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30/01/2018 | FRANCE | N°17-80878

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 janvier 2018, 17-80878


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Lyes X...,
- Mme Zineb Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-8, en date du 27 septembre 2016, qui, pour violences aggravées, a condamné le premier à trois mois d'emprisonnement avec sursis, deux amendes de 300 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 décembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pé

nale : M. Soulard, président, M. Z..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chamb...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Lyes X...,
- Mme Zineb Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-8, en date du 27 septembre 2016, qui, pour violences aggravées, a condamné le premier à trois mois d'emprisonnement avec sursis, deux amendes de 300 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 décembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Z..., conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller Z..., les observations de la société civile professionnelle ODENT et POULET, de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire A... ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le 18 avril 2011, vers 23 heures, les consorts B... C..., qui s'étaient réunis pour un repas de famille au domicile de M. Claude B... et Mme Annie C..., épouse B..., ont été agressés par Mme Zineb Y... et par son fils, M. Lyes X..., occupant l'appartement situé à l'étage du dessous ; que les consorts C... B... ont déposé plainte à l'encontre de M. X... et Mme Y..., lesquels, par acte du 10 avril 2013, ont été cités à comparaître par le procureur de la République, sous la prévention de violences aggravées, le premier sur les quatre antagonistes, la seconde sur Jacques C... et Hubert B... ; que par jugement du 27 janvier 2014, le tribunal correctionnel de Bobigny a notamment relaxé Mme Y... et condamné M. X... à une peine d'emprisonnement de trois mois avec sursis, ainsi qu'à deux amendes contraventionnelles de 300 euros ; que M. X... a interjeté appel de cette décision, en ses dispositions civiles et pénales ; que le ministère public a interjeté appel à l'encontre de M. X... ; que les parties civiles ont interjeté appel ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 475-1, 480-1, 497 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a constaté que le jugement de relaxe avait acquis l'autorité de la chose jugée à l'encontre de la prévenue, a dit qu'elle avait commis, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, une faute civile à l'égard des quatre parties civiles et l'a condamnée, d'une part, à payer solidairement avec le prévenu les sommes que ce dernier a été condamné à verser à trois des parties civiles à titre de dommages et intérêts, d'autre part, à payer conjointement avec le prévenu aux quatre parties civiles des sommes au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

"aux motifs que sur l'action civile, s'agissant de l'action dirigée contre Mme Zineb Y..., il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure que Mme Y... a été poursuivie devant le tribunal correctionnel de Bobigny des chefs, d'une part, des chefs de violence commise en réunion suivie d'incapacité supérieure à huit jours sur les personnes de Mme Sarah B... et Mme Annie C... ,épouse B..., d'autre part, de violence ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours sur les personnes de M. Hubert B... et M. Jacques C... ; que les premiers juges, après l'avoir relaxée, n'ont pas statué sur les demandes d'indemnisation des parties civiles : M. B..., Mme Sarah B..., Mme Annie C... et M. C... dirigées contre la prévenue étant recevables et les parties civiles devant être déboutées en leurs demandes ; que les appels des seules parties civiles d'un jugement de relaxe ont pour effet de déférer à la juridiction du second degré l'action en réparation des conséquences dommageables qui peuvent résulter de la faute civile du prévenu définitivement relaxé, cette faute devant être démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ; qu'il résulte notamment des déclarations de Mme B... que Mme Y... excitait son fils lorsqu'il frappait les membres de sa famille en lui déclarant : « Vas-y, vas-y, c'est bien fait pour eux » ; que M. B..., lors de sa plainte du 19 avril 2011, a confirmé que Mme Y... « excitait son fils et l'encourageait dans ses actes violents » ; que Mme B..., lors de son audition sur le procès-verbal du 19 avril 2011 que la (sic) mère de Lyes X... était « hystérique, les insultait, les menaçait de mort et de représailles...incitant et encourageant, par ailleurs, son fils à la violence » ; qu'encore, le matin des faits reprochés, Mme Y... s'est présentée chez le gardien de l'immeuble, menaçant : « Si ils (les B...) n'arrêtent pas leur bruit, je vais leur casser la gueule » ; que Mme Y... n'a cessé pendant toute la scène de violences, d'encourager son fils tout en participant activement à l'affrontement, adoptant une attitude incitative, synonyme d'encouragement aux violences exercées, ce qui renvoie à une assistance morale ; que Mme Y... a ainsi commis une faute civile qui a entraîné, pour M. B..., Mmes Sarah B..., Annie C..., épouse B... et M. Jacques C... un préjudice direct et personnel ouvrant à réparation ; qu'en conséquence, Mme C... (il faut lire Y...) sera condamnée, d'une part, solidairement avec son fils Lyes à payer à M. B..., Mme B... et M. C... les sommes allouées à ces derniers, à titre de dommages et intérêts par le tribunal, d'autre part, conjointement avec son fils Lyes à payer à M. B..., Mme B... et M. C..., en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale, au titre des frais irrépétibles de première instance ; qu'il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge des parties civiles l'intégralité des frais irrépétibles qu'elles se sont trouvées contraintes d'engager dans la présente instance en raison de l'appel du prévenu ; qu'en conséquence, M. Lyes X... et Mme Y... (il faut lire Y...) seront condamnés conjointement à verser : à M. B..., Mme B... et M. C..., et à chacun, la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, en cause d'appel et à Mme Annie C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, en cause d'appel ;

"1°) alors que le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation de la personne relaxée ne peut résulter que d'une faute civile démontrée à partir et dans les limites de la poursuite ; qu'en l'espèce, pour condamner la personne définitivement relaxée à indemniser les quatre parties civiles de leurs préjudices, l'arrêt énonce de manière erronée qu'elle a été poursuivie, d'une part, des chefs de violences commises en réunion suivie d'incapacité supérieure à huit jours sur les personnes de Mme B... et Mme Annie C..., épouse B..., d'autre part, de violences ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours sur les personnes de M. B... et M. C... ; que la cour a également relevé que la personne relaxée avait incité son fils, ce qui, selon elle, caractérisait une faute civile ayant entraîné un préjudice direct et personnel pour les quatre parties civiles ; qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a retenu à l'encontre de Mme Y... l'existence d'une faute civile découlant de faits non visés dans la poursuite, à savoir des violences délictuelles commises à l'encontre de deux des quatre parties civiles, a violé les textes visés au moyen ;

"2°) alors que le dommage dont la partie civile, seule appelante d'un jugement de relaxe, peut obtenir réparation, doit résulter d'une faute démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ; qu'en application de la jurisprudence actuelle de la chambre criminelle, seule une faute civile peut être relevée contre la personne initialement poursuivie et définitivement relaxée ; que la solidarité édictée par l'article 480-1 du code de procédure pénale, qui ne vise que la condamnation pour une infraction, cette dernière fût-elle établie, selon l'ancienne jurisprudence, n'a ainsi plus vocation à s'appliquer ; qu'en condamnant Mme Y... à payer solidairement une indemnité, d'une part, aux deux parties civiles victimes de violences délictuelles pour lesquelles elle n'a pas été poursuivie, d'autre part, pour des violences contraventionnelles pour lesquelles elle a été définitivement relaxée, la cour d'appel a violé les articles visés au moyen ;

"3°) alors que seul l'auteur de l'infraction ou la personne qui, relaxée pour infraction non intentionnelle, est condamnée civilement en application des règles de droit civil peut être condamné par le juge à payer à la partie civile une somme qu'il détermine au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci ; qu'en l'espèce, Mme Y... n'est, ni auteur d'une infraction, ni condamnée civilement sur le fondement de l'article 470-1 du code de procédure pénale ; que la cour d'appel l'a pourtant condamnée à payer conjointement aux quatre parties civiles diverses sommes au titre des frais irrépétibles ; qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 475-1 du code de procédure pénale" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour prononcer sur les intérêts civils et les demandes accessoires des parties civiles contre Mme Y..., l'arrêt attaqué énonce que Mme Y... a commis une faute civile qui a entraîné, pour M. B..., Mmes Sarah B..., Annie C..., épouse B... et M. Jacques C... un préjudice direct et personnel ouvrant à réparation et qu'en conséquence, Mme Y... sera condamnée, d'une part, solidairement avec son fils Lyes à payer à M. B..., Mme B... et M. C... les sommes allouées à ces derniers, à titre de dommages - intérêts par le tribunal, d'autre part, conjointement avec son fils Lyes à payer à M. B..., Mme B..., Mme C... et M. C..., diverses sommes en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle ne pouvait statuer qu'à partir et dans la limite des faits reprochés en première instance à Mme Y..., qui n'était citée pour des violences que sur deux des quatre victimes, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-1, 132-20 du code pénal, 485, 512, 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement déféré sur la culpabilité du prévenu des chefs de violence suivie d'incapacité supérieure à huit jours, et de violence ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas huit jours (deux contraventions de 5ème classe) ainsi que sur les peines, d'une part, d'emprisonnement de trois mois avec sursis, d'autre part, de deux amendes contraventionnelles de 300 euros chacune ;

"aux motifs que sur les peines, les infractions dont M. X... est déclaré coupable, sont graves et multiples ; qu'elles s'inscrivent dans un conflit de voisinage et ne sauraient être tolérées ; que néanmoins son auteur est inconnu de l'institution judiciaire et n'est, en outre, pas défavorablement connu des services de police tant en ce qui concerne ses antécédents, sa conduite habituelle, sa moralité, ou encore ses fréquentations ; qu'il convient de lui adresser un avertissement solennel et ferme ; que les peines de trois mois d'emprisonnement avec sursis simple et de deux amendes contraventionnelles de 300 euros, prononcées par le tribunal constituent une sanction bien proportionnée à la gravité des faits et bien adaptée à la personnalité du prévenu ; qu'en conséquence, la décision déférée sera également confirmée sur les peines prononcées par le tribunal ;

"alors qu'une peine d'amende ne peut être prononcée qu'en tenant compte des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a condamné le prévenu à deux peines d'amende de 300 euros chacune, sans les justifier au regard de ses ressources et de ses charges ; qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour condamner M. X... à une amende correctionnelle et une amende contraventionnelle, l'arrêt attaqué retient que le prévenu travaille dans un pressing ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que si les juges, en prononçant une peine d'amende pour une contravention ont fait usage d'une faculté qu'ils tiennent de la loi, une peine d'amende correctionnelle ne peut être prononcée qu'en tenant compte des ressources et des charges de l'auteur de l'infraction, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 27 septembre 2016, mais en ses seules dispositions ayant prononcé sur les intérêts civils contre Mme Y... et sur la peine d'amende correctionnelle contre M. X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le trente janvier deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-80878
Date de la décision : 30/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 30 jan. 2018, pourvoi n°17-80878


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Odent et Poulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.80878
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