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24/01/2018 | FRANCE | N°17-81504

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 janvier 2018, 17-81504


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. A... Z... ,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 8-1, en date du 17 janvier 2017, qui a statué sur l'adaptation de peines prononcées à l'étranger en vue de la poursuite de leur exécution en France ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 décembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur,

M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M....

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
M. A... Z... ,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 8-1, en date du 17 janvier 2017, qui a statué sur l'adaptation de peines prononcées à l'étranger en vue de la poursuite de leur exécution en France ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 décembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, M. Castel, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller Guéry, les observations de la société civile professionnelle ROUSSEAU et TAPIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SALOMON ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 442-2, 442-7 du code pénal, des articles préliminaire, 591, 593, 728-4, du code de procédure pénale, défauts de motifs, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté la requête en adaptation de peine étrangère formée par l'avocat de M. Z... ;

"aux motifs que la cour rappelle qu'il résulte des dispositions de l'article 728-4 du code de procédure pénale que les peines prononcées à l'étranger et exécutées en France sont directement exécutoires mais que si par leur nature ou leur durée elles s'avèrent "plus rigoureuse que la peine prévue par la loi française pour les mêmes faits, le tribunal correctionnel du lieu de détention, saisi par le procureur de la République ou le condamné, lui substitue la peine qui correspond le plus en droit français ou réduit cette peine au maximum légalement applicable " ; qu'il appartient ainsi la juridiction française saisie d'une requête en adaptation de peine étrangère sur le fondement de l'article 728-4 du code de procédure pénale de comparer la qualification retenue en droit étranger avec celle correspondante en droit français afin de déterminer si la peine prononcée dans le pays étranger n'est pas supérieure par sa nature ou son quantum à ce qui serait encouru en France ; que la cour rappelle également que la juridiction française saisie ne saurait se livrer à un exercice de requalification des faits dès lors qu'à l'incrimination retenue par le pays étranger correspond une incrimination en droit français, sans outrepasser sa saisine et porter atteinte à l'autorité de la chose jugée ; que la cour relève qu'en l'espèce la cour d'appel de Marrakech a considéré qu'était établi à l'encontre de M. Z... le crime de distribution de faux billets relevant que le prévenu avait avoué avoir reçu des faux billets de 20 euros en vue de faire des achats, avoir été averti de la façon de les utiliser, avoir acheté quelques marchandises, réitérant ces déclarations lors de l'instruction mais revenant partiellement dessus lors du jugement ; qu'à cette incrimination correspond en droit français celle définie par l'article 442-2 du code pénal qui dispose : que le transport, la mise en circulation ou la détention en vue de la mise en circulation des signes monétaires irrégulièrement fabriqués mentionnés au deuxième alinéa de cet article sont punis de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende ; que la cour relève en outre que conformément aux dispositions de la convention bilatérale du 10 août 1981 qui lie la France et le Maroc en matières de transfèrement, le Ministère de la justice français a envoyé son accord de transfèrement en y précisant les éléments du droit français applicable en matière de peine encourue stipulant "les actes qui ont donné lieu à la condamnation de l'intéressé par les autorités judiciaires marocaines constituent des infractions pénales au regard du droit français et son définis aux articles 442-1 et suivants du code pénal et punis de 5 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende à 30 ans de réclusion criminelle et 450 000 euros pour les faits les plus graves" ; qu'ainsi en substituant à cette qualification celle fondée sur l'article 442-7 du code de procédure pénale selon lequel "le fait, pour celui qui a reçu les signes monétaires contrefaisants ou falsifiés visés à l'article 442-1 en les tenant pour bons, de les remettre en circulation après en avoir découvert les vices est puni de 7 500 euros d'amende" le tribunal correctionnel de Bobigny a procédé à tort à une requalification des faits en reprenant les éléments de fond du dossier, à savoir les déclarations du prévenu et en les réinterprétant ; que statuant en droit, la cour ne peut en conséquence que constater que la peine prononcée par la juridiction marocaine, à savoir 10 ans d'emprisonnement, n'excède pas celle encourue en droit français ; que la cour infirmera donc le jugement du tribunal correctionnel de Bobigny et rejettera la requête en adaptation de peine présentée par A... Z... ;

"1°) alors que selon l'article 728-4 du code de procédure pénale, lorsque la peine prononcée à l'étranger est, par sa nature ou sa durée, plus rigoureuse que la peine prévue par la loi française pour les mêmes faits, le tribunal correctionnel du lieu de détention, saisi par le procureur de la République ou le condamné, lui substitue la peine qui correspond le plus en droit français ou réduit cette peine au maximum légalement applicable ; qu'il résulte des termes mêmes de ce texte que le tribunal correctionnel doit rechercher quelle est la peine prévue pour les mêmes faits et ce quelle que soit la qualification retenue par l'Etat de condamnation étranger ; qu'en énonçant qu'il appartient à la juridiction française de comparer la qualification retenue en droit étranger avec celle correspondante en droit français, la cour d'appel a méconnu les textes et principes susvisés ;
"2°) alors et en toute hypothèse, qu'il résulte du principe de nécessité des délits et des peines que la peine doit être proportionnée à l'infraction qu'elle sanctionne ; que, aux termes de l'article 728-4 du code de procédure pénale, lorsque la peine prononcée à l'étranger est, par sa nature ou sa durée, plus rigoureuse que la peine prévue par la loi française pour les mêmes faits, le tribunal correctionnel du lieu de détention, saisi par le procureur de la République ou le condamné, lui substitue la peine qui correspond le plus en droit français ou réduit cette peine au maximum légalement applicable ; que la procédure prévue par l'article 728-4 du code de procédure pénale impose au juge français un exercice de qualification ; que dans l'hypothèse où la qualification retenue par la juridiction de l'Etat de condamnation étranger est susceptible de recevoir en droit français plusieurs qualifications pénales différentes, le principe constitutionnel et conventionnel de nécessité des délits et des peines impose aux juridictions répressives françaises de choisir la qualification pénale la moins sévère ; que l'article 335 du code pénal marocain qui incrimine le fait d'avoir « sciemment participé à l'émission, à la distribution, à la vente ou à l'introduction sur le territoire du Royaume des monnaies, titres, bons ou obligations » contrefaisants ou falsifiés, incrimine donc le fait, prévu par l'article 442-7 du code pénal, « pour celui qui a reçu les signes monétaires contrefaisants ou falsifiés visés à l'article 442-1 en les tenant pour bons, de les remettre en circulation après en avoir découvert les vices » aussi bien que celui de l'article 442-1 ; qu'en retenant que les faits pour lesquels M. Z... avait été condamné au Maroc devaient recevoir la qualification criminelle de l'article 442-1 du code pénal quand, en présence de deux qualifications concurrentes, il lui appartenait de retenir la qualification délictuelle moins sévère de l'article 442-7 du même code, la cour d'appel a méconnu les textes et principe susvisés ;

"3) alors que la cour d'appel a constaté, d'une part, que le ministère de la justice français avait envoyé son accord de transfèrement indiquant que « les actes qui ont donné lieu à la condamnation de l'intéressé par les autorités judiciaires marocaines constituent des infractions pénales au regard du droit français et sont définis aux articles 442-1 et suivants du code pénal et punis de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende à trente ans de réclusion criminelle et 450 000 euros pour les faits les plus graves » tout en en déduisant, d'autre part, que dans l'accord de transfèrement, le ministère de la justice considérait que les faits ayant donné lieu à la condamnation de M. Z... relevaient de l'article 442-1 du code pénal mais aussi des articles suivants du code pénal et rappelait que les faits les plus graves incriminés par ces articles étaient punis de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende à trente ans de réclusion criminelle et 450 000 euros ; que parmi les articles visés par l'accord de transfèrement du ministère de la justice figuraient donc tant l'article 442-1 du code pénal que l'article 442-7 du même code ; qu'en déduisant de cet accord de transfèrement qu'il convenait de retenir la qualification de l'article 442-1 du code pénal et non celle de l'article 442-7 du même code, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires en violation des textes et principes susvisés ;

"4°) alors et en toute hypothèse, qu'il est de l'office du juge d'interpréter le traité international et la loi applicables à la cause soumise à son examen ; que le juge ne saurait être tenu de suivre l'avis d'une autorité non juridictionnelle ; qu'en retenant qu'il convenait de retenir la qualification de l'article 442-1 du code pénal au motif que le ministère de la justice français avait envoyé son accord de transfèrement indiquant que « les actes qui ont donné lieu à la condamnation de l'intéressé par les autorités judiciaires marocaines constituent des infractions pénales au regard du droit français et sont définis aux articles 442-1 et suivants du code pénal et punis de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende à trente ans de réclusion criminelle et 450 000 euros pour les faits les plus graves », la cour d'appel a méconnu son office, en violation des textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par décision en date du 14 mai 2014, la cour d'appel de Marrakech a condamné M. A... Z... , ressortissant français, à dix ans d'emprisonnement, pour des faits qualifiés, par le droit marocain, de distribution sur le territoire du Royaume du Maroc de monnaies contrefaites, que, l'intéressé ayant été transféré en France le 13 janvier 2016 et ayant formé une demande d'adaptation de peine, le tribunal correctionnel a, par jugement en date du 17 mai 2016, substitué à cette peine celle de 7500 euros d'amende prévue par l'article 442-7 du code pénal, pour le délit de mise en circulation de signes monétaires contrefaisants reçus en les tenant pour bons, après en avoir découvert les vices, et ordonné la mise en liberté de M. Z... ; que le ministère public a interjeté appel de cette décision ;

Attendu que, pour infirmer le jugement et rejeter la requête, l'arrêt énonce que la juridiction française saisie ne saurait se livrer à un exercice de requalification des faits dès lors qu'à l'incrimination retenue par le pays étranger correspond une incrimination en droit français, sans outrepasser sa saisine et porter atteinte à l'autorité de la chose jugée ; que la cour d'appel relève que la juridiction marocaine a considéré établi à l'encontre de M. Z... le crime de distribution de faux billets, le prévenu ayant avoué avoir reçu des faux billets de 20 euros en vue de faire des achats, avoir été averti de la façon de les utiliser, avoir acheté quelques marchandises, qu'à cette incrimination correspond en droit français celle définie par l'article 442-2 du code pénal qui dispose que le transport, la mise en circulation ou la détention en vue de la mise en circulation des signes monétaires contrefaisants ou falsifiés mentionnés au premier alinéa de l'article 442-1 ou des signes monétaires irrégulièrement fabriqués mentionnés au deuxième alinéa de cet article, sont punis de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende ; qu'en substituant à cette qualification celle fondée sur l'article 442-7 du code pénal, le tribunal correctionnel a procédé à tort à une requalification des faits en reprenant les éléments de fond du dossier, à savoir les déclarations du prévenu et en les réinterprétant ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel qui n'avait pas à s'expliquer sur la proportionnalité d'une peine prononcée par une juridiction étrangère et qui ne s'est pas déterminée essentiellement par le contenu de l'accord de transfèrement, a justifié sa décision ;

Qu'en effet, la juridiction française n'a d'autre pouvoir, en application de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 et de l'article 728-4 , alinéa 2, du code de procédure pénale, que de substituer à la peine prononcée par la juridiction étrangère celle correspondant le plus en droit français, ou de réduire cette peine au maximum légalement applicable ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-quatre janvier deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-81504
Date de la décision : 24/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 17 janvier 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 jan. 2018, pourvoi n°17-81504


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.81504
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