LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société de Bois-Y..., agissant en qualité de liquidateur de la société Van Mullem, du désistement de son pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre cette société ;
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société de Bois-Y..., ès qualités, que sur le pourvoi incident relevé par la société Van Mullem ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Van Mullem a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 26 juillet et 11 septembre 2012, la société de Bois-Y... étant nommée liquidateur ; que l'agent comptable de l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (l'Oppic), établissement public à caractère administratif, a déclaré une créance qui a été contestée par le liquidateur ; que conformément à la proposition de ce dernier, le juge-commissaire a rejeté la créance, faute de réponse du créancier dans le délai de trente jours à la lettre de contestation ; que l'Oppic, agissant par son agent comptable, a formé un recours contre cette ordonnance, en faisant valoir que ni le délai d'appel contre l'ordonnance du juge-commissaire, ni celui pour répondre à la contestation n'avaient couru, au motif que cette ordonnance et la lettre de contestation n'avaient pas été "notifiées" à son agent comptable, seul compétent pour déclarer les créances ;
Sur les premiers moyens des pourvois principal et incident, rédigés en termes identiques :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur les seconds moyens des pourvois, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques, réunis :
Vu les articles 665 et 692 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 622-27, L. 624-3 et R. 624-1 du code de commerce ;
Attendu que, pour juger que l'Oppic est recevable à contester la proposition de rejet de sa créance formulée par le mandataire judiciaire, l'arrêt constate que le liquidateur a adressé sa lettre de contestation à l'Oppic, et non à l'agent comptable de celui-ci pourtant seul habilité à agir en matière de déclaration de créance ; qu'il en déduit qu'un tel envoi de la lettre de contestation, irrégulier, n'a pas fait courir le délai de trente jours prévu par l'article L. 622-27 du code de commerce pour contester la proposition du mandataire judiciaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'envoi de la lettre de contestation au siège de l'Oppic, qui avait la qualité de créancier, valait avis à celui-ci de l'existence de la contestation au sens de l'article R. 624-1, alinéa 2, du code de commerce, peu important que la lettre n'eût pas été adressée personnellement à l'agent comptable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société de Bois-Y..., en qualité de liquidateur de la société Van Mullem, la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens - identiques aux pourvois principal et incident - produits par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société de Bois-Y..., ès qualités, et la société Van Mullem
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir reçu l'Opérateur du Patrimoine et des Projets Immobiliers de la Culture agissant en la personne de son agent comptable en son appel et, en conséquence, d'avoir admis définitivement au passif de la société Van Mullem la créance de l'Opérateur du Patrimoine et des Projets Immobiliers de la Culture, à titre chirographaire, à hauteur de la somme de 52.248,74 € ;
AUX MOTIFS QUE le 7 août 2012 l'agent comptable de l'OPPIC a déclaré la créance de l'OPPIC pour un montant de 2.011.420,20 €, la déclaration étant signée d'un fondé de pouvoir de l'agent comptable ; (...) le greffe a notifié l'ordonnance du juge-commissaire le 3 octobre 2013 à l'OPPIC sans l'adresser à l'agent comptable ; (...) la cour ne dispose pas de l'accusé de réception de cette notification ; (...) il n'est ainsi pas établi que l'agent comptable de l'OPPIC, seul habilité à déclarer une créance de l'OPPIC au passif de la société Van Mullem, a reçu notification de l'ordonnance du juge-commissaire ; (...) dès lors le délai d'appel n'a pas valablement couru de sorte que l'appel de l'OPPIC agissant en la personne de son agent comptable formé le 10 février 2014 n'est pas tardif et est recevable ;
1°) ALORS QUE le juge ne peut se fonder sur une pièce lorsque les parties n'ont pas été mises en mesure de la discuter contradictoirement ; qu'en considérant que le greffe aurait notifié l'ordonnance du juge commissaire à l'OPPIC sans l'adresser à l'agent comptable, quand il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt, ni des conclusions des parties, ni de leurs bordereaux de communication de pièces que la lettre de notification du greffe aurait été produite au débat de sorte que les parties auraient été à même d'en discuter contradictoirement, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'une notification adressée à un établissement public au lieu de son siège est régulière ; qu'en considérant, pour estimer recevable l'appel de l'OPPIC formé le 10 février 2014, que le délai d'appel n'aurait pas valablement couru, quand il était constant et acquis au débat que le greffe avait notifié l'ordonnance du juge commissaire à l'OPPIC au lieu de son siège, la cour d'appel a violé les articles 690 et 692 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QU'une notification adressée à un établissement public au lieu de son siège est régulière ; qu'en considérant, pour estimer recevable l'appel de l'OPPIC formé le 10 février 2014, que la notification litigieuse n'avait pas été adressée à l'agent comptable de l'OPPIC, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, privant sa décision de base légale au regard des articles 690 et 692 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir reçu l'OPPIC agissant en la personne de son agent comptable en sa contestation de la proposition de rejet de sa créance de M. Y... ès qualités et, en conséquence, d'avoir admis définitivement au passif de la société Van Mullem la créance de l'Opérateur du Patrimoine et des Projets Immobiliers de la Culture, à titre chirographaire, à hauteur de la somme de 52.248,74 € ;
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article L. 622-27 du code de commerce le défaut de réponse par le créancier à la lettre de contestation du mandataire judiciaire dans le délai de trente jours interdit au créancier toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire ; le 14 janvier 2013 Me Y... ès qualités a envoyé une lettre de contestation de la créance déclarée par l'agent comptable de l'OPPIC ; cette lettre a été adressée à l'OPPIC et non à l'agent comptable pourtant seul habilité à agir en matière de déclaration de créance de l'OPPIC ; un tel envoi irrégulier de la lettre de contestation par le mandataire judiciaire n'a donc pas fait partir le délai de trente jours prévu par l'article L. 622-27 pour contester la proposition du mandataire judiciaire ; la contestation de la proposition de rejet de sa créance formée par l'OPPIC agissant en la personne de son agent comptable est dès lors recevable ;
1°) ALORS QUE le défaut de réponse dans un délai de trente jours à la lettre adressée par le mandataire judiciaire à un établissement public, même sans indication expresse de ce que cette lettre était adressée à l'agent comptable de cet établissement public, interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire ; qu'en jugeant la contestation de la proposition de rejet de sa créance formée par l'OPPIC agissant en la personne de son agent comptable motif pris que l'envoi de la lettre de contestation par le liquidateur serait irrégulier, pour avoir été adressé à l'OPPIC et non à son agent comptable, la cour d'appel a violé l'article L. 622-27 du code de commerce, dans sa version applicable à l'espèce ;
2°) ALORS QU'il n'est pas permis au juge de dénaturer les documents de la cause ; que la lettre adressée par le liquidateur le 14 janvier 2013 comporte, en en-tête, le nom de l'OPPIC ainsi que l'adresse de l'établissement public, mais aucune indication de la personne précise à laquelle elle était destinée ; qu'en estimant que ce courrier n'aurait pas été adressé à l'agent comptable de l'OPPIC, la cour d'appel l'a dénaturé en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.