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24/01/2018 | FRANCE | N°16-21517

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 janvier 2018, 16-21517


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juin 2016), que par une délibération du 30 juin 2015, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'Hôpital américain de Paris (l'HAP) ont voté le recours à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12, 1° du code du travail et mandaté à cet effet le cabinet Technologia ; que contestant l'existence d'un risque grave, l'HAP a saisi en référé le président du tribunal de grande ins

tance afin d'obtenir l'annulation de cette délibération ;

Attendu que l'HAP fa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juin 2016), que par une délibération du 30 juin 2015, les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l'Hôpital américain de Paris (l'HAP) ont voté le recours à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12, 1° du code du travail et mandaté à cet effet le cabinet Technologia ; que contestant l'existence d'un risque grave, l'HAP a saisi en référé le président du tribunal de grande instance afin d'obtenir l'annulation de cette délibération ;

Attendu que l'HAP fait grief à l'arrêt de le débouter de cette demande et de le condamner à payer au CHSCT diverses sommes pour les frais d'avocat exposés en première instance et en appel, alors, selon le moyen :

1°/ que le CHSCT ne dispose pas d'un droit général de recours à un expert ; que l'expertise ne peut avoir pour objet de remettre en cause, de façon générale, la politique organisationnelle de l'entreprise ; que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; qu'une résolution de recours à une expertise doit être annulée quand le CHSCT l'a adoptée sans disposer d'une information suffisante et qu'une demande adressée à l'employeur aurait suffi pour obtenir tout ou partie, à tout le moins significative, des informations sollicitées dans le cadre de la demande d'expertise, laquelle ne peut avoir ni pour objet de faire mener par l'expert, à la place du CHSCT, les investigations nécessaires à la caractérisation d'un risque grave, ni avoir pour objet un audit général de l'entreprise ; que la cour d'appel a rappelé que la demande d'expertise reposait sur les motifs suivants : « Depuis plusieurs mois le stress et la souffrance au travail dans notre établissement sont évoqués régulièrement lors des réunions du CHSCT mais aussi du comité d'entreprise et des délégués du personnel. Des membres du CHSCT ont, au cours de leurs différentes enquêtes menées dans le cadre de leurs prérogatives définies à l'article L. 4612-1 du code du travail, relevé un certain nombre d'indicateurs laissant percevoir l'émergence d'un risque grave, à savoir d'une souffrance au travail et les risques psychosociaux associés. En particulier, les membres du CHSCT ont constaté * plusieurs rapports d'incidents liés à des dysfonctionnements dans les services, avec refus de dialoguer de la part de la hiérarchie ; * détournement du lien de subordination ; * un nombre important d'arrêts de travail, augmentation des accidents du travail ; * importante demande des salariés pour rencontrer le médecin du travail ; * augmentation de la charge de travail ; * modification régulière du planning sans information préalable ;
* non report auprès des salariés du décompte des heures mensuelles prestées ; * conditions de sécurité dans l'entreprise ; * différence de traitement entre les salariés du « scanner », de la « radio » et du « vasculaire » concernant les astreintes (différence de rémunération) ; * témoignages et plaintes des salariés ; * turn over important ces derniers mois du personnel ; * attribution de taches sans rapport avec les fonctions du salarié ; * convocations des salariés pour des entretiens préalables à des sanctions disciplinaires » ; qu'en refusant d'annuler la résolution litigieuse dont les termes visaient à un audit général et étendu de l'entreprise, à répondre à des interrogations auxquelles l'Hôpital américain était susceptible de répondre, et in fine à suppléer la carence du CHSCT dans la caractérisation d'un risque grave précis, actuel et identifié dont il devait rapporter la preuve, la cour d'appel a violé l'article L. 4614-12 du code du travail ;

2°/ que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; que l'Hôpital américain avait fait valoir que la demande d'expertise du CHSCT ne reposait sur aucun fait précis mais sur de simples allégations, le CHSCT se bornant à énumérer dans sa résolution un certain nombre de faits généraux et l'existence d' « indicateurs laissant percevoir l'émergence d'un risque grave » ; qu'en énonçant qu'il ne pouvait être tiré argument de la référence faite dans cette résolution à « l'émergence d'un risque grave » dans la mesure où la résolution cite, un peu plus loin, la « présence d'un risque grave de souffrance au travail » et où la notion même de risque comporte une dimension d'imprévisibilité, sans s'expliquer sur la généralité et l'imprécision des thématiques énoncées dans la résolution litigieuse et dont elle avait rapporté les termes, la cour d'appel, dont les constatations étaient exclusives d'un risque grave au sens de l'article L. 4614-12 du code du travail, a violé l'article L. 4614-12 du code du travail ;

3°/ que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; que le risque doit être précis et identifié ; qu'en se bornant à relever une situation objective de malaise et des tensions anormales au sein de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas caractérisé un risque grave précis et identifié à la date de la résolution litigieuse, et a violé l'article L. 4614-12 du code du travail ;

4°/ que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; que le risque doit être apprécié à la date de la résolution adoptant le recours à l'expertise ; qu'en tenant compte de données factuelles postérieures au 30 juin 2015, date de la résolution litigieuse, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article L. 4614-12 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le CHSCT avait, depuis le début de l'année 2014, recueilli de nombreux témoignages et signalements de la part de salariés relatant une attitude de menace et de harcèlement psychologique de l'encadrement, un climat de stress, d'intimidation et de peur, un mal-être et une souffrance au travail, une pression quasi-permanente dommageable pour la prise en charge des patients et des signes d'alerte de « burn out », que le médecin du travail avait signalé au CHSCT, en mai et juin 2014, une augmentation du nombre d'arrêts de travail et de visites médicales semblant liées à des situations de stress ou de mal-être, que la direction de l'HAP n'avait donné aucune suite à son engagement d'étudier l'éventuelle corrélation entre cette augmentation et le rythme de travail, qu'en mars et mai 2015, le médecin du travail avait commenté à nouveau cette augmentation et confirmé l'existence d'une souffrance au travail, qu'un absentéisme élevé au sein de la direction des soins infirmiers avait été évoqué par une responsable devant le comité d'entreprise en avril 2015, que le rapport de l'expert-comptable du comité d'entreprise du 23 novembre 2015 et les données fournies au CHSCT, actualisées à cette date, signalaient une augmentation de la charge de travail et des accidents du travail d'environ 40 % par rapport à l'année 2014, la cour d'appel a pu déduire de ces éléments l'existence d'un risque grave au sens de l'article L. 4614-12 1° du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Hôpital américain de Paris aux dépens ;

Vu l'article L. 4614-13 du code du travail, condamne l'Hôpital américain de Paris à payer la somme de 3 000 euros au CHSCT de l'Hôpital américain de Paris ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour l'établissement Hôpital américain de Paris.

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté l'Hôpital américain de Paris de sa demande d'annulation de la résolution du CHSCT de l'Hôpital américain de Paris du 30 juin 2015 par laquelle il avait décidé de recourir à une expertise confiée au cabinet Technologia sur le fondement de l'article L.4614-12, 1° du code du travail et d'avoir condamné l'Hôpital américain de Paris à payer au CHSCT de l'hôpital américain de Paris les sommes de 12 750 euros pour les frais d'avocat exposés en première instance et en appel, pour Me Y... et de 1 305 euros, en appel, pour Me Z... ;

AUX MOTIFS QU' aux termes de l'article L. 4614-12.1° du code du travail, le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; que le risque grave qui, selon ce texte, permet au CHSCT de recourir à un expert, s'entend d'un risque identifié et actuel, préalable à l'expertise et objectivement constaté (Soc. 25 novembre 2015, pourvoi n°14-11.865, à publier) ;
Qu'au cas d'espèce, le CHSCT, a adopté à l'unanimité des membres présents, aux termes de sa réunion du 30 juin 2015, une résolution portant sur le principe du recours à un expert, dont il convient de reproduire ici la motivation:
« Depuis plusieurs mois le stress et la souffrance au travail dans notre établissement sont évoqués régulièrement lors des réunions du CHSCT mais aussi du comité d'entreprise et des délégués du personnel. Des membres du CHSCT ont, au cours de leurs différentes enquêtes menées dans le cadre de leurs prérogatives définies à l'article L. 4612-1 du code du travail, relevé un certain nombre d'indicateurs laissant percevoir l'émergence d'un risque grave, à savoir d'une souffrance au travail et les risques psychosociaux associés.
En particulier, les membres du CHSCT ont constaté
* plusieurs rapports d'incidents liés à des dysfonctionnements dans les services, avec refus de dialoguer de la part de la hiérarchie ;
* détournement du lien de subordination ;
* un nombre important d'arrêts de travail, augmentation des accidents du travail ;
* importante demande des salariés pour rencontrer le médecin du travail ;
* augmentation de la charge de travail ;
* modification régulière du planning sans information préalable ;
* non report auprès des salariés du décompte des heures mensuelles prestées ;
* conditions de sécurité dans l'entreprise ;

* différence de traitement entre les salariés du « scanner », de la « radio » et du « vasculaire » concernant les astreintes (différence de rémunération) ;
* témoignages et plaintes des salariés ;
* turn over important ces derniers mois du personnel ;
* attribution de taches sans rapport avec les fonctions du salarié ;
* convocations des salariés pour des entretiens préalables à des sanctions disciplinaires » ;
Qu'il ne saurait d'abord être tiré argument de la référence faite dans cette résolution à des « indicateurs laissant percevoir l'émergence d'un risque grave », dans la mesure où la résolution cite, un peu plus loin, la « présence d'un risque grave de souffrance au travail » et où la notion même de risque comporte une dimension d'imprévisibilité ;
Que de même, l'HAP ne saurait faire grief au CHSCT de s'être déterminé en l'absence d'une information suffisante au moment de voter l'expertise et de ne s'être pas prononcé en connaissance de cause, aucun texte ne prescrivant que le projet de résolution soit joint à l'ordre du jour ni ne subordonnant le recours à l'expertise à la mise en oeuvre d'autres moyens permettant de rechercher la solution au problème posé ;
Que les éléments produits par le CHSCT démontrent une dégradation sensible du climat social au sein de l'HAP, singulièrement depuis 2014 ; que ce climat s'est encore aggravé au cours et à l'issue du mouvement de grève déclenché au début de l'année 2015, qui a porté principalement sur des revendications de nature salariale ;
Que de nombreux procès-verbaux, tant du comité d'entreprise que du CHSCT, témoignent, depuis le printemps 2014, de l'existence d'un malaise, plus particulièrement ressenti au sein des deux principaux services de l'établissement, la direction des soins infirmiers (DSI) et la direction des plateaux médico-techniques (DPMT) ;
Qu'un incident survenu dans la nuit du 23 au 24 janvier 2014 ayant opposé la responsable de la DSI à des salariés grévistes a donné lieu à la rédaction d'une lettre commune de 17 salariés qui font état d'une attitude de menace et de harcèlement psychologique de l'encadrement, d'un climat de stress, d'intimidation et de peur ;
Qu'une enquête du CHSCT a été réalisée en avril 2015 ; que les témoignages recueillis à cette occasion auprès des salariés entendus mettent en évidence une absence de reconnaissance du travail effectué, des déceptions, un mal-être et une souffrance au travail ;
Qu'une lettre non signée de l'équipe du A5 du 26 mars 2015, rédigée après le décès d'un patient, dont l'authenticité n'est pas discutée par l'HAP, signale également la fatigue, le stress, le découragement de l'équipe des soins infirmiers et évoque un risque de « bum out » des personnels ; qu'un autre signalement écrit du 10 avril 2015, adressé aux membres du CHSCT, évoque une pression quasi-permanente dommageable pour la prise en charge des patients et accrédite le contenu des autres témoignages ;
Que le 22 janvier 2015, le comité d'entreprise s'est inquiété d'un nombre particulièrement élevé et anormal de sanctions disciplinaires infligées au sein de la DPMT ainsi que d'une organisation déficiente du temps de travail, à propos notamment d'une distribution non équitable des astreintes ; que onze salariés du service de médecine nucléaire ont saisi le 25 mars 2015 le CHSCT de difficultés liées au sous-effectif, aux plannings, à la communication entre les salariés et la hiérarchie, à des sanctions nombreuses et rapprochées intervenues depuis le début d'année ; que cette lettre précise que la santé au travail est menacée, que l'équipe est en mal-être et frôle l'épuisement professionnel ;
Que le CHSCT verse également aux débats cinq attestations de salariés protégés relatant plusieurs plaintes de personnels faisant part de leur mécontentement, de leur stress, de violences verbales, de pression et de signes d'alerte de « burn out » ; .
Que le rapport de l'expert-comptable du comité d'entreprise du 23 novembre 2015 signale quant à lui une augmentation de la productivité et de la charge de travail, ainsi qu'un accroissement important du recours à l'interim ;
Que le docteur A..., médecin du travail, a rendu compte au CHSCT, en mai et juin 2014, d'une augmentation du nombre d'arrêts de travail ; qu'elle s'est interrogée à cette occasion sur une éventuelle corrélation entre rythme de travail, alternance jour/nuit et arrêts de travail ;
que présentant à cette occasion le rapport annuel du service de santé au travail (Chimed), le docteur A... aussi signalé un accroissement du nombre de visites médicales semblant liées, selon elle, à des situations de stress ou de mal-être ;
Que la direction de l'HAP s'est proposée à cette occasion de mettre en place une organisation afin de travailler sur la corrélation entre arrêts de travail et rythme de travail, mais aucune suite ne paraît avoir été donnée à cet engagement ; que le CHSCT précise d'ailleurs, sans être contredit par la direction de l'entreprise, que l'HAP ne l'a jamais consulté sur un bilan annuel en matière d'hygiène, sécurité et conditions de travail ou sur un programme de prévention des risques professionnels, ce qui tend à montrer l'absence de politique de l'HAP en matière de prévention ;
Que lors d'une réunion du CHSCT du 16 mars 2015 et du comité d'entreprise du 21 mai 2015, le docteur A... a commenté à nouveau l'augmentation des accidents du travail enregistrée en 2014 et a confirmé l'existence d'une souffrance au travail et d'une dégradation de la qualité de vie au travail ; que les données fournies par le CHSCT - 99 AT au bilan actualisé au 20 novembre 2015 - révèlent une augmentation très significative des accidents du travail, d'environ 40% par rapport à l'année 2014 (104 AT sur l'ensemble de l'année selon les chiffres communiqués par te docteur A... au CE du 21 mai 2015) ; que l'HAP, qui conteste ces chiffres, ne produit cependant aucune donnée actualisée de nature à les remettre en cause, en dépit d'une demande de communication de diverses informations faite par le conseil du CHSCT le 9 septembre 2015 ;
qu'il sera encore noté que le médecin du travail a démissionné au mois de juin 2015 ; que son successeur, qui a quitté rapidement l'établissement, ne paraît pas avoir été remplacé à ce jour ; qu'enfin, même si le seul chiffre donné par l'établissement de l'ensemble des journées d'absence ne traduit pas, au 31 août 2014, une augmentation, un absentéisme élevé au sein de la DSI a été évoqué par une responsable, Mme B..., lors de son intervention en qualité d'invitée devant le comité d'entreprise le 16 avril 2015 ; que l'HAP ne communique de son côté aucune donnée récente sur ce point ;
Qu'en conséquence, il ressort des interventions du médecin du travail devant les institutions représentatives, des témoignages et plaintes de salariés relatant des situations de souffrance au travail et de stress, de l'augmentation anormale des accidents du travail, des tensions générées par le conflit collectif, qui ont aggravé les difficultés sociales, de l'alourdissement de la charge de travail et de la pression qui s'en est suivie sur les salariés, à l'origine de cas sérieux de mal-être, voire de harcèlement, la preuve de conditions de travail dégradées au moment du vote de la résolution, confirmant la nécessité d'apporter une réponse à une situation objective de malaise et à des tensions anormales au sein de l'entreprise ;
Que ces éléments établissent la réalité d'un risque grave, au sens de l'article L.4614-12.10 du code du travail, justifiant le recours à, un expert ; que l'ordonnance sera dès lors infirmée et la demande de l'HAP rejetée ;

1) ALORS QUE le CHSCT ne dispose pas d'un droit général de recours à un expert ; que l'expertise ne peut avoir pour objet de remettre en cause, de façon générale, la politique organisationnelle de l'entreprise ; que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; qu'une résolution de recours à une expertise doit être annulée quand le CHSCT l'a adoptée sans disposer d'une information suffisante et qu'une demande adressée à l'employeur aurait suffi pour obtenir tout ou partie, à tout le moins significative, des informations sollicitées dans le cadre de la demande d'expertise, laquelle ne peut avoir ni pour objet de faire mener par l'expert, à la place du CHSCT, les investigations nécessaires à la caractérisation d'un risque grave, ni avoir pour objet un audit général de l'entreprise ; que la cour d'appel a rappelé que la demande d'expertise reposait sur les motifs suivants : « Depuis plusieurs mois le stress et la souffrance au travail dans notre établissement sont évoqués régulièrement lors des réunions du CHSCT mais aussi du comité d'entreprise et des délégués du personnel. Des membres du CHSCT ont, au cours de leurs différentes enquêtes menées dans le cadre de leurs prérogatives définies à l'article L.4612-1 du code du travail, relevé un certain nombre d'indicateurs laissant percevoir l'émergence d'un risque grave, à savoir d'une souffrance au travail et les risques psychosociaux associés.
En particulier, les membres du CHSCT ont constaté
* plusieurs rapports d'incidents liés à des dysfonctionnements dans les services, avec refus de dialoguer de la part de la hiérarchie ;
* détournement du lien de subordination ;

* un nombre important d'arrêts de travail, augmentation des accidents du travail ;
* importante demande des salariés pour rencontrer le médecin du travail ;
* augmentation de la charge de travail ;
* modification régulière du planning sans information préalable ;
* non report auprès des salariés du décompte des heures mensuelles prestées ;
* conditions de sécurité dans l'entreprise ;
* différence de traitement entre les salariés du « scanner », de la « radio » et du « vasculaire » concernant les astreintes (différence de rémunération) ;
* témoignages et plaintes des salariés ;
* turn over important ces derniers mois du personnel ;
* attribution de taches sans rapport avec les fonctions du salarié ;
* convocations des salariés pour des entretiens préalables à des sanctions disciplinaires » ; qu'en refusant d'annuler la résolution litigieuse dont les termes visaient à un audit général et étendu de l'entreprise, à répondre à des interrogations auxquelles l'Hôpital américain était susceptible de répondre, et in fine à suppléer la carence du CHSCT dans la caractérisation d'un risque grave précis, actuel et identifié dont il devait rapporter la preuve, la cour d'appel a violé l'article L.4614-12 du code du travail ;

2) ALORS QUE le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; que l'Hôpital américain avait fait valoir que la demande d'expertise du CHSCT ne reposait sur aucun fait précis mais sur de simples allégations, le CHSCT se bornant à énumérer dans sa résolution un certain nombre de faits généraux et l'existence d' « indicateurs laissant percevoir l'émergence d'un risque grave » ; qu'en énonçant qu'il ne pouvait être tiré argument de la référence faite dans cette résolution à « l'émergence d'un risque grave » dans la mesure où la résolution cite, un peu plus loin, la « présence d'un risque grave de souffrance au travail » et où la notion même de risque comporte une dimension d'imprévisibilité, sans s'expliquer sur la généralité et l'imprécision des thématiques énoncées dans la résolution litigieuse et dont elle avait rapporté les termes, la cour d'appel, dont les constatations étaient exclusives d'un risque grave au sens de l'article L.4614-12 du code du travail, a violé l'article L. 4614-12 du code du travail ;

3) ALORS QUE le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; que le risque doit être précis et identifié ; qu'en se bornant à relever une situation objective de malaise et des tensions anormales au sein de l'entreprise, la cour d'appel n'a pas caractérisé un risque grave précis et identifié à la date de la résolution litigieuse, et a violé l'article L.4614-12 du code du travail ;

4) ALORS QUE le CHSCT peut faire appel à un expert agréé lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement ; que le risque doit être apprécié à la date de la résolution adoptant le recours à l'expertise ; qu'en tenant compte de données factuelles postérieures au 30 juin 2015, date de la résolution litigieuse, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé l'article L.4614-12 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-21517
Date de la décision : 24/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 02 juin 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 jan. 2018, pourvoi n°16-21517


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.21517
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