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31/01/2018 | FRANCE | N°15-14028;15-14331

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 31 janvier 2018, 15-14028 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° G 15-14.028 et N 15-14.331, qui attaquent le même arrêt ;

Sur les moyens uniques des pourvois, pris en leurs deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2014), que la société Saint-Exupéry Finance (la société SEF), filiale de la société SOCIF, elle-même filiale de la société L'Immobilière hôtelière, était porteuse de plus de 88 % des obligations émises par

cette dernière le 24 juillet 1994 ; que MM. Christian et Jean-François X... et Mmes C..., Mar...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Joint les pourvois n° G 15-14.028 et N 15-14.331, qui attaquent le même arrêt ;

Sur les moyens uniques des pourvois, pris en leurs deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 novembre 2014), que la société Saint-Exupéry Finance (la société SEF), filiale de la société SOCIF, elle-même filiale de la société L'Immobilière hôtelière, était porteuse de plus de 88 % des obligations émises par cette dernière le 24 juillet 1994 ; que MM. Christian et Jean-François X... et Mmes C..., Marie-Line et Y... X... (les consorts X...) étaient également porteurs de ces obligations ; que le 17 novembre 2011, la société SOCIF a cédé les parts de la société SEF qu'elle détenait à la société Ascott etamp; Partners, le protocole de cession prévoyant que la cession des parts serait résolue dans l'hypothèse où l'échéance de l'emprunt obligataire ne serait pas reportée au 31 décembre 2021 ; que le 29 décembre 2011, l'assemblée générale des obligataires a, par sa troisième résolution, décidé d'un report de l'échéance du 31 janvier 2012 au 31 décembre 2021 ; qu'estimant avoir fait l'objet d'une manoeuvre illicite et d'un abus de droit portant atteinte à leurs droits d'obligataires du fait de la participation au vote de la société SEF, les consorts X... ont assigné la société L'Immobilière hôtelière en annulation de l'assemblée générale des obligataires du 29 décembre 2011 et en remboursement de leurs obligations à échéance du 31 janvier 2012 ;

Attendu que la société L'Immobilière hôtelière fait grief à l'arrêt d'annuler la troisième résolution de l'assemblée des obligataires « 5 % - 1994 » tenue le 29 décembre 2011 et de la condamner à rembourser les obligations détenues par les consorts X... alors, selon le moyen :

1°/ qu'aucun texte n'interdit à un obligataire majoritaire de prendre part au vote pour lequel l'unanimité n'est pas requise, l'assemblée générale statuant à la majorité des deux tiers des voix dont disposent les porteurs présents ou représentés ; qu'en conséquence, en l'espèce, dès lors que la SEF pouvait régulièrement voter, l'assemblée générale avait régulièrement décidé de la prorogation de l'emprunt obligataire, qu'en retenant pourtant que la société L'Immobilière hôtelière ne pouvait pas participer au vote et avait contourné cette interdiction, la cour d'appel a violé les articles L. 228-46, L. 228-61, alinéa 2 et L. 228-65 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la société L'Immobilière hôtelière soutenait qu'aucune spoliation ne résultait de la prorogation du délai pour faire percevoir aux obligataires les montants des investissements opérés dès lors que les obligataires, qui connaissaient la situation financière de la société L'Immobilière hôtelière, avaient repoussé des offres fermes de rachat de leurs titres ; qu'en conséquence, en affirmant que « la manoeuvre » de la société L'Immobilière hôtelière « avait sciemment lésé les intérêts de ses cocontractants », sans expliquer, comme l'y invitaient les écritures d'appel, en quoi consistait la prétendue lésion, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°/ que la société L'Immobilière hôtelière soulignait, dans ses conclusions d'appel qu'une note de présentation indiquant clairement qu'Ascott etamp; Partners voterait en faveur du report de l'échéance pour accompagner L'Immobilière hôtelière dans le redéploiement de ses activités avait été communiquée à l'AMF sans que celle-ci n'émette la moindre réserve d'une part, et qu'un communiqué de presse en ce sens avait été publié dans un journal économique, d'autre part ; qu'en conséquence, en énonçant que la société émettrice avait failli à l'exigence de loyauté présidant à tous les contrats, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si cette démarche publique effectuée sous le contrôle de l'AMF n'était pas exclusive de toute mauvaise foi de la part de la société L'Immobilière hôtelière, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

4°/ que la société L'Immobilière hôtelière avait expressément critiqué le tribunal qui n'avait pas justifié en quoi le report de l'échéance pour le remboursement de l'emprunt obligataire voté par la SOCIF aurait été contraire à l'intérêt social de celle-ci ; qu'à cet égard, la société L'Immobilière hôtelière faisait précisément valoir que ce report présentait un intérêt pour la société SOCIF, notamment dans le cadre de la « gestion du risque de liquidités » ; que dès lors, en se bornant à affirmer que la clause de report « était sans rapport avec l'intérêt social de la société cédante » sans répondre à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé à bon droit que la société L'Immobilière hôtelière, émettrice des obligations, avait l'interdiction de participer au vote à l'assemblée des obligataires, l'arrêt retient, par des motifs échappant aux critiques du pourvoi, que cette société s'est assuré le moyen de contourner l'interdiction pour elle de participer au vote afin d'obtenir la prorogation de la date d'échéance du contrat d'émission des obligations du 24 juillet 1994 ; qu'en l'état de ces seules constatations et appréciations, la décision se trouve justifiée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens, pris en leur première branche, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société L'Immobilière hôtelière aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à MM. Christian et Jean-François X... et Mmes C..., Marie-Line et Y... X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.

Moyen identique produit aux pourvois n° G 15-14.028 et N 15-14.331 par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société L'Immobilière hôtelière.

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR admis la recevabilité à agir des consorts X... en nullité de la 3ème résolution de "l'assemblée des obligataires 5 % - 1994" tenue le 29 décembre 2011, d'AVOIR dit nulle cette résolution et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société L'Immobilière Hôtelière à rembourser les obligations détenues par les consorts X..., montant majoré des intérêts contractuels non réglés jusqu'à parfait paiement ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE (sur la validité de l'assemblée générale en date du 29 décembre 2014) : il convient à titre liminaire, et conformément à la décision de première instance, de juger que l'assemblée générale du 29 décembre 2011 a été régulièrement convoquée par le président du conseil d'administration de la société L'Immobilière Hôtelière, et que sa poursuite en dépit du départ d'obligataires minoritaires - et parmi eux de monsieur Christian X..., président de séance - qui contestaient le droit de vote de la société SEF, n'est pas une cause de nullité, l'assemblée s'étant valablement poursuivie sous la présidence de madame Gabrielle A... ; que de la même manière, la décision attaquée sera confirmée en ce qu'elle a jugé que les dispositions de l'article L. 228-62 du code de commerce, interdisant à l'administrateur de la société débitrice de représenter les obligataires aux assemblées générales, ne trouvaient pas application à l'égard de monsieur B... qui, détenteur à titre personnel de 1.000 obligations, a pu valablement participer à ce titre à l'assemblée ; qu'en revanche sur le fond, et en admettant même pour certaine la date du 17 novembre 2011 du protocole par lequel, dans le mois précédant l'assemblée des obligataires, la société SOCIF a cédé à la société Ascott etamp; Partners les actions de la SEF, reste en discussion la condition résolutoire attachée à la cession des dites actions stipulée à l'article 3 de l'acte dans les termes suivants : "3. RESOLUTION DE LA CESSION DES ACTIONS dans l'hypothèse où l'échéance de l'Emprunt Obligataire ne serait pas reportée au 31 décembre 2012 (i.e : 2021), la cession des Actions serait résolue, sans indemnité de part et d'autre. ; qu'or, cette clause qui concernait le vote à l'assemblée des obligataires était sans rapport avec l'intérêt social de la société cédante, tandis qu'elle présentait un avantage essentiel pour la société L'Immobilière Hôtelière puisqu'elle lui assurait par l'intermédiaire de sa filiale qu'elle contrôlait, le moyen de contourner l'interdiction de participer au vote à l'assemblée des obligataires afin de s'assurer de la prorogation de la date d'échéance du contrat d'émission des obligations convertibles du 24 juillet 1994 ; que la société émettrice, qui a manifestement porté atteinte à la neutralité du vote dans le dessein de s'en assurer le contrôle, alors qu'elle devait y rester étrangère, a par cette manoeuvre sciemment lésé les intérêts de ses cocontractants dans le but de faire obstacle à l'exécution normale de la convention d'émission la liant à ces derniers ; qu'aussi a-t-elle failli à l'exigence de loyauté qui préside à tous les contrats, ce, en violation de l'article 1134 du code civil aux termes duquel les conventions font loi entre les parties qui les ont conclues et s'exécutent de bonne foi ; qu'il en résulte que la décision du tribunal de commerce sera également confirmée en ce qu'elle a jugé nulle la troisième résolution de l'assemblée générale du 17 novembre 2011 des "obligataires 5 % 1994", a dit que l'emprunt obligataire était arrivé à échéance le 31 janvier 2012 et a condamné la société L'Immobilière Hôtelière au remboursement des obligations détenues par les consorts X..., y compris les intérêts contractuels non réglés ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'Immobilière Hôtelière soutient qu'Ascott etamp; Partners a acquis de SOCIF les actions de la SEF dans le mois précédant l'assemblée des obligataires qui devait statuer sur la prorogation de la date d'échéance du contrat d'émission des obligations convertibles du 24 juillet 1994, que cependant l'article 3 du protocole de cession stipule que la cession des actions serait résolue « dans l'hypothèse où l'échéance de l'emprunt obligataire ne serait pas reportée au 31 décembre 2021 » ; qu'ainsi, SOCIF, société contrôlée par l'Immobilière Hôtelière en cédant une filiale qui détenait plus de 88 % des obligations convertibles en circulation, a fait prendre l'engagement par le cessionnaire de voter, lors de l'assemblée, en faveur de la prorogation de l'échéance des obligations ; que le sens donné au vote à l'assemblée des obligataires étant étranger à l'intérêt social de la SOCIF, c'est nécessairement sur instructions de sa société mère l'Immobilière Hôtelière que SOCIF a fait souscrire cette convention par le cessionnaire, et qu'ainsi, par ce montage, l'Immobilière Hôtelière s'est assurée le contrôle des obligataires ; que le tribunal en déduit que cette opération constitue, de la part de l'Immobilière Hôtelière et de SOCIF qu'elle contrôle, un montage frauduleux destiné à contourner les dispositions de l'article 1134 du code civil, qui impose une application loyale du contrat d'émission ; qu'en conséquence, il dira nulle la troisième résolution de l'assemblée générale des « obligataires 5 % juillet 1994 » et dira que l'emprunt obligataire est arrivé à son échéance le 31 janvier 2012 et condamnera l'Immobilière Hôtelière à rembourser les obligations détenues par les consorts X..., y compris les intérêts contractuels non réglés ;

1°) ALORS QUE l'article L. 228-54 du Code de commerce dispose que les représentants de la masse, dûment autorisés par l'assemblée générale des obligataires, ont seuls qualité pour engager, au nom de ceux-ci, les actions en nullité de la société ou des actes et délibérations postérieurs à sa constitution, ainsi que toutes actions ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires et que toute action intentée contrairement à cette disposition doit être déclarée d'office irrecevable ; que la Cour d'appel, qui relève que la 3ème résolution de "l'assemblée des obligataires 5 % - 1994" tenue le 29 décembre 2011aurait porté atteinte à la neutralité du vote devait dès lors déclarer d'office les consorts X... irrecevables en leur action ; qu'en s'en abstenant, elle a violé la disposition susvisée ;

2°) ALORS QU'en toute hypothèse, aucun texte n'interdit à un obligataire majoritaire de prendre part au vote pour lequel l'unanimité n'est pas requise, l'assemblée générale statuant à la majorité des deux tiers des voix dont disposent les porteurs présents ou représentés ; qu'en conséquence, en l'espèce, dès lors que la SEF pouvait régulièrement voter, l'assemblée générale avait régulièrement décidé de la prorogation de l'emprunt obligataire ; qu'en retenant pourtant que la société l'Immobilière Hôtelière ne pouvait pas participer au vote et avait contourné cette interdiction, la cour d'appel a violé les articles L. 228-46, L. 228-61, alinéa 2 et L. 228-65 du code de commerce, ensemble l'article 1134 du code civil ;

3°) ALORS QUE la société l'Immobilière Hôtelière soutenait qu'aucune spoliation ne résultait de la prorogation du délai pour faire percevoir aux obligataires les montants des investissements opérés dès lors que les obligataires, qui connaissaient la situation financière de la société l'Immobilière Hôtelière, avaient repoussé des offres fermes de rachat de leurs titres ; qu'en conséquence, en affirmant que « la manoeuvre » de la société Immobilière Hôtelière « avait sciemment lésé les intérêts de ses cocontractants », sans expliquer, comme l'y invitaient les écritures d'appel, en quoi consistait la prétendue lésion, la cour d'appel a, en toute hypothèse, privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

4°) ALORS QUE la société l'Immobilière Hôtelière soulignait, dans ses conclusions d'appel (p. 9) qu'une note de présentation indiquant clairement qu'Ascott etamp; Partners voterait en faveur du report de l'échéance pour accompagner L'Immobilière Hôtelière dans le redéploiement de ses activités avait été communiquée à l'AMF sans que celle-ci n'émette la moindre réserve d'une part, et qu'un communiqué de presse en ce sens avait été publié dans un journal économique, d'autre part ; qu'en conséquence, en énonçant que la société émettrice avait failli à l'exigence de loyauté présidant à tous les contrats, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si cette démarche publique effectuée sous le contrôle de l'AMF n'était pas exclusive de toute mauvaise foi de la part de la société l'Immobilière Hôtelière, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

5°) ALORS QUE la société Immobilière Hôtelière avait expressément critiqué le tribunal qui n'avait pas justifié en quoi le report de l'échéance pour le remboursement de l'emprunt obligataire voté par la SOCIF aurait été contraire à l'intérêt social de celle-ci ; qu'à cet égard, la société Immobilière Hôtelière faisait précisément valoir que ce report présentait un intérêt pour la société SOCIF, notamment dans le cadre de la « gestion du risque de liquidités » (p. 9) ; que dès lors, en se bornant à affirmer que la clause de report « était sans rapport avec l'intérêt social de la société cédante » sans répondre à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-14028;15-14331
Date de la décision : 31/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 novembre 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 31 jan. 2018, pourvoi n°15-14028;15-14331


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Gadiou et Chevallier, SCP Ghestin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:15.14028
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