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31/01/2018 | FRANCE | N°16-25291

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 janvier 2018, 16-25291


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., photographe, dont les oeuvres illustrent les catalogues de ventes volontaires organisées, notamment, par la société Camard, estimant que la société Artprice.com portait atteinte à ses droits d'auteur en reproduisant ses clichés, sans son autorisation, dans la base de données constituée des résultats des ventes, l'a assignée en contrefaçon ;

Sur les premier et second moyens du pourvoi principal, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne

sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., photographe, dont les oeuvres illustrent les catalogues de ventes volontaires organisées, notamment, par la société Camard, estimant que la société Artprice.com portait atteinte à ses droits d'auteur en reproduisant ses clichés, sans son autorisation, dans la base de données constituée des résultats des ventes, l'a assignée en contrefaçon ;

Sur les premier et second moyens du pourvoi principal, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de « rejeter toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire » et, ainsi, de rejeter sa demande tendant au prononcé d'une mesure d'interdiction ;

Attendu que, sous le couvert d'un grief de contradiction entre les motifs et le dispositif, le moyen dénonce, en réalité, une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation ; qu'il est, dès lors, irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne la société Artprice.com aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Artprice.com.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, en réalité infirmatif de ces chefs, d'avoir jugé que M. X... est resté titulaire de l'ensemble de ses droits d'auteur sur les photographies revendiquées, dit que les 720 photographies dont M. X... est l'auteur telles que visées dans ses dernières conclusions sont originales et peuvent bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur, dit que la société Artprice.com a porté atteinte à ses droits patrimoniaux sur les 720 photographies originales dont il est l'auteur en les reproduisant sans son autorisation, dit que la société Artprice.com a porté atteinte à son droit à la paternité en reproduisant 720 photographies sans citer son nom, et à son droit à l'intégrité sur les photographies en procédant à leur découpage et recadrage, et en ajoutant la mention « Artprice.com Image Database » en travers de chacune des 720 photographies et en conséquence, condamné la société Artprice.com à lui payer la somme de 57600 € au titre de son préjudice économique résultant des atteintes à son droit patrimonial, ainsi que la somme de 10 800 € en réparation du préjudice subi du fait des multiples atteintes à son droit moral, ordonné l'affichage, par la société Artprice.com, et à ses frais avancés, du dispositif de l'arrêt dans les 8 jours suivant sa signification, en tête de la page d'accueil, et sur une surface égale à au moins 30% de celle-ci, du site Internet http://www.Artprice.com, ainsi que sur tous autres sites qui lui seraient substitués et ce, pendant une durée de trente jours et sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard et par site pendant une période d'un mois ;

AUX MOTIFS QUE « l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle protège toutes les oeuvres "quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination" ; que l'originalité doit s'apprécier indépendamment de la nature de l'objet photographié, de la destination de l'oeuvre photographique de sorte qu'il importe peu que les photographies aient porté sur des objets intrinsèquement originaux et qu'elles aient été réalisées sur commande pour un catalogue de vente ; que le juge doit dès lors apprécier comment le photographe a appréhendé son sujet et rechercher si celui-ci a, par son activité, réalisé une photographie originale portant l'empreinte de sa personnalité ; que, pour étayer ses affirmations, la société Artprice.com a fait procéder à une expertise versant aux débats deux rapports, l'un d'octobre 2013 et l'autre de février 2014 ; que, si celle-ci n'a pas été réalisée selon le principe du contradictoire, elle n'a pas moins été soumise au débat contradictoire, M. X... ayant pu répondre aux observations de l'expert ; que dès lors la cour ne saurait écarter cette expertise pour ce seul motif ; que l'expert retient "dans toutes les données EXIF de tous les fichiers RAW
une grande uniformité des réglages photographiques de boitiers" ; qu'il indique "nous avons observé sur les fichiers RAW que l'environnement de prise de vue, le studio, est réellement limité, voir minimaliste : un seul fond blanc déroulant, tâché en plusieurs endroits, fixé au sol de façon très artisanale, etc.", qu'il ajoute que "les objets sur tous les clichés sont positionnés et éclairés de la même façon : deux sources principales qui semblent identiques et fixes d'une photographie à l'autre" ; qu'il conclut que les critères utilisés par M. X... sont fixes, celui-ci utilisant toujours la même technique en studio avec des choix de cadrage, de focales et de fond identiques d'une prise de vue à l'autre pour répondre à une commande de masse devant être réalisée dans un temps très court et au moindre coût, les clichés étant vendus entre 5 et 10 euros aux maisons de vente" ; que l'expert relève que le travail post production dont fait état M. X... a été très limité indiquant que "les fichiers finaux présentent les mêmes caractéristiques que les fichiers bruts dont leurs défauts comme ceux liés à la mise au point" et constitue un travail "basique" exigeant "une technicité limitée et partagée par le plus grand nombre de photographes dont les amateurs" ; que l'expert relève que "pour les fichiers bruts qui ont tout de même subi une post production plus importante", qu'il affirme que "les gestes techniques opérés nous semblent cependant d'une technicité très limitée et font appel aux fonctions basiques des logiciels de post production du type photoshop : au nombre desquels nous avons pu identifier des sélections/détourages, des montages pour coller les parties détourées sur d'autres fonds, des montages pour compléter et uniformiser les fonds, etc." ; que M. X... a écarté certaines photographies pour lesquelles il indique avoir réalisé un travail uniquement technique consistant à photographier les objets de face, ainsi les photographies de tapis et de tableaux ; qu'il revendique en revanche un travail de création par celles relevant de la procédure, par les choix opérés, à savoir pour un certain nombre de photographies celui de la disposition des objets et le travail de la lumière et des ombres dès la prise de vue en studio, et en outre pour d'autres photographies en ajoutant à ces choix des interventions postérieures à l'aide de logiciels pour notamment modifier les couleurs, détourer certaines parties de la photographie, travailler sur les contrastes et supprimer certains éléments ; que l'expert ne s'est livré à aucune analyse précise de chacune des photographies faisant des observations générales et des approximations sur le travail de photographe de M. X... tout en critiquant sa qualité de sorte que ses observations et conclusions ne peuvent être retenues par la Cour pour emporter sa conviction sur le litige dont elle est saisie ; que la société Artprice.com ne conteste pas que M. X... a effectué des choix esthétiques mais soutient qu'ils n'ont pas été guidés par sa sensibilité mais par les contraintes et les standards applicables propres à chaque catégorie d'objets à photographier ; qu'elle distingue les objets selon des catégories, les tables, les assises, les luminaires, les sculptures, les cadres, les miroirs, les vases, les appliques et objets muraux ou les objets divers, faisant valoir qu'ils ont fait l'objet de traitements stéréotypés de la part du photographe ; que M. X... ne conteste pas que la finalité de la photographie était la mise en valeur des objets ; que pour autant il affirme avoir fait des choix personnels et arbitraires qui caractérisent l'originalité de chacune des photographies notamment par :
- la disposition des objets, parfois de plusieurs objets
- le travail de la lumière et des ombres
- le travail de post production
que, pour former sa conviction sur l'originalité, la Cour a examiné les photographies au regard de chacune de ces caractéristiques et de leur combinaison ; que M. X... a réalisé les photographies en cause sur la base de lots d'objet individualisés dont un certain nombre constitué d'un seul objet ; que l'examen des photographies démontre qu'il a procédé à des associations de lots pour réaliser une seule photographie, positionnant alors les objets selon des compositions de son choix, la cour relevant à titre d'exemple les suivants :
lots 100 et 101 composés de deux vases, les lots 29 à 31 comprenant chacun une paire de chenets en fer forgé et un autre en fer forgé et acier chromé, les lots 42 et 43 représentés ensemble soit une paire de chandeliers en fer forgé à trois lumières encadrant un chandelier de conception différentes, les lots 137, lots 103 et 104 comprenant une table et deux fauteuils, la table étant disposée de biais et les deux fauteuils selon des profils différents, les lots 107 et 108 composés d'une table de salle à manger et de chaises, chacune des chaises étant positionnée de façon différente rendant compte de leur structure et de leurs particularités, les lots 111 et 112 composés de paravents et d'une chaise, ceux-ci ayant été placés de façon parallèle à l'accoudoir de la chaise, les lots 129 et 130 représentant deux vide-poches présentés ensemble de façon dissymétrique, les lots 159, 160 et 161 comportant les objets sphériques positionnés sur leur côté droit et les objets cylindriques sur le côté gauche, choix dicté par la forme, les lots 197 et 198 composés respectivement de deux tabourets rouges et deux verts présentés ensemble, les lots 107 et 108 présentant une table de salle à manger et des chaises, chacune des chaises étant positionnée de façon différente rendant compte de leur structure et de leurs particularités, les lots 168 et 169 comprenant des miroirs photographiés ensemble comme des constellations pour rappeler leur forme en soleil et astres, les lots 203 et 204 comportant deux chaises disposées, tournées l'une vers l'autre, celle de gauche légèrement décalée par rapport à celle de droite, les lots 7 et 8 comprenant deux vases en porcelaine photographiés sur deux plans, les lots 12 à 15 comportant quatre objets en verre, les lots 188 et 189 comprenant deux fauteuils ayant des couleurs différentes tant au niveau de l'assise que du piètement ; que, lorsque le lot comportait plusieurs objets, M. X... a adopté des présentations mettant en évidence leur complémentarité ou au contraire leur opposition, selon des choix arbitraires ; que notamment le lots 69 comprenant deux vide-poches, ceux-ci ont été disposés sur des plans différents alors même que les lots 67 et 68 comportant des vide-poches, soit en les prenant individuellement puis en les associant, le lot 41 comprenant deux tables de chevet photographiées sur deux plans dans des positions différentes, l'une en face du spectateur, l'autre sur une ligne montante vers la première, le lot 13 composé de chaises, celles-ci ont été placées dos à dos ; que si M. X... a retenu la présence d'un seul ou de plusieurs objets sur une photographie, il s'agit d'un choix personnel nullement convenu puisqu'il découle des exemples précités que celui-ci a pu en décider autrement quand bien même il était en présence de plusieurs lots ; que, lorsqu'il a opté pour la présence sur la photographie d'un seul objet, reprenant en cela la composition du lot, si la présentation de l'objet est identique en ce qu'il est centré, cette caractéristique est liée au caractère unique de l'objet, la photographie ayant pour finalité de le mettre en valeur ; que la cour constate que dans cette hypothèse le photographe a néanmoins procédé à des choix qui ne relèvent pas de la technique photographique mais d'un choix esthétique personnel ; que, par exemple, pour le lot 263, il a réalisé deux photographies du même objet, un singe voleur d'oranges, puis a choisi de les présenter ensemble sur une même photographie de sorte qu'il y a deux singes qui semblent se regarder, pour le lot 6 comprenant un coupe papier, celui-ci est posé au sol mais présenté "debout" de trois quarts ; que ces exemples démontrent la recherche personnelle constamment opérée par le photographe en ce qui concerne le positionnement physique de l'objet ; que pour le lot 54 M. X... a disposé cette épreuve en bronze d'un homme et d'une femme de biais ; que par ce choix de positionnement, puis de la prise de vue, il a mis en évidence, d'une part, la dualité des personnages, d'autre part, il a placé en avant le personnage de la femme, pour le lot 55 qui est aussi un bronze avec deux personnages, il fait en sorte que le personnage le plus grand est quasiment de dos et le plus petit de face ; que ces exemples caractérisent encore les choix arbitraires faits par le photographe et résultant de sa propre sensibilité face à l'objet à photographier ; que, pour les lots comprenant des ensembles comme les éléments de mobiliers, si M. X... a adopté des positionnements qui se retrouvent habituellement pour ce type d'objet afin de permettre d'identifier le nombre d'objets et leurs particularités, il n'en demeure pas moins que celui-ci relate des choix personnels ; que, notamment la cour constate pour le lot 105 comprenant deux fauteuils, il a placé l'un en retrait mettant en évidence la singularité de chacun alors que, pour le lot 106 les deux fauteuils sont cette fois placés de façon similaire afin de mettre en évidence leur complémentarité, que pour le lot 145 comprenant des chaises, la disposition de celles-ci donne une impression de démultiplication tout en mettant en évidence leur structure alors que, pour le lot 154 présentant une suite de six chaises une disposition différente a été réservée pour la chaise située au premier plan, que les deux tabourets du lot 163 contrairement à ce que soutient la société Artprice.com ne sont pas positionnés de face mais légèrement en biais, légèrement en retrait l'un de l'autre ; que pour le lot 54 comprenant trois fauteuils et un canapé ceux-ci ont été placés comme des fauteuils escamotables, l'un est présenté en premier plan, que, pour le lot 124 comportant une série de fauteuils, trois ont été placés en cercle au fond et un de côté au premier plan ; que ces éléments démontrent que, si M. X... a utilisé des techniques de présentation existantes, il a néanmoins fait des choix arbitraires au regard de chacun des lots qu'il avait à traiter, traduisant l'empreinte de sa personnalité ; que pour le lot 7 constitué d'un service à thé, M. X... a choisi d'utiliser le plateau comme un miroir qui reflète le pot à lait et la verseuse placés devant et le sucrier étant de côté ; que pour le lot 47 composé d'une garniture de bureau, le sous-main a été placé parallèlement au support d'agenda et à l'encrier et au vide de poches ; qu'il a encore choisi de présenter des pièces ouvertes, ainsi le miroir du lot 23 dont le couvercle est ouvert, la loupe du lot 76 dont l'étui est présenté ouvert, le meuble de rangement du lot 95 photographié avec des tiroirs ouverts, le coffret de fouets à champagne du lot 20, le lot 101 en ouvrant les six tiroirs en escalier ; que la cour constate que M. X... qui avait à photographier des objets extrêmement divers, a adopté pour chacun un positionnement arbitraire, relevant de son seul choix et de sa personnalité ; que la seconde caractéristique évoquée par M. X... est celle de la prise de vue, des lumières et ombres qu'il décrit très précisément pour chaque photographie ; considérant que, si la description des lumières et des angles de prise de vue mettent en évidence, comme l'a relevé la société Artprice.com, que M. X... a utilisé une technique identique selon la nature des objets, notamment celle des lumières rasantes pour nombre de meubles dont les tables, forces est de constater que ce choix a été dicté par l'effet recherché par le photographe comme mettre en relief un élément, donner un effet de matière et du volume ; que ce choix n'a pas été stéréotypé, M. X... ayant par exemple fait un choix différent d'éclairage pour deux tables dont il a mis en valeur le piètement ; que les lots 110 et 111 constitués l'un par une suite de chaises, l'autre par une suite de fauteuils alors même que ces éléments ont été positionnés dans le même esprit et que le résultat est différent du fait de choix de lumières et des angles de vue ; que, pour les lampes et luminaires M. X... a choisi pour certains de réaliser sa photographie avec des ampoules allumées, ainsi celle des lots 89, 117, choisissant alors le temps d'exposition ; qu'il a utilisé d'autres techniques dont celle de réflecteurs pour créer des brillances ; que, dès lors la technique adoptée, fût-elle répétée et identique pour certains objets de même nature, n'en révèle pas moins un choix personnel du photographe qui se combine avec les autres choix, celui du positionnement, celui des fonds et celui du travail de post production ; que M. X... revendique un travail de post-production ; que ce travail l'a amené à faire des choix afin de distinguer les photographies à retoucher ; qu'il décrit ce travail comme ayant consisté à :
- recadrer,
- calibrer les couleurs, modifier les fonds soit par création d'un nouveau fond soit par modification de celui d'origine,
- supprimer certains éléments,
que si les fonds sont soit clairs ou foncés, ceux-ci ne sont pas uniformes comme le prétend la société Artprice.com ; que force est de noter qu'en post production M. X... a choisi de nombreuses photographies dont il a retouché systématiquement le fond, apportant des nuances significatives dans les dégradés de couleurs ; que même pour le lot 25 composé d'une plaque en verre, après l'avoir photographié sur un fond noir, il l'a détouré pour adopter en post production un fond blanc en ne gardant qu'un contour noir ; qu'il a également opéré un changement de tons sur la plaque rendant la photographie plus froide ; qu'il a aussi adopté pour le lot 53 une dualité de fonds clair et foncé ; qu'à l'occasion de ce travail de post-production, il a supprimé certains éléments de l'objet photographié, notamment pour les lampadaires et autres luminaires, les câbles, un pièce métallique située au-dessus du luminaire, détourant une suspension (lots 175, 142) ; que dans cette phase il a rassemblé différents clichés sur une même photographie comme pour la table du lot 111, ayant sélectionné sur un premier cliché la partie haute, et sur un autre cliché l'autre partie, ayant placé un panneau pour éviter les reflets sur les parties en métal chromé et ayant rassemblé les deux clichés sur une seule photographie lors de son travail de post-production ; qu'il a procédé à deux photographies des lanternes du lot 65 avant de les rassembler en post production en remplaçant les couleurs chaudes de chacun par un fond froid, pour le lot 73 composé d'un miroir, puis réalisant en post production un assemblage afin de neutraliser les effets au sein du miroir et faire ressortir ses contours ; que si, comme le soutient la société Artprice.com, les ombres sont la résultante des lumières utilisées lors de la prise de vue, il n'en demeure pas moins que M. X... a retravaillé celles-ci lors de la post production pour les supprimer totalement ou partiellement (lots 128, 129, 183), les estomper (lot 114, 113), les renforcer (lot 121), les allonger, les arrondir (lots 188 et 189) ; que M. X... a retravaillé certains autres effets de lumière (lot 196) ; que pour le lot 124 comprenant un service à café et à thé il a calibré les couleurs et a effacé la brillance dans l'objet situé en haut et à gauche ; pour le lot 196 il a effacé la lumière qui se reflétait au centre du fauteuil de droite ; que l'examen des photographies met en évidence les choix opérés par le photographe et leur combinaison dont le résultat a été d'aboutir à un ensemble de photographies originales révélant un parti pris esthétique et l'empreinte de la personnalité de leur auteur ; qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de dire que les 720 photographies litigieuses telles que visées dans ses conclusions par M. X... sont éligibles à la protection au titre du droit d'auteur » ;

1°/ ALORS QU'une oeuvre n'est originale que lorsqu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; que l'originalité ne peut être déduite du seul fait que sa réalisation a nécessité des choix, aussi arbitraires soient-ils, de la part de l'auteur ; qu'en affirmant, pour retenir que les photographies litigieuses auraient été protégeables au titre du droit d'auteur, que les « choix arbitraires » opérés par M. X... (cf. arrêt p. 9 §5 et p. 10 §3) révélaient « un parti-pris esthétique » (cf. arrêt p. 11 §5), sans expliquer en quoi ces choix, pour arbitraires qu'ils aient pu être, manifesteraient l'empreinte de la personnalité de leur auteur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle ;

2°/ ALORS QU'une oeuvre n'est originale que lorsqu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; que l'originalité ne peut être déduite des seuls choix opérés par l'auteur pour répondre à des impératifs d'ordre purement fonctionnel ou traduisant un savoir-faire ; que pour retenir l'originalité des photographies revendiquées par M. X..., la Cour d'appel a affirmé que le choix de présentation des objets avait pour finalité de les « mettre en valeur » (cf. arrêt p. 9 §4) ; que, s'agissant des éléments de mobilier, M. X... avait adopté des positionnements qui se retrouvent habituellement pour ce type d'objets « afin de permettre d'identifier le nombre d'objets et leurs particularités » (cf. arrêt p. 9 §6) ; qu'elle a encore relevé que M. X... avait utilisé « une technique identique selon la nature des objets », notamment celle des lumières rasantes pour nombre de meubles dont les tables, choix dicté par une volonté de « mettre en relief un élément » (cf. arrêt p. 10 §5) ou encore que, pour les lampes et luminaires, il avait utilisé « d'autres techniques dont celle de réflecteurs » (cf. arrêt p. 10 §7) ; qu'en se fondant ainsi sur des choix exclusivement fonctionnels et sur le savoir-faire technique du photographe visant à représenter, de la façon la plus fidèle et détaillée possible, l'objet photographié, la Cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'originalité des photographies litigieuses et violé les articles L. 111-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle ;

3°/ ALORS QU'en toute hypothèse, pour déterminer le caractère protégeable de plusieurs oeuvres au titre du droit d'auteur, les juges du fond sont tenus de rechercher si et en quoi chacune des oeuvres porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ; que pour retenir l'originalité des photographies revendiquées par M. X..., la Cour d'appel s'est livrée à un examen fragmentaire, portant sur une partie seulement des photographies litigieuses ; qu'en s'étant ainsi abstenue de procéder à un examen détaillé, photographie par photographie, de leurs caractéristiques propres afin de préciser en quoi chacune d'entre elles porterait l'empreinte de la personnalité de son auteur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ces chefs, d'avoir condamné la société Artprice.com à payer à M. X... la somme de 57 600 € au titre de son préjudice économique résultant des atteintes à son droit patrimonial ;

AUX MOTIFS QUE « M. X... produit des pièces dont il résulte que le prix habituel qu'il pratique est de 36 € pour les photographies de meubles, 26 €
et 15 € pour celles d'objet ; que le prix de 100 € qu'il avance constitue un prix exceptionnel, démontrant toutefois qu'il bénéficiait d'une certaine notoriété dans les ouvrages d'art de photographies ; [
] ; que la société Artprice.com ne conteste pas avoir reproduit les photographies sans mention de son nom, ni avoir porté atteinte à l'intégrité d'un certain nombre en les modifiant, qu'elle ne saurait se prévaloir de ce que des photographies publiées dans les catalogues de vente éditées par les commanditaires de M. X... aient été recadrées, détourées ou annotées, que ces modifications aient été réalisées ou non par M. X... lui-même ; qu'au vu de ces éléments la cour fixera le préjudice patrimonial de M. X... à la somme de 80 € par photographie soit un montant global de 57 600 € » ;

1°/ ALORS QUE le juge ne peut allouer à la victime des dommages-intérêts excédant le préjudice effectivement subi par cette dernière ; que ce principe s'applique même lorsque la réparation a été ordonnée sur le fondement de l'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que « le prix habituel » pratiqué par M. X... était « de 36 € pour les photographies de meubles, 26 € et 15 € pour celles d'objet » (cf. arrêt p. 12, §2), la Cour d'appel a fixé le préjudice patrimonial de ce dernier à la somme de « 80 € par photographie » (cf. arrêt p. 12, §5) ; qu'en allouant ainsi à Monsieur X... une indemnisation d'un montant supérieur au préjudice de gain manqué qu'elle avait admis, la Cour d'appel a violé l'article L. 331-1-3 du Code de la propriété intellectuelle, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ;

2°/ ALORS QU'en toute hypothèse, tout jugement doit être motivé ; qu'après avoir relevé que « le prix habituel » pratiqué par M. X... était « de 36 € pour les photographies de meubles, 26 € et 15 € pour celles d'objet » (cf. arrêt p. 12 §2), la Cour d'appel a fixé le préjudice patrimonial de ce dernier à la somme de « 80 € par photographie » (cf. arrêt p. 12 §5) ; qu'en statuant ainsi, sans préciser les raisons qui justifieraient l'octroi d'une réparation d'un montant supérieur au prix habituellement pratiqué par M. X..., la Cour d'appel, qui a insuffisamment motivé sa décision, a violé l'article 455 du Code de procédure civile. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir « rejeté toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire » et ainsi rejeté la demande de M. X... tendant au prononcé d'une mesure d'interdiction ;

AUX MOTIFS QU'« il y a lieu de faire droit à la demande de M. X... tendant à faire interdiction à la société Artprice.com toute reproduction sur son site internet dans sa base de données de 720 photographies mentionnées dans les pièces 2 et 18, dans un délai de 8 jours suivant la signification du présent arrêt sous astreinte de 100 € par infraction constatée » ;

ALORS QUE la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en indiquant, dans son dispositif, « rejeter toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire » après avoir condamné la société Artprice.com au paiement de dommages-intérêts et ordonné des mesures de publication et d'affichage, la cour d'appel a, par-là même, rejeté la demande de M. X... tendant au prononcé d'une mesure d'interdiction à l'encontre de la société Artprice.com ; qu'en statuant ainsi, après avoir pourtant retenu, dans ses motifs, qu'il y avait lieu de faire droit à cette dernière demande, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif et a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-25291
Date de la décision : 31/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 31 jan. 2018, pourvoi n°16-25291


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.25291
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