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16/01/2018 | FRANCE | N°17-80070

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 janvier 2018, 17-80070


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
La commune de Z...    , partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 2016, qui, dans la procédure suivie contre Mme Christelle X... et M. Ambroise Y..., du chef d'infractions aux dispositions du code de l'urbanisme, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 novembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'

article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Dreifuss-Netter, co...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

-
La commune de Z...    , partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 2016, qui, dans la procédure suivie contre Mme Christelle X... et M. Ambroise Y..., du chef d'infractions aux dispositions du code de l'urbanisme, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 21 novembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Dreifuss-Netter, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller DREIFUSS-NETTER, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS,de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;

Vu les mémoires, en demande et en défense, et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 du code civil ancien, 1240 du code civil issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 421-1, L. 421-4, L. 480-3, L. 480-4, R. 421-1, R. 421-9 du code de l'urbanisme, 2, 3, 497, 509, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation de la loi, insuffisance de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a réformé le jugement qui n'avait pas statué sur l'action civile et a débouté la partie civile de toutes ses demandes ;

"aux motifs que Mme X... était propriétaire depuis le 17 avril 2007 d'un terrain à bâtir à Z...    dans le lotissement des [...]  ; qu'elle y faisait construire une maison d'habitation ; que par arrêté du 22 octobre 2008, le maire de Z...    notifiait à Mme X... la non-conformité d'un abri de jardin et des clôtures non terminées ; que cet abri en bois était détruit par les intempéries ; que les copropriétaires du lotissement, à l'assemblée générale du 19 février 2011, autorisaient la construction d'un abri de jardin inférieur à 15m² ; qu'en août 2012, le couple X...-Y... décidait de construire un abri « en dur » ; que par arrêté interruptif des travaux, en date du 14 septembre 2012, suite au signalement du président de l'association syndicale « [...]       », le maire de Z...   exigeait la cessation des travaux en cours chez la prévenue, en l'espèce de l'abri de jardin « en dur » ; qu'entendu, le couple X...-Y... refusait de démolir ; que par jugement prononcé le 24 novembre 2015 par le tribunal correctionnel de Montpellier, Mme X... et M. Y... étaient relaxés ; que le 26 novembre 2015, la commune de Z...    relevait appel des dispositions civiles du jugement ;

"et aux motifs qu'aux termes de l'article 2 du code de procédure pénale, et sauf dérogation législative, l'action civile ne peut être exercée devant les juridictions pénales que par celui-là même qui a subi un préjudice personnel prenant directement sa source dans l'infraction poursuivie ; que la victime doit être en mesure de justifier d'un dommage personnel directement causé par l'infraction pour pouvoir se constituer partie civile devant la juridiction de jugement ; qu'il lui appartient de démontrer l'existence d'un préjudice certain ; que les dispositions pénales du jugement du 24 novembre 2015 n'étant pas susceptibles d'appel par la partie civile, il n'y a pas lieu d'analyser la violation des règles d'urbanisme, qui a été définitivement jugée en première instance comme n'étant pas constituée en l'espèce ; qu'en raison de la relaxe, il appartient à la partie civile de démontrer une faute civile à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ; qu'en l'espèce les prévenus ont été relaxés par le tribunal correctionnel, la violation des règles de l'urbanisme, comme soutenue par la commune de Z...   , n'ayant pas été retenue ; qu'en effet les prévenus s'appuient sur le règlement intérieur de copropriété du 19 février 2011 qui leur permettait de construire un abri de jardin inférieur à 15 m² ce qu'ils ont respecté ; qu'en conséquence de quoi, il ne peut leur être imputé une faute civile ; que l'appel interjeté par la commune ne porte que sur les dispositions civiles de sorte qu'il ne peut plus être discuté de la commission de l'infraction de continuité de travaux nonobstant l'arrêté municipal, en date du 25 septembre 1995 ; qu'en l'absence de violation retenue par le tribunal correctionnel des règles d'urbanisme et en l'absence d'une faute civile la commune ne peut faire valoir un préjudice et n'a donc pas intérêt à agir ; qu'en conséquence, la partie civile sera déboutée de ses demandes ;

"1°) alors que l'autorité de la chose jugée attachée aux dispositions relatives à l'action publique ne fait pas obstacle au droit pour la partie civile, seule appelante d'une décision de relaxe, d'obtenir réparation de son préjudice résultant directement d'une faute civile démontrée, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ; qu'en retenant, pour débouter la partie civile de ses demandes indemnitaires, que les dispositions pénales du jugement du 24 novembre 2015 n'étant pas susceptibles d'appel par la partie civile, il n'y avait pas lieu d'analyser la violation des règles d'urbanisme, qui a été définitivement jugée en première instance comme n'étant pas constituée sans rechercher elle-même, alors qu'elle était saisie par la partie civile d'une demande de réparation, si une faute civile tenant à la violation des règles d'urbanisme visées dans les poursuites n'était pas caractérisée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article 509 du code de procédure pénale et le principe ci-dessus rappelé ;

"2°) alors que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; que la continuation de travaux en dépit d'un arrêté interruptif de travaux suppose, pour être caractérisée, l'existence d'un tel arrêté et la continuation en connaissance de cause des travaux en dépit de celui-ci ; qu'en déboutant la commune de Z... de ses demandes indemnitaires lorsqu'il ressortait des constatations mêmes de l'arrêt la continuation par Mme X... et M. Y..., en connaissance de cause, des travaux malgré l'arrêté interruptif de travaux du 14 septembre 2012, faits susceptibles d'ouvrir droit à la réparation des préjudices de la partie civile, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"3°) alors que l'insuffisance de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en relevant que les prévenus s'appuyaient sur le règlement intérieur de copropriété du 19 février 2011 qui leur permettait de construire un abri de jardin inférieur à 15 m², ce qu'ils ont respecté de sorte qu'aucune faute civile ne pouvait leur être imputée lorsqu'il ressortait des pièces de la procédure, notamment de l'aveu même de Mme X... lors de son audition par les enquêteurs et du procès-verbal de synthèse, que la superficie de l'abri était supérieure à 15m² voire d'une vingtaine de mètres carrés et lorsqu'une telle construction, indépendamment de la décision de l'assemblée générale des copropriétaires du lotissement du 19 février 2011, était soumise à tout le moins à déclaration préalable en vertu de l'article R. 421-9 du code de l'urbanisme voire à permis de construire si elle excédait 20m², la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des textes susvisés" ;

Vu l'article 509 du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il se déduit de ce texte que l'autorité de la chose jugée attachée aux dispositions relatives à l'action publique ne fait pas obstacle au droit, pour la partie civile, seule appelante d'une décision de relaxe, d'obtenir réparation de son préjudice résultant directement d'une faute civile, démontrée à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme X..., propriétaire d'un terrain à bâtir, à Z...   , situé dans un lotissement, sur lequel elle avait fait construire une maison d'habitation, ayant entrepris, avec M. Ambroise Y..., la construction d' un abri de jardin en maçonnerie, le couple a fait l'objet, suite à un signalement du président de l'association syndicale du lotissement, d'une décision du maire de Z...   , en date du 14 septembre 2012, exigeant la cessation des travaux en cours, ce qu'ils ont refusé ; qu'ils ont été cités devant le tribunal correctionnel qui les a renvoyés des fins de la poursuite, sans prononcer sur la constitution de partie civile de la commune de Z...  ; que celle-ci a interjeté appel ;

Attendu que, pour débouter la partie civile de ses demandes, l'arrêt énonce que les prévenus ont été relaxés par le tribunal correctionnel, la violation des règles de l'urbanisme n'ayant pas été retenue ; que les juges ajoutent que ces derniers se prévalent du règlement intérieur de copropriété du 19 février 2011 qui leur permettait de construire un abri de jardin inférieur à 15 m² ce qu'ils ont respecté, en conséquence de quoi, il ne peut leur être imputé une faute civile ; que la cour d'appel en déduit qu'en l'absence de violation retenue par le tribunal correctionnel des règles d'urbanisme et en l'absence d'une faute civile, la commune ne peut faire valoir un préjudice et n'a donc pas intérêt à agir ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher elle-même, alors qu'elle était saisie par la partie civile d'une demande de réparation, si une faute civile n'était pas caractérisée, à partir et dans la limite des faits objet de la poursuite, et alors qu'elle avait constaté que les prévenus avaient été poursuivis pour avoir continué, en connaissance de cause, des travaux nonobstant l'arrêté interruptif pris par le maire, faits dont les prévenus connaissaient la nature exacte en dépit de l'erreur matérielle de date figurant à la prévention, et susceptibles d'ouvrir droit à la réparation des préjudices de la partie civile, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 15 décembre 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le seize janvier deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 17-80070
Date de la décision : 16/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 15 décembre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 jan. 2018, pourvoi n°17-80070


Composition du Tribunal
Président : M. Soulard (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:17.80070
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