LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code de la consommation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par acte authentique du 14 avril 2005, la société Banque CIC Ouest (la banque) a consenti à la société civile immobilière Allou (la SCI) un prêt immobilier, dont certaines échéances sont restées impayées ; que, le 30 mars 2012, la banque a prononcé la déchéance du terme, puis, le 13 février 2015, engagé une procédure de saisie immobilière à l'encontre de la SCI, qui a soulevé la tardiveté de l'action de la banque ;
Attendu que, pour déclarer la demande prescrite, l'arrêt retient que l'action des professionnels, pour les biens et les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, et qu'il ressort de l'examen de l'offre de crédit que les parties ont entendu soumettre leurs rapports contractuels aux dispositions du code de la consommation ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 137-2 susvisé concerne uniquement l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs et qu'elle n'avait pas constaté la qualité de consommateur de la SCI, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la SCI Allou aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Banque CIC Ouest la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils, pour la société Banque CIC Ouest
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable, comme prescrite, l'action de la société Banque CIC Ouest et d'avoir, en conséquence, prononcé l'annulation du commandement valant saisie du 13 février 2015 et de la procédure subséquente ;
AUX MOTIFS QUE sur l'application à l'espèce des dispositions du code de la consommation : le prêt litigieux a été souscrit par la SCI Allou afin de financer l'achat d'un bien immobilier à usage mixte (rez-de-chaussée à usage commercial et étage à usage d'habitation) donné à bail commercial à une société tierce, et l'emprunteuse ne conteste pas que le prêt ait eu pour objet de financer une activité professionnelle. Reconnaissant que le financement des activités professionnelles est exclu du champ obligatoire des dispositions du code de la consommation, elle soutient toutefois que les parties ont entendu y volontairement soumettre leurs rapports contractuels. A cet égard, il est certain que l'offre préalable de prêt annexée à l'acte authentique est intitulée « offre de prêt immobilier articles L. 312-1 et suivants de la consommation » avec une mention en haut de page « procédure Scrivener 2 notariée ». Des mentions rappelant les dispositions du code de la consommation sont présentes dans plusieurs articles de l'offre, relatives à la détermination du taux effectif global, à la mise à disposition des prêts, aux remboursements par anticipation, aux retards de paiement, outre un article numéro 26 intitulé spécifiquement, en lettres majuscules « RAPPEL DE CERTAINES DISPOSITIONS DU CODE DE LA CONSOMMATION » et qui traite des conditions d'envoi et d'acceptation de l'offre préalable de prêt conformément à ces dernières. Inversement, il est incontestable que l'acte authentique d'acquisition et de prêt contient page 5 un article « financement par un prêt » qui dispose que « l'établissement bancaire ci-dessus dénommé et l'acquéreur sont liés par un contrat de prêt non concerné par les dispositions des articles L. 312-2 et suivants du code de la consommation ». Pour autant, l'article qui suit immédiatement, intitulé « caractéristiques du prêt » fait lui-même expressément référence pour le calcul du taux effectif global, aux dispositions des articles L. 313-1 et L. 131-2 du code de la consommation. Il en résulte que la mention figurant dans l'article « financement par un prêt » est contredite par les propres indications du rédacteur de l'acte telles que figurant quelques lignes plus bas ainsi que par les documents (l'offre préalable) à partir desquels le prêteur et l'emprunteur ont négocié l'échange de leurs consentements. En vertu des dispositions de l'article 1162 du code civil, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation. Par conséquent, il est dit que les parties ont entendu soumettre leurs rapports contractuels aux dispositions du code de la consommation. Sur la prescription de l'action de la banque : En vertu des dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens et les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Le point de départ de ce délai se situe le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, sachant qu'à l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leur date d'échéance, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité. En l'espèce, la déchéance du terme a été prononcée par courrier recommandé avec accusé de réception daté du 30 mars 2012, ce dont il résulte que l'action de la banque devait être introduite avant le 30 mars 2014. Or, le premier acte interruptif de prescription est le commandement valant saisie du 13 février 2015, et il s'en déduit que l'action du prêteur est prescrite. En conséquence de ce qui précède, le jugement est infirmé dans toutes ses dispositions et la cour prononce la nullité du commandement valant saisie susvisé ainsi que de la procédure subséquente en ordonnant la mainlevée immédiate de la saisie et sa radiation ainsi que celles de toutes les inscriptions en marge et y compris l'inscription du privilège de prêteur de deniers en date du 14/04/2005 (ref. 2005 V 2292) aux frais d'appelante ;
ALORS QUE seuls les consommateurs peuvent invoquer la prescription biennale instituée par l'article L. 137-2 du code de la consommation, devenu L. 218-2 du code de la consommation ; que ceux-ci sont nécessairement des personnes physiques, de sorte qu'une SCI ne peut être regardée comme étant un consommateur ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la Banque CIC Ouest soutenait que la SCI Allou n'était pas un consommateur au sens des dispositions des articles L. 137-1 et L. 137-2 du code la consommation, inapplicables aux personnes morales ; que dès lors, en faisant application des dispositions de l'article L. 137-2 du code de la consommation, pour dire prescrite l'action introduite par la société Banque CIC Ouest contre la SCI Allou plus de deux ans après la déchéance du terme du prêt immobilier litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé.