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14/02/2018 | FRANCE | N°17-11433

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 février 2018, 17-11433


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa sixième branche :

Vu les articles 1289 et suivants du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte rédigé par M. Y..., avocat, M. A... a vendu un fonds de commerce de bar à M. X... ; que prétendant que son consentement à cette vente avait été vicié par la violence exercée par M. X... avec la complicité de M. Y..., M. A... les a assignés, ainsi que la société

Covea risks, assureur de responsabilité civile professionnelle de celui-là, aux droit...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa sixième branche :

Vu les articles 1289 et suivants du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte rédigé par M. Y..., avocat, M. A... a vendu un fonds de commerce de bar à M. X... ; que prétendant que son consentement à cette vente avait été vicié par la violence exercée par M. X... avec la complicité de M. Y..., M. A... les a assignés, ainsi que la société Covea risks, assureur de responsabilité civile professionnelle de celui-là, aux droits de laquelle sont venues les sociétés MMA IARD et MMA assurances mutuelles, en réparation de son préjudice ; que la cour d'appel a condamné in solidum MM. X... et Y... et les assureurs de ce dernier à payer, à ce titre, à M. A... des dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. A... en réparation de son préjudice financier, l'arrêt retient que celui-ci n'en établit pas la réalité dès lors qu'il est lui-même débiteur à l'égard de M. X... de sommes que celui-ci lui a prêtées ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a ordonné la compensation de dettes non connexes alors qu'elle n'était pas saisie de cette demande, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en réparation du préjudice financier de M. A..., l'arrêt rendu le 2 décembre2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne MM. X... et Y..., ainsi que les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à M. A... la somme globale de 3 000 euros et rejette la demande de M. Y... et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. A....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. A... de sa demande de réparation de son préjudice financier, Aux motifs propres que « l'appelant n'établit pas la réalité de son préjudice financier qu'il allègue à hauteur de 500 000 euros, dès lorsqu'il ne conteste pas qu'il était en effet débiteur à l'égard de M. X... de plusieurs sommes que celui-ci lui avait prêtées, nonobstant sa propre situation financière obérée ou encore de son préjudice matériel qu'il indique avoir subi, confondu avec le préjudice moral, à hauteur de 80 000 euros » (arrêt, p. 7, pén. §) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés que « le préjudice financier allégué par M. A... n'est pas démontré ; qu'en effet et en premier lieu le demandeur ne justifie pas du chiffre d'affaires généré par son fonds de commerce, en second lieu, il ne justifie pas de la perte de chance de vendre le fonds à un prix bien supérieur puisqu'il ne rapporte pas la preuve qu'il aurait pu poursuivre son exploitation eu égard à ses dettes et son grand âge pour être né en [...] » (jugement, p. 6, pén. §) ;

Alors que le juge doit réparer le préjudice sans qu'il en résulte pour la victime ni perte ni profit ; qu'à cet égard, il s'infère nécessairement d'une cession de fonds de commerce viciée par la violence exercée par le cessionnaire sur la personne du cédant un préjudice financier constitué par la perte des revenus d'exploitation de ce fonds ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir que la réalité du préjudice financier allégué par M. A... n'était pas démontrée, sans rechercher, comme elle y avait été expressément invitée (conclusions de M. A... p. 9), si, astreint à céder son fonds de commerce sous la contrainte, M. A... n'avait pas été de facto privé des revenus d'exploitation de ce fonds, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1111 et 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, devenus les articles 1141 et 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Alors, subsidairement, que le cédant d'un fonds de commerce dont le consentement a été extorqué par violence, privé de ce fait du choix de la personne du cessionnaire et des conditions de la cession, a droit à la réparation de son préjudice financier constitué par la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses ; qu'en l'espèce, en se bornant à retenir que le préjudice allégué n'était pas démontré, sans rechercher, comme elle y avait été invitée (concl.,p. 9), si au regard de l'évolution favorable des facteurs locaux de commercialité depuis la cession litigieuse, M. A... n'avait pas perdu une chance de vendre son fonds à un prix supérieur à celui auquel il avait cédé sous la contrainte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1111 et 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, devenus les articles 1140 et 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

Alors, en tout état de cause, que les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige tels qu'ils sont fixés par les écritures respectives des parties ; qu'à l'appui de sa demande de réparation de son préjudice financier, M. A... avait exposé que ce préjudice consistait, d'une part, dans une perte des revenus d'exploitation à hauteur de 270 000 €, et, d'autre part, dans la perte d'une chance de ne pas avoir pu vendre son fonds à un meilleur prix, à hauteur de 150 000 € (conclusions p. 27) ; qu'en retenant néanmoins que M. A... n'établissait pas la réalité de ce poste de préjudice, allégué à hauteur d'une somme globale de 500.000 €, la cour d'appel a dénaturé les écritures susvisées et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Alors, en outre, que les juges du fond ne peuvent s'abstenir d'examiner les pièces produites aux débats par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, à l'appui de sa demande de réparation de son préjudice financier, M. A... avait produit aux débats des éléments particulièrement précis d'évaluation du fonds de commerce litigieux (pièces communiquées n° 87 à 91), permettant d'établir et d'évaluer tant la perte des revenus d'exploitation que la perte d'une chance de vendre le fonds à un meilleur prix ; qu'en se bornant à retenir que l'intéressé ne rapportait pas la preuve du préjudice allégué, sans aucun examen, fût-il succinct, ces éléments de preuve particulièrement pertinents, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors, par ailleurs, que le contractant dont le consentement a été extorqué par violence a droit à la réparation de l'entier préjudice en résultant, sans perte ni profit ; qu'en l'espèce, pour exclure le droit à réparation de M. A..., la cour d'appel a retenu que ce dernier s'était reconnu débiteur de certaines sommes à l'égard de M. X... ; qu'elle s'est ainsi déterminée par des motifs impropres à exclure l'existence d'un préjudice, en violation du principe de réparation intégrale, ensemble l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, devenu l'article 1240 du code civil ;

Alors, enfin, que seules les dettes réciproques connexes donnent lieu à compensation de plein droit ; que tel n'est pas le cas d'une dette de nature délictuelle et d'une dette réciproque de nature contractuelle ; qu'en l'espèce, en écartant le droit de M. A... à réparation de son dommage sur le terrain délictuel en considération de la dette réciproque contractée à l'égard de son auteur, la cour d'appel, qui n'avait pas été saisie d'une demande de compensation judiciaire de ces dettes non-connexes, a violé les articles 1289 et suivants du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, devenus 1347 et suivants du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-11433
Date de la décision : 14/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 02 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 14 fév. 2018, pourvoi n°17-11433


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Delvolvé et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.11433
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