LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims,16 septembre 2016), que Madeleine C... est décédée le [...], laissant pour lui succéder ses enfants Suzanne, Elisabeth et Pierre, issus de son union avec Raymond Y..., son époux prédécédé [...], et ses petits-enfants, Jérôme et Julia, venant par représentation de leur père, Jacques, décédé le [...] ; que ces derniers ont renoncé à la succession de leur père le 26 octobre 2010 ; que Mme Suzanne Y... et M. Pierre Y... (les consorts Y...) ont assigné leur soeur en comptes, liquidation et partage de la succession ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Elisabeth Y... fait grief à l'arrêt de déclarer les demandes des consorts Y... recevables et d'ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions de Raymond Y... et de Madeleine C..., son épouse, alors, selon le moyen, que les juges ne peuvent dénaturer les écrits clairs et précis qui leurs sont soumis ; qu'en considérant, pour juger que l'assignation répondait aux exigences de l'article 1360 du code de procédure civile, que celle-ci contenait les intentions des demandeurs puisqu'elle précisait « que Mme Elisabeth Y... aura une soulte à verser à ses frères et soeurs » alors que l'assignation ne fait aucune référence à une soulte et ne mentionne nullement les intentions des demandeurs au partage, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette assignation, en méconnaissance du principe de l'obligation pour les juges de ne pas dénaturer les documents de la cause et de l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est par une interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, qu'après avoir constaté que les consorts Y... demandaient l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage ainsi que la réintégration fictive des libéralités consenties par les défunts à la masse active des successions pour apprécier les droits de chaque héritier, la cour d'appel a retenu que l'assignation, délivrée avant la renonciation de Mme Elisabeth Y... aux successions de ses parents, tendait à la fixation d'une soulte à sa charge ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme Elisabeth Y... fait grief à l'arrêt de dire que sa renonciation aux successions de ses parents ne la préserve pas d'une action en réduction si la donation en avancement d'hoirie du 26 mars 1968 excède la quotité disponible, et en conséquence de juger que l'action en réduction n'était pas prescrite, alors, selon le moyen :
1°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que Mme Elisabeth Y... faisait valoir dans ses conclusions qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure de sorte que le nouveau délai de droit commun de 5 ans commençant à courir à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit à compter du 19 juin 2008, l'action en réduction était prescrite le 18 juin 2013, soit avant que les consorts Y... n'invoquent l'exercice de cette action, dont leur assignation délivrée le 6 mai 2013 ne fait pas mention ; qu'en ne répondant pas à ses conclusions opérantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que les juges ne peuvent dénaturer les écrits clairs et précis qui leurs sont soumis ; qu'en considérant, pour juger que l'action en réduction n'était pas prescrite, que celle-ci avait été introduite le 6 mai 2013 par l'assignation en partage judiciaire alors que les consorts Y... n'ont pas assigné Mme Elisabeth Y... afin de voir réduite la libéralité dont elle avait bénéficié, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette assignation, en méconnaissance du principe de l'obligation pour les juges de ne pas dénaturer les documents de la cause et de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ qu'à supposer que la cour d'appel ait suivi les consorts Y... dans leur raisonnement qui soutenait que la demande en partage judiciaire présentant un caractère universel, elle interromprait la prescription de toute autre demande relativement aux biens composant l'universalité à partager, l'effet interruptif de prescription attaché à une demande de justice ne s'étend pas à une seconde demande différente de la première par son objet ; qu'en considérant, pour juger que l'action en réduction n'était pas prescrite, que celle-ci avait été introduite le 6 mai 2013 par l'assignation en partage judiciaire sans constater que l'action en réduction avait le même objet que la demande initiale en partage judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du code civil ;
4°/ qu'en considérant, pour juger que l'action en réduction n'était pas prescrite, que celle-ci avait été introduite le 6 mai 2013 par l'assignation en partage judiciaire alors que l'action en réduction était distincte, n'avait pas le même objet et ne poursuivait pas le même but que la demande initiale en partage judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil ;
Mais attendu que la demande en réduction d'une libéralité excessive n'est soumise à aucun formalisme particulier ; que, dès lors, la cour d'appel, qui n'était tenue ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a souverainement estimé qu'en demandant l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage des successions de leurs père et mère ainsi que le rapport des donations, les consorts Y... avaient manifesté leur volonté de voir procéder à la réduction des libéralités consenties à Mme Elisabeth Y..., de sorte que cette action, introduite par l'assignation du 6 mai 2013, n'était pas prescrite ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Elisabeth Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour Mme Elisabeth Y....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit M. et Mme Pierre et Suzanne Y... recevables en leurs demandes au regard de l'article 1360 du code de procédure civile et d'avoir ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de Raymond Y... et de Madeleine C..., son épouse,
AUX MOTIFS QUE
« Sur la recevabilité des demandes au regard de l'article 1360 du code de procédure civile :
L'article 1360 du code de procédure civile précise : «A peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable».
L'assignation en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision successorale Y... - C... délivrée à Mme Z... le 6 mai 2013 indique que trois donations ont été consenties en 1968 par les époux Y... - C..., à leur fils Jacques, puis à leurs filles Elisabeth et Suzanne, donations qui constituent l'actif de l'indivision successorale Y... - C... et doivent être réintégrées fictivement à la masse active de la succession pour apprécier les droits héréditaires de chacun. L'assignation précise que la masse à partager se limite au rapport fictif des libéralités et que Mme Z... aura une soulte à verser à ses frère et soeur.
L'assignation fait également état des différents échanges épistolaires entre les consorts Y... et leurs notaires respectifs, échanges qui révèlent que le principe de la réintégration fictive des donations de 1968 dans l'actif de la succession n'est pas unanimement admis. Le bordereau des pièces versées aux débats, repris en fin de l'assignation, mentionne précisément les divers courriers échangés entre héritiers et notaires depuis juin 2011.
Il apparaît ainsi que l'assignation décrit suffisamment le patrimoine à partager, précise les intentions des demandeurs qui se limitent au paiement d'une soulte par Mme Z... ainsi que les diligences menées pour obtenir un partage amiable. Elle répond donc aux exigences de l'article 1360 du code de procédure civile. Le jugement entrepris est infirmé en ce sens ; » (arrêt, p. 3, al. 3 à 6),
ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits clairs et précis qui leurs sont soumis ; qu'en considérant, pour juger que l'assignation répondait aux exigences de l'article 1360 du code de procédure civile, que celle-ci contenait les intentions des demandeurs puisqu'elle précisait « que Mme Z... aura une soulte à verser à ses frères et soeurs » (arrêt, p. 3, al. 4 et 6) alors que l'assignation ne fait aucune référence à une soulte et ne mentionne nullement les intentions des demandeurs au partage, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette assignation, en méconnaissance du principe de l'obligation pour les juges de ne pas dénaturer les documents de la cause et de l'article 4 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que la renonciation de Mme Z... aux successions de ses parents ne la préserve pas d'une action en réduction si la donation en avancement d'hoirie du 26 mars 1968 excède la quotité disponible, et d'avoir en conséquence jugé que l'action en réduction des consorts Pierre et Suzanne Y... n'était pas prescrite,
AUX MOTIFS QUE
« Sur la prescription de l'action en réduction
L'article 921 du code civil dispose que la réduction des dispositions entre vifs ne peut être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants cause. Tel est bien le cas des appelants. Mme Z... oppose aux appelants l'alinéa 2 du même article 921, en sa rédaction résultant de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, selon laquelle «Le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès».
Cependant cet alinéa 2 ne s'applique qu'aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007, y compris si des libéralités ont été consenties par le défunt antérieurement à celle-ci, en vertu de l'article 47 II de la loi du 23 juin 2006, ladite loi contenant des dispositions relatives à son application dans le temps. Les successions en cause se sont ouvertes par la mort de M. Raymond Y... le [...] et par celle de Mme Madeleine C... veuve Y... le [...]. L'alinéa 2 précité ne leur est donc pas applicable.
Antérieurement à la loi du 23 juin 2006, le délai de prescription de l'action en réduction était en principe de trente ans à compter du jour du décès du disposant. Par suite, au 6 mai 2013, jour de l'assignation en partage judiciaire, l'action en réduction n'était pas prescrite.
Il est donc fait droit à la demande en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions des époux C... - Y... », (arrêt, p. 4, al. 3 à 7),
1°) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que Mme Z... faisait valoir dans ses conclusions qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure de sorte que le nouveau délai de droit commun de 5 ans commençant à courir à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit à compter du 19 juin 2008, l'action en réduction était prescrite le 18 juin 2013, soit avant que les consorts Pierre et Suzanne Y... n'invoquent l'exercice de cette action, dont leur assignation délivrée le 6 mai 2013 ne fait pas mention (conclusions d'appel, p. 7, al. 5 à p. 8) ; qu'en ne répondant pas à ses conclusions opérantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les juges ne peuvent dénaturer les écrits clairs et précis qui leurs sont soumis ; qu'en considérant, pour juger que l'action en réduction n'était pas prescrite, que celle-ci avait été introduite le 6 mai 2013 par l'assignation en partage judiciaire (arrêt, p. 4, al. 6) alors que les consorts Y... n'ont pas assigné Mme Z... afin de voir réduite la libéralité dont elle avait bénéficié, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette assignation, en méconnaissance du principe de l'obligation pour les juges de ne pas dénaturer les documents de la cause et de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, subsidiairement, QU' à supposer que la cour d'appel ait suivi les consorts Pierre et Suzanne Y... dans leur raisonnement qui soutenait que la demande en partage judiciaire présentant un caractère universel, elle interromprait la prescription de toute autre demande relativement aux biens composant l'universalité à partager, l'effet interruptif de prescription attaché à une demande de justice ne s'étend pas à une seconde demande différente de la première par son objet ; qu'en considérant, pour juger que l'action en réduction n'était pas prescrite, que celle-ci avait été introduite le 6 mai 2013 par l'assignation en partage judiciaire sans constater que l'action en réduction avait le même objet que la demande initiale en partage judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du code civil ;
4°) ALORS, encore plus subsidiairement, QU'en considérant, pour juger que l'action en réduction n'était pas prescrite, que celle-ci avait été introduite le 6 mai 2013 par l'assignation en partage judiciaire alors que l'action en réduction était distincte, n'avait pas le même objet et ne poursuivait pas le même but que la demande initiale en partage judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil.