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09/01/2018 | FRANCE | N°16-86735

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 janvier 2018, 16-86735


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° G 16-86.735 F-P+B

N° 3142

CG11
9 JANVIER 2018

CASSATION

M. X... président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

CASSATION et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par M. Christophe Y..., partie civile, contre l'a

rrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 23 septembre 2016, qui, sur renvoi après cass...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° G 16-86.735 F-P+B

N° 3142

CG11
9 JANVIER 2018

CASSATION

M. X... président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

CASSATION et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par M. Christophe Y..., partie civile, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 23 septembre 2016, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 6 mai 2015, n° 14-80.507), dans l'information suivie, sur sa plainte, contre M. Jérôme Z..., du chef d'escroquerie, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant irrecevable sa constitution de partie civile après avoir constaté l'extinction de l'action publique par la prescription AR ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 novembre 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard , président, M. Parlos , conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de M. le conseiller Parlos , les observations de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CROIZIER ;

Vu le mémoire et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par acte sous seing privé du 30 mai 2005 comportant des conditions suspensives, suivi d'un acte notarié en date du 14 octobre 2005, M. Y... a acquis une officine de pharmacie ; qu'à la suite de la plainte du chef d'escroquerie qu'il a portée le 11 octobre 2008 à l'encontre du vendeur, le procureur de la République a adressé, le 15 octobre suivant, des instructions aux fins d'enquête aux services de gendarmerie, qui ont établi des procès-verbaux les 21 janvier et 5 février 2009 ; qu'après classement sans suite de cette plainte le 21 mai 2010, motif pris de ce que l'action publique aurait été prescrite, M. Y... s'est constitué partie civile devant le doyen des juges d'instruction par lettre recommandée avec accusé de réception, parvenue au greffe de ce magistrat le 6 février 2012 ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 199 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

"en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance constatant la prescription de l'action publique et déclarant irrecevable la constitution de partie civile de M. Christophe Y... ;

"aux énonciations qu'ayant entendu en l'audience du 22 juin 2016 tenue en chambre du conseil Mme la présidente Alluto, en son rapport, le ministère public en ses réquisitions ;

"alors qu'en l'absence de mention au sein de l'arrêt attaqué quant à la présence et à l'intervention du conseil de la partie civile, l'arrêt ne fait pas la preuve de sa régularité et ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale" ;

Attendu que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par les pièces de la procédure dont elle a le contrôle, que l'avocat de M. Y... avait, en déposant son mémoire au greffe de la chambre de l'instruction, fait connaître à cette juridiction qu'il ne serait pas présent à l'audience ;

Attendu, dès lors, que le moyen par lequel le demandeur fait grief à l'arrêt de ne pas avoir mentionné si son avocat était présent à l'audience et avait été entendu est inopérant ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 313-1 et 314-1 du code pénal, 7, 8 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoirs :

"en ce que la chambre de l'instruction a confirmé l'ordonnance constatant la prescription de l'action publique et déclarant irrecevable la constitution de partie civile de M. Y... ;

"aux motifs qu'en matière d'escroquerie, la prescription ne commence à courir qu'à compter de l'obtention du dernier acte opérant obligation ou décharge, en l'espèce l'acte notarié du 14 octobre 2005 ; qu'il ressort de la procédure que le premier acte qui aurait valablement pu interrompre la prescription, à savoir le soit-transmis adressé aux services de gendarmerie aux fins d'enquête par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Perpignan est en date du 15 octobre 2008 ; que trois années se sont donc écoulées sans qu'il n'ait été fait, dans cet intervalle, aucun acte d'instruction ou de poursuite ; que contrairement à ce que soutient le conseil de la partie civile dans son mémoire, il ressort des pièces produites et notamment de la plainte avec constitution de partie civile que les faits dénoncés dans cette plainte et susceptibles de recevoir une qualification pénale sont antérieurs au 14 octobre 2005 et qu'ils n'ont fait l'objet, avant le 15 octobre 2008, d'aucun acte d'instruction ou de poursuite ;

"1°) alors que la prescription ne court qu'à compter du lendemain du jour où l'infraction a été commise et expire le dernier jour du délai à minuit ; qu'ayant constaté que l'infraction avait été commise le 14 octobre 2005, en retenant que l'acte d'enquête réalisé le 15 octobre 2008 n'avait pu interrompre la prescription triennale alors applicable, la cour d'appel a méconnu l'article 8 du code de procédure pénale ;

"2°) alors qu'à l'égard de faits d'escroquerie ayant déterminé à consentir à une vente, le délai de prescription ne court qu'à compter de la date de la remise du prix de cette vente, et non à compter de la signature de l'acte lui-même ; qu'en fixant le point de départ du délai de prescription à la date de la signature de l'acte notarié et non à celle où le prix a été versé entre les mains du cédant, la chambre de l'instruction a violé les dispositions précitées ;

"3°) alors que le procès-verbal d'audition de M. Y... réalisé dans le cadre de l'enquête préliminaire, joint par ce dernier à sa plainte avec constitution civile, mentionne que l'intéressé signalait que le cessionnaire avait tenté d'obtenir, postérieurement à la cession, paiement du prix des marchandises en stocks (procès-verbal d'audition, p. 3, § 11 et 12 ; mémoire devant la chambre de l'instruction, p. 2, § 1) ; qu'en omettant de rechercher si cette tentative de remise d'une partie du prix de la cession postérieurement à cette dernière ne constituait pas, avec la conclusion des actes de vente, un ensemble indivisible de manoeuvres frauduleuses dont elle constituait le dernier élément constitutif, à la date de laquelle le point de départ du délai de prescription devait être fixé, la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision ;

"4°) alors qu'en cas de falsification des documents comptables ayant permis la détermination du prix d'acquisition d'un fonds de commerce, le délai de prescription du délit d'escroquerie ne court qu'à compter de la découverte desdites falsifications dans des conditions de nature à permettre l'exercice de l'action publique ; qu'en se déterminant en fonction de la date de la signature de l'acte de cession du fonds de commerce et non à celle à laquelle la partie civile avait découvert l'existence des falsifications dans des conditions de nature à lui permettre de mettre en mouvement l'action publique, la chambre de l'instruction a violé les textes précités ;

"5°) alors qu'une juridiction d'instruction ne peut mettre fin à l'action publique en constatant la prescription des faits visés dans une plainte avec constitution de partie civile sans se prononcer à l'égard de chacun des faits dénoncés et de leur qualification juridique ; que, dans sa plainte avec constitution de partie civile et dans son mémoire régulièrement déposé devant la chambre de l'instruction (p. 2, dernier § ; p. 3, dernier §), M. Y... faisait valoir que le cédant avait commis un détournement de clientèle après la cession et mettait ainsi en mouvement l'action publique sur des faits susceptibles d'être qualifiés d'abus de confiance commis postérieurement à la signature des actes de cession (plainte avec constitution de partie civile, p. 4, § 6, in fine) ; qu'en se bornant à constater la prescription des faits d'escroquerie et de faux réalisés au cours de la cession, impropre à justifier un non-lieu pour le détournement de clientèle commis après cette dernière et susceptible de caractériser un délit d'abus de confiance, la chambre de l'instruction a violé les textes précités et excédé ses pouvoirs" ;

Vu les articles 7, alinéa 1, et 8, alinéa 1, du code de procédure pénale, dans leur rédaction issue de la loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957 portant institution d'un code de procédure pénale, applicable avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale ;

Attendu qu'aux termes des articles 7 et 8 précités, l'action publique en matière de délit se prescrit après trois années révolues à compter du jour où ces infractions ont été commises si, dans l'intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite ; que ce délai, qui ne commence à courir que le lendemain du jour où l'infraction aurait été commise, le terme révolu excluant le jour où le délit a été perpétré du délai pendant lequel court le temps de la prescription, se calcule de quantième à quantième et expire le dernier jour à minuit ;

Attendu que, pour constater l'extinction de l'action publique, l'arrêt énonce qu'en matière d'escroquerie, la prescription ne commence à courir qu'à compter de l'obtention du dernier acte opérant obligation ou décharge, en l'espèce l'acte notarié du 14 octobre 2005 ; que les juges retiennent que le premier acte qui aurait valablement pu interrompre la prescription, à savoir, le soit-transmis adressé aux services de gendarmerie aux fins d'enquête par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Perpignan, est en date du 15 octobre 2008 ; qu'ils ajoutent qu'il ressort des pièces produites et notamment de la plainte avec constitution de partie civile que les faits dénoncés dans cette plainte, et susceptibles de recevoir une qualification pénale, sont antérieurs au 14 octobre 2005 et qu'ils n'ont fait l'objet, avant le 15 octobre 2008, d'aucun acte d'instruction ou de poursuite ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi alors que c'est le 15 octobre 2008 à minuit qu'était venu à expiration le délai de la prescription, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, en date du 23 septembre 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Montpellier, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil DAR ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf janvier deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 16-86735
Date de la décision : 09/01/2018
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

ACTION PUBLIQUE - Extinction - Prescription - Délai - Computation - Modalités - Détermination

PRESCRIPTION - Action publique - Délai - Computation - Modalités - Détermination ESCROQUERIE - Action publique - Prescription - Délai - Point de départ

Aux termes des articles 7 et 8 du code de procédure pénale [dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017], l'action publique en matière de délit se prescrit après trois années révolues à compter du jour où ces infractions ont été commises si, dans l'intervalle, il n'a été fait aucun acte d'instruction ou de poursuite. Ce délai, qui ne commence à courir que le lendemain du jour où l'infraction aurait été commise, le terme révolu excluant le jour où le délit a été perpétré du délai pendant lequel court le temps de la prescription, se calcule de quantième à quantième et expire le dernier jour à minuit. Encourt la cassation l'arrêt d'une chambre de l'instruction qui, pour constater l'extinction de l'action publique, après avoir relevé qu'en matière d'escroquerie, la prescription ne commence à courir qu'à compter de l'obtention du dernier acte opérant obligation ou décharge, en l'espèce le 14 octobre 2005, énonce que le premier acte qui aurait valablement pu interrompre la prescription, à savoir le soit-transmis adressé aux services de gendarmerie aux fins d'enquête par le procureur de la République, est en date du 15 octobre 2008, les faits susceptibles de recevoir une qualification pénale, antérieurs au 14 octobre 2005, n'ayant été l'objet, avant le 15 octobre 2008, d'aucun acte d'instruction ou de poursuite


Références :

articles 7 et 8 du code de procédure pénale, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nîmes, 23 septembre 2016

Sur les modalités de computation du délai de prescription de l'action publique, à rapprocher : Crim., 12 novembre 2014, pourvoi n° 13-84444, Bull. crim. 2014, n° 236 (cassation)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 jan. 2018, pourvoi n°16-86735, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard
Avocat(s) : SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2018:16.86735
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