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17/01/2018 | FRANCE | N°16-25658

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 janvier 2018, 16-25658


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 septembre 2016), que la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel a supprimé le monopole des avoués, procédé notamment à leur intégration dans la profession d'avocat et fixé les règles et la procédure d'indemnisation applicables ; que la société civile professionnelle Daniel Chatteleyn et Benoît X..., précédemment titulaire d'un office d'avoué près la cour d'ap

pel d'Angers (la SCP), a perçu diverses indemnités, dont l'une au titre du préjudic...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les deux moyens réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 septembre 2016), que la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel a supprimé le monopole des avoués, procédé notamment à leur intégration dans la profession d'avocat et fixé les règles et la procédure d'indemnisation applicables ; que la société civile professionnelle Daniel Chatteleyn et Benoît X..., précédemment titulaire d'un office d'avoué près la cour d'appel d'Angers (la SCP), a perçu diverses indemnités, dont l'une au titre du préjudice subi à la suite de la perte du droit de présentation ; que M. X..., ancien avoué associé de la SCP, a saisi le juge de l'expropriation en paiement d'indemnités qu'il estimait lui être dues, au titre de divers préjudices constitués de la perte de revenus actuels et futurs, de droits à la retraite, de la rente de réversion pour son épouse ainsi que de troubles dans les conditions d'existence des avoués du fait des modalités successives de la réforme ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que toute ingérence dans le droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences d'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu concerné ; que cet équilibre n'est atteint que lorsque l'exproprié perçoit une indemnité raisonnablement en rapport avec l'ensemble des préjudices directement causés par l'expropriation, lesquels doivent être appréciés in concreto et comprendre, le cas échéant, ceux résultant de la perte l'outil de travail ; qu'en jugeant que l'article 13 de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 et l'autorité de la décision du Conseil constitutionnel excluaient qu'en sus de l'indemnisation du droit de représentation, les avoués puissent être indemnisés de leurs préjudices économiques et accessoires quand bien même ils résulteraient directement de leur perte de monopole, sans procéder à l'analyse de la situation concrète de M. X... du fait de la perte de son monopole, la cour d'appel a violé l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que toute ingérence dans le droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences d'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu concerné ; que cet équilibre n'est atteint que lorsque l'exproprié perçoit une indemnité raisonnablement en rapport avec l'ensemble des préjudices directement causés par l'expropriation, lesquels doivent être appréciés in concreto et comprendre, le cas échéant, ceux résultant de la perte l'outil de travail ; qu'en rejetant le préjudice de M. X..., tiré de sa perte de revenus, par une affirmation de principe, sans rechercher, in concreto, si M. X... ne justifiait pas subir une perte de revenus directement causée par la perte de son monopole de représentation, la cour d'appel a violé l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu'il est défendu aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ; qu'en relevant, par une affirmation de principe, que l'évolution des revenus des avoués, après l'entrée en vigueur de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011, compte-tenu des aménagements dont ils bénéficiaient, dépendait pour une grande part de choix professionnels ainsi que de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à une nouvelle situation concurrentielle que la suppression de leur monopole de représentation constituait une immixtion justifiée des pouvoirs publics et que l'indemnisation, sous le contrôle du juge de l'expropriation, de la perte de leur droit de présentation était proportionnée dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, de sorte que les avoués n'étaient pas fondés à obtenir, au-delà de l'indemnisation de la perte de leur droit de présentation, l'équivalent de ce qu'ils auraient continué à percevoir si la réforme n'était pas survenue, sans rechercher si la perte de son monopole n'avait pas effectivement entraîné pour M. X... une perte de revenus, la cour d'appel a violé l'article 5 du code de civil ;

4°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant que les choix professionnels faits par les avoués postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi comme leurs aptitudes à s'adapter à une nouvelle situation concurrentielle étaient impropres à exclure l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la perte de leur monopole et une baisse de leur revenus, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article L. 13-13 du code de l'expropriation publique, devenu l'article L. 321-1 dudit code, et l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que seules des mesures de réforme économique ou de justice sociale peuvent militer pour une indemnisation inférieure au préjudice réellement subi par la victime d'une atteinte à ses biens ; qu'en relevant que la loi qui ne prévoyait que l'indemnisation, sous le contrôle du juge de l'expropriation, de la perte du droit de présentation, était proportionnée compte-tenu du contexte de fortes contraintes budgétaires et de l'insuffisance de financement de la réforme, cependant que ces circonstances ne pouvaient justifier la limitation du droit à réparation des avoués, la cour d'appel a, de ce point de vue encore, violé l'article L. 13-13 du code de l'expropriation publique, devenu l'article L. 321-1 dudit code, et l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6°/ qu'en relevant, encore, que M. X... n'était pas fondé à réclamer l'équivalent monétaire de ce qu'il aurait continué à percevoir si la réforme n'était pas intervenue, cependant que M. X... ne formulait pas une telle demande mais demandait seulement à être indemnisé de la perte temporaire de ses revenus, le temps qu'il puisse se reconstituer une clientèle équivalente à celle dont il bénéficiait avant l'entrée en vigueur de la loi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

7°/ que M. X... rappelait, qu'en tant qu'avoué, il avait choisi de cotiser pour son épouse afin que celle-ci puisse bénéficier d'une pension de réversion fixée à 100 % des points de chacune des années de cotisation ; que cette possibilité n'étant pas offerte par l'organisme dont dépend aujourd'hui M. X... en tant qu'avocat, il demandait expressément réparation du préjudice subi de ce fait ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces conclusions, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 13, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 2011, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014, les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation fixée par le juge de l'expropriation, dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Que l'article L. 13-13 de ce code, alors en vigueur, dispose que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ;

Que, selon la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-624 du 20 janvier 2011, laquelle s'impose, en application de l'article 62, alinéa 3, de la Constitution, à toutes les autorités juridictionnelles, le préjudice de carrière, le préjudice économique et les préjudices accessoires, toutes causes confondues, initialement prévus à l'article 13 précité, ne peuvent être indemnisés, étant purement éventuels, sans que soit méconnue l'exigence de bon emploi des deniers publics et créée une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; qu'ainsi, après avoir énoncé que l'indemnisation du préjudice subi par les avoués du fait de la loi ne saurait permettre l'allocation d'indemnités ne correspondant pas à ce préjudice ou excédant la réparation de celui-ci et constaté, d'abord, que la loi ne supprimait pas l'activité correspondant à la profession d'avoué, ensuite, que les anciens avoués pouvaient exercer l'ensemble des attributions réservées aux avocats et bénéficier notamment, à ce titre, du monopole de la représentation devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils avaient établi leur résidence professionnelle, le Conseil constitutionnel a décidé que les préjudices de cette nature n'étaient pas indemnisables, comme étant sans lien direct avec la nature des fonctions d'officier ministériel supprimées et dépourvus de caractère certain, de sorte que l'article 13 était contraire à la Constitution, en ce qu'il avait prévu leur indemnisation ;

Que, par suite, toute demande d'indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l'autorité attachée à la décision du 20 janvier 2011 ;

Qu'il résulte de ce qui précède que, dès lors que le préjudice direct, matériel et certain qui doit être intégralement indemnisé, en application de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ne peut être constitué par l'un ou l'autre de ces chefs de préjudice, la cour d'appel, en refusant d'accueillir la demande d'indemnisation au titre de préjudices de même nature invoqués par M. X..., et répondant aux conclusions prétendument omises, loin de violer les articles 13, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 2011 et L. 13-13 précité, en a fait l'exacte application ;

Attendu, d'autre part, qu'aux termes de la deuxième phrase de l'article 1er du Protocole n° 1 additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (le Protocole n° 1), nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ;

Que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 29 mars 2006, Scordino c. Italie (n° 1) [GC], n° 36813/97), la mesure d'ingérence emportant privation de propriété doit être justifiée au regard de cette disposition ; qu'elle doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en particulier, il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par toute mesure privant une personne de sa propriété ; que cet équilibre est rompu si la personne concernée a eu à subir une charge spéciale et exorbitante ; que, sans le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue, en principe, une atteinte excessive ; qu'un défaut total d'indemnisation ne saurait se justifier, en application de l'article 1er du Protocole n° 1, que dans des circonstances exceptionnelles, mais que cette disposition ne garantit pas dans tous les cas le droit à une réparation intégrale ; que des objectifs légitimes d'utilité publique, tels que ceux que poursuivent des mesures de réforme économique ou de justice sociale, peuvent militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande du bien (CEDH, Scordino c. Italie, précité ; 11 avril 2002, Lallement c. France, n° 46044/99) ;

Qu'après avoir rappelé l'interprétation ainsi faite, par la CEDH, de l'article 1er du Protocole n° 1, la cour d'appel a recherché, conformément à cette disposition, si la suppression du monopole de représentation des avoués devant les cours d'appel avait ménagé un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, en ne faisant pas peser sur la personne intéressée de charge disproportionnée ;

Qu'elle a, d'abord, constaté que la loi du 25 janvier 2011 avait supprimé le monopole de représentation des avoués dans un but d'intérêt public de simplification de la procédure et de réduction de son coût, c'est-à-dire de recherche d'une meilleure administration de la justice ;

Qu'elle a, ensuite, rappelé que, selon la décision du 20 janvier 2011 du Conseil constitutionnel, l'indemnisation des préjudices économique et accessoires, toutes causes de préjudices confondues, avait été déclarée contraire à la Constitution, au regard des exigences constitutionnelles de bon emploi des deniers publics et de l'égalité devant les charges publiques ;

Qu'elle a, enfin, retenu, en premier lieu, que la loi du 25 janvier 2011, intégrant les avoués dans la profession d'avocat, avait été adoptée à la suite de deux rapports présentés au Président de la République, remettant en cause la justification de la double intervention de l'avoué et de l'avocat en cause d'appel, ainsi qu'en raison des exigences de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, en deuxième lieu, que le législateur avait confié au juge de l'expropriation, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le soin d'évaluer, au jour du jugement, selon une date de référence fixée à la date d'entrée en vigueur de la loi, le préjudice subi par les avoués du fait de celle-ci, en troisième lieu, qu'à cette date, l'avoué, privé du monopole de postulation devant la cour d'appel, mais à qui la loi avait conféré le titre d'avocat et reconnu de plein droit une spécialisation en procédure d'appel, conservait son outil de travail, dès lors qu'il pouvait continuer d'exercer son activité, quand bien même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats susceptibles de devenir des concurrents, en quatrième lieu, qu'il pouvait, en conséquence, postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépendait, plaider devant toutes les juridictions, donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé, en cinquième lieu, que de nombreuses parties continuaient, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir aux services des anciens avoués pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant, en sixième lieu, que des partenariats entre avocats et anciens avoués pouvaient être mis en place et, en dernier lieu, que l'évolution des revenus des avoués dépendait pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique en mettant un terme à une situation de monopole ;

Que la cour d'appel, qui n'a pas constaté que la loi du 25 janvier 2011, déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel, était contraire à la Convention, ni ne s'est prononcée par voie de disposition générale et réglementaire, a pu déduire de ces constatations et appréciations, relatives notamment, au défaut de perte par l'avoué de son outil de travail, sans méconnaître l'exigence d'impartialité qui s'impose à elle, qu'au regard des objectifs d'utilité publique de simplification de la procédure et de réduction de son coût poursuivis par la réforme de la représentation devant les cours d'appel, la suppression du monopole de représentation des avoués prévue par la loi du 25 janvier 2011 constituait une mesure d'ingérence justifiée dans le droit au respect des biens, dès lors qu'elle présentait un caractère proportionné au regard de l'article 1er du Protocole, ce dont il résultait que M. X... n'avait pas supporté de charge disproportionnée en n'obtenant pas la réparation des divers préjudices par lui imputés à la loi, dont l'absence d'indemnisation était, de surcroît, fondée sur leur caractère indirect et incertain ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN CASSATION

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE « les avoués ont été institués par les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 pour représenter en justice les parties à un procès, après la suppression des charges des procureurs royaux dont le ministère était obligatoire depuis 1620 ; qu'ils ont été supprimés en même temps que les avocats par le décret du 24 octobre 1793, avant d'être rétablis par la loi du 18 mars 1800 près les juridictions de première instance, d'appel et de cassation, qui leur attribue un monopole de la postulation, tant en matière civile que pénale, l'Etat fixant leur nombre et leur rémunération ; que la loi du 18 février 1801 a supprimé la spécialité d'avoué près les tribunaux criminels ; qu'après le rétablissement, également en 1800, de la profession d'avocat, celui-ci étant en charge de la plaidoirie, l'avoué a conservé le monopole de la postulation et du dépôt des conclusions ; que la profession d'avoué a été scindée en celle d'avoué au tribunal et d'avoué à la cour d'appel ; que la loi du 28 avril 1816 a consacré la patrimonialité des offices, les avoués étant autorisés à présenter un successeur au roi puis au garde des Sceaux, pourvu qu'il réunisse les qualités ; que ce système a été maintenu, le titulaire de l'office, officier ministériel, jouissant ainsi d'un droit de présentation de son successeur, un traité étant conclu avec celui-ci, fixant un prix de cession, soumis à l'agrément de la Chancellerie ; que les offices d'avoué au tribunal de grande instance et ceux d'avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer ont été supprimés par la loi du 31 décembre 1971, les anciens avoués devenant avocats ; que la patrimonialité des offices d'avoué a été supprimée dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, après la guerre de 1870, sans avoir été rétablie après 1918, les lois du 20 février 1922 et 29 juillet 1928 définissant seulement un régime de postulation spécifique, où les avocats doivent choisir de postuler devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d'appel ; que les avoués à la cour d'appel ont conservé le monopole de la postulation devant les cours d'appel dans les procédures où la représentation est obligatoire, soit la majorité du contentieux civil, à l'exclusion notable des affaires portées devant les chambres sociales des cours d'appel ; qu'ils peuvent en outre exercer une activité hors monopole de consultation juridique, de rédaction d'actes sous seing privé, de représentation et de plaidoirie dans des contentieux judiciaires ou administratifs où la représentation n'est pas obligatoire ; que les avocats, s'ils avaient la possibilité de plaider partout en France, ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance dont dépendait leur barreau d'inscription (les avocats des barreaux de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil pouvant eux postuler devant tous ces tribunaux de grande instance, issus de l'ancien tribunal de la Seine) ; que les avoués percevaient pour leur activité monopolistique des émoluments tarifés, selon un tarif fixé par le décret du 30 juillet 1980, modifié en 1984, puis en 2003 ; qu'à la suite des rapports au Président de la République présentés par MM. Z... (2008) et C... (2009), remettant en cause le bien-fondé de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat, en cause d'appel et, compte tenu de la directive 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), un projet de loi a été élaboré, intégrant les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au barreau près du tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office est situé, avec possibilité de renoncer à devenir avocat ou de choisir un autre barreau ; que, corrélativement, l'activité des avocats a été étendue à la postulation devant la cour d'appel, le tarif de postulation en cause d'appel étant supprimé ; que le projet initial prévoyait seulement une indemnisation du droit de présentation des avoués correspondant aux deux tiers de la valeur de la charge, qui sera portée par l'Assemblée nationale à la totalité de cette valeur, le Sénat ajoutant ensuite l'indemnisation des préjudices de carrière, économique, accessoires et désignant le juge de l'expropriation de Paris pour fixer cette indemnisation en cas de désaccord des avoués sur les propositions à eux faites par une commission chargée de statuer sur leurs demandes ; que sur le recours de 82 sénateurs, contestant notamment, d'une part, les modalités de l'indemnisation des avoués prévues par la loi déférée, en ce qu'elle n'était pas préalable à la suppression de cette profession, d'autre part, le régime fiscal de cette indemnisation, le Conseil constitutionnel a rejeté ces contestations et, se saisissant d'office, a notamment considéré que le préjudice de carrière était inexistant pour un avoué, que le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes causes confondues étaient purement éventuels, compte tenu des activités qu'ils pouvaient continuer d'exercer et qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée avaient méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; qu'en conséquence l'article 13 de la loi déférée, ainsi libellé initialement: « les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi
» a été privé par la décision n°2010-624 DC du 20 janvier 2011 des mots « du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues », de même que des mots « en tenant compte de leur âge » ; que sur la recevabilité de la demande d'indemnisation présentée par M. X..., que l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 dispose que les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; que le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi ; que l'indemnité est versée par le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19 ; que par dérogation aux règles de compétence territoriale le juge de l'expropriation compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris ; que dans un délai de trois mois suivant la cessation de l'activité d'avoué près les cours d'appel et au plus tard le 31 mars 2012, la commission prévue à l'article 16 notifie à l'avoué le montant de son offre d'indemnisation ; qu'en cas d'acceptation de l'offre par l'avoué, l'indemnité correspondante est versée à l'avoué dans un délai d'un mois à compter de cette acceptation ; que les demandes d'indemnisation à titre personnel de M. X... ont été rejetées par la commission, de sorte que leur recevabilité devant le juge de l'expropriation n'est pas discutable ; que l'indemnisation des préjudices économique et accessoires, toutes causes de préjudices confondues, a été déclarées contraires à la Constitution, de même que la référence à l'âge de l'avoué, au regard du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; que cette décision et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire ne peuvent être écartés par le juge ordinaire, eu égard aux dispositions impératives de l'article 62 de la Constitution, disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et s'imposent aux pouvoirs publics ainsi qu'à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ; que toute demande d'indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel ; que dès lors le préjudice direct, matériel et certain devant être intégralement indemnisé en application de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne peut être constitué de l'un ou l'autre de ces chefs de préjudice ;que d'autre part l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ;que la mesure d'ingérence emportant privation de propriété doit être justifiée ; qu'elle doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, ce qui suppose un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par la mesure privant de propriété et l'absence de charge spéciale exorbitante ; qu'une privation de propriété implique le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, sans qu'une réparation intégrale soit garantie dans tous les cas, des objectifs légitimes d'utilité publique, comme ceux recherchés par des mesures de réforme économique ou de justice sociale pouvant militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande du bien ;que le juge de l'expropriation évalue le préjudice au jour du jugement de première instance, selon une date de référence située au jour de l'application de la loi ; qu'à cette date, l'avoué perdant son monopole de postulation devant la cour d'appel, conserve néanmoins son outil de travail puisqu'il peut continuer d'exercer son activité, quand bien-même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats, susceptibles de devenir des concurrents ; qu'il doit cependant être observé à cet égard que de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir à un ancien avoué pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant ; que des partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place ; que l'ancien avoué peut également postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépend et intervenir pour plaider devant toutes les juridictions ; qu'il peut donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé ; que l'évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique en mettant fin à une situation monopolistique ; que la suppression du monopole de postulation devant leur cour était motivée notamment par un but d'intérêt public de simplification de la procédure et d'abaissement de son coût, c'est à dire par le souci d'une meilleure administration de la justice ; qu'elle constituait ainsi une immixtion justifiée, sinon nécessaire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, la perte du droit de présentation ; que les avoués ne sont dès lors pas fondés à obtenir, au-delà de l'indemnisation de leur droit de créance résultant de la perte de leur droit de présentation, qui constitue le seul bien en cause au sens de l'article 1er du protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'équivalent monétaire de ce qu'ils auraient continué de percevoir, en termes de revenus ou de droit à la retraite s'il n'avait pas été mis fin à leur monopole ; que le raisonnement de M X... consistant à comparer a posteriori son revenu actuel à celui antérieur à la réforme pour réclamer la différence sur une période de 7 années, ainsi que le préjudice en cascade en découlant pour ses droits à la retraite, ne peut être accueilli ; qu'en conséquence, M. X... doit être débouté de ses demandes d'indemnisation des préjudices économiques allégués tenant aux pertes de revenus et de droits à la retraite ;; qu'eu égard aux dispositions applicables de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation, le préjudice moral n'est pas indemnisable, de sorte qu'il ne peut d'avantage être fait droit à la demande de dommages et intérêts présentée par M. X... au titre des troubles allégués dans ses conditions d'existence résultant des modalités successives de la réforme en cause » ;

ALORS QUE, premièrement, toute ingérence dans le droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences d'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu concerné ; que cet équilibre n'est atteint que lorsque l'exproprié perçoit une indemnité raisonnablement en rapport avec l'ensemble des préjudices directement causés par l'expropriation, lesquels doivent être appréciés in concreto et comprendre, le cas échéant, ceux résultant de la perte l'outil de travail ; qu'en jugeant que l'article 13 de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 et l'autorité de la décision du conseil constitutionnel excluaient qu'en sus de l'indemnisation du droit de représentation, les avoués puissent être indemnisés de leurs préjudices économiques et accessoires quand bien même ils résulteraient directement de leur perte de monopole, sans procéder à l'analyse de la situation concrète de M. X... du fait de la perte de son monopole, la cour d'appel a violé l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, deuxièmement, toute ingérence dans le droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences d'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu concerné ; que cet équilibre n'est atteint que lorsque l'exproprié perçoit une indemnité raisonnablement en rapport avec l'ensemble des préjudices directement causés par l'expropriation, lesquels doivent être appréciés in concreto et comprendre, le cas échéant, ceux résultant de la perte l'outil de travail ; qu'en rejetant le préjudice de M. X..., tiré de sa perte de revenus, par une affirmation de principe, sans rechercher, in concreto, si M. X... ne justifiait pas subir une perte de revenus directement causée par la perte de son monopole de représentation, la cour d'appel a violé l'article 1er du protocole additionnel n° 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'hommes et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, troisièmement, il est défendu aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ; qu'en relevant, par une affirmation de principe, que l'évolution des revenus des avoués, après l'entrée en vigueur de la loi n°2011-94 du 25 janvier 2011, compte-tenu des aménagements dont ils bénéficiaient, dépendait pour une grande part de choix professionnels ainsi que de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à une nouvelle situation concurrentielle, que la suppression de leur monopole de représentation constituait une immixtion justifiée des pouvoirs publics et que l'indemnisation, sous le contrôle du juge de l'expropriation, de la perte de leur droit de présentation était proportionnée dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, de sorte que les avoués n'étaient pas fondés à obtenir, au-delà de l'indemnisation de la perte de leur droit de présentation, l'équivalent de ce qu'ils auraient continué à percevoir si la réforme n'était pas survenue, sans rechercher si la perte de son monopole n'avait pas effectivement entraîné pour M. X... une perte de revenus, la cour d'appel a violé l'article 5 du code de civil ;

ALORS QUE, quatrièmement, en statuant comme elle l'a fait, cependant que les choix professionnels faits par les avoués postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi comme leurs aptitudes à s'adapter à une nouvelle situation concurrentielle étaient impropres à exclure l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la perte de leur monopole et une baisse de leur revenus, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article L. 13-13 du code de l'expropriation publique, devenu l'article L. 321-1 dudit code, et l'article 1er du protocole additionnel n°1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, cinquièmement , seules des mesures de réforme économique ou de justice sociale peuvent militer pour une indemnisation inférieure au préjudice réellement subi par la victime d'une atteinte à ses biens ; qu'en relevant que la loi qui ne prévoyait que l'indemnisation, sous le contrôle du juge de l'expropriation, de la perte du droit de présentation, était proportionnée compte-tenu du contexte de fortes contraintes budgétaires et de l'insuffisance de financement de la réforme, cependant que ces circonstances ne pouvaient justifier la limitation du droit à réparation des avoués, la cour d'appel a, de ce point de vue encore, violé l'article L. 13-13 du code de l'expropriation publique, devenu l'article L. 321-1 dudit code, et l'article 1er du protocole additionnel n°1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

ALORS QUE, sixièmement, en relevant encore que M. X... n'était pas fondé à réclamer l'équivalent monétaire de ce qu'il aurait continué à percevoir si la réforme n'était pas intervenue, cependant que M. X... ne formulait pas une telle demande mais demandait seulement à être indemnisé de la perte temporaire de ses revenus, le temps qu'il puisse se reconstituer une clientèle équivalente à celle dont il bénéficiait avant l'entrée en vigueur de la loi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN CASSATION

L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE « les avoués ont été institués par les décrets des 29 janvier et 20 mars 1791 pour représenter en justice les parties à un procès, après la suppression des charges des procureurs royaux dont le ministère était obligatoire depuis 1620 ; qu'ils ont été supprimés en même temps que les avocats par le décret du 24 octobre 1793, avant d'être rétablis par la loi du 18 mars 1800 près les juridictions de première instance, d'appel et de cassation, qui leur attribue un monopole de la postulation, tant en matière civile que pénale, l'Etat fixant leur nombre et leur rémunération ; que la loi du 18 février 1801 a supprimé la spécialité d'avoué près les tribunaux criminels ; qu'après le rétablissement, également en 1800, de la profession d'avocat, celui-ci étant en charge de la plaidoirie, l'avoué a conservé le monopole de la postulation et du dépôt des conclusions ; que la profession d'avoué a été scindée en celle d'avoué au tribunal et d'avoué à la cour d'appel ; que la loi du 28 avril 1816 a consacré la patrimonialité des offices, les avoués étant autorisés à présenter un successeur au roi puis au garde des Sceaux, pourvu qu'il réunisse les qualités ; que ce système a été maintenu, le titulaire de l'office, officier ministériel, jouissant ainsi d'un droit de présentation de son successeur, un traité étant conclu avec celui-ci, fixant un prix de cession, soumis à l'agrément de la Chancellerie ; que les offices d'avoué au tribunal de grande instance et ceux d'avoués près les cours d'appel dans les départements d'outre-mer ont été supprimés par la loi du 31 décembre 1971, les anciens avoués devenant avocats ; que la patrimonialité des offices d'avoué a été supprimée dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, après la guerre de 1870, sans avoir été rétablie après 1918, les lois du 20 février 1922 et 29 juillet 1928 définissant seulement un régime de postulation spécifique, où les avocats doivent choisir de postuler devant le tribunal de grande instance ou devant la cour d'appel ; que les avoués à la cour d'appel ont conservé le monopole de la postulation devant les cours d'appel dans les procédures où la représentation est obligatoire, soit la majorité du contentieux civil, à l'exclusion notable des affaires portées devant les chambres sociales des cours d'appel ; qu'ils peuvent en outre exercer une activité hors monopole de consultation juridique, de rédaction d'actes sous seing privé, de représentation et de plaidoirie dans des contentieux judiciaires ou administratifs où la représentation n'est pas obligatoire ; que les avocats, s'ils avaient la possibilité de plaider partout en France, ne pouvaient postuler que devant le tribunal de grande instance dont dépendait leur barreau d'inscription (les avocats des barreaux de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil pouvant eux postuler devant tous ces tribunaux de grande instance, issus de l'ancien tribunal de la Seine) ; que les avoués percevaient pour leur activité monopolistique des émoluments tarifés, selon un tarif fixé par le décret du 30 juillet 1980, modifié en 1984, puis en 2003 ; qu'à la suite des rapports au Président de la République présentés par MM. Z... (2008) et Darrois (2009), remettant en cause le bien-fondé de la dualité d'intervention de l'avoué et de l'avocat, en cause d'appel et, compte tenu de la directive 2006/123 relative aux services dans le marché intérieur (directive « services »), un projet de loi a été élaboré, intégrant les avoués dans la profession d'avocat en les inscrivant au barreau près du tribunal de grande instance dans le ressort duquel leur office est situé, avec possibilité de renoncer à devenir avocat ou de choisir un autre barreau ; que, corrélativement, l'activité des avocats a été étendue à la postulation devant la cour d'appel, le tarif de postulation en cause d'appel étant supprimé ; que le projet initial prévoyait seulement une indemnisation du droit de présentation des avoués correspondant aux deux tiers de la valeur de la charge, qui sera portée par l'Assemblée nationale à la totalité de cette valeur, le Sénat ajoutant ensuite l'indemnisation des préjudices de carrière, économique, accessoires et désignant le juge de l'expropriation de Paris pour fixer cette indemnisation en cas de désaccord des avoués sur les propositions à eux faites par une commission chargée de statuer sur leurs demandes ; que sur le recours de 82 sénateurs, contestant notamment, d'une part, les modalités de l'indemnisation des avoués prévues par la loi déférée, en ce qu'elle n'était pas préalable à la suppression de cette profession, d'autre part, le régime fiscal de cette indemnisation, le Conseil constitutionnel a rejeté ces contestations et, se saisissant d'office, a notamment considéré que le préjudice de carrière était inexistant pour un avoué, que le préjudice économique et les préjudices accessoires toutes causes confondues étaient purement éventuels, compte tenu des activités qu'ils pouvaient continuer d'exercer et qu'en prévoyant l'allocation d'indemnités correspondant à ces préjudices, les dispositions de l'article 13 de la loi déférée avaient méconnu l'exigence de bon emploi des deniers publics et créé une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ; qu'en conséquence l'article 13 de la loi déférée, ainsi libellé initialement: « les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer, en tenant compte de leur âge, la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi
» a été privé par la décision n°2010-624 DC du 20 janvier 2011 des mots « du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires toutes causes confondues », de même que des mots « en tenant compte de leur âge » ; que sur la recevabilité de la demande d'indemnisation présentée par M. X..., que l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 dispose que les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; que le juge détermine l'indemnité allouée aux avoués exerçant au sein d'une société dont ils détiennent des parts en industrie afin d'assurer la réparation du préjudice qu'ils subissent du fait de la présente loi ; que l'indemnité est versée par le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19 ; que par dérogation aux règles de compétence territoriale le juge de l'expropriation compétent est celui du tribunal de grande instance de Paris ; que dans un délai de trois mois suivant la cessation de 1'activité d'avoué près les cours d'appel et au plus tard le 31 mars 2012, la commission prévue à l'article 16 notifie à l'avoué le montant de son offre d'indemnisation ; qu'en cas d'acceptation de l'offre par l'avoué, l'indemnité correspondante est versée à l'avoué dans un délai d'un mois à compter de cette acceptation ; que les demandes d'indemnisation à titre personnel de M. X... ont été rejetées par la commission, de sorte que leur recevabilité devant le juge de l'expropriation n'est pas discutable ; que l'indemnisation des préjudices économique et accessoires, toutes causes de préjudices confondues, a été déclarées contraires à la Constitution, de même que la référence à l'âge de l'avoué, au regard du principe de l'égalité des citoyens devant les charges publiques ; que cette décision et les motifs qui en constituent le soutien nécessaire ne peuvent être écartés par le juge ordinaire, eu égard aux dispositions impératives de l'article 62 de la Constitution, disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours et s'imposent aux pouvoirs publics ainsi qu'à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ; que toute demande d'indemnisation du préjudice de carrière, du préjudice économique et des préjudices accessoires, toutes causes confondues, dont la survenance est imputée à la loi, se heurte à l'autorité attachée à la décision du Conseil constitutionnel ; que dès lors le préjudice direct, matériel et certain devant être intégralement indemnisé en application de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ne peut être constitué de l'un ou l'autre de ces chefs de préjudice ;que d'autre part l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ;que la mesure d'ingérence emportant privation de propriété doit être justifiée ; qu'elle doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, ce qui suppose un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé par la mesure privant de propriété et l'absence de charge spéciale exorbitante ; qu'une privation de propriété implique le versement d'une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, sans qu'une réparation intégrale soit garantie dans tous les cas, des objectifs légitime d'utilité publique, comme ceux recherchés par des mesures de réforme économique ou de justice sociale pouvant militer pour un remboursement inférieur à la pleine valeur marchande du bien ;que le juge de l'expropriation évalue le préjudice au jour du jugement de première instance, selon une date de référence située au jour de l'application de la loi ; qu'à cette date, l'avoué perdant son monopole de postulation devant la cour d'appel, conserve néanmoins son outil de travail puisqu'il peut continuer d'exercer son activité, quand bien-même une très grande partie de sa clientèle était constituée d'avocats, susceptibles de devenir des concurrents ; qu'il doit cependant être observé à cet égard que de nombreuses parties continuent, eu égard à la spécificité et à la complexité de la procédure devant la cour d'appel, de recourir à un ancien avoué pour la procédure, en plus de leur avocat plaidant ; que des partenariats entre avocats et anciens avoués peuvent être mis en place ; que l'ancien avoué peut également postuler devant le tribunal de grande instance dont il dépend et intervenir pour plaider devant toutes les juridictions ; qu'il peut donner des consultations et rédiger des actes sous seing privé ; que l'évolution des revenus des avoués dépend pour une grande part de choix professionnels faits postérieurement à la date de référence et de leurs aptitudes personnelles à s'adapter à la nouvelle situation concurrentielle résultant d'une loi s'inscrivant dans une évolution historique en mettant fin à une situation monopolistique ; que la suppression du monopole de postulation devant leur cour était motivée notamment par un but d'intérêt public de simplification de la procédure et d'abaissement de son coût, c'est à dire par le souci d'une meilleure administration de la justice ; qu'elle constituait ainsi une immixtion justifiée, sinon nécessaire, des pouvoirs publics, proportionnée eu égard à l'intervention prévue du juge de l'expropriation susceptible d'indemniser raisonnablement, dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, la perte du droit de présentation ; que les avoués ne sont dès lors pas fondés à obtenir, au-delà de l'indemnisation de leur droit de créance résultant de la perte de leur droit de présentation, qui constitue le seul bien en cause au sens de l'article 1er du protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'équivalent monétaire de ce qu'ils auraient continué de percevoir, en termes de revenus ou de droit à la retraite s'il n'avait pas été mis fin à leur monopole ; que le raisonnement de M X... consistant à comparer a posteriori son revenu actuel à celui antérieur à la réforme pour réclamer la différence sur une période de 7 années, ainsi que le préjudice en cascade en découlant pour ses droits à la retraite, ne peut être accueilli ; qu'en conséquence, M. X... doit être débouté de ses demandes d'indemnisation des préjudices économiques allégués tenant aux pertes de revenus et de droits à la retraite ; qu'eu égard aux dispositions applicables de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation, le préjudice moral n'est pas indemnisable, de sorte qu'il ne peut d'avantage être fait droit à la demande de dommages et intérêts présentée par M. X... au titre des troubles allégués dans ses conditions d'existence résultant des modalités successives de la réforme en cause » ;

ALORS QUE Monsieur X... rappelait, qu'en tant qu'avoué, il avait choisi de cotiser pour son épouse afin que celle-ci puisse bénéficier d'une pension de réversion fixée à 100 % des points de chacune des années de cotisation ; que cette possibilité n'étant pas offerte par l'organisme dont dépend aujourd'hui Monsieur X... en tant qu'avocat, il demandait expressément réparation du préjudice subi de ce fait (conclusions d'appel du 27 février 2015, p. 14) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ces conclusions, les juges du fond ont violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 16-25658
Date de la décision : 17/01/2018
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 septembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 jan. 2018, pourvoi n°16-25658


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.25658
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