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08/02/2018 | FRANCE | N°16-27941

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 08 février 2018, 16-27941


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 mai 2016), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 17 décembre 2014, pourvoi n° 13-20.515), que M. et Mme E... ont vendu un bien immobilier à M. F... payable pour partie sous la forme d'une rente viagère ; que la société Financière régionale de crédit immobilier de Bretagne (la banque), qui avait consenti un prêt à l'acquéreur, a fait inscrire son privilège de prêteu

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 mai 2016), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 17 décembre 2014, pourvoi n° 13-20.515), que M. et Mme E... ont vendu un bien immobilier à M. F... payable pour partie sous la forme d'une rente viagère ; que la société Financière régionale de crédit immobilier de Bretagne (la banque), qui avait consenti un prêt à l'acquéreur, a fait inscrire son privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle ; que la résolution de la vente a été constatée faute de paiement de la rente par jugement du 2 octobre 2001 confirmé par arrêt du 22 mai 2003 ; que, par acte authentique du 1er juillet 2005, établi par M. G..., membre de la société civile professionnelle G..., Sanson-G..., Y... (la SCP) avec la participation de Mme Z..., M. et Mme E... ont revendu l'immeuble ; qu'invoquant la faute des notaires qui avaient libéré les fonds entre les mains des vendeurs alors qu'ils avaient connaissance des sûretés inscrites et de la nécessité de la désintéresser au préalable, la banque les a assignés en indemnisation de son préjudice ;

Attendu que, pour condamner la SCP et Mme Z... à payer une somme à la banque, l'arrêt retient que les notaires sont en faute pour ne pas avoir désintéressé le créancier inscrit, avoir versé l'intégralité du prix de vente au vendeur, qui s'était opposé à ce que soit payé à la banque le montant de sa créance, et avoir ainsi omis de régler le créancier et de purger les inscriptions ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, sous l'empire des dispositions applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 23 mars 2006, le créancier privilégié et hypothécaire ne bénéficiait, sur le prix de vente amiable de l'immeuble grevé, d'aucun droit de préférence, qui était subordonné à la mise en oeuvre du droit de suite ou d'une procédure de purge à l'initiative des parties à l'acte de vente et que, à défaut de mandat exprès l'y autorisant, le notaire ne pouvait se dessaisir du prix de vente entre les mains du créancier privilégié et hypothécaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Crédit immobilier de France développement aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société civile professionnelle G..., Sanson-G..., Y... et de Mme Z... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société J... G... , Anne-Marie G... et Jérôme Y... et Mme Z...

Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR fixé le montant du préjudice causé par la faute de Mme Brigitte Z... et la SCP G..., Sanson-G..., Y... à la somme de 21 102,91 euros, et d'AVOIR en conséquence condamné in solidum Mme Brigitte Z... et la SCP G..., Sanson-G..., Y..., à payer à la société Crédit immobilier de France Bretagne, venant aux droits de la société Financière régionale de crédit immobilier de Bretagne, ladite somme, outre intérêts au taux légal ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE le pourvoi formé contre l'arrêt confirmatif du 19 février 2013 soulevait un moyen en quatre branches, dont deux étaient relatives à la caractérisation de la faute retenue à l'encontre des notaires ayant instrumenté la vente du 1er juillet 2005 en méconnaissant l'existence des sûretés et garanties inscrites et en ne désintéressant pas la banque lors de la distribution du prix de l'immeuble, et les deux autres concernaient le préjudice considéré par l'arrêt comme actuel et certain ; que la cassation a été prononcée au motif que, pour condamner les notaires à payer à la banque la somme de 40 000,57 euros, sous réserve de déductions de sommes éventuellement perçues sur les rémunérations de M. F..., l'arrêt avait retenu que le préjudice subi par la banque, constitué par le défaut de remise des fonds à hauteur du solde restant dû, était actuel et certain et que sa réalité n'était pas subordonnée à l'exercice préalable d'une voie de recours à l'encontre du tiers acquéreur par application du droit de suite, alors que ne justifie pas d'un dommage certain à l'égard des notaires, en faute pour avoir omis, à l'occasion d'une vente immobilière, de régler le créancier et de purger les inscriptions, le créancier privilégié et hypothécaire n'ayant pas exercé son droit de suite, lequel constitue, non une voie de droit qui ne serait que la conséquence de la situation dommageable imputée à faute, mais un effet attaché aux sûretés ;

QUE même si la Cour de cassation ne s'est ainsi fondée que sur l'une, relative au caractère certain du dommage, des quatre branches du moyen unique du pourvoi, la cassation a atteint tous les chefs de l'arrêt du 19 février 2013 de sorte que les parties sont replacées dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et que le débat devant la cour de renvoi porte sur l'ensemble du litige soumis au tribunal de grande instance de Saint-Malo dont, au premier chef, l'appréciation de la faute des notaires susceptibles d'engager leur responsabilité ; qu'il est constant que, nonobstant la résolution de la vente qui a entraîné l'annulation du contrat de prêt, l'obligation de restituer inhérente à ce contrat demeure tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur de la convention annulée, c'est-à-dire, en l'espèce, tant que le Crédit immobilier ne s'est pas vu restituer l'intégralité de la somme prêtée à M. F..., de sorte que la garantie en considération de laquelle ce prêt avait été consenti et qui est attachée à celui-ci et non au contrat de vente, subsiste jusqu'à l'extinction de cette obligation ;

QU'il résulte des pièces produites que le Crédit immobilier a, par courriers adressés à Me Z... les 31 mai et 1er juin 2005, soit antérieurement à la vente par les époux E... à M. I..., rappelé les inscriptions de sûreté et privilège lui bénéficiant sur le bien objet de la vente et manifesté sa prétention au paiement de sa créance de remboursement du prêt, pour un montant de 40 000,57 euros suivant décompte alors produit, en attirant spécialement l'attention sur le risque qu'il y aurait pour le notaire à se dessaisir des fonds sans le désintéresser ; que Me G... a néanmoins, avec la participation de Me Z..., reçu le 1er juillet 2005 l'acte de vente en constatant que le prix de la vente, soit 198 000 euros, était payé comptant par l'acquéreur au vendeur ainsi qu'il résultait de la comptabilité de l'étude notariale, et Me Z... a, le 29 juillet suivant, répondu au Crédit immobilier que les époux E... avaient refusé que soit versé à ce dernier la somme réclamée au motif que, selon leur conseil, la sûreté prise était éteinte ; qu'en se bornant à se référer à l'avis du conseil des époux E..., dont l'intérêt était à l'évidence de se faire remettre la totalité du prix de vente et en omettant, à l'occasion de la vente, de régler le créancier et de purger les inscriptions, les notaires ont commis ensemble, puisque Me G..., avec lequel agissait Me Z..., connaissait nécessairement l'existence des sûretés et privilèges inscrits, une faute engageant leur responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la résolution de la vente entraîne, en raison de sa disparition rétroactive, la résolution de plein droit du prêt ; que par jugement du 2 octobre 2001, confirmé par arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 22 mai 2003, le tribunal de grande instance de Dinan a constaté la résolution de la vente immobilière intervenue entre les époux E... et M. F... ; que la circonstance que le prêteur, la société Financière régionale de crédit immobilier de Bretagne n'ait pas été appelé à la cause et que la résolution du prêt n'ait pas été sollicitée ne suffit pas, en l'absence d'acte positif, à caractériser la volonté de M. F..., emprunteur, de renoncer à se prévaloir de l'interdépendance entre les contrats de vente et de prêt ; qu'il convient de considérer, par conséquent, que le prêt souscrit par M. F... s'est trouvé résolu de plein droit par suite de la résolution de la vente ; que nonobstant la résolution du prêt, l'obligation de restituer inhérente à ce contrat demeure tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de leur convention ; que dès lors, la sûreté constituée par le prêteur en garantie de cette obligation subsiste jusqu'à l'extinction de celle-ci ; qu'ainsi, lors de la vente de l'immeuble par les époux E... à M. I..., la société Financière régionale de crédit immobilier de Bretagne était fondée à invoquer le privilège de prêteur de denier et l'hypothèque conventionnelle qu'elle avait fait inscrire et dont elle avait conservé le bénéfice ;

ET QU'il n'est pas contestée que préalablement à cette vente, en date du 1er juillet 2005, la société Financière régionale de crédit immobilier de Bretagne a rappelé à Maître Z... l'existence d'un état hypothécaire en sa faveur et sollicité le versement des fonds correspondant au montant de sa créance (lettres des 31 mai 2005 et 1er juin 2005) ; que les rédacteurs de l'acte ont refusé de satisfaire à cette demande ; qu'en versant l'intégralité des fonds au vendeur alors qu'ils avaient connaissance des sûretés inscrites au profit du prêteur, dont au surplus, l'existence leur avait été rappelée avant la vente, Maître Z... et la SCP G..., Sanson-G..., Y..., ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité délictuelle ;

1°) ALORS QUE l'anéantissement rétroactif d'une vente d'immeuble entraine la disparition des sûretés réelles prises sur cet immeuble du chef de l'acquéreur, réputé n'avoir jamais été titulaire de droits sur celui-ci ; qu'en affirmant, pour retenir la faute des notaires, que l'hypothèque conventionnelle et le privilège de prêteur de derniers inscrits au profit de la société Financière régionale de crédit immobilier de Bretagne du chef de M. F... avaient subsisté à la résolution de la vente consentie à ce dernier le 17 octobre 1997, la cour d'appel a violé les 1382 et 2414 du code civil dans leur version applicable à la cause ;

2°) ALORS QU'en tout hypothèse, le créancier privilégié et hypothécaire ne bénéficie sur le prix de vente amiable de l'immeuble grevé d'aucun droit de préférence, qui est subordonné à la mise en oeuvre du droit de suite ou d'une procédure de purge à l'initiative des parties à l'acte de vente ; qu'à défaut de mandat exprès l'y autorisant, le notaire ne peut dès lors se dessaisir du prix de vente amiable entre les mains du créancier privilégié et hypothécaire ; qu'en affirmant que le notaire avait commis une faute en ne désintéressant pas la société Financière régionale de crédit immobilier de Bretagne lors de la distribution du prix de l'immeuble vendu de gré à gré le 1er juillet 2005, après avoir pourtant relevé que les vendeurs s'étaient expressément opposés à ce que le notaire leur verse les fonds, la cour d'appel a violé les articles 1382, 2461 et 2475 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 16-27941
Date de la décision : 08/02/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Faute - Exclusion - Applications diverses - Distribution du prix au vendeur malgré l'existence d'une hypothèque conventionnelle

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Exclusion - Vente - Immeuble - Responsabilité du notaire - Distribution du prix au vendeur - Désintéressement du créancier hypothécaire - Défaut - Portée

Sous l'empire des dispositions applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, le créancier privilégié et hypothécaire ne bénéficiait, sur le prix de vente amiable de l'immeuble grevé, d'aucun droit de préférence, qui était subordonné à la mise en oeuvre du droit de suite ou d'une procédure de purge à l'initiative des parties à l'acte de vente et, à défaut de mandat exprès l'y autorisant, le notaire ne pouvait se dessaisir du prix de vente entre les mains du créancier privilégié et hypothécaire. Dès lors, doit être cassé l'arrêt qui, pour condamner des notaires à payer une somme à une banque, retient qu'ils sont en faute pour ne pas avoir désintéressé le créancier inscrit, avoir versé l'intégralité du prix de vente au vendeur, qui s'était opposé à ce que soit payé à la banque le montant de sa créance, et avoir ainsi omis de régler le créancier et de purger les inscriptions


Références :

article 1382, devenu 1240, du code civil

dispositions applicables avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 24 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 08 fév. 2018, pourvoi n°16-27941, Bull. civ.Bull. 2018, III, n° 19
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles Bull. 2018, III, n° 19

Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.27941
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