèce, l'expertise a permis d'apporter la preuve de son absence de faute ; que les sociétés A... répondent que cette clause doit être réputée non écrite, car abusive, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et que ce texte s'applique aussi bien aux « contrats conclus entre professionnels et non-professionnels », la société Avenir Telecom devant être considérée en l'espèce comme non professionnelle ; qu'en outre, cette clause contrevient à l'article L. 442-6 du code de commerce qui dispose que : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : 2º De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » ; que, sur l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, que le présent contrat était en rapport direct avec l'activité professionnelle de la société Avenir Telecom, qui est un commerçant personne morale ayant sollicité la mise en place d'un système de téléalarme pour les entrepôts où elle stockait le matériel de communication qu'elle commercialise, que cette disposition du code de la consommation ne saurait, en conséquence, s'appliquer à la présente espèce ; que, s'agissant de l'application de l'article L. 442-6 du code de commerce, la mise en oeuvre de la clause litigieuse impliquerait que « la responsabilité (de la société Delta) ne saurait être engagée pour des dommages résultant du fonctionnement de l'installation ou de son non fonctionnement pour quelque cause que ce soit, par exemple, le vol en l'absence d'une faute dûment prouvée par le client dans l'exécution des prestations prévues dans le présent contrat » ; que cette disposition vide, en effet, le contrat de ce qui en fait l'essence même, à savoir le bon fonctionnement de la prestation d'alarme pour prévenir le vol, dont on rappellera qu'il ne constitue pas un cas de force majeure alors qu'en l'espèce il y a eu intrusion et vol et que l'alarme, qui avait été actionnée, n'a pas fonctionné, qu'une telle clause crée ainsi un déséquilibre significatif entre les obligations des parties aux dépens de la société Avenir Telecom ; qu'ainsi, la société Delta engage sa responsabilité et doit réparer le préjudice de son cocontractant,

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE, sur l'opposabilité de la clause limitative de responsabilité à l'article 5.6 des conditions générales, la clause contestée vise à exonérer la société Delta security solutions de l'obligation de résultat généralement retenue par la jurisprudence et à mettre à la charge de la société Avenir Telecom la preuve d'une faute causale de la société Delta security solutions ; [
] ; qu'en stipulant une clause qui aurait pour effet de l'exonérer de toute responsabilité en cas d'absence de déclenchement de l'alarme malgré une intrusion prouvée et ayant duré plusieurs heures, sauf pour sa cliente à rapporter la preuve d'une faute causale, la société Delta security solutions a porté atteinte à l'obligation fondamentale résultant du contrat et créé un déséquilibre significatif dans les obligations contractuelles ; que le tribunal écartera l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, mais dira que l'article 5.6 des conditions générales de la société Delta security solutions est réputé non écrit en ce qu'il viole notamment l'article L. 442-6-2 du code de commerce et qu'en conséquence une obligation de résultat pesait sur la société Delta security solutions sauf pour celle-ci à rapporter la preuve d'une cause exonératoire de sa responsabilité,

1- ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société Delta security solutions soutenait que « la jurisprudence sur l'obligation de résultat de l'installateur d'un système d'alarme, citée par les demanderesses, n'a donc vocation à s'appliquer qu'en l'absence de [stipulations] contractuelles contraires, ce qui n'est pas le cas ici », la société Delta security solutions invoquant à ce titre une clause qui ne prévoyait qu'une responsabilité pour faute causale prouvée ; qu'en jugeant pourtant que l'exposante ne critiquait pas l'existence d'une obligation de résultat, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de cette société, violant ainsi l'article 4 du code de procédure civile.

2- ALORS QUE le juge ne peut pas refuser d'appliquer la loi des parties ; que l'article 5.6 du contrat stipulait que « les obligations du prestataire sont exclusivement limitées aux prestations énumérées dans le présent contrat. Sa responsabilité ne saurait être engagée pour des dommages résultant du fonctionnement de l'installation ou de son non-fonctionnement pour quelque cause que ce soit [
] en l'absence d'une faute dûment prouvée par le client dans l'exécution des prestations prévues dans le présent contrat » ; qu'en jugeant pourtant que la société Delta security solutions était tenue d'une obligation de résultat, lui imposant de réparer les conséquences du cambriolage subi par le client, peu important son absence de faute, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

3- ALORS QUE seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que la clause qui se borne à prévoir que l'opérateur d'un système de télésurveillance n'engage sa responsabilité qu'en cas de faute prouvée dans l'exécution des prestations prévues au contrat ne vide pas de toute substance l'obligation essentielle de cet opérateur, puisqu'il demeure tenu d'exécuter correctement les obligations mises à sa charge par le contrat ; qu'en jugeant pourtant que cette clause, substituant une responsabilité pour faute prouvée à l'obligation de résultat généralement retenue par la jurisprudence, vidait le contrat de ce qui en faisait l'essence même, la cour d'appel a violé les articles 1131, 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

4- ALORS QUE seul engage la responsabilité de son auteur, sur le fondement de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce, le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; qu'en s'abstenant de caractériser, en l'espèce, l'existence d'une tentative de soumission ou d'une soumission de la société Avenir Telecom à la clause litigieuse, et donc l'absence de pouvoir de négociation de cette société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce.

5- ALORS QUE la caractérisation du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties nécessite une appréciation concrète et globale du contrat ; qu'en se bornant à affirmer que la clause substituant une responsabilité pour faute prouvée à l'obligation de résultat généralement retenue par la jurisprudence vidait le contrat de son essence et créait de ce fait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, sans mieux caractériser concrètement en quoi consistait ce déséquilibre significatif, c'est-à-dire en quoi les obligations des parties étaient dépourvues de toute réciprocité, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce.

6- ALORS QUE le fait de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, s'il engage la responsabilité de son auteur, n'a pas pour effet de priver d'existence la clause litigieuse ; qu'en jugeant pourtant que l'article 5.6 des conditions générales de la société Delta security solutions devait être réputé non écrit sur le fondement de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce, la cour d'appel a violé ce texte.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR fixé à 75 % la part de responsabilité de la société Delta security solutions et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société Delta security solutions à payer aux sociétés A... C... et A... C... assurances mutuelles la somme de 892 177,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date du paiement entre les mains de la société Avenir Telecom, outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et à la société Avenir Telecom la somme de 432 412,22 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ses premières conclusions de première instance, le 28 mars 2013, outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

AUX MOTIFS QUE sur l'obligation de conseil, les sociétés A... et Avenir Telecom invoquent également un manquement à l'obligation de conseil car la société Delta aurait dû conseiller soit de ne pas couper l'éclairage de l'entrepôt pendant la nuit, soit de mettre en place des caméras infrarouge, qu'elle ne saurait, pour échapper à son obligation de conseil, se retrancher sur le fait qu'elle n'était pas installateur ; que la cour ayant retenu la responsabilité de la société Delta sur le fondement de son obligation de résultat, il n'y a pas lieu d'examiner ce grief ; sur la part de responsabilité de la société Delta, que celle-ci avance que l'expertise a mis en évidence que la société Avenir Telecom avait commis plusieurs fautes graves qui sont à l'origine de son préjudice et que la perte de chance d'éviter le sinistre ne saurait être estimée à 95 % de sorte que les intimées doivent supporter la plus large part de responsabilité ; que la société Avenir Telecom conteste toute négligence dans la gestion de la sécurité, dès lors qu'il appartenait à la société Delta security solutions de fournir tous conseils appropriés pour optimiser le dispositif de sécurité ; que l'expert a relevé que d'autres circonstances avaient contribué à permettre le vol, à savoir « le défaut d'éclairage qui ne permet pas d'identifier correctement les intrus » mais en écrivant que « ce dispositif n'est pas conforme aux règles de l'art de la vidéo-surveillance », dont la société Delta assumait la responsabilité, ce manquement ne saurait dès lors être attribué à un tiers ; qu'en revanche l'expert attribuant une part de causalité dans le dommage à la mauvaise organisation des rondes des gardiens, il convient de fixer la part de responsabilité de la société Delta à un taux de 75 %,

1- ALORS QUE la faute de la victime vient diminuer son droit à réparation ; qu'en l'espèce, pour écarter la faute de la société Avenir Telecom ayant négligé d'éclairer l'entrepôt la nuit, la cour d'appel s'est référée au fait que ce défaut d'éclairage rendait le dispositif non conforme aux règles de l'art de la vidéosurveillance, « dont la société Delta assumait la responsabilité » ; qu'en statuant par un tel motif, quand les parties s'accordaient sur le fait que la société Delta security solutions n'était chargée que de la maintenance du dispositif et après avoir expressément refusé de se prononcer sur un prétendu manquement de cette société à son obligation de conseil, sans mieux justifier ce qui permettait de faire peser la responsabilité du défaut d'éclairage sur l'exposante et non sur la société Avenir Telecom, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

2- ALORS QUE la faute de la victime vient diminuer son droit à réparation ; qu'en se bornant à retenir la faute de la société Avenir Telecom dans la mauvaise organisation des rondes des gardiens, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si cette société n'avait pas également commis une faute de négligence relative à la sécurité sur le site, d'une part en ayant recours à de multiples intervenants, ce qui rendait le dispositif de sécurité illisible, d'autre part en ne prenant pas la moindre précaution supplémentaire après avoir constaté le 28 septembre 2010, quelques semaines avant le vol commis dans la nuit du 21 au 22 octobre 2010, un trou creusé dans le mur sur l'arrière du bâtiment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

3- ALORS QUE la faute de la victime vient diminuer son droit à réparation ; qu'en se bornant à retenir la faute de la société Avenir Telecom dans la mauvaise organisation des rondes des gardiens, sans rechercher, comme cela lui était demandé, si cette société n'avait pas également commis une faute en refusant de communiquer les pièces nécessaires à la compréhension du dispositif de sécurité et à l'enchaînement des faits ayant précédé le vol, privant ainsi l'exposante de la possibilité d'invoquer une cause étrangère, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Delta security solutions à payer aux sociétés A... C... et A... C... assurances mutuelles la somme de 892 177,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date du paiement entre les mains de la société Avenir Telecom, outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et à la société Avenir Telecom la somme de 432 412,22 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ses premières conclusions de première instance, le 28 mars 2013, outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

AUX MOTIFS QUE sur le préjudice, sur l'évaluation des marchandises volées, que la société Delta fait valoir que le procès-verbal de constatations du cabinet Polyexpert n'ayant pas été signé par le cabinet LVS, qui intervenait à son profit, il ne constitue pas un élément probant ; mais que l'appelante ne saurait solliciter le rejet de l'évaluation des dommages réalisée au cours d'une expertise amiable en prétendant que celle-ci n'a pas été arrêtée contradictoirement ; qu'en effet, si le procès-verbal d'évaluation n'a pas été signé par son expert, il résulte néanmoins que ce procès-verbal indique parmi la « liste des présents » : « M. Jean-Philippe E...  du cabinet LVS   demeurant [...] , intervenant pour le compte de Delta security solutions ou ses assureurs, réf 2010RC 2436JPS/EC » ; qu'il s'ensuit que ce document a bien été établi contradictoirement, qu'il a été également discuté contradictoirement durant la présente procédure et que le juge est libre d'estimer pertinent le chiffrage fait pour retenir cet élément de preuve, la société Delta ne proposant aucun autre calcul susceptible d'emporter la conviction de la cour ; qu'il convient également de rappeler que l'article 2.63 de la convention concernant l'expertise amiable contradictoire, établie sous l'égide de la Fédération française de sociétés d'assurance, à laquelle adhèrent les assureurs en cause, stipule que le refus de signature du procès-verbal par l'une des parties « est sanctionné par l'application des règles de l'opposabilité prévues par l'article 3 » et que cet article prévoit que : « 3.1 Principe de l'opposabilité : Les constatations du procès-verbal relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages sont opposables aux assureurs : - présents ou représentés aux opérations d'expertise, - absents, bien que convoqués conformément aux modalités prévues par les articles 1 et 2. En revanche les points sur lesquels un désaccord a été consigné lors de la réunion ne sont pas opposables », ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'il est, en outre, précisé, au sujet de cet article, sous la rubrique « RAP », que : « Nonobstant le refus de signature de l'expert désigné par l'assureur d'un éventuel responsable les constatations du procès-verbal demeurent opposables à cet assureur » ; qu'au demeurant, l'évaluation se fonde, d'une part, sur trois constats d'huissier du 22 octobre 2010, par lesquels il a été relevé, à partir de la liste des marchandises pour chaque emplacement, ce que chacun desdits emplacements contenait après le vol et, d'autre part, sur l'évaluation des experts présents des parties, réalisée d'un commun accord, tel que cela est relaté dans le procès-verbal d'évaluation de la société Polyexpert ; que le montant de 1 580 669 euros sera donc retenu ; sur les pertes indirectes, que la société Avenir Telecom sollicite à ce titre la somme de 157 990 euros, correspondant à 10 % de l'évaluation des marchandises ; que la société Delta répond que la réalité des pertes indirectes, dont l'indemnisation ne résulte que du contrat souscrit par Avenir Telecom auprès de son assureur, n'est pas établie ; qu'aux termes de la police souscrite entre la société Avenir Telecom et son assureur, les pertes indirectes sont fixées à 10 % de la valeur des marchandises et du matériel et qu'il résulte des pièces au débat que cet assureur a bien payé à la société Avenir une telle somme, soit 157 990 euros ; que le vol a nécessairement engendré pour la société Avenir, qui commercialisait les marchandises, une perte de marge, ce que la fixation forfaitaire de ce taux ne peut démentir, qu'en outre, le taux de 10 % retenu constitue un taux bas, qui justifie l'évaluation proposée de 157 990 euros ; sur les honoraires d'expert, que la société Avenir réclame la somme de 30 127,30 euros à ce titre ; qu'il est justifié que l'assureur, qui a versé de ce chef, la somme de 31 580 euros, a, au moins, payé la somme réclamée par son assuré ; que la société Avenir ayant été indemnisée par son assureur à hauteur de la somme totale de 1 189 570,00 euros, le solde s'élève à la somme de 579 216,30 euros, dont elle réclame 95 %, soit 550 255,50 euros ; que la cour ayant fixé à 75 % la part du préjudice incombant à la société Delta, celle-ci sera condamnée à payer à la société Avenir Telecom 75 % de son préjudice, soit (579 216,30 euros x 0,75 ) 434 412,22 euros ; qu'elle sera également condamnée à verser aux sociétés A... C... et A... C... assurances mutuelles la somme de (1 189 570 euros x 0,75) 892 177,50 euros correspondant à 75 % de la somme versée par ces assureurs à la société Avenir ; que les intérêts au taux légal sont fixés pour les A... à compter de la date du paiement entre les mains de la société Avenir Telecom et, pour cette dernière société, à compter de ses premières conclusions de première instance, le 28 mars 2013,

1- ALORS QUE nul ne peut se constituer un titre à soi-même ou par mandataire interposé ; qu'en se fondant sur le rapport d'expertise amiable rédigé par le cabinet Polyexpert, mandataire de la société Covea Risks, en énonçant que ce rapport aurait été établi contradictoirement et ferait mention d'un commun accord des experts des parties pour fixer le dommage à 1 580 669 euros, après avoir pourtant relevé que l'expert de la société Delta security solutions, s'il avait été présent aux opérations d'expertise amiable, avait refusé de signer le rapport, de sorte que ce rapport ne constituait qu'un titre établi par le seul mandataire de la société Covea Risks et non un titre contradictoirement dressé, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

2- ALORS QUE les stipulations de la convention concernant l'expertise amiable contradictoire, établie sous l'égide de la fédération française de sociétés d'assurance, n'ont d'effet qu'entre les assureurs y ayant consenti ; qu'en appliquant pourtant les stipulations de cette convention à la société Delta security solutions ayant mandaté un expert amiable, la cour d'appel a violé l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

3- ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; que dans ses conclusions, l'exposante avait souligné que le rapport rédigé par le cabinet Polyexpert ne pouvait pas lui être opposé, même en application de la convention concernant l'expertise amiable contradictoire, faute d'être conforme aux exigences de cette convention ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen décisif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

4- ALORS QUE le juge ne peut pas se fonder exclusivement sur des expertises réalisées à la demande d'une partie, seraient-elles contradictoirement débattues devant lui ; qu'en se fondant sur le fait que le rapport rédigé par le cabinet Polyexpert avait été débattu contradictoirement durant la procédure pour entériner le chiffrage proposé par ce dernier, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.

5- ALORS QUE le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, les constats d'huissier du 22 octobre 2010 ne procédaient à aucune évaluation du dommage, trois d'entre eux étant totalement étrangers à la question et le dernier se bornant à reproduire les déclarations de la société Avenir Telecom quant à l'emplacement des marchandises prétendument dérobées, l'évaluation n'ayant été réalisée que par le rapport rédigé par le cabinet Polyexpert ; qu'en jugeant pourtant que l'évaluation serait également fondée sur ces constats d'huissier, la cour d'appel les a dénaturés, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.

6- ALORS QUE le juge ne peut pas allouer une indemnisation forfaitaire ; qu'en se fondant dès lors sur un taux forfaitaire pour fixer le montant de la perte de marge subie par la société Avenir Telecom, au lieu de déterminer la perte de marge effective, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale.

7- ALORS QUE le juge ne peut pas méconnaître l'objet du litige ; qu'en l'espèce, tant la société Delta security solutions que la société Avenir Telecom et les sociétés A... s'accordaient sur le fait que seule pouvait être indemnisée la perte de chance d'éviter le cambriolage, et non l'intégralité des conséquences du cambriolage ; qu'en condamnant pourtant l'exposante à réparer l'intégralité des conséquences du cambriolage (perte des marchandises dérobées, perte de marge et honoraires d'expert), déduction faite de la seule part de responsabilité imputable à la faute de la victime, la cour d'appel, qui a méconnu l'objet du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile.

8- ALORS QUE la défaillance d'un dispositif de télésurveillance ne fait que priver le client d'une chance d'éviter le cambriolage ; qu'en condamnant pourtant l'exposante à réparer l'intégralité des conséquences du cambriolage (perte des marchandises dérobées, perte de marge et honoraires d'expert), déduction faite de la seule part de responsabilité imputable à la faute de la victime, au lieu de se borner à indemniser une perte de chance, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et le principe de la réparation intégrale.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Delta security solutions à payer à la société Avenir Telecom la somme de 432 412,22 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ses premières conclusions de première instance, le 28 mars 2013, outre 2 000 euros au titre des frais irrépétibles,

AUX MOTIFS QUE sur le préjudice, sur l'évaluation des marchandises volées, que la société Delta fait valoir que le procès-verbal de constatations du cabinet Polyexpert n'ayant pas été signé par le cabinet LVS, qui intervenait à son profit, il ne constitue pas un élément probant ; mais que l'appelante ne saurait solliciter le rejet de l'évaluation des dommages réalisée au cours d'une expertise amiable en prétendant que celle-ci n'a pas été arrêtée contradictoirement ; qu'en effet, si le procès-verbal d'évaluation n'a pas été signé par son expert, il résulte néanmoins que ce procès-verbal indique parmi la « liste des présents » : « M. Jean-Philippe E...  du cabinet LVS demeurant [...]                                                   S/Oise, intervenant pour le compte de Delta security solutions ou ses assureurs, réf 2010RC 2436JPS/EC » ; qu'il s'ensuit que ce document a bien été établi contradictoirement, qu'il a été également discuté contradictoirement durant la présente procédure et que le juge est libre d'estimer pertinent le chiffrage fait pour retenir cet élément de preuve, la société Delta ne proposant aucun autre calcul susceptible d'emporter la conviction de la cour ; qu'il convient également de rappeler que l'article 2.63 de la convention concernant l'expertise amiable contradictoire, établie sous l'égide de la Fédération française de sociétés d'assurance, à laquelle adhèrent les assureurs en cause, stipule que le refus de signature du procès-verbal par l'une des parties « est sanctionné par l'application des règles de l'opposabilité prévues par l'article 3 » et que cet article prévoit que : « 3.1 Principe de l'opposabilité : Les constatations du procès-verbal relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages sont opposables aux assureurs : - présents ou représentés aux opérations d'expertise, - absents, bien que convoqués conformément aux modalités prévues par les articles 1 et 2. En revanche les points sur lesquels un désaccord a été consigné lors de la réunion ne sont pas opposables », ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'il est, en outre, précisé, au sujet de cet article, sous la rubrique « RAP », que : « Nonobstant le refus de signature de l'expert désigné par l'assureur d'un éventuel responsable les constatations du procès-verbal demeurent opposables à cet assureur » ; qu'au demeurant, l'évaluation se fonde, d'une part, sur trois constats d'huissier du 22 octobre 2010, par lesquels il a été relevé, à partir de la liste des marchandises pour chaque emplacement, ce que chacun desdits emplacements contenait après le vol et, d'autre part, sur l'évaluation des experts présents des parties, réalisée d'un commun accord, tel que cela est relaté dans le procès-verbal d'évaluation de la société Polyexpert ; que le montant de 1 580 669 euros sera donc retenu ; sur les pertes indirectes, que la société Avenir Telecom sollicite à ce titre la somme de 157 990 euros, correspondant à 10 % de l'évaluation des marchandises ; que la société Delta répond que la réalité des pertes indirectes, dont l'indemnisation ne résulte que du contrat souscrit par Avenir Telecom auprès de son assureur, n'est pas établie ; qu'aux termes de la police souscrite entre la société Avenir Telecom et son assureur, les pertes indirectes sont fixées à 10 % de la valeur des marchandises et du matériel et qu'il résulte des pièces au débat que cet assureur a bien payé à la société Avenir une telle somme, soit 157 990 euros ; que le vol a nécessairement engendré pour la société Avenir, qui commercialisait les marchandises, une perte de marge, ce que la fixation forfaitaire de ce taux ne peut démentir, qu'en outre, le taux de 10 % retenu constitue un taux bas, qui justifie l'évaluation proposée de 157 990 euros ; sur les honoraires d'expert, que la société Avenir réclame la somme de 30 127,30 euros à ce titre ; qu'il est justifié que l'assureur, qui a versé de ce chef, la somme de 31 580 euros, a, au moins, payé la somme réclamée par son assuré ; que la société Avenir ayant été indemnisée par son assureur à hauteur de la somme totale de 1 189 570,00 euros, le solde s'élève à la somme de 579 216,30 euros, dont elle réclame 95 %, soit 550 255,50 euros ; que la cour ayant fixé à 75 % la part du préjudice incombant à la société Delta, celle-ci sera condamnée à payer à la société Avenir Telecom 75 % de son préjudice, soit (579 216,30 euros x 0,75 ) 434 412,22 euros,

ALORS QUE la cour d'appel a relevé que le préjudice subi par la société Avenir Telecom s'élevait à 1 768 786,30 €, qu'elle n'avait droit qu'à réparation de 75 % de ce préjudice, et qu'elle avait déjà perçu 1 189 570 € de son assureur ; que cette société n'avait donc droit qu'à un reliquat de 137 019,73 € [0,75 x 1 768 786,30 – 1 189 570 ] de sorte qu'en condamnant l'exposante à lui payer une somme de 432 412,22 €, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, et du principe de la réparation intégrale.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-11924
Date de la décision : 14/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 fév. 2018, pourvoi n°17-11924


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.11924
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