LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa cinquième branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 mars 2016), qu'un jugement du 3 juillet 2003, confirmé par un arrêt du 1er juillet 2005, devenu irrévocable, a condamné la société Eden à payer à la société Affiche européenne, aux droits de laquelle vient la société Impression etamp; services, la somme principale de 134 460,03 euros au titre du solde impayé d'un contrat conclu le 23 juin 2000 ; que le 5 septembre 2011, la société Impression etamp; services, dont M. Y... était le dirigeant, a été mise en liquidation judiciaire, la société Ouizille-de Keating étant nommée liquidateur ; que celui-ci a poursuivi le recouvrement de la créance résultant du jugement du 3 juillet 2003 contre la société Eden ; que le liquidateur a déposé une requête tendant à être autorisé à signer l'accord transactionnel conclu entre lui et la société Eden et prévoyant que cette dernière lui verserait la somme de 40 000 euros, qu'il céderait à la société mère de la société Eden les 38 000 actions détenues par la société débitrice dans la société Eden au prix d'un euro, et qu'il renoncerait à toutes poursuites contre la société Eden au titre du contrat du 23 juin 2000 ; que le juge-commissaire, accueillant cette requête, a autorisé la transaction par une ordonnance du 14 mai 2013 contre laquelle M. Y..., en qualité de dirigeant, a formé un recours ;
Attendu que la société Eden fait grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours formé par M. Y... ès qualités et de rejeter la requête du liquidateur alors, selon le moyen, que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, les droits et actions concernant son patrimoine étant exercés pendant la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ; qu'il s'ensuit qu'aucun droit propre faisant échec au dessaisissement ne l'autorise à contester l'ordonnance du juge-commissaire autorisant le liquidateur à transiger sur le recouvrement de la créance dont il est titulaire, peu important que cette transaction emporte également cession des droits sociaux qu'il détient dans le capital de son débiteur au prix d'un euro symbolique, soit pour une contrepartie prétendument inférieure à sa valeur réelle ; qu'en affirmant, pour décider que le débiteur justifiait d'une atteinte à un droit propre, que la transaction constitue non seulement une modalité de recouvrement de la créance dont elle était titulaire sur la société Eden, mais qu'elle emporte également cession des actions qu'elle détient dans le capital de la société Eden au prix de l'euro symbolique, soit pour un prix inférieur à leur valeur réelle, quand l'action en nullité de la transaction portait exclusivement sur des droits patrimoniaux dont l'exercice relève du monopole du liquidateur, la cour d'appel a violé l'article L. 641-9 du code de commerce, ensemble l'article L. 642-24 du code de commerce ;
Mais attendu que, bien qu'il soit dessaisi de ses droits et actions par l'effet du jugement ayant prononcé sa liquidation judiciaire, le débiteur dispose d'un droit propre à former un recours contre l'ordonnance autorisant le liquidateur à signer une transaction, dès lors que cette dernière a, notamment, pour objet la cession d'un actif dépendant de la liquidation judiciaire ; qu'ayant relevé que la requête du liquidateur concernait une transaction prévoyant en particulier la cession, à un tiers, d'actions détenues par la société débitrice, la cour d'appel en a exactement déduit que cette société était recevable à exercer un recours contre l'ordonnance autorisant une telle transaction ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Eden aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la SCP Ohl et Vexliard la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Eden
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris, sauf en ce que le Tribunal a déclaré irrecevable "l'opposition" de M. Y..., D'AVOIR déclaré recevable M. Y... en son recours formé à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire du 14 mai 2013, D'AVOIR rejeté la demande en annulation de l'ordonnance du juge-commissaire formée par M. Y..., D'AVOIR infirmé l'ordonnance du juge-commissaire du 14 mai 2013 en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, rejeté la requête du 19 avril 2013 de la SELARL de KEATING, ès qualités ;
AUX MOTIFS QUE M. Y... a formé un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire autorisant une transaction dans le cadre de la liquidation de la société Impression etamp; services dont il était le gérant puis a interjeté appel du jugement ayant statué sur son recours en se prévalant tout au long de sa requête et de ses conclusions devant le tribunal et la cour de sa qualité de débiteur disposant d'un droit propre lui permettant d'agir en contestation de l'ordonnance du juge-commissaire ; que la convocation à comparaître pour être entendu devant le juge-commissaire sur la requête du liquidateur a été adressée à M. Y... ; que, dès lors que les articles L. 642-24 et R. 642-41 du code de commerce prévoient que seul le débiteur est entendu ou dûment appelé, M. Y... n'a pu être convoqué qu'en sa qualité de représentant de la société débitrice ; que selon les mentions de l'ordonnance critiquée le juge-commissaire a entendu les observations de M. Y... en sa qualité de gérant de la société Impression etamp; services et de son conseil ; que le jugement dont appel statue sur le recours de M. Y... en le considérant comme le débiteur en liquidation ; que la SELARL de Keating ès qualités et la société Eden discutent dans leurs écritures, tant devant le tribunal que devant la cour, de la qualité et de l'intérêt à agir de M. Y... uniquement en tant que débiteur dessaisi de ses droits et actions en raison de la liquidation ; qu'il résulte de ces éléments que M. Y... agit en qualité d'ancien gérant de la société Impression etamp; services en liquidation qu'il représente pour faire valoir un droit propre de ladite société ; que la SELARL de Keating ès qualités et la société Eden demandent à la cour de déclarer M. Y... et la société Invest tec irrecevables en leur appel au motif qu'en leur qualité respective de débiteur et de contrôleur ils n'ont ni qualité ni intérêt à agir à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire du 14 mai 2013 autorisant une transaction ; que toutefois étant parties à un jugement qui n'a pas fait droit à leur demande, M. Y... et la société Invest tec sont recevables à en interjeter appel ;
AUX MOTIFS QUE l'article L.641-19 du code de commerce prévoit que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée et que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ; que la transaction autorisée par le juge-commissaire consiste pour la société Eden à verser la somme de 40.000 € à la liquidation de la société Impression etamp; services et pour la société Impression etamp; services à céder à une société tierce les 38.000 actions qu'elle détient dans le capital de la société Eden au prix de 1 €, à renoncer à toutes poursuites à rencontre de la société Eden au titre de la créance résultant de la cession du 23 juin 2000 et à se désister notamment de l'action en liquidation judiciaire engagée devant le tribunal de commerce de Bobigny ; que si cette transaction constitue une modalité de recouvrement d'une partie de la créance due par la société Eden à la liquidation de la société Impression etamp; services, elle comprend également la cession d'un actif de la société Impression etamp; services ; qu'en dépit de son dessaisissement et en vertu de ses droits propres, la société Impression etamp; services débitrice en liquidation judiciaire et agissant par son représentant M. Y... est recevable à exercer un recours à l'encontre de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant une transaction dès lors que d'une part l'une des dispositions de la transaction consiste à céder l'un de ses actifs dépendant de sa liquidation constitué des 38.000 actions qu'elle détient dans le capital de la société Eden et que d'autre part il est justifié d'un intérêt à critiquer l'ordonnance du juge-commissaire en ce qu'elle autorise la cession des actions au prix de 1 € alors qu'il est prétendu que valeur réelle des actions est de 340.000 € ; que le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable "l'opposition" de M. Y... ;
ET QUE la société Impression etamp; services détient une créance sur la société Eden d'un montant en principal de 134.460,03 € ; que M. Y... affirme sans être contredit que cette créance s'élève avec les intérêts arrêtés au 14 mai 2013 à la somme de 169.730,06 € à laquelle s'ajoute la somme de 2.000 € due au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que cette créance est exigible depuis l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er juillet 2005 ; qu'en fixant à 40.000 € la somme due par la société Eden à titre de solde de tout compte, la transaction oblige la société Impression etamp; services à concéder une somme de 131.730,06 € en faveur de sa débitrice ; que la société Impression etamp; services renonce également dans le cadre de cette transaction à toutes poursuites à l'encontre de la société Eden au titre de sa créance et à se désister de l'action en liquidation judiciaire de la société Eden ; qu'en acceptant de ne payer que très partiellement sa dette pourtant exigible depuis l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er juillet 2005 la société Eden ne fait pas de concession à la société Impression etamp; services ; qu'aucune contrepartie aux deux concessions sus rappelées consenties par la société Impression etamp; services n'est mise à la charge de la société Eden dont il n'est pas démontré qu'elle n'est pas en mesure d'apurer sa dette alors qu'elle a obtenu le 4 avril 2013 du tribunal de commerce de Bobigny la rétractation du jugement prononçant sa liquidation en faisant valoir qu'elle n'était pas en état de cessation des paiements, soit quinze jours avant que la SELARL de Keating ès qualités ne présente sa requête en autorisation de transaction ; que bien plus la transaction oblige également la société Impression etamp; services a cédé les 38.000 actions qu'elle détient dans le capital de la société Eden pour un euro à une autre société, la société Financière d'Anjou qui est la société-mère de la société Eden ; que le liquidateur n'explique pas l'intérêt pour la société Impression etamp; services d'une telle cession au prix pratiqué alors qu'il ressort des statuts de la société Eden du 29 juin 2012 que le montant nominal de chaque action est de 0,1 € et que, comme il a été dit précédemment, la société Eden ne se considère pas en état de cessation des paiements ; qu'aucune contrepartie à cette cession d'actifs à vil prix n'est consentie à la société Impression etamp; services ; qu'en définitive, la transaction impose des concessions à la seule société Impression etamp; services sans qu'elle en tire aucune contrepartie et que l'intérêt des créanciers est insuffisamment protégé ; que ces circonstances justifient qu'elle ne puisse être autorisée ; que la requête de la SELARL de Keating es qualités sera rejetée ;
1. ALORS QUE les juges du fond sont liés par les conclusions prises devant eux sans qu'ils puissent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; qu'il résulte tant des énonciations de la déclaration d'appel régularisée par M. Y... que des termes clairs et précis des conclusions déposées par M. Y..., en son nom personnel, qu'il a seulement contesté l'ordonnance du juge-commissaire autorisant liquidateur de la société IMPRESSION etamp; SERVICES à transiger avec la société EDEN en soutenant qu'il justifiait d'un intérêt à agir en son nom personnel, sans qu'il ne résulte qu'il ait déclaré agir au nom de la société IMPRESSION etamp; SERVICES, ès qualités de gérant ; qu'en décidant que M. Y... agit en qualité de gérant de la société IMPRESSION etamp; SERVICES en liquidation qu'il représente pour faire valoir un droit propre de ladite société, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige dont elle était saisie par M. Y..., en son nom propre ; qu'ainsi, elle a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
2. ALORS QUE l'action en justice n'est ouverte qu'à celui qui justifie d'un intérêt personnel ; qu'il s'ensuit que la prohibition des prétentions pour autrui s'oppose à ce que le gérant d'une société en liquidation judiciaire agisse à sa place pour contester l'ordonnance autorisant le mandataire-liquidateur à conclure une transaction au nom du débiteur en liquidation judiciaire et pour solliciter le rejet de la requête du liquidateur sollicitant du juge-commissaire l'autorisation de conclure une telle transaction ; qu'en affirmant, pour décider que M. Y... justifiait d'un intérêt à agir au nom de la société IMPRESSION etamp; SERVICES dont il est le gérant, que M. Y... avait formé un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire autorisant une transaction dans le cadre de la liquidation de la société IMPRESSION etamp; SERVICES dont il était le gérant puis a interjeté appel du jugement ayant statué sur son recours, qu'il s'était prévalu tout au long de sa requête et de ses conclusions devant le tribunal et la cour de sa qualité de débiteur disposant d'un droit propre lui permettant d'agir en contestation de l'ordonnance du juge-commissaire, que la convocation à comparaître pour être entendu devant le juge-commissaire sur la requête du liquidateur a été adressée à M. Y..., que les articles L. 642-24 et R. 642-41 du Code de commerce prévoyaient que seul le débiteur est entendu ou dûment appelé, de sorte que M. Y... n'a pu être convoqué qu'en sa qualité de représentant de la société débitrice, que selon les mentions de l'ordonnance critiquée le juge-commissaire a entendu les observations de M. Y... en sa qualité de gérant de la société IMPRESSION etamp; SERVICES et de son conseil et que le tribunal statue sur le recours de M. Y... en le considérant comme le débiteur en liquidation et que la SELARL de KEATING ès qualités et la société EDEN discutent dans leurs écritures, tant devant le tribunal que devant la cour, de la qualité et de l'intérêt à agir de M. Y... uniquement en tant que débiteur dessaisi de ses droits et actions en raison de la liquidation, quand l'atteinte portée aux droits propres de la société IMPRESSIONS ET SERVICES, à le supposer établi, ne lui donnait pas un intérêt personnel à agir en son nom personnel, pour le compte de la personne morale, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 31 du Code de procédure civile, ensemble l'article 1842 du Code civil ;
3. ALORS QUE le gérant de la société en liquidation judiciaire est tiers à l'instance tendant à autoriser le liquidateur à conclure une transaction au nom du débiteur en liquidation judiciaire ; qu'il s'ensuit que son audition par le juge commissaire, ès qualités de gérant de la société en liquidation judiciaire, ne lui donne pas qualité pour contester en son nom propre l'ordonnance du juge-commissaire autorisant le mandataire liquidateur à transiger et à solliciter l'annulation de la transaction ; qu'en affirmant, pour déclarer recevable l'opposition formée par M. Y... en son nom propre, qu'il a été convoqué à comparaître pour être entendu devant le juge-commissaire sur la requête du liquidateur, que les articles L. 642-24 et R. 642-41 du Code de commerce prévoyaient que seul le débiteur est entendu ou dûment appelé, de sorte que M. Y... n'a pu être convoqué qu'en sa qualité de représentant de la société débitrice, que selon les mentions de l'ordonnance critiquée le juge-commissaire a entendu les observations de M. Y... en sa qualité de gérant de la société IMPRESSION etamp; SERVICES et de son conseil, quand M. Y..., pris en son nom personnel était tiers à l'instance, la Cour d'appel a violé les articles L. 642-24 et R. 642-41 du Code de commerce ;
4. ALORS QUE les juges du fond sont liés par les conclusions prises devant eux sans qu'ils puissent modifier les termes du litige dont ils sont saisis ; que la société EDEN a fait valoir que « M. Christian Y..., à supposer même qu'il puisse fait état d'un droit propre, ce qui n'est pas le cas, n'aurait, pour les raisons qui précèdent, aucun intérêt à formuler une opposition, la transaction en cause n'étant pas en mesure d'impacter même sa situation personnelle » (conclusions, p. 11, 2ème alinéa) ; qu'en affirmant que la société EDEN ne contestait pas la recevabilité de l'action de M. Y... autrement que par l'absence de droit propre de la société IMPRESSION etamp; SERVICES dont il était le représentant, quand elle a soutenu qu'il ne justifiait d'aucun intérêt personnel lui donnant droit de contester l'ordonnance autorisant la conclusion d'une transaction à laquelle il n'était pas partie, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
5. ALORS subsidiairement QUE le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, les droits et actions concernant son patrimoine étant exercés pendant la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ; qu'il s'ensuit qu'aucun droit propre faisant échec au dessaisissement ne l'autorise à contester l'ordonnance du juge-commissaire autorisant le liquidateur à transiger sur le recouvrement de la créance dont il est titulaire, peu important que cette transaction emporte également cession des droits sociaux qu'il détient dans le capital de son débiteur au prix d'un euro symbolique, soit pour une contrepartie prétendument inférieure à sa valeur réelle ; qu'en affirmant, pour décider que le débiteur justifiait d'une atteinte à un droit propre, que la transaction constitue non seulement une modalité de recouvrement de la créance dont elle était titulaire sur la société EDEN, mais qu'elle emporte également cession des actions qu'elle détient dans le capital de la société EDEN au prix de l'euro symbolique, soit pour un prix inférieur à leur valeur réelle, quand l'action en nullité de la transaction portait exclusivement sur des droits patrimoniaux dont l'exercice relève du monopole du liquidateur, la Cour d'appel a violé l'article L 641-9 du Code de commerce, ensemble l'article L. 642-24 du Code de commerce.