LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 octobre 2016), qu'ayant envisagé de construire une discothèque, M. X... C... D...(M. X...) a conclu un contrat d'architecte avec M. A..., assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF) ; que l'opération a été réalisée dans un autre lieu que celui initialement prévu, sans que le contrat initial ne soit modifié ; que, se plaignant d'un retard et de surcoûts dans la construction, la société civile immobilière X... (la SCI) a assigné M. A... et la MAF en indemnisation ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'action de Mme Y..., mandataire ad hoc du liquidateur judiciaire de la SCI et de celle-ci, l'arrêt retient que la SCI n'a jamais repris l'engagement pris par M. X... conformément aux modalités détaillées dans l'article 6 du décret du 3 juillet 1978 ;
Qu'en relevant d'office ce moyen, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel, qui a méconnu violé le principe de la contradiction, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la Mutuelle des architectes français aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. A... et de la MAF et condamne la MAF à payer la somme de 3 000 euros à Mme Y..., en qualité de mandataire ad hoc de la Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la Z... et Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action de Me Y... ès qualités de mandataire ad hoc de la Z... , de Me B... ès qualités de mandataire liquidateur de la Z... et de la Z... , représentée par Me Y... ès qualités de mandataire ad hoc à l'encontre de M. A... et de la Mutuelle des Architecte Français,
AUX MOTIFS QUE
Sur la recevabilité de l'action de la Z... :
M. A..., architecte, a signé, le 7 août 1998, un contrat avec M. X... C... D....
Aussi, la Mutuelle des Architectes Français soulève l'irrecevabilité de l'action de la Z... et de ses représentants à défaut de lien contractuel avec son assuré.
L'article 6 du décret du 3 juillet 1978 fixe strictement les modalités de reprise des actes passés pour le compte d'une société en formation : l'état de ces actes avec indication, pour chacun, de l'engagement qui en résulterait pour la société, doit être présenté aux associés avant la signature des statuts et doit être annexé à ces derniers ; après l'immatriculation de la société, la reprise de ces engagements peut résulter d'une décision majoritaire des associés.
En premier lieu, la reprise d'un acte ne peut porter que sur un engagement expressément souscrit pour le compte de la société en formation.
Or, dans le contrat d'architecte, M. X... C... D...n'a pas déclaré agir pour le compte de la Z... en formation.
De même, seul M. X... C... D...est désigné comme maître d'ouvrage dans le projet de discothèque à [...] en date du mois de mars 1999, et il a demandé en son seul nom un permis de construire modificatif le 28 avril 1999.
En second lieu, les statuts de la Z... ne sont pas produits aux débats et cette société et ses représentants ne démontrent donc pas que dans leur texte ou en annexe figure la liste des engagements pris pour son compte.
Il n'est pas davantage démontré qu'une assemblée générale des associés réunis depuis son immatriculation a repris à la majorité cet engagement.
Ainsi, jamais M. X... C... D...n'a souscrit un engagement ni signé un acte pour le compte de la Z... en formation.
Cette société n'a jamais repris l'engagement pris par M. X... C... D...conformément aux modalités détaillées dans l'article 6 du décret du 3 juillet 1978.
Les intimés soutiennent l'existence d'un lien contractuel avec M. A..., qui a écrit à plusieurs reprises à la Z... .
Cependant, c'est la volonté expresse et non équivoque de la SCI de reprendre l'engagement souscrit par le seul Rudy X... C... D...à titre personnel qui doit être établie, peu important que M. A... se soit adressé à la SCI ou à M. X.... Or, aucune lettre ou aucun paiement d'honoraires de la part de la société ne sont versés au débat.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de déclarer irrecevable l'action de la Z... , de Me B... et de Me Y... à l'encontre de M. A... et de la Mutuelle des Architectes Français,
ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en décidant d'office de faire application de l'article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 pour examiner le respect des modalités de reprise des actes passés pour le compte d'une société en formation prévues par ce texte, cependant qu'aucune des parties n'avait invoqué l'application de ces dispositions pour contester la recevabilité de l'action engagée par la Z... contre l'architecte et son assureur, la cour d'appel, qui n'a pas sollicité les observations des parties sur ce moyen relevé d'office, a méconnu le principe de la contradiction et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile,
ALORS QUE le juge ne peut modifier l'objet du litige tel qu'il est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en cause d'appel, l'assureur soulevait l'irrecevabilité de l'action de la Z... « en raison de l'identité du cocontractant » en se bornant à énoncer qu'il n'avait jamais existé de lien contractuel entre la Z... et l'architecte ; qu'en déclarant irrecevable l'action intentée par cette société à l'encontre de M. A... pour non-respect des modalités de reprise des actes passés pour le compte d'une société en formation prévues par l'article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé l'article 4 du code de procédure civile,
ALORS QUE l'action étant ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès d'une prétention, le maître de l'ouvrage est nécessairement recevable à agir contre l'architecte en réparation du préjudice que lui ont causé le retard dans la réalisation des travaux et l'existence de malfaçons ; que, pour déclarer la Z... irrecevable en son action à l'encontre de l'architecte, la cour d'appel a relevé que lors de la signature du contrat d'architecte, M. X... C... n'avait pas déclaré agir pour le compte de la société en formation et que la SCI n'avait pas non plus, postérieurement à son immatriculation, repris l'engagement conformément aux modalités prévues par le décret du 3 juillet 1978 ; qu'en statuant ainsi par un motif impropre à exclure l'intérêt à agir de la Z... et en estimant qu'il importait peu que l'architecte ait adressé des correspondances à celle-ci, quand au contraire, cette circonstance, ajoutée à l'absence de contestation par l'architecte lui-même de l'existence du contrat le liant à la société X..., caractérisait le consentement de l'architecte à la substitution de créancier, d'où il résultait que la société X... avait bien intérêt à agir, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile,
ALORS QUE en toute hypothèse, caractérise une volonté expresse et non équivoque de reprendre un engagement souscrit lors de sa formation en vertu d'un contrat d'architecte le fait, pour une société civile immobilière, de signer les marchés de travaux passés en exécution du contrat d'architecte ainsi que les constats de réception des travaux ; qu'en énonçant, pour déclarer irrecevable l'action engagée par la Z... à l'encontre de M. A..., que la volonté expresse et non équivoque de la SCI de reprendre l'engagement souscrit par le seul Rudolphe X... C... à titre personnel n'était pas caractérisée, sans rechercher si, au vu des contrats de marché de travaux ainsi que des constats de réception des travaux signés par la Z... et versés aux débats, cette dernière n'avait pas, au contraire, exprimé sa volonté non équivoque de reprendre l'engagement souscrit en vertu du contrat d'architecte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.